Home Blog Page 7

Air Canada, le pilote qui n’avait pas bu

0

Le public est, a juste titre, très sensible aux nouvelles concernant les pilotes sous l’influence de l’alcool. Pas plus tard qu’en septembre 2008, un Boeing 737-500 d’Aeroflot s’écrasait a Perm dans l’Oural tuant ses 88 occupants. C’était le vol 821 et au stade actuel de l’enquête, il apparait qu’au moins le commandant de bord était alcoolisé pour ne pas dire ivre.

En avril 2009, c’est un pilote d’Air Canada, Mr. Daniel Dufour qui était sur le point d’embarquer pour le vol AC851 de Londres Heathrow à destination de Calgary. Il fut arrêté sur le champ devant ses collègues et les passagers. Assez de passagers pour remplir un Boeing 777-300 ; vous voyez la scène. Même si ce membre d’équipage n’avait que le rôle de pilote supplémentaire sur ce vol, beaucoup dans le Terminal 3, celui des longs courriers, se disaient que les pilotes ne sont plus ce qu’ils étaient et qu’où va-t-on même si chez Air Canada on se mettait à boire.

L’alcool au manche c’est grave, mais il faut savoir raison garder. Avant de briser la carrière du pilote, jeter son nom en pâture ou salir la réputation d’une compagnie sérieuse, il faut vérifier les données.

L’éthylomètre n’est pas un instrument d’une redoutable fiabilité. Bien au contraire, il repose sur des suppositions physiques et physiologiques qui ne sont pas toujours vérifiées sur le terrain. Faux positifs et erreurs de mesure vers le haut ou vers le bas sont légion.

Aux USA, plusieurs cas sont arrivés devant la justice et les prévenus ont gagné en mettant en doute la fiabilité de l’appareil et la fragilité de ses principes fondateurs.

La mesure :
Mis a part les cas évidents ou le sujet n’arrive même pas tenir debout, la seule manière de déterminer la consommation d’alcool est d’aller le chercher par des analyses de sang. Comme celles-ci sont trop invasives et réalisables que par des équipes médicales, il a été inventé un système dont le but est d’estimer la concentration d’alcool dans le sang en mesurant sa concentration dans l’air expiré.

Les instruments de mesure basés sur l’air expiré supposent que la concentration de l’alcool dans le sang est 2100 fois supérieure à sa concentration dans l’air. C’est-à-dire qu’une simple multiplication de la mesure dans l’air permet de connaitre la valeur dans le sang.

L’air alvéolaire :
Si on veut être rigoureux dans la mesure, il faut qu’elle soit basée sur l’air alvéolaire. C’est cet air qui est en contact avec les alvéoles dans les zones les plus profondes du poumon. En effet, l’air inspiré en dernier, est expiré en premier. Autrement dit, quand on commence à expirer, on va souffler un air qui n’est jamais arrivé au niveau des poumons. C’est l’effet d’espace mort constitué par les voies aériennes.

Idéalement, il faudrait envoyer un tube jusque dans les poumons. On arrive à une mesure invasive et elle perd tout intérêt pratique.

L’air délivré à l’appareil est en fait un mélange entre un air non-alvéolaire et un air alvéolaire qui devient de plus en plus présent vers la fin de l’expiration profonde.

Le facteur 2100 :
En 1972, une série de tests furent réalisés avec des sujets sains. On mesura le taux d’alcool dans leur air expiré et en même temps dans leur sang. Les rapports calculés furent entre 1900 et 2400. La valeur intermédiaire de 2100 fut retenue.

Si une personne a un ratio personnel inferieur à 2100, l’appareil va quand même multiplier par 2100 et donc majorer son alcoolémie. Au contraire, une personne qui a un ratio supérieur à 2100 verra son alcoolémie minorée.

En 1987, lors du procès Burling contre Nebraska, le professeur Norman Scholes cité comme expert devant la cour témoigna que des recherches ont montré que le ratio réel peut varier de personne à personne et chez la même personne au cours temps. On a pu mesurer des valeurs se situant n’importe où entre 1100 et 3400 ! Si vous vous trouvez aux environs de 1100, votre alcoolémie mesurée sera pratiquement doublée par l’appareil. Dans le cas de ce procès, le juge a tenu compte de ce fait et décida de diviser par 2 l’alcoolémie de la personne citée devant le tribunal. L’effet fut immédiat : toutes les poursuites furent abandonnées.

En 1983, la Cour d’Appel de Maricopa en Arizona est saisi d’un cas similaire. Un homme est arrêté pour ivresse au volant en récidive et passe devant le jury populaire en plaidant non-coupable. Il avait été testé à l’éthylomètre à 110 mg d’alcool par 100 ml de sang, la limite légale étant de 100 mg. Les avocats détruisent le test sur plusieurs bases :
– 10% d’erreur de calibration. C’est-à-dire que pour 100 mg d’alcool, on peut mesurer 90 mg comme on peut mesurer 110 mg.
– 30% d’erreur au moins lié à l’utilisation du ratio 2100 alors que celui-ci peut varier grandement d’un individu a l’autre.

Le tribunal ne réfuta aucun des arguments techniques. Par contre, le prévenu fut condamne au bout de 6 minutes de délibération sur la base des témoignages des personnes présentes lors de l’arrestation. Il puait l’alcool, il n’arrivait pas tenir debout sans assistance et vomissait. Sur une échelle de 1 a 10, 1 étant sobre et 10 étant complètement ivre, l’officier qui a procéda à l’interpellation lui donna un 10 plus.

Dans un autre cas en Californie 1989, People vs. Thompson, la personne poursuivie fut acquittée sur la base du témoignage d’un expert qui affirma que le ratio peut varier de 600 à 3000 dans la population.

D’autres études montrent qu’on peut trouver des ratios allant de 832 à 7289. En fait, plus on lit d’études, plus on trouve de valeurs différentes.

Système ouvert, système fermé :
D’après le professeur Michael P. Hlastala, spécialiste en physiologie pulmonaire à l’université de Washington, le ratio est une vue de l’esprit et aucun ratio fixe ne peut être établi. En effet, les lois de la physique sur lesquelles se base l’éthylomètre sont connues depuis 1803 (loi de Henry) elles supposent clairement un système fermé et au repos. Quand une personne souffle dans un appareil, le système est clairement ouvert et pas du tout au repos. Il n’est donc pas en équilibre et reste hautement imprévisible.

Cet expert a témoigné plus de 1500 fois auprès des tribunaux et a publié plus de 390 articles scientifiques sur les problèmes de l’extrapolation de la concentration d’alcool dans le sang par des mesures sur l’air expiré.

La température corporelle :
Le test part du principe que la température de l’individu est de 37 degrés et que ses voies aériennes supérieures sont à 34 degrés. Pour chaque degré de plus, on notera une majoration de 6.5 % de la valeur de la mesure à l’éthylotest.

L’hématocrite :
Globalement, le sang se compose de plasma et de cellules en suspension. Quand il est présent, l’alcool est dissous dans le plasma qui est compose essentiellement d’eau. Il ne va pas dans les cellules sanguines. Chez l’homme adulte, l’hématocrite normal est de 0.42 à 0.52 avec une moyenne à 0.47. Chez la femme, l’intervalle est de 0.37 à 0.47 avec une moyenne à 0.42.

Une personne dont l’hématocrite est élevé pour des raisons environnementales, comme la vie en altitude, ou médicales, aura un ratio plus faible et des mesures majorées à l’éthylotest.

Aeroflot, Septembre 2008, Perm
Aeroflot, septembre 2008, le commandant de bord était sous l’influence de l’alcool lors du crash.

Conclusion :
Développé dès 1950, à une époque ou la physiologie pulmonaire n’était qu’à ses balbutiements, l’éthylotest est un instrument peu fiable et fondamentalement faux. Il produit des résultats vagues et variables en fonction d’un nombre élevé de paramètres impossibles à maitriser lors du test.

Le pilote d’Air Canada a été transféré au poste, puis passé devant le juge et suspendu par sa compagnie en attendant les résultats des prises de sang. Celles-ci tombèrent quelques semaines plus tard avec un résultat négatif. Non, il n’avait pas bu et sa carrière a failli être brisée net.

Les guignols de Heathrow savent bien que le gadget a un taux inacceptable d’erreur et de faux positifs. Pourtant, ils continuent à faire joujou avec.

Pourtant, les pilotes alcooliques, de l’aveu de l’un d’eux, ils attendent d’être dans l’avion pour s’y mettre.

 

Alerte sur les tubes Pitot de marque Goodrich

0

Lors de l’accident du vol Air France 447, de lourdes présomptions avaient pesé sur les Pitots de marque Thales qui étaient installés sur l’Airbus A330 perdu dans l’Atlantique. A la suite d’un débat houleux entre le personnel navigant, les responsables de la compagnie et ceux du constructeur, il a été décidé de remplacer les tubes de marque Thales par ceux de Goodrich. Sans ce remplacement, les pilotes auraient tout simplement refusé de voler.

Cette semaine, l’agence européenne EASA publie une directive urgente portant la référence 2009-0202-E. Elle concerne les tubes de Pitot de marque Goodrich installés sur les Airbus A330 et A340. En fait, ces tubes ont un système de connexion par des valves qui sont clipées et serrées en usine. Or, on découvre que sur le modèle 0851HL un mauvais couple de serrage a été appliqué lors de la fabrication. Le résultat est que des fuites d’air peuvent arriver faussant la mesure de la vitesse air de l’avion. Cette fois, il n’y a même pas besoin de conditions givrantes pour provoquer une lecture erronée de la vitesse et donc, comme tout est lié, un comportement erratique de l’avion.

Le constat est simple aujourd’hui : nous sommes incapables en 2009 de fabriquer des tubes Pitots inventés en 1732 ! Il y a bien des gens qui arrivent à l’université sans savoir faire une division sur le papier. Ce n’est pas une raison de se sentir complexé et dissimuler son handicap. Au contraire, il faut y faire face et on dit même que c’est le premier pas vers la guérison. Notre époque est un peu particulière…

Au début du mois, un responsable de chez Airbus s’inquiétait du fait que les pilotes perdent leur entrainement de base parce que certains font 800 ou 900 heures de vol par an dont seulement… 3 heures de vol en manuel ! Ils tirent sur le stick pour décoller et puis mettent le pilote automatique. Plus tard, ils coupent le pilote automatique et tirent sur le stick pour atterrir.

Oui, on tire aussi sur le stick pour atterrir. C’est long à expliquer, mais il ne faut pas pousser dessus ; c’est mal.

Si on continue ainsi, les avions de ligne seront bientôt comme la ligne 14 du métro parisien. Ou Ligne D si vous êtes de Lyon. On pourra même mettre un manche factice tout a l’avant pour donner l’impression aux enfants que c’est eux qui pilotent l’avion.

On nous dit donc que nous avons des pilotes qui sont dans un système qui ne leur permet plus de maintenir leur niveau d’entrainement et encore moins de progresser. Avec 3 heures de vol en manuel par an pour certains, ca ne fait même pas 100 heures de pilotage en toute une carrière.

Les pilotes des Boeing 707 et autres 727 savaient piloter manuellement et, tenez-vous bien, ils savaient même faire du calcul mental. Puisqu’on parle de ces illustres avions, ceux qui les ont connu se souviennent peut-être de la merveille de mécanique qu’était le Constant Speed Drive, ou CSD, qu’on trouvait dans les réacteurs du 727. Ils se rappellent peut être aussi quelle merveille d’ingéniosité et de mécanique qu’était le système qui permettait de mesurer le débit du carburant directement en kg ou livres par heure sans avoir de besoin de connaitre la densité ou la température ! Chaque système était une pièce d’art en soi.

Aujourd’hui, avec l’usage de l’électronique beaucoup de systèmes purement mécaniques ont disparu. Il est beaucoup plus simple d’écrire un programme que de concevoir un système mécanique qui réalise la même chose.

Donc les pilotes perdent leur doigté avec le temps. Et les concepteurs d’avions, ne perdent-ils pas le leur dans ce même système ? Ne finissent-ils pas par devenir incapables de fabriquer un simple tube de Pitot ?

 

CSD Boeing
CSD: Systeme purement mécanique qui pour une vitesse de rotation variable a l’entrée
donne une vitesse constante a la sortie ! Il permet d’entrainer les alternateurs 400 Hz a une
vitesse fixe malgré les variations du régime du réacteur. Le CSD peut ajouter ou retrancher
des tours par minute.
 

 

Document :
– Alerte EASA en PDF

Vol South African Airways 295 : Maldonne à Pretoria

0

Durant les années quatre-vingt, le gouvernement Sud Africain était de plus en plus isolé sur la scène internationale. L’hostilité grandissante contre l’apartheid avait atteint un tel point que la compagnie nationale était interdite d’atterrissage et de survol dans de très nombreux pays. En 1986, les États-Unis adoptent une dure loi de sanctions contre l’Afrique du Sud et ce malgré le veto de Ronald Reagan ; une première. Quelques mois plus tard, c’est l’Australie qui passe une résolution similaire. Les vols vers Sydney, Perth, New York ou Houston sont suspendus. Les pays africains interdisent également l’atterrissage et le survol de South Africain Airways.

Rapidement, le pays sombre dans la récession. Pour importer de la marchandise, il faut aller de plus en plus loin et les escales ne sont pas permises. Afin de rejoindre les aéroports Européens comme ceux de Paris, Londres, ou Amsterdam, le seul chemin politiquement possible exigeait un contour de toute l’Afrique. A l’époque des Boeing 707 et autres 747-200, les Sud Africains avaient même financé l’agrandissement d’un aéroport aux iles du Cap Vert. Avec une magnifique piste de 3300 mètres, il a même été sélectionné par la NASA comme lieu d’atterrissage de la navette spatiale. Il tomba dans l’oubli quand le 747-400 fut mis en ligne et permit de faire le détour sans escale.

