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Air France 447 – Nouvelles informations publiees par le BEA

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Le BEA a pris acte des différentes fuites dans la presse depuis le 16 mai et a décidé de publier des informations factuelles sur le déroulement du vol AF447. Le document fait 4 pages et donne des détails qui n’étaient pas connus jusqu’ici.

La partie intéressante du document commence autour de 2 heures du matin. A ce moment, dans le cockpit de l’avion sont présents deux copilotes ainsi que le commandant de bord. Ce dernier s’apprête à partir pour prendre son quart de repos. Au cours des échanges, on apprend que l’avion vient de traverser une zone de turbulence et que des zones similaires sont prévues plus en avant. L’appareil vole à 35000 pieds à ce moment. Le commandant de bord quitte le cockpit.

La 02:06, environ 5 minutes après le départ du commandant de bord, un des pilotes appelle personnel de cabine pour leur dire de s’attendre a une zone de turbulence de laquelle il faudrait “se méfier”. A ce moment, l’avion était déjà soumis a des turbulences mais les pilotes s’attendaient a de plus fortes encore. Aucun terme excessif ou alarmiste n’apparait dans les propos.

Deux minutes plus tard, soit a 02:08, les turbulences prévues sont l à et les pilotes décident de virer de 12 degrés vers la gauche. Les turbulences ne diminuent pas, mais augmentent encore. La vitesse est réduite de Mach 0.82 à Mach 0.80

Remarque: Pour éviter le plus gros des turbulences, les pilotes avaient 3 solutions pratiques:

1 – Monter : le commandant de bord, avant de partir, avait expliqué que cette option n’était pas ouverte. En effet, la température, même fortement négative, restait plus chaude que ce qu’elle aurait du être au niveau 350. La densité de l’air est donc plus faible et empêche l’avion de monter plus haut.

2 – Changer de cap : c’est ce qui a été tenté par les pilotes une fois qu’ils ont constaté la force des turbulences. Ce changement n’a pas amélioré la situation.

3 – Réduire la vitesse : une vitesse plus faible ne réduit pas les turbulences, mais l’impact de celles-ci sur l’avion. En allant plus lentement, le choc entre les différents courants d’air et l’avion est moins fort.

Deux minutes plus tard encore, soit à 02:10:05, le pilote automatique et l’auto-poussée se désengagent. Un des pilotes prend les commandes en manuel et l’annonce à haute voix comme le veut la procédure : “j’ai les commandes”. L’avion, sous l’effet d’une turbulence, s’incline en roulis à droite. A partir de là, la situation dérive :

Le pilote corrige avec une action à gauche et à cabrer. Pendant qu’il cabre, l’alarme de décrochage retentit deux fois et la vitesse indiquée affichée tombe à 60 nœuds !

A 2:10:16, le PNF (C’est le pilote qui n’a pas les commandes) annonce : “on a perdu les vitesses” puis “alternate law”. (Lire ici au sujet des laws de cet avion.)

L’assiette de l’avion dépasse les 10 degrés alors que l’assiette normale en croisière pour cet appareil est de l’ordre de 2.5 degrés. La vitesse verticale atteint 7000 pieds par minutes en montée. Aucun avion de ligne ne peut avoir une telle performance. Ici, l’Airbus troque de la vitesse contre de l’altitude. Plus il monte, plus il ralentit.
Le pilote pousse le stick et la vitesse verticale diminue à 700 pieds/minute. L’IAS augmente vers Mach 0.68 / 215 nœuds. L’altitude est de 37500 pieds enregistrant donc 2500 pieds de gain en quelques secondes. L’incidence revient dans une zone raisonnable : 4 degrés. L’avion n’est plus en décrochage.

Le répit est de courte durée… Le pilote pousse les manettes des gaz au maximum (TO/GA) mais remet son ordre à cabrer. A ce moment, l’avion décroche encore. L’altitude augmente jusqu’ à 38000 pieds et la vitesse passe à 185 nœuds. L’assiette est de 16 degrés [plus élevée que l’assiette type au-décollage].

A 02:11:40 le commandant de bord arrive. Ca fait moins de deux minutes que le pilote automatique s’est déconnecté. A ce moment, la vitesse est de moins de 30 nœuds, soit moins de 55 km/h (Ca a l’air faible, mais c’est déjà vu: lire ici et ici).

L’incidence est de 40 degrés. L’incidence n’est pas l’assiette, mais plutôt l’angle avec lequel l’air arrive sur les ailes (un dessin arrive tout a l’heure). L’avion commence à tomber. Le vecteur vitesse relative a une composante verticale qui augmente. Ceci justifie cette incidence énorme. L’appareil repasse au niveau 350 en descendant à 10’000 pieds/minute. Le pilote est de plus en plus nerveux : ses mouvements sur le stick sont vont jusqu’en butée. Le control latéral est très faible, l’Airbus s’incline jusqu’à 40 degrés par moments.

A 02:12:02 Les pilotes échangent des propos qui laissent entendre qu’ils n’ont plus “aucune indication” ou “indication valable”. En fait, en cas de perte de contrôle dus à un instrument ou une indication défaillante, il est très difficile de se retrouver après et comprendre quels sont les instruments corrects et quels sont les instruments faux. Toutes les indications semblent soudainement aberrantes. D’où le commentaire d’un des pilotes : “on n’a aucune indication qui soit valable”.

Une récupération semble réussir : les manettes de poussée sont ramenées au ralenti vol et une action à piquer est enregistrée au stick. La vitesse redevient valide, c’est à dire qu’elle passe au-dessus de 30 nœuds. L’incidence redevient valide quand la vitesse repasse au-dessus de 60 nœuds. A ce moment, l’alarme décrochage peut entrer en fonction (elle travaille a l’incidence) et elle retentit.


Note sur l’ergonomie : quand l’avion a une vitesse quasi-nulle et tombe comme une pierre, il n’y pas d’alarme décrochage qui retentit. L’alarme décrochage a besoin de la valeur d’incidence pour travailler. Pour mesurer l’incidence proprement, il faut au moins 60 nœuds de vitesse. Par contre, une fois que le pilote fait le geste correct et abaisse l’incidence, la vitesse augmente et l’alarme se remet en route. On est donc dans la situation :

– Geste faux : pas d’alarme
– Geste correct : alarme

Bien sûr, les avions ne sont ni conçus, ni certifiés pour se permettre des excursions de vitesses allant jusqu’a l’arrêt quasi-total en plein vol.

A 02:13:32, le pilote en fonction dit : “on va arriver au niveau cent”. Ceci prouve qu’il fait au moins confiance à son altimètre. Niveau 100 avec un taux de chute de 10’000 pieds/min, ça laisse plus ou moins une minute de vol. Le pilote doit réussir en 10’000 pieds alors qu’il vient de perdre près de 30000 pieds en deux minutes et demi.
A 02:13:47, un autre pilote agit en même temps sur son stick. Le pilote initial lui laisse les commandes et l’annonce a haute voix : “vas-y tu as les commandes”.

A 02:14:28, l’avion s’écrase dans l’eau. A ce moment, les paramètres sont les suivants :

– Vitesse sol : 107 nœuds.
– Assiette 16.2 degrés à cabrer
– Légère inclinaison à gauche (5.3 degrés)
– vitesse verticale : -11’000 pieds/min (200 km de vitesse verticale, soit supérieure à la vitesse horizontale).
– Cap plein ouest. Soit pratiquement un demi tour par rapport a la route initiale
Il s’est passé environ 04 minutes 30 depuis la prise en manuel par le pilote et l’impact.

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