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American 1572: Sink rate ! Sink rate !

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Il ne fait pas bon d’être encore en l’air cette nuit du 11 au 12 novembre 1995 au dessus de l’Etat du Connecticut dans l’Est des Etats-Unis. Des orages terribles balayent des milliers de kilomètres carrés et provoquent des dégâts considérables aux cultures et habitations. Les vols de la soirée sont tous annulés et les avions restent plaqués aux sol en attendant des jours meilleurs. Sur les routes, des milliers d’automobilistes piégés s’apprêtent à passer la nuit dans leur véhicule.

Dans toute la région, un seul avion est encore en vol. Un MD-83 d’American Airlines, le vol 1572, est attendu à l’aéroport de Bradley. Dans ce petit aérodrome provincial, régne une certaine agitation. L’orage qui bat son plein a provoqué des dégats. Une baie vitrée de la tour de contrôle a explosé sous l’effet du vent. Des trombes d’eau ont alors déferlé sur les appareils et provoqué des courts circuits. Les contrôleurs ont été évacués par les pompiers à cause des risques d’électrocution. Un seul homme est resté avec une radio de secours et cherche à entrer en contact avec le vol 1572 qui se débat quelque part la haut avec les éléments. Dès qu’il aura atterrit, l’aéroport sera fermé jusqu’à nouvel ordre.

Plusieurs alertes Sigmet sont émises pour des dangers tels que des cisaillement de vent, fortes turbulences et givrage à basse altitude. Tout y est ! pour rajouter du piquant à la situation, la pression atmosphérique est faible et continue de baisser d’environ 1 à 2 millimètres de mercure par heure. La valeur de la pression au terrain est très importante pour les pilotes. Elle est affichée dans une fenêtre de l’altimètre afin qu’il donne la hauteur de l’avion par rapport au terrain. Une pression imprecise, donnera forcément une altitude erronée. Typiquement, si la pression atmosphérique sur le terrain baisse sans que les pilotes n’en soient informés, ces derniers vont se croire à une altitude supérieure à la réalité ce qui n’est pas sans danger.

Le vol 1572 a quitté Chicago avec 2 heures de retard dans des conditions météo qualifiées de marginales. Au cours du vol, l’équipage n’a pas cessé de recevoir des informations aussi alarmantes les unes que les autres. La situation se dégradait.

La fin est proche, l’avion est autorisé à descendre vers le niveau de vol 190 puis vers 11’000 pieds. Comme ça commence à « déménager », les pilotes préviennent le personnel de cabine de possibles turbulences. Les signaux lumineux « attachez votre ceinture » sont activés et une ambiance lourde s’installe dans l’appareil.

Il était presque une heure du matin quand l’avion fut autorisé pour une approche VOR/DME sur la piste 15 de l’aéroport de Bradley. Ce genre d’approches sont particulièrement inconfortables. Leur profil ressemble à celui d’un escalier. Les pilotes se mettent sur un axe d’approche materialisé par une balise VOR et à chaque distance donnée par le DME correspond une altitude. Dans le cas précis, l’approche commençait à 3’500 pieds au dessus du niveau de la mer. A 10 miles du VOR de Bradeley (encore appelé BDL), l’avion descend à 2000 pieds et forme ainsi sa première marche. A 5 miles de BDL, l’avion descend à 1080 pieds et se stabilise. C’est l’altitude minimale de descente, dite MDA. Les pilotes vont alors scuter devant eux à la recherche de la piste. S’ils la voient, ils continuent leur descente et leur atterrissage à vue. Si au plus tard à 0.2 miles de BDL ils n’ont pas encore vu la piste, l’approche est avortée et les pilotes doivent remettre les gaz. Dans de tels cas, les pilotes peuvent soit revenir tenter leur chance une autre fois, soit se diriger vers un autre aéroport ; on parle alors de déroutement.

Dès le début de sa première descente en approche, l’avion est soumis à des turbulences et à une pluie battante qui coupe toute visibilité vers l’avant. Les vents de travers sont tels, que le pilote automatique n’arrive plus à maintenir l’axe assigné. Le commandant de bord doit lui même entrer les caps au pilote automatique. L’avion décrit un long S étant parfois à droite et parfois à gauche de l’axe d’approche.

Quand il arrive à 5 miles du VOR de Bradley, le commandant de bord commence sa dernière descente sur la MDA qui est de 1080 pieds. Le train d’atterrissage est sorti, puis les phares alumés pour dégager un peu de visibilité vers l’avant. Ils produisent l’effet inverse : leurs puissants faisceaux se réfletent sur les nuages puis dans le cockpit. Les pilotes doivent vite se résoudre à s’en passer.

Le copilote se penche en avant et cherche à voir l’éclairage de la piste qui ne doit pas être très loin. En regardant vers le bas, il voit le sol et les lumières des routes et des maisons. Mais vers l’avant, les nuages empêchent toute visibilité.