 

Cap Vert - Amilar Cabral
Aeroport Amilar Cabral. Longtemps une escale vitale pour SAA
 

 

Pour un maximum de flexibilité, une version spéciale du 747 était utilisée. Dit Combi, l’avion avait la cabine divisée en deux compartiments séparés par une cloison. A l’avant, étaient installés les passagers. Leur nombre dépendait de la division retenue pour l’avion et du nombre de palettes transportées. A l’arrière, un compartiment cargo pouvait contenir de 6 à 12 palettes.

Miné au nord par une guerre dont les ramifications historiques s’étendaient jusqu’aux confins de la Première Guerre Mondiale, le pays avait un urgent besoin d’armes. A cause de l’embargo, il fallait aller les chercher de plus en plus loin. Depuis toujours, les Etats dans cette situation ont utilisé des véhicules de transport civil pour faire de la contrebande d’armes. Quand les choses se passent mal, on met des décennies à découvrir la vérité. Par exemple, quand le Lusitania fut coulé par un sous-marin allemand en Mai 1915 provoquant la mort de près de 1200 passagers civils, les Britanniques crièrent pendant longtemps au crime de guerre en occultant leur propre part de responsabilité dans le désastre. Cette tragédie est souvent classée en seconde position après celle du Titanic qui survint 3 ans plus tôt.

Le Lusitania reçut une seule torpille qui provoqua une première explosion. Une seconde explosion bien plus puissante secoua le navire immédiatement après. Elle fut décrite par un passager comme un coup reçu par « un marteau d’un million de tonnes ». Que transportait le navire ? Que des denrées alimentaires comme le spécifiait le manifeste de chargement ? En tout les cas, il coula en 18 minutes ne laissant à la surface que des corps flottants que les pêcheurs ramenaient à la Cunard contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Dans les années cinquante, la Royal Navy se rend sur site et fait couler des tonnes de bombes en profondeur. Tirant au jugé, ils espéraient réduire en poussière l’épave et avec elle les preuves d’un écheveau de mensonges. Malgré cela, des explorations très superficielles réalisées en 2008 ont permis de retrouver plus de 4 millions de pièces de munition de calibre .303.

Le vol SAA 295 :
27 novembre 1987 – Le Boeing 747-200 Combi avait décollé de l’aéroport de Chiang Kai Shek International sur l’ile de Taiwan. Sa destination, Johannesburg, était a plus de 12500 kilomètres de la après un long vol presque en intégralité au-dessus de l’océan. Une escale technique est prévue à l’Ile Maurice peu avant d’entamer le dernier quart du voyage.

 

Vol du SAA 295
La plus grande partie du vol se passe au-dessus de l’ocean Indien.
 

 

La cabine est divisée en deux sections. A l’avant, il y a 140 passagers et 19 membres d’équipage. A l’arrière, 6 palettes de fret ont été disposées. Les deux compartiments sont séparés par une cloison et une porte.

Il est presque minuit, l’équipage prépare la prochaine escale quand de la fumée se manifeste à bord. En même temps, les PNC alarmés annoncent avoir découvert un feu dans le compartiment de fret. Le commandant de bord appelle le contrôleur aérien sur l’Ile Maurice et l’informe de la situation et se déclare en urgence. Il est autorisé à descendre au niveau 140 mais il avait déjà commencé la descente avant la bénédiction du contrôleur. Ce dernier demande sa distance à l’équipage, mais celui-ci ne peut pas la donner, leur équipement DME ne marche plus. Les uns après les autres, leurs instruments s’arrêtent de fonctionner. Ils finissent tout de même par estimer qu’il leur reste environ 30 minutes de vol pour rejoindre l’aéroport.

Dans la cabine passagers, c’est le désastre. La fumée toxique arrive par le système de recirculation d’air. Celui-ci est lancé par les pilotes qui suivent la check-list qui leur semble appropriée pour la situation. Pourtant, il y a un gros défaut sur le 747 Combi : l’air recyclé est capté non seulement en cabine passagers, mais également en zone fret. Le résultat est que les fumées nocives sont propagées encore plus que si ce système n’avait pas été utilisé.

Remarque : la bonne démarche n’est jamais évidente en situation d’urgence. Sur la base de peu d’informations disponibles et sous une très forte pression temporelle, l’équipage doit décider d’activer ou non certains systèmes. C’est juste un bouton à tourner ou pas. Le résultat de l’action ou de l’inaction peut être fatal. Notez que le pilote du Swissair 111 précipita le sort de son MD-11 en faisant exactement l’opposé : Il a arrêté les fans de recirculation. Pour cette raison, les check-lists d’urgence doivent être complètes et tenir compte de toutes les situations. C’est loin d’être le cas même aujourd’hui.

Le personnel de bord décide d’attaquer le problème à la source. Armés d’extincteurs, les stewards et les hôtesses ouvrent la porte de séparation et tentent d’éteindre l’incendie. Leur équipement est trop sommaire et la chaleur atteint un niveau qui les fait reculer. Lors de ce retrait, l’un d’eux perd son extincteur sans avoir pu l’utiliser.

Les choses s’aggravent de plus en plus vite. Il ne s’agit plus de tousser ou d’avoir mal aux yeux, certains passagers suffoquent et sont au bord du trépas. Pour d’autres, c’est déjà fini, ils sont morts. La fumée s’accumule de plus en plus et enveloppe tout. L’équipage décide de tenter une ultime manœuvre : ouvrir une porte en vol. L’avion est dépressurisé et la vitesse réduite à 250 nœuds. De l’air commence à s’engouffrer dans la cabine…

Trois minutes plus tard, le 747 s’écrase dans les eaux glacées de l’Océan Indien tuant tous ses occupants.

Les appels du contrôleur aérien résonnent dans le vide. Sur la zone du crash, des millions d’objets commencent une lente descente vers le fond marin à 4400 mètres de profondeur. D’autres, flottent et dérivent dans la nuit au hasard des courants.

Les recherches :
Au matin du 28 novembre 1987, le monde est sous le choc en apprenant la nouvelle. Tout espoir de trouver des survivants semble être perdu alors qu’un Orion P3 est envoyé depuis la base US de Diego Garcia pour ratisser les lieux.

Une première zone de débris est localisée à environ 227 kilomètres au large de l’Ile Maurice. Bientôt, deux autres zones sont localisées. Certains pensent que seule une explosion en vol peut expliquer cette dispersion. Pour d’autres, il s’agit d’un simple effet de courants marins. Le débat entre les deux clans fait rage jusqu’à nos jours. La première option est néanmoins contestée par Boeing pour qui l’avion a touche l’eau en une seule pièce.

Des corps commencent à être repêchés. Les analyses montrent que ces personnes sont mortes après avoir inhalées des fumées toxiques. L’une d’elle a été exposée a du monoxyde de carbone à une concentration de 66%. Cette dose est mortelle en quelques inspirations. Une concentration de CO d’à peine 0.64% provoque des convulsions, un arrêt respiratoire et la mort en moins de 20 minutes.

Sans illusions sur leur gouvernent, les Sud Africains commencent à se poser des questions sur contenu des 47 tonnes de fret qui se trouvaient dans le Boeing. Dans certaines capitales, les agences de la compagnie SAA sont saccagées.

Pendant ce temps, les images ressemblent à celles qu’on a vues lors des recherches de l’Airbus d’Air France au large du Brésil. Des avions et des navires sillonnent la mer dans tous les sens et des qu’un objet est repéré, l’endroit est marqué et les opérations de récupération sont entreprises.

Une mallette est repêchée avec trois montres à l’intérieur. L’une fonctionne encore. Elle est au fuseau de Hong Kong, l’origine du vol. Une autre est cassée mais on peut clairement voir que sa grande aiguille est arrêtée sur 7 minutes. La troisième est arrêtée mais moins endommagée indique l’heure exacte de l’accident, soit 7 minutes après minuit en heure locale. Ceci signifie que l’avion a volé encore 3 à 4 minutes après l’interruption des communications avec le contrôleur aérien.

Un équipement lourd est envoyé depuis les USA afin d’aider à la localisation des enregistreurs de vol. Ces boites sont équipées d’émetteurs de 4 km de portée qui sont alimentés par des batteries dont la durée de vie garantie est de 30 jours. Quand les équipes américaines sont sur place, il ne reste plus qu’une petite semaine d’autonomie théorique. Ce qu’on cherche, est une demi-sphère de 8 km de diamètre reposant sur le fond marin. Si on rentre dans cette demi-sphère, on capte les pings et on a toutes les chances de trouver la boite noire. Cependant, la zone à quadriller est telle que l’échec de la recherche n’est une surprise pour personne.

 

Recherche CVR et DFDR
L’emetteur au fond a une portee de 4 km. Il forme donc un
objet virtuel en forme de demi-sphere de 8 km de diametre. C’est ce qu’on cherche.
 

 

La demi-sphère n’est pas si parfaite que ca, les sons ne propagent pas de manière régulière dans le fond marin. D’ailleurs, au lieu de retrouver 2 pings puisqu’il y a deux émetteurs, un pour le DFDR et un pour le CVR, les chercheurs capteront 32 pings dont 13 semblent valides.

 

Pour autant, les recherches ne sont pas abandonnées. Elles sont poursuivies par des équipes sous contrat. Un bateau tracte un sonar à balayage latéral (SSS) au bout d’un câble de 9 km de long. L’appareil envoi des ondes sonores qui se réfléchissent sur le fond marin. Les ondes réfléchies sont captées et analysées. Ce retour permet à un ordinateur de faire un dessin étonnamment précis du fond balayé.

 

SSS principe
Principe de recherche au SSS: un navire tire un poisson en acier qui contient le sonar.
 

 

 

Sonar de type SSS
Exemple d’equipement pour une recherche SSS.
 

 

 

Sonar de type SSS
Pont tombe a l’eau et ici cartographie au SSS.
 

 

 

Cessna retrouve au SSS
Exemple d’un Cessna retrouve au SSS.
 

 

Une fois que des zones dignes d’intérêt on été localisées, un navire traine un petit sous-marin qui les filme et renvoie des images à travers une fibre optique. Le défi technique est à la hauteur de l’importance de la mission. Même le Titanic n’est pas à une si grande profondeur.

Retrouvé au large de Mistaken Point par l’explorateur Robert Ballard en septembre 1985, le RMS Titanic gisait à une profondeur de 3800 mètres alors qu’il y avait une incertitude de l’ordre de quatre cents kilomètres carrés quant à sa position sur le fond marin. Pour le Boeing, on avait le même niveau d’incertitude sur la position mais le fond était à plus de 4400 mètres.

Les premières images remontées font surtout la joie des scientifiques. Au hasard des pérégrinations de son étroit faisceau lumineux, le robot capte les images de créatures étranges filmées pour la première fois. Depuis des millions d’années qu’elles peuplent les abysses marins, personne n’est jamais venu leur rendre visite depuis la surface. Surface qui, techniquement parlant, est presque aussi éloignée qu’une autre planète.

Ce ratissage systématique dure des mois pour une facture qui gonfle à chaque minute. Plusieurs équipes de différents pays occupaient le terrain en continu. Alors qu’elles sont sensées coopérer pleinement, c’est plutôt un esprit de compétition qui règne. En effet, il y avait deux contrats distincts. Le premier pour retrouver l’épave, le second pour sa récupération. Les intervenants vivaient dans l’impression que celui qui trouve le premier est assuré de signer pour la seconde manche.

Soudain, dans le faisceau lumineux se révèle un sinistre enchevêtrement de métal et de débris en tout genre. Le 747 immatriculé ZS-SAS vient d’être localisé ! C’est un véritable coup de maitre. Même un Boeing de cette taille, c’est peu de chose dans l’immensité de l’Océan Indien quand on ne sait pas exactement où chercher.

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
C’est l’arriere de l’avion photographie par un sous-marin teleguide.
 

 

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Train d’atterrissage
 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Meme le pneu porte les traces de l’impact. Normalement
un train d’atterrissage flotte. Celui-ci est deja plein d’eau.
 

 

La pression qui règne à 4400 mètres est supérieure à la pression de gonflage du pneu. Si celui-ci reste attaché à une structure lourde qui le force à couler, il est écrasé au fur et a mesure qu’il descend puis il implose, se remplit d’eau et reprend sa forme initiale. Il y a environ 14 bars dans le train d’atterrissage d’un Boeing 747, c’est la pression qu’on retrouve vers 130 mètres de profondeur seulement. Ici nous sommes à 4400 mètres.

 

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Plancher du compartiment cargo
 

 

L’équation n’est pourtant pas si simple. Il y a plusieurs champs de débris. En coulant, les différents objets sont comme triés par le leur passage à travers les 4400 mètres d’eau. Au fond, une équipe Allemande découvre une zone ou gisent des enveloppes, du courrier, des papiers, des imprimés, des cartons, des emballages en papier… Plus de 90 km plus loin, ont atterri des jouets en plastique, des bouteilles en verre et des alliages en métal léger. La position du troisième champ, celui des pièces les plus denses, est estimée en fonction de ce qui a été déjà trouvé.

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Depuis le point d’impact, les debris ont un parcours different en fonction
de leur poids. Les plus lourds tombent vite et presque verticalement. Les plus
legers derivent le plus loin. Le resultat est un veritable tri
 

 

Cette approche scientifique du problème paye. Un an après le drame, une des boites noires est trouvée reposant sur le sable marin. Le bras articulé la soulève et quelques heures plus tard, elle est à la surface sous les applaudissements. Il s’agit du CVR qui doit contenir les 30 dernières minutes de conversation au niveau du cockpit. Grace à son micro d’ambiance, il peut aussi capter le son des alarmes, des bruits anormaux ou des explosions. Afin d’éviter toute spéculation dans une ambiance déjà délétère, les enquêteurs embarquent immédiatement l’enregistreur vers les laboratoires du NTSB aux USA. Le bureau d’enquêtes américain sert de partenaire technique, mais surtout de tiers de confiance dans cette affaire ou le public soupçonne de plus en plus le gouvernement de Pretoria de cacher des choses.

