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Incursions sur les pistes – Généralités et incidents

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Le plus grave accident de l’histoire de l’aviation a eu lieu au sol. Il s’agissait d’un impact entre deux Boeing 747 qui se trouvaient sur la même piste par temps de brouillard. Le premier, un Pan Am, ne devait pas se trouver sur la piste. Le second, un KLM, avait tenté de décoller sans autorisation suite à une confusion dans la communication avec la tour de contrôle. Il eut 583 morts et plusieurs dizaines de blessés. C’était en mars 1977. Pour autant, le problème des incursions sur les pistes n’est pas réglé jusqu’à nos jours.

Chaque année, de nombreux incidents impliquent des avions entre eux, ou des avions et des véhicules de service, des personnes ou des objets au sol. Afin de classer correctement ces incidents, la FAA a défini une échelle de sévérité en fonction des risques encourus par les avions impliqués.

Catégorie A Collision évitée de justesse grâce à la réaction adaptée et nécessaire des participants.
Catégorie B Faible séparation avec risque significatif de collision. Temps de réaction très faible.
Catégorie C Faible séparation mais temps et distance suffisants pour des manœuvres d’évitement.
Catégorie D Séparation en dessous du minimum légal mais avec aucun risque de collision.

Les cas les plus nombreux sont constitués par la catégorie D. Sur des aéroports surchargés, ils sont régulièrement signalés.

Les facteurs de risques
Une situation de danger peut survenir à tout moment, sur n’importe quel aéroport du monde. Néanmoins, un certain nombre de schémas sont régulièrement associés aux incidents.

Conditions de visibilité et radar au sol : Dès que la bruine ou le brouillard arrivent sur un terrain, les opérateurs commencent à avoir des doutes sur les positions des uns et des autres. Les contrôleurs sol se basent uniquement sur les déclarations des pilotes pour garantir les séparations règlementaires. Si un pilote se trompe de position ou de voie de circulation, il n’y a pas moyen de détecter le problème avant la survenance d’un incident. Sur les aéroports les plus modernes, il y a des radars spéciaux qui permettent de savoir la position réelle de chaque avion ou même de chaque véhicule. Malheureusement, cet équipement n’est pas généralisé et pose aussi des problèmes de surcharge de travail quand tout à coup il connaît des moments d’indisponibilité.

 

incursion sur les pistes - radar sol
Exemple de détection de conflit par le sytème PathProx
 

De nuit, même par visibilité illimitée, des avions peuvent rester cachés dans la mesure où leur éclairage peut se confondre avec celui des pistes et voies de circulation.

Structure et installations du terrain : les aéroports peuvent présenter des caractéristiques favorables aux erreurs. On peut citer :
– Pistes parallèles : ces pistes portent le même numéro et sont distinguées par des lettres L, R ou encore C quand il y en a trois. Il y a un net potentiel de confusion. Exemple : aéroport de Djeddah (OEJN) en Arabie Saoudite. Il comporte 3 pistes parallèles R, C, L en directions 16 ou 34.
– Pistes parallèles proches : Dans ce cas, le risque est d’avoir un pilote qui quitte une piste après un atterrissage et qui croise la suivante par inadvertance. Exemple : Saint Louis International, Missouri, USA (KSTL). Cet aéroport particulièrement compliqué disposait de 4 pistes parallèles de longueurs inégales et dont deux n’étaient séparées que de 100 mètres. En outre, ces pistes étaient croisées par une cinquième. L’une des pistes était en 13/31. Après une incursion de catégorie A impliquant un 757 et un Beech 1900, cette dernière piste fut fermée et transformée en voie de circulation.
– La présence de pistes qui se coupent : quand l’angle est faible, elles peuvent être utilisées les deux en même temps pour les départs et arrivées de manière alternée. Le risque est d’avoir deux mouvements simultanés sur les deux pistes. L’erreur pouvant venir des pilotes ou des contrôleurs. Exemple : Zurich (LSZH). Cependant, ce terrain est équipé d’un radar sol très perfectionné appelé SAMAX et qui permet de voir en temps réel le déplacement des avions et de tous les autres véhicules.
– Piste 13 : ce n’est pas de la superstition, mais quand une piste porte le numéro 13, la direction opposée est la 31. En radio, il est facile de confondre entre une autorisation d’atterrir sur la piste « unité – trois » ou « trois – unité ». Exemple : Boeing Field, Seattle, USA (KBFI). Un jour, deux avions ont atterrit en même temps en directions opposées. Après un freinage d’urgence, ils se sont arrêtés à 30 mètres l’un de l’autre. C’est un cas de catégorie A.
– Travaux sur le terrain : la fermeture de certaines pistes ou voies de circulations pour travaux comporte toujours des risques liés à des pilotes non correctement informés ou disposants de cartes dépassées.
– Terrains compliqués : certains terrains disposent de toutes les caractéristiques décrites ci-dessus. Le plus souvent, ils sont équipés de radars sol qui diminuent les risques, mais le nombre de mouvements reste élevé.

