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Sao Paolo: Crash du Vol 3054 (Sortie de Piste)

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Un avion de TAM s’est écrasé lors de l’atterrissage à l’aéroport de Sao Paulo Congonhas. Les 186 occupants sont décédés et on déplore de nombreuses victimes au sol. Analyse à chaud des premiers éléments connus.
Quelques heures après l’accident de l’Airbus A320 de la compagnie TAM, il faut rester très prudent sur les causes probables du drame. Celles-ci ne seront connues que dans un à deux ans, quand l’enquête officielle sera terminée. Par contre, il possible dès maintenant de faire ressortir quelques circonstances factuelles.

L’Avion
Fabriqué à Toulouse en France, l’appareil de type A320 avait, par ailleurs, commencé sa carrière sous une immatriculation Française. Il effectua son premier vol au début 1998 et reste donc considéré comme une machine assez récente selon les standards en cours. Cet Airbus est équipé d’un cockpit très élaboré avec des instruments permettant l’atterrissage automatique sans visibilité (Cat IIIC). Cependant, ce genre d’atterrissages ne sont possibles que si l’équipage et l’aéroport sont homologués. Autrement, l’appareil se pose sous pilotage manuel.

Le terrain
L’aéroport de Sao Paolo ne présente aucune difficulté. Il n’exige pas de manoeuvres spéciales pour atterrir ou décoller. Les axes d’approche passent au dessus de régions sans reliefs mais qui sont fortement urbanisées. Le périmètre immédiat des pistes est bordé d’autoroutes et d’habitations. La configuration n’est pas très différente de ce que l’on trouve à London City ou New York LaGuardia où les pistes se terminent dans l’eau ou sont à proximité de fortes densités de population.

Dans un terrain pareil, la sortie de piste n’est pas permise. Pourtant, des sorties de pistes, il y en a tous les jours quelque part dans le monde.

La météo
Les médias parlent de “pluie battante” au moment de l’atterrissage. Les bulletins officiels d’observation métérologiques (METAR) annoncent pourtant une faible pluie vers l’heure de l’accident. Le vent, avec 15 kilomètres de force, ne semble pas avoir joué un rôle déterminant.

La visibilité annoncée sur l’aéroport est de 6000 à 7000 mètres. Valeur confortable certes, mais qui doit être manipulée avec précaution. En effet, il s’agit là de la visibilité dite “dominante”. D’après l’OACI, la visibilité est la plus grande (bien la plus grande) des deux valeurs suivantes :
– la distance horizontale maximale à laquelle un objet noir de dimensions convenables et proche du sol peut être vu et reconnu quand il est observé sur un fond clair.
– la distance horizontale maximale à laquelle on peut voir et identifier une source lumineuse d’environ 1000 Candelas contre un arrière plan sombre.
1000 Candelas, c’est les phares d’une voiture.

Par contre, que faire quand la visibilité n’est pas la même dans différentes directions ? D’après l’OACI, c’est la visibilité minimale qu’il faut considérer. Par contre, de nombreux pays considèrent cette approche comme trop restrictive et lui préfèrent ce que l’on appelle « la visibilité prévalente ». C’est-à-dire la visibilité maximale atteinte sur au moins 180 degrés continus ou non d’horizon.

A cause de cette arithmétique, il est possible d’avoir une visibilité publiée de plusieurs milliers de mètres alors qu’il n’y a guère que quelques centaines de mètres sur l’axe d’approche. Ceci est typique quand des lignes de grains isolés arrivent au niveau d’un aérodrome.

Le soir du crash, les nuages étaient bas, très bas. Dès 700 pieds sol, pratiquement tout le ciel était couvert (BKN). Pour les pilotes, ceci signifie que la piste ne surgit qu’au dernier moment. La piste en question ne fait que 1950 mètres de long, il faut bien poser sur les marques afin de pouvoir freiner. A titre de comparaison, l’aéroport de Genève Cointrin dispose d’une piste de 3900 mètres de long. Les terrains avec 2000 mètres de bitume sont d’abord adaptés aux avions à hélices et aux petits jets d’affaires. Un Airbus A320 à Sao Paolo, par beau temps, c’est passable. Par mauvais temps, ça se discute.

L’accident
Selon les informations disponibles actuellement, l’approche se passe sans incident majeur. Les pilotes ne déclarent aucune situation d’urgence, ils semblent donc avoir les choses en main. Pourtant, l’approche n’est pas stabilisée. Les observations météorologiques donnent une vision optimiste de la situation. La pluie redouble de puissance et les nuages dégradent fortement la visibilité.

L’appareil pose trop vite et après avoir consommé trop de piste. La distance de freinage restante est courte et le sol est mouillé. Les pilotes voient que jamais ils ne pourront freiner à temps et décident de remettre les gaz. Il faut de trop longues secondes pour que les réacteurs atteignent leur pleine puissance et l’avion lourdement chargé (186 passagers quand même !) se remet à prendre de la vitesse.

Les réacteurs à plein régime, l’appareil n’ayant pas encore assez de vitesse pour s’envoler, a quitté la piste et est allé percuter une station d’essence et d’autres constructions.