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Le bras articule recupere le CVR
 

 

Sur le terrain, les enquêteurs continuent à remonter ce qu’ils trouvent alors qu’une reconstitution de l’avion, au moins partiellement, est entamée. Une structure grillagée représentant un Boeing 747-200 en taille 1:1 est réalisée puis les pièces récupérées sont fixées dessus au fil de fer après un travail d’identification où le moindre détail compte. Un numéro de série, une peinture, une déchirure particulière… permettent d’assembler ce puzzle géant.

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
747 en cours de reconstruction.
 

 

Il faut se retrouver dans un hangar contenant les débris d’un avion de ligne ayant percuté la mer pour se rendre compte de la puissance du choc. C’est peut être un fragment sur 10, 20 ou 50 qu’on arrive à identifier au bout d’une minute de contemplation. Le reste ce n’est que des pièces au sens hermétique. On dirait que l’avion est passé dans un immense hachoir et que ce qui en est sorti a été mélangé et repassé encore. Des vérins hydrauliques gros comme le bras sont cassés net. Des superstructures sont pliées autour de plusieurs axes. L’aluminium qui les recouvrait est pellé comme on pelle une orange. Les fils électriques forment des nattes sauvages rappelant un palangrier emmêlé à l’extrême. Ils sont rangés dans des bassines ou de grands sacs poubelles gerbés jusqu’au plafond.

Des milliers de fragments en fonte sont rangés pelle mêle dans des caisses en bois très lourdes. Ne demandez pas ce que c’est. Personne ne sait. Est-t-on au moins sur que ça eut appartenu a un avion ? Même pas. Les objets n’ont pas été remontés parce qu’on les a identifiés. Ils ont été remontés parce qu’on a pensé qu’ils ont du être fabriqués par une intelligence humaine. On irait chercher l’Atlantide ou des traces de vie supérieure sur une autre planète, on ne s’y prendrait pas autrement.

On dit à la rigueur « un réacteur », mais on ne dit plus une porte, un altimètre, une centrale inertielle ou un radar météo. On parle plutôt d’une tige tordue, d’un fragment de circuit imprimé, d’un éclat de métal gris ou d’un bout de verre. Les mots les plus simples semblent peut-être plusieurs niveaux d’organisation au-dessus ce chaos indescriptible.

De tout cela, il faut fabriquer un avion. Juste un fantôme d’avion. Il ne volera pas, mais il dira, s’il le veut, pourquoi il a tué autant de monde.

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
 

 

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
 

 

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Zone clairement attaquee par le feu
 

 

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
Certaines zones etaient a plus de 300 degres.
 

 

Un CVR peu bavard :
Quand le CVR est analysé au NTSB, la déception est totale. Nous sommes à peu dans le même cas que le Swissair 111. Les dernières minutes du vol. Les plus cruciales, n’ont pas été enregistrées. Dès que le feu s’était déclaré, il fait fondre les garnitures du plafond ainsi que les isolants et les gaines des fils électriques qui cheminent vers l’arrière. Plus de 80 fusibles sautent dans le poste de pilotage et de nombreux systèmes sont privés de courant et de données y compris les enregistreurs de vol.

Entre le moment où les pilotes se rendent compte qu’il y a le feu à bord et le moment ou l’enregistrement se coupe, il y a 81 secondes seulement. Cet intervalle, si court, est déjà une information. Il dit que le feu a été rapide, puissant, fulgurant !

 

Decouverte de Boeing du vol SAA 295
CVR du ZS-SAS une fois que la bande magnetique est retiree.
 

 

L’enregistreur des paramètres de vol, le DFDR aurait pu donner un meilleur éclairage sur la situation, mais quand les recherches épuisent les patiences ainsi que les budgets, il n’a pas encore été retrouvé. Jusqu’à nos jours, il git quelque part au large de l’Ile Maurice.

Une carlingue à 300 degrés :
Des pièces de la carlingue sont remontées. Les plus exposées à la chaleur sont celles qui se trouvaient à l’avant droit du compartiment cargo. C’est-à-dire juste derrière la cloison séparant la zone pax de la zone fret. La palette à l’origine du feu est ainsi localisée. D’après le manifeste de chargement, elle comportait du matériel informatique. Selon d’autres sources, des vélos ou bien des sèche-cheveux. Quelque chose de réglo en tout cas.

Pour tous les spécialistes en incendies, ces données ne collent pas ensemble. Afin d’obtenir 300 degrés en quelques minutes sur la carlingue d’un avion, il faut deux choses :

1 – dégager assez d’énergie pour contrer le refroidissement du vent relatif. En effet, nous sommes en vol à au moins 500 km/h. De l’air glacé refroidit l’avion. Au sol, 300 degrés, ce n’est pas impressionnant. En vol, c’est une autre affaire.

2 – Il faut trouver assez d’air pour pouvoir réaliser la combustion de manière rapide et violente. Or dans une cabine fermée, par définition, l’arrivée d’air est limitée.

De plus, une raquette de Tennis qui était dans le fret est retrouvée fondue. Des tests sont réalisés sur un équipement similaire et on constate qu’il faut 600 degrés pour le faire fondre de cette manière. Un extincteur est repêché. On trouve dessus des particules de métal fondu qui a été projeté à grande vitesse.

L’avion s’est transformé en four en moins de deux minutes de temps. Quand les autorités d’Afrique du Sud annoncent qu’il s’agissait simplement d’un feu de cartons et de plastique d’emballage, personne ne les croit.

Spéculations :
Même si on a la certitude aujourd’hui qu’un produit inflammable dangereux était dans le fret du vol 295, la nature réelle de ce produit est toujours soumise à spéculation.

Pour un expert de chez Boeing, Fred Bereswill, la substance chimique devait être un oxydant. Le nom du perchlorate d’ammonium revient souvent dans ce dossier. Cette molécule comporte 4 atomes d’oxygène liés de manière bancale à un atome de chlore. A la moindre occasion, ils sont libérés et peuvent initier des réactions très puissantes ainsi que des incendies. Pour ces raisons, le perchlorate d’ammonium rentre dans la composition des carburants solides pour fusées et missiles. Quand il est mis à feu avec d’autres substances en environnement confiné, il peut exploser. Le transport d’une telle substance, même par la route, est sévèrement réglementé.

 

Perchlorate d'ammonium
Perchlorate d’ammonium.
 

 

A l’époque, les avions de la SAA étaient réputés pour transporter du cargo louche dans leurs soutes. Sous embargo de l’ONU depuis 1967, le régime local était passé maitre dans l’art de se procurer des armes de par le monde. Puis, la nécessité créant la vocation, il en fabriquait et il en vendait. Ses clients, pour la plupart, n’étaient pas en mesure d’obtenir leur arsenal par les voies officielles. Ainsi, lors de la guerre Iran / Irak, les deux pays furent équipés de canons Howitzer G5 de 155 mm. La neutralité avec laquelle Pretoria livra l’équipement et les munitions aux deux belligérants force le respect. A armes égales, seule l’habilité allait départager les deux camps.

On retrouve également les avions de la compagnie à livrer des grenades en Argentine et aussi maquiller des choses louches à l’aéroport de Tel-Aviv. Toutes ces opérations sont réalisées avec des avions transportant des civils qui servaient de couverture à leur corps défendant.

Dans l’intérêt public :
Pour faire cesser les critiques, en 1985, le gouvernement local fait passer une loi qui interdit le transport d’armes conventionnelles, atomiques ou incendiaires à bord d’avions civils. En même temps, cette loi donne au ministre en charge de l’Aviation Civile le droit d’autoriser de tels transports s’il le juge nécessaire dans l’intérêt public. Etrange conception de l’intérêt public en effet !

Loin d’être un obstacle, cette loi vient légaliser une pratique déjà courante. Des années après le crash, de temps en temps, des anciens responsables rongés par leur conscience ou cherchant à régler d’anciens comptes font des révélations qui mises bout à bout dressent un portrait effrayant du tableau.

Certification Fumée à bord :
Dans le 747 Combi, il y a ce que la FAA définit comme un compartiment cargo de classe B. Celui-ci doit répondre à 3 exigences réglementaires qui sont vérifiées et validées durant la certification de l’avion. C’est le CFR 14, article 25.857 :
1 – Il existe un accès permettant à un membre d’équipage d’atteindre facilement n’importe quelle partie du compartiment avec un extincteur portable.
2 – Quand cet accès est utilisé, ni la fumée, ni le feu, ni même le gaz extincteur ne doivent pouvoir refluer dans la cabine des passagers.
3 – Il existe un détecteur de fumée ou d’incendie capable d’avertir le pilote ou le mécanicien navigant par une alarme au poste.

Les textes de ces réglementations aériennes sont bien faits et jouissent généralement d’un bon consensus parmi les professionnels de l’aviation. Par contre, quand on se penche sur leur application concrète, on découvre que leur esprit n’est pas toujours respecté.

Lorsque les enquêteurs s’intéressent au point 2 de l’article précédent, ils sont étonnés de voir avec quelle légèreté il a été validé. Pour le Combi, Boeing avait retenu un système de conditionnement d’air un peu à l’image de celui qu’on trouve dans les salles de chirurgie. Quand la porte d’une sale d’opérations s’ouvre, on reçoit toujours un coup d’air froid sur le visage parce que la pression à l’intérieur est supérieure à la pression au-dehors. Ceci empêche l’entrée d’un air porteur de pathogènes. Selon le même principe, la zone passagers recevait de l’air de conditionnement alors que la zone fret n’était pas ventilée. Ceci créait un léger différentiel de pression en faveur de la partie habitée de l’avion. De la sorte, quand on ouvre la porte de séparation entre les des deux zones, la fumée d’un incendie de fret ne peut pas refluer en cabine. Ca, c’est la théorie. Sur le terrain, quand des membres d’équipage ont ouvert la porte du compartiment cargo, de monstrueux nuages de fumées toxique envahissent la cabine. Certains passagers en sont même morts.

On découvre que la certification de ce dispositif est un authentique tour de passe-passe. Les techniciens de Boeing mettent le feu à une botte de feuilles de tabac placée dans le compartiment cargo. Puis, on ouvre la porte de séparation et on constate qu’effectivement la fumée dégagée ne reflue pas en cabine. Pourtant, il y a un truc.

Le tabac ne brule pas mais il se consume lentement en dégageant beaucoup de fumée. Cette fumée est a la même température que l’air ambiant et de ce fait, ne possède qu’une très faible énergie. Contrairement à la fumée qui se dégage d’un vrai feu, celle-ci est incapable de voyager à contre courant. Pour cette raison, elle n’aurait jamais dut être acceptée pour simuler un incendie.

Ces découvertes sont souvent faites en cas d’accident. Pour cette raison, il faut toujours garder une approche conservative et prudente vis-à-vis de tous les points dits « certifiés ». Les conditions de certification ne sont pas toujours réelles, mais basées sur des simulations plus ou moins réalistes et trop souvent complaisantes avec le constructeur.

La communication mystérieuse :
On apprend au hasard des différents témoignages que l’équipage du 747 a contacté par radio les services de la compagnie à Johannesburg. C’est la procédure. Tous les vols devaient reporter à la centrale une fois en l’air pour donner leur heure de départ et passer des informations liées à l’exploitation des appareils. Ces échanges sont enregistrés et gardés. Excepté pour… l’avion accidenté. Quand les enquêteurs réclament la bande, elle a été effacée, perdue ou réécrite depuis longtemps. Ou peut être qu’ils n’ont pas appelé du tout ? Peut-être que le SELCAL était en panne ? Les bouches sont cousues.

Pour certains familiers de SAA, le pilote a dut évoquer la nature du chargement dans l’échange ce qui a justifié le blackout total de celui-ci.

Il n’y a pas qu’à Johannesburg où les enregistrements disparaissent. A la tour de contrôle de l’aéroport de Plaisance en Ile Maurice, il y avait un pilote de SAA. Il a parlé par radio au commandant de bord du vol 295 mais on ne trouve plus trace de l’échange. Ce pilote n’a jamais été interrogé par les enquêteurs. D’ailleurs, le matin même du crash, le premier avion à quitter Johannesburg était un vol Safair pour l’Ile Maurice bourré de militaires et de responsables de Armscor, la société d’armement Sud Africaine qui avait ses habitudes a la SAA. Interrogée des années plus tard, la veuve du commandant de bord Dawie Uys rapporte que celui-ci avait souvent peur de réaliser certains vols parce qu’on le forçait à transporter des armes qui pouvaient prendre feu ou exploser à tout moment.

Enquetes…
La première équipe d’enquêteurs, appelée Commission Margo, du nom du juge qui la présidait, remit un rapport frileux qui évite les points qui fâchent. Oui, il y a eu du feu. Celui-ci a soit provoqué assez de fumées nocives pour incapaciter les pilotes (installés en avant et un étage au-dessus) ou bien ce feu a fini par faire fondre l’avion en son milieu et celui-ci s’est coupé en deux avant de s’écraser. Cette dernière hypothèse est pour le moins farfelue et elle est fermement rejetée par Boeing.

Le début des années quatre-vingt dix, voit la fin de l’apartheid. En 1991 se tient le procès en appel de Winnie Mandela pour assassinat d’un gamin de 14 ans. Elle a demandé à ses hommes de main de le battre puis de l’égorger. Il parlait trop. Elle a reçu une amende et 2 ans de prison avec sursis. En 1997, elle qualifie de « ridicules » les accusations selon lesquelles elle serait impliquée dans 8 assassinats et au moins 18 autres atrocités. En 2003, elle est reconnue coupable de 43 chefs d’accusations de fraude et 25 autres de vol. Avec un associé, la première dame a réalisé un vaste réseau d’escroquerie aux frais de funérailles. Elle échappe de justesse à 5 ans de prison quand un juge estime qu’elle n’a pas réalisé ces escroqueries pour un intérêt personnel. En 2007, le Canada lui refuse le visa alors qu’elle devait se rendre à une collecte de fonds. L’Afrique du Sud postapartheid, c’est la xénophobie à tel point que la population attaque les étrangers dans la rue. C’est un pays où une femme sur quatre est violée au moins une fois dans sa vie. C’est un pays où la presse fait régulièrement état de viols collectifs sur des enfants et des bébés. C’est plus de 30000 meurtres par an, c’est-à-dire une fois et demi le taux de morts civils et militaires durant la guerre de Bosnie.