Les facteurs de risque peuvent être aussi associés aux pilotes et aux contrôleurs. En termes de communication, l’Anglais est la langue utilisée par défaut. Les problèmes ne se posent pas tant avec les personnes dont l’Anglais n’est pas la langue maternelle, mais surtout avec ceux qui n’utilisent pas la phraséologie standard. Ces écarts sèment le doute et jettent une ombre d’incertitude sur les intentions des intervenants. Comme souvent, on trouve aussi les violations délibérées ou non ainsi que les pressions opérationnelles qui poussent à la faute.

Quelques chiffres
Rien qu’aux USA, on compte 176’000 mouvements par jour sur les 500 aéroports dotés d’une tour de contrôle. En 2004, on dénombra 1’395 incursions de divers niveaux de gravité y compris de catégorie A impliquant des avions de ligne. On dénombra 28 cas pouvant être classés en catégories A et B.

Dans 55% des cas de catégories A et B, c’est une déviation des pilotes des instructions données qui provoqua l’incident. La majorité de ces déviations sont le fait de pilotes privés opérant des vols non commerciaux mais qui menacent la sécurité des avions de ligne . Plus de 76% des incursions impliquent au moins un appareil de l’aviation générale. Les trois erreurs les plus reprochées aux pilotes sont dans cet ordre :
1. Rater les lignes d’arrêt à l’entrée des pistes
2. Traverser une piste sans autorisation
3. Entrer sur une piste sans autorisation

Toutes ces erreurs sont liées à une mauvaise interprétation des marquages au sol. A chaque entrée de piste, il y a une double ligne continue et une double ligne discontinue en couleur jaune brillant. Elles sont peintes sur le sol et peuvent être renforcées par un fond noir pour une meilleure visibilité.

 

hold short line
Ligne Hold Short. Sans autorisation ATC, ne jamais croiser
la ligne continue si c’est elle qui se présente en premier (Ici OACI Motif A).
 

 

Le signe d’arrêt se trouve à chaque entrée ou de sortie de piste. Quand l’appareil quitte une piste, le signe se présente avec les lignes discontinues en premier. Il ne faut surtout pas s’y arrêter ! Autrement, la moitié de l’avion serait encore sur la piste. Par contre, dès qu’un tel signe surgit avec les lignes continues en premier, il faut s’y arrêter et ne le traverser que si on dispose d’une autorisation ATC et que l’on sait exactement où l’on va.

Malheureusement, dans toutes les formations de pilote, les chapitres concernant le marquage au sol font souvent office de parent pauvre. De très nombreux pilotes ne sont pas très au clair avec les signalisations des aéroports. Elles sont rappelées dans toutes les publications AIP et quelques heures de travail permettent d’en faire définitivement le tour.

L’étude des traversées intempestives de la ligne Hold Short, a montré que dans 40% des cas, les pilotes avaient très bien compris et répété les instructions du contrôleur aérien. Durant les enquêtes, la moitié de ces pilotes disent qu’ils ont croisé la ligne sans même le réaliser. Dans 26% des cas , les pilotes réalisaient une tache qui exigeait qu’ils aient la tête baissée et ne regardaient donc pas dehors. Enfin, dans un tiers des cas, les pilotes disent avoir croisé la ligne parce qu’elle ne se trouvait pas là où ils avaient l’habitude de la voir. En effet, dans certains aérodromes, le point d’attente peut être non pas à l’entrée de la piste, mais bien plus en amont.