Soudain, le copilote jette un coup d’oeil sur l’altimètre et s’écrie : 900 pieds ! En un instant d’inatention, l’avion est passé sous la MDA. La procédure de la compagnie est pourtant claire : d’abord se stabiliser à la MDA et chercher la piste après. En faisant l’inverse, l’équipage est passé sous l’altitude minimale qui est calculée avec de très faibles marges.

Immédiatement après l’annonce du copilote le GPWS se met à crier : « Sink rate ! Sink rate ! ». A ce moment, le commandant de bord qui a les commandes en main réalise un geste admirable qui aurait sauvé tellement de vies si plus de pilotes l’avaient réalisé quand ils auraient du le faire. Le commandant ne pose pas de questions, ne dit pas « c’est quoi ça ? », il ne parle pas de fausse alerte. Il sait qu’une alarme GPWS non respectée signifie le crash garanti. Immédiatement, il tire sur le manche et pousse les manettes des gaz. L’avion se cabre et se met à monter. Quatre secondes plus tard, il passe dans les cîmes des sapins. Les réacteurs avalent de la végétation. Des branches percutent les ailes et s’acrochent partout. Une porte de soute de train d’atterrissage est arrachée.

Le copilote rentre le train d’atterrissage et réduit les volets à 15 afin de donner le minimum de trainée et permettre l’envol.

L’avion est fortement endommagé, mais réussit à s’extraire de l’emprise des arbres. Vingt secondes plus tard, le réacteur gauche expire après que des branches y aient provoqué des dégats considérables. Le second réacteur endommagé aussi commença à perdre de la puissance également. Le commandant comprend qu’il n’a plus la puissance pour tenir en l’air. S’il s’obstine à tirer sur le manche, il fera décrocher l’avion dans quelques secondes et c’est la chute. Il pousse sur le manche et l’avion plonge vers le sol. Derrière lui, une longue flamme sort des réacteurs. L’air qui turbule sur les ailes tordues provoque des buits assourdissants pareil à des explosions. La pluie battante ruisselle sur l’avion.
Soudain, le copilote crie ces mots extraordinaires :
– Je vois la piste, elle est droit devant !
– Dis leur que nous arrivons en urgence ! répond le commandant qui lutte pour garder le contrôle de l’avion.
– Tour de contrôle, nous demandons des secours au sol, nous arrivons en urgence, nous tombons sur la piste ! annonce le copilote à la radio sans perdre son calme. Puis il se retourne vers le commandant :
– Voulez-vous que je sorte le train d’atterrissage ?
– Oui, sortez-le

Le GPWS se met à crier encore : Sink rate ! sink rate !
Mais le pilote n’a plus moyen de se relever, il ne reste qu’à contrôler la chute. Le copilote encourage le commandant de bord :
– Vous allez le faire, vous allez le faire ! Vous voulez que je sorte les volets ?
– Oui, les volets !

Au même moment, le GPWS change d’alarme : Too low flaps ! Terrain ! Terrain ! Don’t Sink !

L’avion n’est pas encore arrivé à la piste, le vol plané ne sera pas nécessairement suffisant. Ca serait bête de se crasher quelques centaines de mettre avant. Le commandant demande la sortie totale des volets. Ceux-ci créent un effet sol important et font planer l’avion plus loin même si à terme ils risquent de casser sa vitesse. Un arbre se trouve quelques dizaines de mètres avant le début de la piste. Il est arraché puis avalé par le réacteur droit qui expire en envoyant une gerbe de flammes et d’étincelles.

Il ne reste que quelques mètres, le commandant tire sur le manche à fond en demandant un dernier effort à l’avion et à la nature. Le MD83 se cabre et c’est la tôle de la partie arrière qui va toucher la piste en premier, suivie par le train d’atterrissage. L’avion part à droite, puis à gauche de l’axe de la piste. L’aile arrache une antenne, une roue éclate, des tuyaux de pression hydraulique s’ouvrent et déversent de l’huile sur la carlingue. Enfin, l’avion se met à ralentir. Craignant le feu, les pilotes poussent de grosses mannettes qui vont couper les arrivées et les pompes à carburant puis vider des extincteurs dans les réacteurs.

L’avion s’immobilise enfin. Il faut fuir, beaucoup de gens sont morts lorsque des avions qui ont posé en urgence ont été consommés par leur feu.

Le commandant se saisit de l’interphone d’annonce et cria plusieurs fois :

– Easy victor ! Easy victor !

Chez American, c’était le signal convenu pour une évacuation d’urgence. Un steward demanda aux passagers d’enlever leurs chaussures puis les portes avant furent ouvertes. Normalement, ceci aurait du déclancher le gonflage des toboggans. Mais le gonflage a du être déclanché manuellement faisant perdre de précieuses secondes. Les pilotes furent les derniers à sortir après avoir vérifié, jusqu’aux toilettes, pour s’assurer que personne ne se trouvait dans cet avion. Les pompiers furent bientôt sur place et commencèrent à secourir les blessés. Personne ne fut sérieusement atteint. La majorité des passagers souffraient de petits bobos dus à leur départ précipité de l’avion.

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