C’est donc dans ce pays corrompu à tous les niveaux qu’une nouvelle commission d’enquête est mise en place en 1996. Le lyrisme étant une valeur très en vogue chez tous les régimes de la région, elle s’appellera la Commission pour la Vérité et la Réconciliation. Au bout de 2 ans de contre-enquête, elle finit tout de même par demander à la justice d’ouvrir une nouvelle procédure pour déterminer la nature du cargo transporté.

Cette demande n’a pas été suivie d’effet. Apres tout, 159 morts, ce n’est que le bilan de la criminalité d’un weekend en Afrique du Sud.

Passager tué par une hélice et puis crash le même jour…

1

Peu de pilotes ont réussi l’obscure prouesse de se retrouver 2 fois la même journée au centre d’une enquête du NTSB, le bureau d’analyses et accidents des Etats-Unis. L’histoire racontée dans cet article est vraie et basée sur des faits rigoureusement établis.

Située en Californie, la société Aerial Advertising Services, vous promet de faire voler votre bannière publicitaire au-dessus de régions habitées par des centaines de milliers de gens pour qui votre message ne passera pas inaperçu. Aux USA, les vols publicitaires sont permis. A contrario, en Europe, le plus souvent, il est permis de faire de la publicité a l’aide d’un avion mais celle-ci ne saurait être le but premier d’un vol.

Il est un peu passé midi dans l’aéroport de Hayward Executive (KHWD) quand le pilote et gérant de la compagnie atterrit à bord d’un Cessna T210M à l’issue d’une mission publicitaire conduite sous le Part 91 du CFR 14 (les vols de ligne c’est Part 125). Il transporte également un passager. Un homme de 74 ans, pilote privé et qui vient parfois en observateur.

Une fois au sol, le pilote sort de la piste et décide de s’arrêter 5 minutes en laissant le moteur tourner au ralenti pour refroidir le turbo avant d’aller au parking. On ne saura jamais le détail de la conversation qui a eu lieu dans le cockpit, en tout cas, le passager s’impatiente et veut rentrer au plus vite. A un moment donné, sans concertation, il retire sont casque et décide de rentrer à pieds sans attendre la fin de la manœuvre. Ce vieux monsieur avait l’habitude de piloter des avions à aile basse. Dans ce cas, on descend en arrière de l’aile et celle-ci forme une barrière naturelle empêchant d’aller vers la zone de l’hélice.

Le Cessna 210 est un avion à ailes hautes. Une fois que l’on pose pied a terre et on ferme la porte, on peut marcher dans n’importe quelle direction. Le vieux fait quelques pas et se fait prendre dans l’hélice McCauley tripales qui le déchiquette. Celle-ci est entrainée par un moteur Continental TSIO 520 de 520 pouces cubes de cylindrée, soit un peu plus 8.5 litres repartis sur 6 cylindres opposés à plat. Durant cette phase, le moteur ne cale pas et le pilote assure que l’aiguille de l’indicateur des tours par minute n’a même pas bougé.

Le passager est mort, point final. Une fois passées les difficiles formalités ainsi que l’incontournable interview téléphonique avec le NTSB, le pilote décide de repartir pour positionner l’avion à l’aéroport ou il est basé. Apres nettoyage, l’hélice et le moteur ne présentent pas de dégâts visibles. Une inspection externe ne révèle rien d’anormal et le vol est entrepris.

Le roulage est normal et le pilote fait des tests au point fixe qui ne laissent rien entrevoir d’anormal. C’est juste après le decollage que ça se gâte. A peine le train d’atterrissage rentré que le moteur s’arrête net.

Le pilote se retrouve en vol plané et décidé faire la seule chose possible à ce moment là. Dans le prolongement de la piste, il y a un terrain de golf idéal pour un atterrissage d’urgence. Apres un court vol plané, l’appareil s’écrase au niveau du 18eme trou. Le Cessna est détruit mais le pilote s’en sort indemne.

Cette fois, les enquêteurs ne se contentent pas d’un appel téléphonique mais décident de se rendre sur place. Ils sont épaulés par des techniciens du constructeur de l’avion ainsi que du motoriste.

Justement, le moteur est le centre de toutes les attentions. D’après une directive émise par le constructeur en 1996, tout impact d’un objet sur l’hélice ayant entrainé un choc suffisant pour faire bouger les tours par minute, doit donner lieu à une analyse totale du moteur. Cette analyse suppose le démontage de l’engin pièce par pièce chez son fabriquant. Elle est réalisée même s’il semble fonctionner normalement. En effet, ces moteurs dégagent plusieurs centaines de chevaux de puissance et si l’arbre hélice est bloqué même une fraction de seconde, l’énergie générée pendant ce temps doit quand même être absorbée par quelque chose. Les composants internes peuvent recevoir d’importantes ondes de choc et se casser ou, pire encore, se fragiliser pour céder à n’importe quel moment durant les prochaines heures de vol.

 

Cessna 210 Centurion
Quand le moteur est en route, l’hélice n’est pas visible. Au ralenti, le bruit
et le vent sont faibles. L’accident est très probable si on prend ou
on débarque des passagers sans couper le moteur.
 

 

Le moteur de l’avion accidenté est transporté aux les ateliers de Continental Motors. L’état général, ne permettait plus d’envisager un démarrage au banc d’essai. Il est néanmoins soumis à une batterie d’examens. Tout d’abord, sont testés la continuité des câbles de contrôle ainsi que le circuit de carburant. Les tubulures d’air d’admission étaient à leur place ainsi que les injecteurs qui ne présentaient aucune trace de contamination. Les techniciens parviennent à faire tourner manuellement l’arbre hélice. Au doigt, ils peuvent sentir les compressions se faire dans chacun des 6 cylindres.

Les caches des soupapes sont retirés et les mécanismes testés. Les soupapes ainsi que leurs ressorts sont correctement positionnés. Quand l’arbre hélice est tourné, des tiges poussent les culbuteurs transmettant correctement les mouvements mécaniquement programmés sur les arbres à cames. La synchronisation est parfaite. Il faut aller plus loin encore.

La culasse est retirée ainsi que le carter. On voit les pistons à différentes positions de leur cycle et au milieu, les bielles attaquant le vilebrequin central. Le bloc moteur n’a pas de fissures et ses circuits de refroidissements sont continus et exempts de toute contamination. Les pistons sont retirés un a un. Les segments sont bien en place, continus et ont une bonne tension. Les pieds de bielles sont correctement fixés aux axes des pistons. Les têtes de bielles sont correctement fixées sur le vilebrequin et ne présentent aucun signe de jeu ou de grippage. Aucune partie ne présente de signes de surchauffe. A peine voit-on que les cylindres situés a l’arrière du moteur ont une coloration montrant qu’ils fonctionnaient a une température plus élevée que ceux de devant. Ceci-ci est normal sur ce genre de moteurs refroidis par air où le flux est meilleur vers l’avant.

Pour ne pas faire les choses à moitié, on teste les magnétos ainsi que les bougies. Tout est normal de ce coté la.

En clair : tout était normal dans le moteur. Les enquêteurs n’arriveront jamais à retrouver les causes de la panne. Il est même très probable que si le moteur avait été vérifié après le premier accident, il eut été trouvé en bon état et remis sur l’avion.

La seule moralité qu’on peut tirer, est peut être qu’il ne faut jamais voler le même jour avec des moteurs ayant déchiqueté des gens.

Lemanair Executive : Erreur de Carburant en Suisse

0

Christian était passionné d’aviation et rêvait depuis toujours de créer sa compagnie de transport aérien. Dès la première phase de son projet, il se transforma en homme orchestre intervenant sur tous les aspects d’un dossier qui grandissait de jour en jour. Il gérait les contacts avec les banques, les investisseurs, les fournisseurs d’avions, les futurs clients… etc. Une fois sa boite lancée, il continua à jongler avec les responsabilités, mais cette fois, dans un environnement qui ne pardonne rien.

Lemanair Executive a été officiellement fondée en 1997 même si à ce moment, elle ne possédait encore aucun avion. Elle commença ses opérations en mars 2000 avec un bimoteur a piston de type Piper 31-350 immatriculé HB-LTC loué à une société suisse de leasing. Le 26 mai 2000, l’avion s’écrasa suite à une incroyable série d’erreurs mettant ainsi fin au rêve.

L’appareil avait commencé son programme du jour en réalisant un vol entre Béziers, dans le Sud de la France, et Zurich. En plus de Christian aux commandes, avaient pris place sept jeunes femmes se rendant à un concours de beauté. L’atterrissage eut lieu à 19:10 locales, c’était le dernier vol complet de l’appareil.

Resté seul sans son cockpit, le pilote, qui est en même temps l’administrateur de la compagnie, s’occupa à remplir des documents. Une compagnie aérienne, même petite, implique beaucoup de bureaucratie. En même temps, il commanda du carburant pour rentrer à Genève où il est normalement basé.

La veille de l’accident, le 25 mai, avant de partir pour Béziers, au même endroit, il avait déjà commandé du carburant à la compagnie Jet Aviation. Au moment, de la livraison, le préposé avait eu son attention attirée par les winglets aux extrémités des ailes. De son expérience, il n’avait vu cela que sur les avions équipés de moteurs a réaction ou de moteurs de type turbopropulseurs. Il s’enquit auprès du pilote au sujet des moteurs. Ce dernier lui signala le carénage rectangulaire des moteurs signifiant que ceux-ci sont plutôt à pistons. Il lui expliqua que le Piper avait subi des modifications techniques touchant uniquement la cellule mais pas les moteurs.

 

HB-LTC
Carenage rectangulaire sur les moteurs a pistons. Les cylindres sont
opposes a plat sur deux lignes donnant cette allure au moteur. Ici, il faut de l’Avgas 100 LL.
 

 

 

HB-LTC
Piper PA-31T equipe de moteurs a turbines. Remarquez le carenage arrondi.
 

 

 

HB-LTC
Moteur a turbine sur un Kingair. Forme arrondie, une seule entree d’air.
Par ailleurs, l’helice est facile a tourner a la main parce qu’il n’y a pas de compressions.
 

 

En fait, ce Piper 31 tel qu’il était modifié avait de la gueule. Il en avait tellement que de nombreux employés de l’aéroport pensaient qu’il avait des turbopropulseurs. Fatalement, un jour ou l’autre, l’un d’eux allait tenter d’y avitailler du JET A1 au lieu de l’Avgas 100. Erreur mortelle si elle devait arriver. Facteur aggravant, cet appareil avait été spécialement importé des USA et ne faisait pas partie des avions qu’on voyait régulièrement et avec lesquels on était familier dans les aéroports suisses. La confusion la plus probable est avec le Piper PA-31T qui, lui, a bien des moteurs à turbines.

Le 26 mai, quand le camion FL 7 se présente pour la livraison, le pilote ne sort pas immédiatement à sa rencontre. Il semble avoir la tête dans ses papiers. Le préposé se gare en face de l’avion, lui présentant son flanc droit, a une position lui permettant d’atteindre les deux réservoirs d’ailes avec le tube. Sur la citerne, un panneau affiche en blanc sur noir : JET A1. Il n’attire pas l’attention du pilote.

 

HB-LTC camion fuel
Exemple de positionnement d’un camion citerne. Le prepose peut atteindre les deux
ailes avec le tube sans devoir deplacer le vehicule durant la manoeuvre.
 

 

 

HB-LTC camion fuel JET A1
Camion citerne utilise le jour du crash. Remarquez le placard noir indiquant
JET A1 en lettres blanches (10 x 38 cm).
 

 

Une fois le dispositif en place, le pilote s’approche d’un des préposés et lui annonce la quantité dont il a besoin tout en lui présentant une carte de crédit. Comme l’employé l’informe qu’il a besoin de se rendre au bureau pour passer la carte à la machine, le pilote s’impatience expliquant qu’il a un slot à respecter. S’il rate son heure de départ, il peut avoir à attendre un long moment avant d’obtenir une nouvelle autorisation pour Genève.

Il commence à pleuvoir, Christian remonte dans le cockpit et utilise son téléphone portable pour passer un appel d’une minute et demi à sa campagne. Probablement pour annoncer qu’il va bientôt rentrer à la maison.

Pendant ce temps, les pompes du camion envoient 50 litres de Jet A1 dans chaque réservoir !

Quand le bon de livraison est présenté au pilote, il le signe sans le lire. La quantité et le type de carburant y sont indiqués sans équivoque.

Alimenter un moteur à essence en kérosène, c’est comme l’alimenter en eau potable : il s’arrête net. Pour autant, il y a encore un espoir. L’espoir que l’avion roule assez longtemps pour que ses puissants moteurs consomment tout l’Avgas qui reste dans les tubes et s’arrêtent pendant le roulage une fois que le kérosène arrive dans le carburateur.

 

Piper 31 HB-LTC
L’étiquette à droite indique le type de carburant. Trop discrète.
L’employé n’a même pas remarque son existence !
 

 

A 20:10, le pilote obtient l’autorisation de mettre les moteurs en route. Moins de 4 minutes plus tard, il rappelle pour se déclarer prêt au roulage. Zurich est habituellement un aéroport surchargé, mais ce jour la, le trafic est étrangement fluide. Immédiatement, le Piper est autorise à rouler pour la piste 28. Il y arrivera très vite. A 20:17:30, le pilote annonce sur la fréquence de la tour qu’il est aligne et prêt au décollage.

A 20:20:58, l’ordre fatal tombe : l’avion est autorisé à décoller. L’appareil s’aligne et l’accélération à pleine puissance semble normale. Il s’élève et le train d’atterrissage se rétracte. A environ 50 mètres du sol, soudainement, les moteurs s’arrêtent. Les pannes sont simultanées à la seconde près.