Recommandations
L’aéroport de DeKalb, en Géorgie, dispose de trois pistes qui se croisent toutes formant un triangle au milieu. Ses responsables sont très impliqués dans la lutte contre les incursions et ils en déplorent plusieurs par année. Ils émettent des recommandations de bon sens aux pilotes :
– Répétez toutes les autorisations d’entrée et de croisement de piste données par le contrôleur aérien.
– Etudiez les cartes sol de lors de votre planification du vol
– Apprenez et soyez à jour avec les signalisations
– Lisez les NOTAM’s pour vous tenir informés des travaux et des fermetures de pistes et voies de circulation
– Ne jamais hésiter à demander des instructions progressives si vous n’êtes plus sûr du chemin à suivre
– Assurez-vous qu’il n’y a pas de trafic en approche ou sur la piste avant de traverser une ligne d’attente
– Allumez les feux de votre appareil pendant que vous circulez
– Quand vous atterrissez, quittez la piste et arrêtez-vous en l’absence d’autres instructions
– Utilisez une phraséologie correcte
– Ecrivez les instructions de circulation si nécessaire
– Ne vous arrêtez jamais au milieu de la piste même si vous êtes perdu ou désorienté. Quittez la piste sans attendre.

Un pilote qui trouve que la signalisation d’un aéroport est confuse peut toujours contacter les responsables du terrain à ce sujet.

Par ailleurs, si un pilote commet une erreur qui aboutit à une perte de séparation, il peut être réticent à signaler le fait à sa compagnie aérienne ou à son aéroclub. Dans de nombreuses structures, il n’y a pas un environnement qui permet d’exploiter les incidents pour améliorer la sécurité sans risquer des sanctions administratives. De telles organisations sont statistiquement plus sujettes à des accidents.

Le système SARS : discrétion et immunité
C’est un système qui permet aux pilotes, mais aussi aux contrôleurs, mécaniciens, personnel de cabine ou employés d’aéroports de reporter tous types d’erreurs ou d’incidents tout en garantissant discrétion et immunité.

Sur internet, des formulaires électroniques de soumission sont disponibles à cette adresse :

http://asrs.arc.nasa.gov/

Il est aussi possible d’y imprimer des documents pour une soumission par courrier. Ces rapports, déposés en toute liberté et sans crainte de représailles, permettent de faire avancer les recherches sur la sécurité aérienne.

 

Hold Short Lines
L’avion a quitté une piste sans nécessiter d’autorisation, mais droit s’arrêter pour obtenir l’autorisation de croiser une autre. (Ici sont représentées les signalisations OACI de motif A.)
 

De nouvelles solutions – Le RWSL (Runway Status Light)
Sur plusieurs aéroports aux USA (Dallas Fort Worth par exemple), la FAA est entrain de tester un nouveau système de prévention. Il s’agit de lumières rouges qui s’allument à toutes les entrées d’une piste en cours d’utilisation pour un atterris-sage ou un décollage. Des lumières directionnelles sont placées dans l’axe des voies de circulation et ne sont donc visibles que par les pilotes qui s’y trouveraient. Le système est entièrement automatisé et ne change en rien aux procédures existantes. Même s’il est porteur d’espoir, cet équipement n’est pas une solution pour toutes les situations. Il n’aurait pas permis d’éviter l’accident de Ténériffe par exemple.

De plus, de nouveaux types de signalements et de marquages sont en cours de tests pour renforcer les indices visuels. Par exemple, à l’occasion de nombreux incidents, il a été constaté que beaucoup de pilotes ne font pas la différence entre les marquages de pistes et ceux des voies de circulation. Une expérience est à l’étude à l’aéroport de Louiseville où les lumières des taxiways alternent le jaune et le vert au lieu du vert simple que l’on trouve habituellement.

D’ici le 30 juin 2008, tous les grands aéroports US seront dotés d’une ligne Hold Short renforcée. Celle-ci est aujourd’hui en test. Elle correspond au schéma suivant :

Ligne Hold Short Améliorée

150 pieds avant le point d’arrêt, des lignes discontinues sont ajoutées de chaque coté de la ligne représentant l’axe principal du taxiway.

Des aéroports susceptibles
Le Ministère des Transports du Canada publie une liste des aéroports sur lesquels ont été constatés le plus d’incursions. On y retrouve les schémas habituels. Ils sont listés ici par ordre décroissant de susceptibilité aux incursions :

Calgary (CYYC) : possède 3 pistes formant un H.
Boundary Bay (CZBB) : possèdes 3 pistes formant un triangle
Edmonton (CYXD) : 2 pistes en V se coupant
Montréal (CYUD) : 2 pistes parallèles, une transversale coupant l’une des pistes. Une piste est fermée pour travaux
Toronto (CYYZ) : C’est l’aéroport le plus fréquenté au Canada. Cinq pistes donnent 10 directions d’atterrissage et de décollage. Trois pistes sont parallèles, dont deux sont à un peu plus de 200 mètres. Plusieurs croisements.

 

No single entity owns runway
incursions and no single
entity owns the cure.

FAA

incursions sur les pistes

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