Cas Similaires
Les accidents aériens suivent tout le temps des schémas répétitifs. Aujourd’hui, après plus d’un siècle d’aviation, il devient quasiment impossible de trouver un accident qui n’a pas eu de précédents.

Le 27 avril 1977, un Boeing 727 de la compagnie American Airlines approche sur l’aéroport de Saint Thomas dans les Iles Vierges. La piste ne fait que 1600 mètres et le vent est capricieux. La compagnie considérait l’aéroport comme “limite” et exigeait que l’atterrissage soit tout le temps réalisé par le commandant de bord avec les volets à 40 au moins.

L’avion passe le seuil de piste avec une vitesse légèrement supérieure à la normale et pose après avoir consommé près de la moitié de la longueur disponible. Après quelques secondes d’hésitation, le commandant de bord remet les gaz : sortie de piste, obstacles, station d’essence… et 37 morts au final. La compagnie cessa de desservir ce terrain avec de gros appareils.

Pourtant, en septembre 1999, un Boeing 757 de Britannia sort de piste après un atterrissage mouvementé sur Gerona en Espagne et ne fait aucune victime. L’appareil pose brutalement, rapidement et en vent arrière. Il quitte la piste et parcourt plusieurs centaines de mètres en se désintégrant. Au final, les 236 occupants sont indemnes et certains rentrent même à pieds à l’aérodrome parce qu’ils n’en peuvent plus d’attendre les secours. L’aéroport de Gerona est entouré de terrains agricoles, ceci fait toute la différence.

Les sorties de piste à grande vitesse sont rares et découlent de situations exceptionnelles. Le plus souvent, ce sont des approches non stabilisées ou des remise de gaz trop tardives qui provoquent le départ dans le décor. Quand des obstacles importants se trouvent sur la trajectoire, la vie des passagers se trouve menacée.

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Première version de l’article

J’ai reçu quelques questions déjà me demandant mon sentiment sur le crash de l’Airbus A320 de TAM. Quelques heures après un accident d’une telle ampleur, il est difficile de penser déjà aux causes techniques et encore moins trouver des causes probables.

Cependant, il est encore normal de chercher à comprendre même si peu d’éléments sont disponibles aujourd’hui.

Un environnement difficile:
L’aéroport de Sao Paolo se trouve en plein milieu de la ville. En bonne météo, l’approche ne présente aucune difficulté, mais il n’y a pas de marge pour les sorties de pistes. Nous sommes loin de la configurations de certains aéroports comme celui de Schiphol (Amsterdam) où les pistes sont bordées de champs et de gazon. A Sao Paolo, si l’appareil quitte la piste, il va très rapidement percuter des obstacles. On passe donc à des accidents au lourd bilan au lieu de s’en tenir qu’à de la casse materiel.

En septembre 1999, un avion de type Boeing 757 de Britannia, vol BY226A, avait fait une sortie de piste impressionante à Gerona en Espagne. Là, la configuration du terrain était différente. Il n’y avait que des champs autour de l’aéroport et malgré la casse de l’avion, les 236 occupants s’en sont sortis indemnes.

Une remise de gaz
Le crash a eu lieu alors qu’il pleuvait. On ne sait rien de plus au sujet de la météo. Est-ce qu’il y avait un gros orage ou juste un petit peu de pluie. Le vent ? La visibilité ? L’état de contamination de la piste ? Rien pour le moment.

En tout cas, après une approche certainement anormale, l’appareil a atterrit, mais probablement trop vite et peut être même après avoir consommé une bonne partie de la piste disponible. Avec environ 180 passagers, l’appareil était vers sa charge maximale: donc difficile à accélérer, difficile à freiner. Après l’atterrissage, voyant que le freinage n’est pas possible, le pilote augmente les gaz pour décoller. Une telle décision aurait du être prise durant l’approche. Une fois l’avion est au sol, il perd rapidement de la vitesse (freinage automatique, sortie des spoilers, volets en position atterrissage… etc), s’il faut redécoller, il faut une importante distance d’accélération. Dans ce cas, la distance était insuffisante et l’appareil, au lieu de s’élever, est allé percuter des obstacles.

Un bilan lourd
Le bilan est lourd parce que l’avion allait très vite. Il a percuté les obstacles alors que les réacteurs étaient à puissance maximale. S’il était en situation de freinage d’urgence, l’impact aurait pu être moins violent, mais pas nécessairement moins meurtrier. Il y a de nombreux cas d’accidents après sortie de piste qui finissent par la mort de 99% des occupants alors que l’impact contre les obstacles ne semblait pas très violent. Il faut aussi compter avec les procédures d’évacuation. Si le feu se déclare vite, il peut rendre l’évacuation impossible. C’est souvent LE problème majeur quand l’accident en soi est survivable.

Approche non stabilisée
Un atterrissage pareil, ne peut venir que d’une approche instable avec des vitesses, des altitudes et des configuration avion non contrôlées. La grosse question est de savoir si l’avion avait un problème justifiant une telle approche (panne grave, pertes de contrôle, volets bloqués, instruments en panne, panne moteur par mauvaise météo, feu à bord…) ou bien simplement c’est un problème 100% de facteurs humains.

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