Pour le pilote, la surprise est totale. Bien sûr, s’il avait eu le temps, même une minute, pour considérer la situation, y réfléchir et trouver un plan d’action, il aurait décidé de pousser sur le manche, gardé les ailes horizontales et atterri en fortune dans un champ en bout de piste. Plusieurs se trouvent tout droit à quelques secondes de vol plané. Le pilote n’a le temps de réfléchir. C’est une des rares circonstances où la réaction doit précéder une réflexion profonde. Les pilotes ont un truc pour ça : le briefing avant décollage.

En effet, le décollage est l’un des phases les plus critiques dans le vol d’un avion. Le sol est proche, la vitesse faible et les moteurs soumis à un stress considérable. Si on décolle en réfléchissant a son programme de demain, a un incident arrive la veille… etc. et qu’un problème survienne a ce moment la, les lois de la physique sont claires : il n’y a pas le temps de revenir dans la boucle, faire une analyse de la situation et réagir. Dans les compagnies sérieuses, les pilotes font un briefing avant le décollage ; c’est plus qu’un rituel. Son but est de ramener dans la mémoire à court terme toutes les actions qu’il faudrait faire si une situation d’urgence venait à se produire lors du décollage. L’analyse elle, se fait tout le long de la manœuvre par une observation régulière des instruments. Si la panne redoutée arrive, le bon geste part avant même que l’alarme ne devienne intellectuelle. Ce n’est que ça. Il n’y a ni bon, ni mauvais pilote mis a part le respect des concepts de base.

Une fois que les moteurs s’arrêtent, le pilote se retrouve dans une phase de stupeur, de surprise et également de déni. Dans un premier temps, il maintient son assiette de départ. L’avion ne descend pas mais troque de la vitesse pour maintenir son altitude. Puis, c’est la décision fatale : faire demi-tour pour revenir atterrir sur la piste. Les avions planent bien quand ils ont les ailes horizontales. Par contre, en virage, ils tombent bien plus vite. A basse altitude, on peut, à la rigueur, altérer un peu sa trajectoire pour éviter un obstacle, mais ne jamais se lancer dans d’importantes manœuvres.

Les premiers 90 degrés se passent plutôt bien. Décollant à pleine puissance avec une seule personne a bord et les réservoirs partiellement remplis, l’avion avait pu acquérir une bonne marge de vitesse. Par la suite, l’inclinaison s’accentua ainsi que la perte de vitesse. De plus, le pilote décida de sortir le train d’atterrissage et passa 2 messages radio au contrôleur aérien.

 

Piper 31 HB-LTC trajectoire apres la panne moteur
La panne a eu lieu a l’intersection des pistes. Le pilote a commence un demi tour a
gauche en sortant le train d’atterissage.
Ne jamais faire ca, c’est mortel !
 

 

A la fin de son demi-tour a gauche, l’avion est à 10 mètres de hauteur et fait face à un bosquet d’arbres impossible à éviter. Il se prend dedans, laisse une partie de ses ailes dans la végétation et en sort sur le dos pour aller finir sa course dans une rivière a quelques dizaines de mètres de la.

 

Piper 31 HB-LTC
Trajectoire du HB-LTC apres le passage dans les arbres.
 

 

La décélération est violente, mais pas terrible. La rivière Glatt faisant à peine un mètre de profondeur sur le lieu du crash, suffit pour amortir le choc sans présenter de risques de noyade. L’accident est même classé comme survivable par les enquêteurs locaux.

Ce n’est pas fini. Il y a encore un autre maillon dans cet enchainement implacable dont toute la finalité semble être la revendication de la vie du pilote. La ceinture de sécurité, de même type que celles qu’on trouve dans les voitures, a un problème que personne n’avait remarqué lors des contrôles techniques. Lors d’un choc, l’enrouloir doit bloquer. Pour s’en rendre compte, il suffit de tirer un coup sec sur la ceinture et elle doit s’arrêter net. Comble de la malchance, sur ce Piper, la ceinture de sécurité avait un dispositif usé qui ne remplissait pas son rôle. Même en cas de choc très fort, la ceinture se déroulait sans offrir la moindre résistance.

A l’impact, le torse du pilote est projeté contre le tableau de bord et les commandes. Le cœur prend un coup qui casse la branche antérieure de l’artère coronaire inter ventriculaire gauche. Il n’y a pas de redondance dans l’irrigation du cœur humain. Chaque artère coronaire non fonctionnelle, signifie une zone du cœur privée de sang et donc de ressources. Dans le cas précis, c’est la moitie du ventricule gauche qui ne travaille plus. Il reste quelques secondes, ou quelques minutes de vie tout au plus. C’est irrémédiable.
Apres l’impact, le pilote déboucle sa ceinture de sécurité et rampe vers l’arrière de l’appareil dans l’espoir de trouver une sortie. C’est la que le trouvent les services de secours arrives sur les lieux en quelques minutes. Ils coupent la tôle de l’avion et ne peuvent que constater le décès du pilote.

Lemanair cessa de fait toute activité et l’année d’après, elle fut mise en liquidation. Christian avait volé 9 heures en tout sur l’aviation accidenté.

Autre explication :

Il est étonnant de voir le nombre de fois que le pilote a raté l’occasion de voir qu’on livrait du JET A1 au lieu de l’AVGAS 100 LL. Le Jet A1 taxé était même près de 40% plus cher que l’Avgas 100 LL acheté la veille pour aller a Béziers. Les techniciens de l’entreprise de services sont certains d’avoir reçu un appel du pilote pour leur commander du JET A1. Il est possible que le pilote ait commis au départ l’erreur de penser qu’il avait besoin de JET A1 pour son appareil. Il ne révisa jamais son jugement par la suite et toutes les démarches qu’il réalisa étaient cohérentes avec son objectif de départ. Ceci semble plus probable qu’une chaine constante de confusions entre les deux carburants.

Au sujet de l’avitaillement :

L’erreur commise ce jour la est arrivée a l’issue d’un risque connu qui n’a jamais été correctement maitrisé comme les événements sont venus le prouver. Suite a de nombreux incidents partout survenus partout dans le monde, il avait été décidé de créer une norme régissant le diamètre de l’entrée des réservoirs et celui des pistolets équipant les camions citerne.

A l’initiative de la FAA, des les années quatre-vingt, on commença à réduire la taille des entrées de réservoirs des avions consommant de l’Avgas. Pour ceux déjà en service, une plaque circulaire munie d’un trou plus étroit était fixée a l’entrée du réservoir. Pour le Piper 31, la FAA avait émis une directive de navigabilité AD 87-21-01 qui rendait cette intervention obligatoire des 1987 et elle fut effectivement réalisée. Ce n’est pas suffisant, il fallait également que les camions citerne de JET A1 soient équipés de pistolets de 3 pouces de diamètre et ceux d’AVGAS de pistolets significativement plus petits. Cette façon de faire rendrait physiquement impossible toute erreur de livraison.

Pour faire bien les choses, Jet Aviation avait changé la taille des pistolets de livraison comme suite :
– JET A1 : 67 millimètres
– AVGAS 100 LL : 45 millimètres

Avec cette configuration, il était impossible de commettre l’erreur de livraison.

Cependant, pour que ce système marche, il faut que tout le monde joue le jeu. Ce ne fut pas le cas ! A Zurich, se présenté de nombreuses fois des avions nécessitant du JET A1 mais ayant des entrées de réservoir de faible diamètre. Pour pouvoir les servir, le camion avait été donc été modifié et des pistolets de 45 millimètres installés dessus.

 

Tubes JET A1
En haut, le tube JET A1 reglementaire elargi a 67 mm. Il ne peut
aller dans un reservoir AVGAS 100 LL reglementaire. En bas, le tube utilise le jour de l’accident.
 

 

 

Tube avitaillement en JET A1 3 pouces
Demonstration : le tube reglementaire elargi n’aurait pas pu rentrer dans
l’ouverture du reservoir du Piper accidente.
 

 


Remarque :

Je connaissais personnellement Christian. J’avais fait une partie de mes études d’aviation avec lui à l’école des Ailes à Genève. Nous préparions une licence de pilote professionnel IFR. La dernière fois que je l’ai vu, c’était sur le parking d’aviation générale de l’aéroport de Genève Cointrin. Il devait partir pour un vol local d’entrainement avec un instructeur a bord d’un avion de type bimoteur Partenavia P.68

L’enseignement en Suisse était de bonne qualité mais avec aucun focus sur ce qui doit de passer au sol. L’esprit était que le vol commence une fois que l’avion est aligné sur la piste. Par exemple, après avoir vole avec de nombreuses personnes, je n’ai pas assiste une seule fois a quelque chose qui ressemblait a une visite pré-vol. Je pense que Christian a été victime de cette culture.

Abordage meurtrier au-dessus de l’Hudson

0

N401LH helico
Ancienne peinture : plus visible, donc plus sure.
 

 

 

Abordage avion helico Hudson New York
Quelques instants apres l’impact
 

 

Un grave accident a eu lieu aujourd’hui au dessus du fleuve Hudson, à l’endroit où il forme une frontière naturelle entre New York et le New Jersey. Un avion de tourisme de type Piper PA-32 transportant le pilote, un adulte et un enfant est entre en collision avec un hélicoptère de type Eurocopter AS350 Ecureuil. Ce dernier avait à son bord un pilote et 5 touristes italiens.

D’après les premiers témoignages, l’avion aurait percuté avec son aile le rotor de l’hélicoptère qui se serait arraché. Les deux aéronefs sont tombés à l’eau provoquant la mort de tous les occupants, à savoir 9 personnes et un enfant.

 

Abordage avion helico Hudson New York
Rotor arraché. L’avion a une aile en moins
 

 

 

Abordage avion helico Hudson New York
 

 

 

Abordage avion helico Hudson New York
 

 

 

Abordage avion helico Hudson New York
 

 

 

Abordage avion helico Hudson New York
Photos de touristes diffusées par les médias
 

 

Le NTSB a envoyé une équipe d’investigation complète de dix membres. Il n’est pas possible de mieux définir les circonstances exactes de l’accident pour le moment. La seule chose de remarquable actuellement est que l’hélico qui avait une couleur bleue foncée il y a quelques années, a été repeint en couleur gris métal qui se camoufle très bien sur un arrière-plan nuageux.

 

Abordage avion helico Hudson New York
Restes flottants dans l’Hudson
 

 

La société Liberty Helicopters possède 3 machines et propose des tours et des services charter dans la région de New York depuis 20 ans. Pour environ 200 dollars par personne, il est possible de survoler Manhattan, la Statue de la Liberté et les ponts de la région.

L’avion appartenait à un privé.

 

Liberty Copters
Brochure Liberty Helicopters.

Prévention aviation générale : un crash mortel en été

0

Alors que la canicule sévit un peu partout, l’occasion est bonne pour parler d’un type de crash qui fait de nombreuses victimes chaque été. Le premier élément de ce dossier c’est cette vidéo qui a été prise par hasard par une équipe de Fox News qui réalisait un reportage à l’aérodrome de Cameron Park dans le Sierra Nevada, Californie.

L’appareil qui décolle dans cette vidéo est un Beechcraft Bonanza connu officiellement sous le nom Raytheon Aircraft Company A36. On en trouve régulièrement dans les aéroclubs en USA et en Europe même si ce n’est pas le moins cher à louer. Le A36 a un train rentrant, est souvent équipé IFR et parfois le moteur à pistons est remplace par un turbopropulseur qui augmente significativement ses performances.

L’appareil impliqué dans cet accident mortel est un A36 doté d’un moteur a pistons Teledyne-Continental de 300 chevaux. Sur les 6 sièges, seuls 4 ont été gardés. Deux font face à l’avant. Ils sont occupés par le pilote et un passager. Deux autres se trouvent à l’arrière et sont orientés de manière opposée au sens de la marche.

 

Beech Bonanza
Beech Bonanza – Remarquez le train rentrant.
 

Le jour de l’accident, le 30 août 2007 vers midi, la température était de l’ordre de 35 degrés en augmentation. A bord, avaient pris place le pilote et 3 passagers. Le pilote pèse 74 kg et a droite, a pris place un passager qui pèse 94 kg. A l’arrière, il y a un couple : la femme pèse 89 kg et son compagnon 106 kg. En plus de ces passagers très sérieux, il y a 123 kg de bagages qui sont embarques. De plus, près de 200 kg de carburant sont pompés dans les réservoirs. L’air de rien, l’avion est déjà au-dessus de sa masse maximale certifié au décollage.

Quand on parle de masses maximales, il ne faut jamais confondre entre un avion de tourisme et un Boeing 737. Si les avions de ligne ont une forte réserve de puissance permettant de les exploiter jusqu’à leurs limites certifiées, il n’en est pas de même pour les petits avions de tourisme. Les limites de ceux-ci sont évaluées, cherchées et puis certifiées dans des conditions idéales. L’avion est neuf, sa peinture et la surface de ses ailes parfaites, son moteur réglé comme une horloge, la piste est suffisamment longue pour permettre plusieurs décollages et atterrissages en enfilade, la météo parfaite… l’homme aux commandes est un pilote d’essai qui a un pilotage précis et connaît l’avion comme sa poche… etc. Toutes ces conditions, il serait illusoire de s’y attendre en exploitation normale. Par exemple, dans l’avion qui s’écrase dans cette vidéo, il fut déterminé que le moteur donnait 92.5% de sa puissance, soit 277.5 chevaux au lieu des 300 indiqués.

Certains pilotes expérimentés prennent des marges de 20 a 40% sur les limites publiées pour un ancien avion de tourisme. Ceci peut signifier partir a deux sur un appareil prévu pour quatre mais en se gardant des marges plus que généreuses. De plus, si pour les petits avions, il ne faut pas utiliser des masses forfaitaires pour les passagers et leurs bagages, mais les peser réellement.

L’appareil N1098F était certifié pour 1814 kg de masse maximale au décollage. En réalité, il était au-dessus de cette masse déjà plus qu’optimiste : 1860 kg. Le dépassement a l’air faible, mais encore une fois, nous n’avons pas affaire à un Boeing 737.

Etude de la vidéo :
L’avion accélère sur une distance relativement longue avec un vent nul. En effet, très dur a voir, il y a quelques images qui comportent un manche a air qui pend verticalement. L’analyse du temps de passage entre certains repères, montre qu’à la rotation, il avait une vitesse de 84 nœuds plus ou moins 4 noeuds. Vers la fin de la piste, elle tombe à environ 80 nœuds avec la même approximation de calcul.

Par contre, il y a soudainement un vent qui se manifeste après le décollage alors qu’il n’est pas présent lors du roulage. En effet, on voit l’avion prendre un crabe de 7 degrés a gauche alors que son ombre continue à suivre l’axe de piste. Si on prend la vitesse calculée précédemment, ceci donne un vent avec une composante latérale de l’ordre de 10 nœuds.

La piste est bordée d’arbres et de maisons qu’on voit très bien lors de l’accélération au décollage. Ceux-ci protègent du vent qui ne va affecter l’avion que lorsque celui-ci atteint une hauteur supérieure a celle des toits environnants. Cet effet d’écran masque le vent réel et retarde sa manifestation.

Un instant avant l’impact, le pilote a coupé les gaz. Ceci justifie le placage très soudain de l’avion au sol. L’avion a ensuite glissé sur 110 mètres environ en délogeant un rocher qui l’a accompagné sur une vingtaine de mètres. A la fin, il se retourne brutalement.

Le pilote et le passager ont été gravement blessés. Le couple assis à l’arrière a eu moins de chance. L’homme a eu le coup cassé et le crâne enfoncé. Il est mort sur le coup. La femme a eu le bassin cassé et une forte hémorragie interne. Elle est également décédée sur place.

 

Aria Air Vol 1525 – Iran: sortie de piste meurtriere

0

L’aviation iranienne fait parler d’elle pour la seconde fois en un mois. Cette fois encore, il y a beaucoup de victimes. Un Ilyushin IL-62 qui realisait le IRX-1525 entre la capitale Teheran et Mashhad a l’Est du pays.

L’appareil s’approchait par un vent de travers de 14 noeuds (moyen) sur une piste particulierement longue de l’aeroport de Shahid Hashemi Nejad : 3800 metres de bitume.

Malgre cela, l’avion est sorti de la piste a pris feu. Toute la partie avant semble avoir ete separee du reste. Desequilibre, l’avion s’est arrete en position cabree. Les survivants ont deploye des toboggans pour sortir.

On compte au moins 25 morts selon un premier bilan. L’avion implique serait immatriculee UP-I6208 un des deux Il-62 de la compagnie locale Aria Air. L’Il-62 est un quadri-reacteur long courrier. Ses 4 moteurs sont tous a l’arriere jumeles deux par deux.

Les pilotes ont annonce qu’ils atterrissaient en urgence suite a des difficultes techniques non specifiees.

Il-62 Iran
L’equipage et les passagers assis en avant comptent parmi les victimes

Premiere analyse
L’analyse des premiers images videos diffusees par CNN, montre que les ailes de l’appareil sont en configuration lisse. C’est a dire que les volets sont en position rentree. Il n’est pas impossible que l’appareil ait souffert du blocage de ces dispositifs ne laissant aux pilotes que l’option d’atterrir sans, c’est-a-dire, a grande vitesse. Dans ce cas, la sortie de piste est tres tres probable.

D’apres les nouvelles qui arrivent d’Iran, l’appareil les victimes sont dues au fait que l’avion ait percute une construction ou un mur en beton en bout de piste. Depuis des annees, l’OACI tente de faire demolir tous les obstacles solides situes en bout de piste. Ceux-ci sont de veritables tueurs pour les avions qui ratent un atterrissage ou un decollage. Vous pouvez voir ici, un autre accident en Afrique ou l’avion heurte un mur lors du decollage.

 

Il-62 Iran
Les volets en position rentree
 

 

 

Il-62 Iran
L’appareil aurait percute un “mur”
 

 

 

Il-62 Iran
Il-62 avec les volets rentres.
 

 

 

Il-62 Iran
Volets en position atterrissage. Remarquez 2 inverseurs de poussees sur 4 sortis avant le toucher.
choix technique assez risque.
 

MAJ 2014: l’avion a atterri a pres de 200 noeuds (sans volets). Ils ont probablement refuse de sortir.

Aaliyah Dana Haughton et les Fly-by-Night

0

Aaliyah avait signe son premier contrat a l’age de 12 ans. Lancée par R. Kelly, en quelques années, elle fut l’une des stars les plus prometteuses de sa génération. Son premier album “Age Ain’t Nothing But a Number” a été distribue a 2 million d’exemplaires aux USA gagnant ainsi le double disque de platine de la RIAA. C’est durant le tournage de son clip R&B “Rock the Boat” qu’Aaliyah trouva la mort dans un crash étonnant.

En effet, les personnalités du showbiz, du monde politique ou des affaires, ont tendance à s’offrir les services de compagnies d’aviation privées pour leurs déplacements. Ce que ces passagers ne mesurent pas, c’est le danger énorme lie à ces déplacements. Comme le disait Warren Buffet, la somme de tout l’argent réalisé par les compagnies aériennes depuis le début de l’aviation est strictement nulle, absolument nulle ! Alors que toutes les grandes compagnies volent à la limite de la solvabilité, les toutes petites cherchent à faire de l’argent par tous les moyens. La multitude de ces entreprises est telle que les autorités de tutelle sont largement dépassées et n’arrivent pas toujours à les contrôler.

C’est le 25 août 2001, l’équipe de tournage avait fini ses séquences à Marsh Harbour aux Bahamas et devait rentrer en Floride avec son matériel. Un aller retour avec US Airways ou American Airlines se négocie autour des 300 a 400 Euros par personne. C’est vrai qu’il faut supporter les attentes a l’aéroport, les scanners de la TSA et les autres passagers, mais ça a un avantage indéniable : on arrive a bon port.

Une entreprise de transport aérien a la demande est mandatée : Blackhawk International Airways. Travaillant selon le Part 135 de la FAA, cette compagnie faisait des vols taxi entre la Floride et les Bahamas. Alors que 8 passagers sont à transporter, un Cessna 402B est dispatche. Cet appareil est certifie pour 7 passagers et un pilote. D’avance, il est clair qu’il faudra partir en surcharge.

Le pilote mis sur la mission, Luis Morales, est un cas particulier. Le jour même du crash, il se faisait licencier d’une autre compagnie parce qu’il n’était pas venu travailler pendant deux jours sans avertir personne. En novembre 2000, ce pilote se rend dans un magasin de pièces détachées d’avions pour se faire rembourser 345 dollars de pièces qu’il présente avec leur ticket de caisse. Quelques minutes plus tard, il se fait arrêter par la police. En effet, ces pièces ainsi que le reçu provenaient d’un cambriolage qui avait été signale aux autorités. Fouillant son domicile, les enquêteurs trouvent d’autres objets voles. Notre pilote se fait donc poursuivre pour recel.

Aaliyah Dana Haughton
Aaliyah Dana Haughton. 16 janvier 1979 – 25 aout 2001
En juillet 2001, un peu plus d’un mois avant le crash, il se fait arrêter par le Sheriff sur Pompano Beach à bord d’une Volkswagen après avoir grille un stop. A bord, on trouve du crack, de la cocaïne et des cachets. Il déclare à la police qu’il était sur zone pour acheter des stupéfiants pour un ami.

Personne ne connait réellement l’expérience de vol de Louis Morales. Apres sa mort, on découvre que ses heures de vol et plusieurs documents avaient été falsifiés par ses soins afin de faire valoir des qualifications qu’il n’avait pas. Ce qui est clair pour le NTSB, c’est qu’il n’était pas qualifie pour voler sur le Cessna 402B.

La compagnie aérienne, elle même, était très mal vue a la FAA. Durant les 3 dernières années, elle avait écopée de 4 amendes dont une pour réalisation de maintenance par des personnes non qualifiées selon des procédures non agrées.

Quand il se présente à l’aéroport de départ, le pilote est déjà sous l’emprise de l’alcool et de la cocaïne mais il a l’impression d’assurer. Les passagers sont presses de partir et ont l’équivalent d’une camionnette de matériel de bagages divers. C’est un jet prive qu’il leur faudrait.

 

Cessna 402B
Le Cessna 402 est un bimoteur léger. Tres sur quand il est
exploité correctement.
Quand le carburant est pompé dans les ailes et le fret mis en place, l’appareil pèse 5500 livres. Comme sa masse maximale certifiée au décollage est de 6300 livres, ceci laisse 800 livres, ou 360 kg, pour les 9 personnes a prendre place.

Il est 18:50 quand l’appareil s’aligne pour décoller. A ce moment, l’accident est inévitable. La seule inconnue c’est le bilan laisse aux caprices de l’aléatoire.

L’appareil accélère sur la piste 27 tiré par ses deux moteurs à piston de 300 chevaux pièce. Il s’arrache difficilement du sol et commence a se cabrer parce qu’il est chargé trop en arrière. Les témoins le voient dépasser le seuil de piste après avoir pris quelques dizaines de mètres de hauteur puis décrocher et revenir brutalement vers le sol.

Le choc est terrible et le bilan énorme : pas un seul survivant. Les 9 occupants reçoivent des blessures importantes et décèdent sur place.

Après le drame, la compagnie opérant l’avion se mura dans le silence et ne communiqua avec les enquêteurs qu’avec avocat interposé. La plupart des documents demandes, tels que les registres de maintenance ne furent jamais produits.

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash
 

 

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash
 

 

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash
 

 

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash
 

 

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash
 

 

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash
 

 

 

Cessna 402B N8097W
Cessna 402B sur les lieux du crash

Caspian Airlines vol RV-7908

0

On en sait un peu plus au sujet du Tupolev 154M de Caspian Airlines qui s’est ecrase en Iran, pres de Janat-Abad, le 15 juillet dernier. L’appareil immatricule EP-CPG realisait le vol RV-7908 qui relie Teheran a Erevan, la capitale de l’Armenie. A son bord avaient pris place 156 passagers et 12 membres d’equipage.

Construit en 1987, cet avion est d’une ancienne conception. Il remonte a l’epoque glorieuse des trimoteurs. De loin, il ressemble a un Boeing 727. Les 3 moteurs sont tous a l’arriere. Le Tupolev 154M est la version la plus aboutie et se compare tres biens aux Boeing et Airbus et en terme de fiabilite operationnelle. Cet avion est encore largement utilise dans les Pays de l’Est, en Russie, en Asie Centrale et en Chine. Vous n’en croiserez aucun dans les aeroports occidentaux parce qu’ils n’ont plus le droit de venir a cause de leur niveau d’emissions sonores.

Le vol RV-7908 avait decolle dans la matinee et avait pris un cap nord-ouest. Un quart d’heure plus tard, vers la fin de la montee, une panne moteur non-contenue endommage l’arriere de l’avion. En effet, il y a deux sortes de pannes moteur. Dans le cas le plus frequent, il y a panne mais l’integrite de l’ensemble moteur est conservee. Les pilotes sont entraines pour gerer ce probleme et generalement, le vol se termine bien. Plus rares, mais bien plus dangereuses, sont les pannes moteur non contenues. Dans ce cas, le moteur explose et des pieces en metal sont envoyees contre la carlingue avec une energie formidable.

 

Delta 1288
Vol Delta 1288 (6 juillet 1996), lors de l’acceleration, le moteur 1 de ce MD-88 a explose.
Deux passagers assis au niveau du moteur ont ete tues.
 

L’appareil avait presque atteint le niveau de vol 290 quand il commenca a perdre de l’altitude a un taux moyen superieur a 15000 pieds par minute ! A partir du niveau 150, le taux de chute s’accelere pour s’approcher de 40000 pieds par minute. En tout, la chute dura 1 minute et 18 secondes.

 

Panne réacteur et feu au sol
Panne non contenue à l’aéroport de Los Angeles le 2 juin 2006
 

 

A l’impact, tous les occupants trouverents la mort. Les enregistreurs de vol ont ete retrouves mais ils semblent etre endommages au-dela de toute possibilite d’exploitation.

Il reste regrettable que ces pays ne realisent pas d’enquetes aux standards internationaux et ne mettent que tres rarement des rapports d’accident a la disposition du public. Ceci penalise le retour d’experience et des lecons importantes ne sont pas tirees alors qu’elles pourraient eviter d’autres accidents a l’avenir. On ne saura probablement rien sur :

– La performance des pilotes
– Les parties / circuits / systemes qui ont ete endommages
– Les causes de la panne non contenue
… etc

Ceci veut dire que ce crash peut survenir de la meme maniere a l’avenir.

 

Tupolev 154M
Appareil implique dans ce crash. C’est le moteur 1 qui a explose.
 

 

Confusion autour de l’equipe de judo
Huit membres de l’equipe de judo juniors se trouvaient a bord de l’avion. Neanmoins, 3 d’entre eux sont encore en vie. En effet, la federation iranienne a remplace trois joueurs par des lutteurs plus ages et plus forts. Ceux-ci ont ete dotes de faux passeports avec leurs photos mais les identites des joueurs qu’ils remplacaient. Ce genre de demarches sont tres courantes dans cette region du globe. Malheureusement, elles ne touchent pas que les lutteurs de judo… souvent, les pieces des avions sont illegalement recyclees, leurs papiers falcifiees et elles retrouvent une nouvelle vie. Ceci reste une tres lourde menace pour la securite aerienne dans ces pays.

Cas similaires :
23 DEC 1984:
Tupolev 154B-2 opere par Aeroflot et dote de 3 moteurs Kuznetsov NK-8-2U. Lors de la montee, le moteur 3 connait une panne non contenue. Le mecanicien de bord arrete le moteur numero 2. L’appareil perd de la puissance et le feu se propage sans controle. Lors de l’approche sur Krasnoyarsk, le controle est perdu et l’avion s’ecrase tuant ses 110 occupants.

3 JAN 1994:
Tupolev 154M de Baikal Airlines et equipe de 3 moteurs Soloviev D-30KU-154-II. L’equipage s’acharne pendant 17 minutes a mettre en marche les moteurs. Le numero 2 pose des problemes et a une alarme rouge. Celle-ci indique que le moteur electrique qui sert a le lancer ne s’est pas deconnecte et se trouve donc entraine par le reacteur. L’equipe decide d’ignorer l’alarme et decolle de l’aeroport de Moscou. Alors qu’il passe les 4000 metres d’altitude, le demarreur electrique du moteur numero 2 explose et endommage le moteur en question ainsi que de nombreuses lignes electriques et hydrauliques ainsi que des tubes de carburant. L’appareil immatricule RA-85656 s’ecrase tuant ses 124 occupants et une personne au sol.

Ses deux accidents sont typiques des pays de l’Est : des pannes mecaniques liees a une forte sous-performance des equipages.

Lire aussi:
– Pannes moteurs non contenues article 1 / article 2

Evacuation d’Urgence d’un 747 de British Airways a Phoenix

0

Un Boeing 747-400 de British Airways a du etre evacue quelques secondes apres le debut du pushback quand des passagers ont commence a sentir des fumees acres sortir de sous leurs sieges. L’avion immatricule G-CIVB realisait le vol BA-288 qui relie Phoenix, Arizona, a London Heathrow. L’appareil transportait 298 passagers et 18 membres d’equipage.

On denombre 15 blessers legers pour des bobos habituels pour ce genre de situations. Une personne a du etre hospitalisee pour des douleurs au dos. Les passagers se retrouverent sur le tarmac par une temperature de 43 degres centigrades ! Certains avaient evacue avec leurs baggages (!) d’autres ont du attendre des heures au terminal pour recevoir un sac, une veste ou un passeport. Le vol a ete annule et un avion de remplacement prevu pour demain.

L’intervention des pompiers avec des cameras thermiques puis l’inspection de l’appareil ne revelerent aucun signe de feu. Il n’est pas impossible que les fumees aient une origine electrique. Dans ce cas, elles cessent une fois que le courrant est coupe et les circuits impliques refroidissent d’eux-memes.

Il faut rappeller qu’une evacuation d’urgence sur un avion de cette taille n’est jamais begnine.

En septembre 2005, un avion de Saudi Airlines a ete evacue a l’aeroport de Colombo au Sri Lanka apres une fausse alerte a la bombe. C’etait un Boeing 747-300 qui transportait 424 passagers et 19 membres d’equipage pour le vol SV781 qui se rendait a Djeddah. Apres l’annonce d’evacuation, la panique degenera en une grosse bousculade qui fit un mort et plus de 60 blesses.

 

G-CIVB apres l'evacuation
L’appareil apres l’evacuation.
 

 

 

G-CIVB apres l'evacuation
L’appareil apres l’evacuation.
 

 

 

G-CIVB apres l'evacuation
L’appareil apres l’evacuation.
 

 

 

G-CIVB apres l'evacuation
L’appareil apres l’evacuation.

Video: exemple d’approche Circle-to-Land

4

Afin de mieux comprendre l’accident de l’A310 aux Comores, voici un exemple d’approche ou les pilotes doivent faire une vent-arriere en maintenant le visuel sur la piste. Puis, ils font demi-tour et viennent atterrir. Imaginez la meme scene mais de nuit, vous comprendrez un peu la difficulte a laquelle devait faire faice l’equipage du vol de Yemenia. N’essayez pas ca chez vous !

De nombreuses compagnies aeriennes ne vont sur des terrains exigeant ce genre de manoeuvres, comme celui de Moroni, que de jour. Ici, c’est un 757-200 de American Airlines qui fait demi-tour pour venir atterrir en direction 02 sur l’aeroport de Tegucigalpa, au Honduras.

Les approches directes peuvent etre impossibles a cause de reliefs, agglomerations, manque d’equipement… etc. Dans ce cas, les pilotes font l’approche sur une piste, mais atterrissent soit sur une autre, soit sur la meme piste en direction opposee.

Ils doivent garder le visuel sur la piste, les reperes au sol et maitriser l’energie de leur avion en meme temps. Les risques de CFIT sont statistiquement tres eleves.

Approche MVI Moroni
Les pilotes volent au 016 au-dessus de la mer puis tournent a droite
sans depasser les feux a eclats et se retrouvent alignes sur la piste.

Vol IY-627: Crash d’un Airbus A310 de la compagnie nationale du Yemen – Un circle to land perilleux

1

Un Airbus A310-300 qui reliait Sanaa au Yemen a Moroni Hahaia dans l’archipel des Comores s’est ecrase durant l’approche de nuit sur l’ocean. L’avion transportait 147 passagers et 11 membres d’equipage (nombres encore incertains). Ce matin, au lever du jour, un navire a repere des corps et des debris flottants. Il semblerait egalement qu’un survivant ait ete retrouve dans l’eau.

Des Francais seraient parmi les victimes. De nombreux passagers etaient des commoriens residants en region parisienne. Le vol avait effectivement commence a Paris puis des passagers ont ete embarques a Marseille. L’avion etait un Airbus A330 mais il a ete change a Sanaa. Ce n’est donc pas l’A330 qui s’est ecrase meme si certains rapports le citent comme l’avion qui s’est ecrase.

Le gouvernement local a deja annonce qu’il n’avait pas les equipements pour lancer une operation de recherche de grande envergure. Il faudra probablement compter sur l’aide internationale.

Un circle to land
La meteo etait correcte avec une visibilite superieure a 10 km et des nuages bas. Par contre, le vent etait fort soufflant du 210 a 25 noeuds avec des raffales a 35. Ceci force le pilote a utiliser la piste en direction 20. Hors, dans cette direction, la piste n’a pas de systeme ILS. L’equipage a probablement tente une approche ILS en direction 02 suivie d’un tour en visuel pour atterrir en direction reciproque. De nuit, cette manoeuvre est tres perilleuse et a deja coute la vie a pas mal de pilotes. Selon l’OACI, ces approches sont 25 fois plus risquees que les approches directes.

Plusieurs temoins rapportent que l’avion a fait une remise des gaz parce qu’ils ont vu l’avion survoler la piste. Ceci est normal dans une procedure de circle to land. L’avion passe au-dessus de la piste dans un sens et va plus loin pour faire demi-tour et revenir atterrir. Pour un observateur non excerce, il facile de confondre cela avec une remise des gaz.

Vous pouvez lire ici au sujet d’un autre accident lors d’un circle-to-land:
http://www.securiteaerienne.com/node/105

D’apres un agent de la police de l’air et des frontieres locales, cite par TF1 : “L’avion était à environ 50 mètres du sol, en approche de la piste, et au lieu de prendre la piste, il a dévié et est sorti de l’axe de la piste en empruntant un chemin anormal vers la mer”. Ceci correspond probablement a un virage a gauche pour aller vers une trajectoire parallele et puis virer plus tard de 180 a basse altitude au-dessus de la mer pour revenir atterrir en direction reciproque. Le crash avec la mer aurait eu lieu durant le ce virage au-dessus de l’eau.

Un avion qui ne vennait plus en France
D’apres la DGAC qui s’exprime par le biais du Secretaire d’Etat aux Transports, cet avion avait de nombreux problemes et ne vennait plus en France. Ce crash permet de voir comment ces avions continuent a etre utilises indirectement en Union Europeenne. Il suffit de ramasser les passagers avec des avions modernes en EU pour les deposer dans l’aeroport complaisant le plus proche. De la, ils peuvent etre embarques sur n’importe quel avion. Y compris sur des appareils qui ne sont plus autorises a voler en Europe. Aujourd’hui, il n’est pas rare de decoller depuis Paris, Zurich ou Londres a bord d’un Airbus A330 ou un Boeing 737-800 pour finir son voyage a bord d’un ancien Tupolev.

Les autorites de l’EU devraient etre consequentes et pas seulement interdire certains avions du ciel de l’EU mais egalement interdir toute vente en EU de billets impliquant ces avions.

Le BEA participera a l’enquete
Le BEA Francais va certainement participer a l’enquete. Les boites noires ne devront pas poser de gros problemes parce que la zone de recherche bien delimitee et elle se trouve proche de la terre.

Remarque
Ce crash n’est pas a rapprocher de celui de l’AF447. L’avion n’est pas de la meme generation, n’a pas les memes systemes et n’evoluait pas dans les memes conditions.

Plus de nouvelles plus tard.

 

Approche ILS Moroni
L’approche que realisait l’Airbus A310 de Yemenia.
 

 

 

Approche ILS Moroni
L’avion est arrive par le nord (rouge). Il passe au-dessus de la piste
puis prend une trajectoire d’eloignement et revient en ILS trouver la piste 02.
En bleu, c’est la trajectoire hypothetique selon les premiers temoignages.
Le pilote ne peut pas se poser en 02 a cause du vent qu’il a en arriere a ce moment.
Il ne peut pas venir directement en piste 20 parce qu’elle n’a pas d’ILS
 

 


 

 

 

Approche MVI Moroni
Approche sur la piste 20. Exige en tous les cas de venir par le sud et puis
de s’eloigner vers la mer pour faire un cercle et revenir atterrir. (carte fournie par un lecteur)

L’histoire du F-14 Tomcat – Accident de la Premiere Femme Pilote sur Porte-avions

0

Parmi tous les avions militaires, le Grumman F-14 est probablement le plus connu du grand public grâce à sa participation dans de nombreux films et séries comme Top Gun. Lancé depuis des portes avions dont il se chargeait de la protection dans un rayon de 500 miles nautiques, cet appareil servait comme chasseur de supériorité aérienne, comme intercepteur et comme avion de reconnaissance tactique. Son domaine de vol depuis le catapultage jusqu’a mach 2.34 était très large. Ceci exigea l’utilisation d’ailes a géométrie variable qui étaient dotées de volets et de slats pour l’approche ou le décollage.

Ses deux réacteurs General Electric F110 ou Pratt & Whitney TF30 à post-combustion lui donnaient plus de poussée que celle dont dispose un Boeing 737-500. Cependant, cette notion est à relativiser : le bébé est très lourd. Encore une fois, c’est un avion militaire. Ce n’est pas encore un tank volant, mais presque. Avec un poids maximal au décollage dépassant les 33 tonnes, ses pilotes se plaignaient de son manque de puissance lors des manoeuvres tactiques.

 

Grumman Tomcat au decollage
F-14A au decollage. Remarquez la distance entre les deux moteurs.
 

 

Ses moteurs, au nombre de deux, lui font connaitre quelques soucis. Tout d’abord, ils sont assez distants l’un de l’autre. En cas de panne moteur obligeant le pilote à voler soudainement à N-1, la perte de symétrie déstabilisait fortement l’avion. Pire encore, si l’appareil est trop lent et trop cabré, le moment crée par le moteur restant est trop fort et ne peut être équilibré par les deux gouvernes de direction ! Aucun avion civil ne serait certifié avec une telle caractéristique. Il eut fallu avoir des gouvernes de direction plus grandes, mais ceci n’a pas été jugé possible eu égard aux autres critères du cahier de charges.

 

Grumman Tomcat
Géométrie variable.
 

 

 

Grumman Tomcat
L’aile est equipée de slats et de volets.
 

 

Autre problème de cet appareil, c’est la sensibilité excessive de ses moteurs à l’orientation du flux d’air arrivant dessus. Le moindre vol non coordonné, le moindre dérapage, présentait un risque concret de voir un des réacteurs s’éteindre après un pompage du compresseur.

Les parties chaudes des moteurs devaient être remplacées toutes les 750 heures. Par contre, 75% des moteurs ne dépassaient pas les 600 heures sans changement de leurs parties chaudes. Celles-ci étaient démontées suite à des pannes, vibrations, consommation excessive d’huile… etc.

 

Grumman Tomcat Iran
Seule l’armée iranienne opere le Tomcat de nos jours. Par contre, a cause de l’embargo
ils ne peuvent obtenir de pieces de rechange.
 

 

Cette conception coûta la vie au Lieutenant Kara Spears Hultgreen, la première femme pilote de chasse sur un porte avion.

25 octobre 1994, Pacifique Nord

L’accident arriva en approche sur l’USS Abraham Lincoln. Celui-ci croisait à 15 noeuds face au vent avec l’Officier de barre rectifiant progressivement le cap depuis le 333 au 330 vrai.

Le F-14 était dans le plan de descente avec les ailes à leur position maximale avant (20 degrés forward) avec volets et slats déployés. A un moment donné, la pilote sentait qu’elle perdait progressivement l’alignement avec l’axe de piste. Elle donna un coup de palonnier pour corriger la trajectoire. N’importe quel pilote en aurait fait autant. L’avion accusa un dérapage qui fut rapidement fatal au réacteur gauche. Le compresseur décrocha et après quelques séries de fortes explosions, le moteur s’arrêta.

 

USS Abraham Lincoln
L’USS Abraham Lincoln est propulse par 2 reacteurs nucleaires de chez Westinghouse.
Ils peuvent lui fournir de l’energie pendant 23 ans.
 

 

L’Officier Signaleur sur le pont de l’USS Abraham Lincoln lui ordonna d’annuler l’approche et de rentrer le train d’atterrissage. En effet, sur un porte avion, la chose qu’ils ne veulent à aucun prix, c’est un crash sur leur piste. Même en cas de question de vie ou de mort, ils préfèrent autant un avion dans l’eau.

Elle tira sur le manche et remit les gaz sur le moteur restant. Par contre, il lui fut reproché d’avoir enclenché la post combustion. Ceci doubla la puissance du moteur fonctionnel et accentua encore l’asymétrie. Même avec le palonnier droit totalement enfoncé, l’avion commenca à s’incliner de plus en plus sur la gauche tout en perdant de l’altitude. Aucune action ne fut entreprise pour rentrer le train d’atterrissage.

L’Officier Radar (RIO) était en alerte. Dans un premier temps, il pensa que l’avion allait repartir. Puis, il commença à douter. Au moment où il vit que l’appareil passait en dessous du niveau du pont du navire, il lança le système d’éjection des deux sièges. Dans les procédures de l’US Navy avant chaque vol, un membre d’équipage est désigne comme la personne en charge des éjections. C’est celui-ci qui décidera de l’abandon de l’avion s’il juge la situation irrécupérable. De plus, le RIO n’a pas d’instruments moteur dans son cockpit. Il est donc coupé de la chaîne de contrôle de ceux-ci. Il compte sur le pilote pour lui communiquer à travers le système de communication interne (ICS) toute anomalie. Hultgreen ne lui dira rien ce jour là. A aucun moment lors du crash il ne comprit que l’appareil volait sur un seul moteur.

La verrière du RIO fut arrachée par les explosifs d’éjection et des fusées poussèrent son siège le plus loin possible de l’avion. A ce moment, l’appareil avait 50 degrés d’inclinaison à gauche avec le nez 10 degrés sous l’horizon.

Le Lieutenant Hultgreen n’eut pas autant de chance. Le système se déclanchant juste 4 dixièmes de seconde plus tard pour elle, l’éjecta au moment ou l’avion était à 110 degrés d’inclinaison gauche avec le nez a 25 degrés sous l’horizon et seulement 55 pieds de hauteur. Elle fut éjectée vers l’eau qu’elle percuta à une vitesse estimée à 260 km/h et fut tuée sur le coup.

La séquence d’éjection est la même peu importe qui la lance en premier. Tout d’abord, c’est le RIO assis a l’arrière qui est éjecté de son cockpit suivi, 0.4 secondes plus tard par le pilote assis dans le cockpit avant. Le décalage entre les deux éjections évite que les deux sièges ne soient percutés l’un contre l’autre. Pour plus de sureté encore, le RIO est éjecté vers la droite et le pilote vers la gauche*.

* Comme l’avion etait deja bien incline a gauche, le fait que le siege soit ejecte aussi vers la gauche signifiait pour la pilote une ejection vers le bas presque perpendiculairement a l’eau.

L’avion percuta l’eau à environ 165 degrés d’inclinaison, pratiquement sur le dos, et le nez à 70 degrés sous l’horizon.

Du pont de l’USS Abraham Lincoln, deux helicos prirent leur envol et balancèrent des nageurs de combat à l’eau. La procédure ne laisse pas de place à l’improvisation. Elle est repetee lors de l’entraînement jusqu’à ce que chaque geste devienne un automatisme qui peut se réaliser sans hésitation ou perte de temps. Ces dispositifs de secours très performants font partie du contrat de confiance entre les divers corps de l’armée des Etats-Unis et son personnel. C’est une des principales différences entre cette armée et celles des pays du Tiers Monde qui laissent tomber leurs hommes sans hésitation.

L’Officier RIO fut repêche 4 minutes et 29 secondes après son éjection par un hélicoptère Sikorsky SH-60 Seahawk. Par contre, le Lieutenant Kara Spears Hultgreen ne fut sortie de l’eau que dix neuf jours après le crash. Son corps fut retrouvé encore attaché au siège éjectable Martin Baker par plus de 1100 mètres de profondeur. En temps normal, la séquence d’éjection sépare le pilote de son siège. Par contre, l’impact contre l’eau vint arreter le mécanisme.

 

SH-60
SH-60 Seahawk
 

 

Le rapport d’accident a été classé secret défense mais ceci ne mit pas pour autant fin aux spéculations et aux “fuites” plus ou moins orchestrées. Un jour, c’est tout le rapport qui se retrouva balancé au public.

Le rapport révèle que le Lieutenant Hultgreen avait 1242 heures de vol en tout dont 218 sur le F-14A ainsi que 58 atterrissages sur porte-avions. Certains critiquèrent l’armée pour avoir lâché Hultgreen sur cet avion alors que son expérience de vol n’était pas suffisante pour le piloter en toute sécurité. Le but aurait été de se servir de son image pour promouvoir le rôle des femmes dans l’armée. Neanmoins, il est clair qu’à partir moment ou l’avion avait eu une panne moteur à basse vitesse, il était perdu. La seule option restait de s’éjecter en laissant l’oiseau s’écraser a la mer.

On apprend aussi que le F-14 est doté d’un système qui augmente la stabilité des réacteurs en prélevant l’air a certains étages compresseur et en le redistribuant a d’autres étages qui en ont besoin. Chose inconnue aux pilotes, une valve de prélèvement était bloquée en position fermée sur le moteur de gauche. Ceci réduisait de 26% la marge vis-à-vis de l’instabilité. Ainsi, sans donner plus de palonnier que ce qu’elle avait l’habitude de faire, Hultgreen s’est retrouvée brutalement privée de moteur.

 

USS Enterprise
Tomcats sur le pont du Big E, l’USS Enterprise

Vol sans stabilisateur vertical : crash du XB-70 Valkyrie et F-104N

2

Il arrive quoi a un avion qui perd son stabilisateur vertical en vol ? Un avion peut perdre sa gouverne verticale, mais il ne survivra pas a la perte du stabilisteur vertical. Sans celui-ci, un avion rentre en vrille plate et va vers le sol. Le cas etudie dans cet article est un exemple d’ecole.

Par definition, les accidents qui touchent des avions militaires sont difficiles a documenter. Ces appareils ne sont pas obliges de transporter des enregistreurs de vol et generalement, ils n’en transportent pas. En cas d’accident, les enquetes sont realisees par l’armee et aucun rapport n’est emis. L’accident ci-joint est reste longtemps secret parce qu’il touchait un projet sensible que le Gouvernement US n’a rendu public que longtemps apres qu’il ne soit abandonne.

 

XB-70 Valkyrie
XB-70 Valkyrie. Il a 6 ailerons de chaque cote et
deux stabilisteurs verticaux. La gouverne de profondeur est a l’avant.
 

 

 

XB-70 Valkyrie
XB-70 Valkyrie au decollage. On voit bien les 6 tuyeres de reacteurs qui poussaient cet
appareil jusqu’a 3 fois la vitesse du son. La gouverne de profondeur
est baissee correspondant a un manche tire.
 

 

Le premier appareil implique dans cet accident est un XB-70 Valkyrie. C’est un avion de la taille d’un Concorde mais qui vole encore plus vite : mach 3.1 a plus de 70’000 pieds ! La poussee est assuree par six reacteurs a post combustion General Electric J-93. Ces engins brulaient du JP-6 (Mil-J-25656) fuel sur mesure comportant du Bore (B) sous forme de Triethylborane (TEB). Ce meme compose se trouvait dans le carubant du Lockheed SR-71 Blackbird ainsi que dans les moteurs F-1 du lanceur Saturne V.


La formule du TriEthyleBorane peut s’ecrire (C2H5)3B ou bien Et3B. Rien qu’a sa formule, on se rend compte que c’est un compose tres instable. Il brule spontanement au contact de l’air en degageant une flamme tres chaude de couleur verte*. Un demi-verre (50 cm3) suffit a mettre en route le moteur d’un SR71 !

* L’URSS etait en avance sur les USA en terme de fusees. Les espions de l’epoque obeservaient les fusees sovietiques au decollage avec des instruments optiques donnant les couleurs qui composent la flamme. Sachant que chaque produit chimique brule avec une couleur differente, il leur etait possible de deduire la composition du carburant. Sachant cela, et pour tromper l’ennemi, les Sovietiques avaient place un anneau en cuivre brosse a la sortie des tuyeres de certains lanceurs 🙂 Le cuivre brule avec une flamme verte. Voyant le vert dans le spectre, les chercheurs virent peu d’options : le cuivre, le bore ou quelques elements improbables comme le thallium. Ne voyant pas ce que pouvait venir faire le cuivre dans un carburant de fusee, il ne restait qu’une seule solution : le bore. D’ou de longues recherches sur la chimie de cet element qui ont debouche sur des resultats tres interessants.

 

Flamme Cuivre
Ici, des copeaux de cuivre en train de bruler.
 

 

 

Flamme Et3B
Flamme du Et3B. Tres facile a confondre avec celle du cuivre.
Le but de l’appareil etait de transporter jusqu’a 14 bombes atomiques au coeur de l’URSS. Les pilotes pouvaient voler en territoire ennemi sans craindre les intercepteurs qui n’avaient pas, a l’epoque, les performances requises pour les inquieter. Ils reduisaient alors leur vitesse a mach 0.95, lancaient les bombes, et puis mettaient plein gaz pour s’arracher avant que l’endroit de ne transforme en enfer.

Deux appareils ont ete construits au prix unitaire de 750 millions de dollars. L’un d’eux est visible au National Museum of the United States Air Force pres de Dayton en Ohio. L’autre, il s’est ecrase lors d’un vol pour prendre des photos.

C’etait le 8 juin 1966…

Le XB-70 vollait au dessus du desert de Mojave en Californie avec a ses cotes 4 avions de chasse : F-4, F-5, T-38 et F-104N. Tous ces appareils utilisaient des moteurs du meme fabriquant : General Electric. Le but premier du vol etait de realiser des photos pour le motoriste. Un Lear Jet se positionne legerement en retrait pour prendre ces photos.

Un de ces appareils qu’on voit voler a droite du XB-70 est un F-104N Starfighter numero 813 avec aux commandes Joe Walker le chef pilote d’essai de la NASA.

 

XB-700 formation
XB-70 en formation avec un F-4, F-5, T-38 et un F-104.
 

XB-70 formation
F-104 immatricule NASA 813 estime a 21 metres du XB-70.
La tentation d’aller “encore plus pres” est evidente.
Les vols en formation sont par nature tres difficile. Celui-ci a un element aggravant en plus : les avions ne sont pas pareils. Ils ont tous des performances differentes. Le XB-70 vole dans la zone basse de son domaine de vol afin de ne pas distancer les autres. A cette vitesse, il produit beaucoup de turbulences de sillage.

A un moment donne, le F-104 s’approche un peu trop et c’est le drame ! Il passe sur le dos et il vient tapper contre le haut du XB-70. Le F-104 explose immediatement et le pilote est tue sur le coup. Meme si l’appareil est equipe d’un siege ejectable zero-zero*, le choc est trop violent et ne laisse aucune chance au pilote.


* Les premiers sieges ejectables avaient besoin d’une hauteur/vitesse minimale de l’avion pour pouvoir etre utilises en toute securite. Cette exigeance etait liee aux parachutes qui avaient besoin d’un certain temps pour se deployer et freiner la chute. Beaucoup de pilotes sont morts parce qu’ils ont connu des problemes alors qu’ils volaient trop bas pour que leur siege ejectable puisse etre operationnel. Par la suite, est arrivee une generation de sieges dits zero-zero, c’est a dire, zero-altitude, zero-vitesse. Ils peuvent etre utilises en toute securite meme depuis un avion gare au sol.

Le XB-70 perd ses deux gouvernes de direction et pendant quelques secondes, il semble voler comme de rien n’etait.

 

XB-70 formation
Juste apres l’impact : remarquez l’absence des deux gouvernes
de direction sur le XB-70
 

XB-70 formation
Un peu plus tard. Le F-104 toujours en boule de feu
 

 

Les images du XB-70 montrent une situation physiquement impossible : un avion voler sans gouverne de direction, ni stabilisateur vertical. Lorsque l’avion a tendance a derapper sur un cote, le stabilisateur vertical le ramene dans l’axe du vent relatif. C’est pour ne pas voler lateralement que les fleches qu’on tire a l’arc ont aussi un empennage. Sans stabilisateur vertical, une fois que le derappage initie, rien ne peut l’arreter. L’avion part lateralement. L’aile qui part en avant a tendance a se soulever et l’avion s’incline. Une correction aux ailerons produit un roulis induit que rien ne vient stabiliser. En quelques cycles derappages, corrections, l’avion s’incline fortement et passe sur le dos :

 

XB-70 sans gouverne de direction
Le XB-70 vole normalement mais il est fortement instable.
 

 

 

XB-70 formation
Il part sur le cote. Pratiquement sur la tranche.
 

 

 

XB-70 formation
Totalement sur le dos.
 

 

Par contre, meme sur le dos, il n’est pas stable. Il continue a tourner et revient a plat. Le pilote tire sur le manche pour amortir la chute mais se retrouve dans une situation de decrochage dynamique. Grace a l’humidite, on voit la trajectoire des filets d’air qui sont presque perpendiculaires a l’aile :

 

XB-70 formation
Decrochage dynamique. Remarquez le flux d’air perpendiculaire
au plan des ailes.
 

 

L’avion continue a tournoyer dans une vrille tout en allant vers le sol. Peu avant l’impact, le commandant de bord reussit a s’ejecter. Il se blesse au bras mais a la vie sauve. Le copilote n’arrive pas quitter l’avion et il est tue.

 

XB-70 formation
Remarquez les tourbillons d’air. Ils sont generes par l’avion
qui tourne a plat sur lui-meme.
 

 

 

XB-70 formation
Le XB-70 finit par s’ecraser au bout d’une interminable chute photographiee
depuis le Lear Jet.
 

 

Le XB-70 s’ecrase lourdement en une seule piece. En effet, meme en vrille, un avion ne tombe pas en chute libre. Il reste toujours une portance residuelle a la direction chaotique qui le freine. Voici les degats :

 

XB-70 formation
Restes du XB-70 dans le desert.
 

 

 

XB-70 formation
Restes du XB-70 dans le desert.
 

 

 

XB-70 formation
Restes du XB-70 dans le desert.
 

 

Le F-104 finit quelques kilometres plus loin. A titre de comparaison, la violence du choc est telle que jusqu’a nos jours on trouve encore ses miettes dans le desert.

Le projet du XB-70 Valkyrie s’arreta sans que jamais cet avion ne soit reellement exploite.