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Colgan Air vol 3407 – Décrochage et Perte de Contrôle + Vidéos

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La réaction du pilote du vol AF447, à savoir tirer le manche lors du décrochage, n’a pas encore fini de faire parler d’elle. Cette réaction étonnante sera peut être expliquée d’ici la fin de l’enquête du BEA. En attendant, penchons-nous sur un autre cas de décrochage d’un avion de ligne et observons la réaction du pilote.

Ceci se passe le 12 février 2009 près de l’aéroport de Buffalo dans l’Etat de New York. L’avion, un Q400, est en phase d’approche sur la piste 23. A ce moment, il fait nuit, il y a une forte couverture nuageuse et un risque de givrage. Le commandant de bord est le PF et le copilote s’occupe des communications, des volets et – tout du moins en théorie – du monitoring des paramètres de vol (vitesse, altitude, route, régime moteurs…).

Cet avion est équipé de plusieurs systèmes pour alerter les pilotes de l’imminence du décrochage. En voici la liste :

– Le ruban de l’indicateur de vitesse comporte une zone rouge marquant l’IAS en-dessous de la quelle il ne faut jamais aller. Ce jour là, cette zone était majorée pour tenir compte du risque de givrage. Comme le givrage était très faible en réalité, l’appareil avait une forte marge entre l’entrée dans cette zone et le décrochage réel.
– Un stick shaker fait vibrer le manche et émet un son distinctif.
– Si le décrochage persiste, un stick pusher entre en action. C’est un dispositif qui va pousser le manche en avant.

Le décrochage survient quand l’air arrive sur les ailes avec un angle supérieur à une certaine valeur qui varie d’avion en avion. Cet angle est appelé incidence ou angle d’attaque (AoA). Quand il est atteint, la portance de l’appareil se dégrade et, en même temps, la trainée aérodynamique augmente. Sans correction, la vitesse chute brutalement et l’avion tombe. Durant cette phase, les surfaces de vol reçoivent un flux d’air faible ou venant d’une direction inhabituelle et l’avion devient difficilement contrôlable.

Suivant la procédure d’approche, l’appareil descend à 2300 pieds et se stabilise en pallier. Le pilote automatique était réglé en mode de maintien d’altitude (Altitude Hold). A ce moment, le pilote humain doit rajouter de la puissance en poussant les manettes des gaz qui étaient dans un régime de descente. Il n’en fera rien.

L’avion est en pallier mais n’a pas de puissance pour se maintenir. Il commence progressivement à ralentir. Le pilote automatique introduit un ordre à cabrer au fur et à mesure que la vitesse baisse. L’avion passe d’une assiette normale de 3 degrés à 9 degrés. La marque rouge apparait en bas du ruban de vitesse et monte rapidement. Bientôt, c’est tous les chiffres qui deviennent rouges sur le ruban. Ceci dure 18 secondes.

A 131 nœuds le stick shaker s’active. La seconde d’après, le pilote automatique se déconnecte parce que c’est une situation qu’il ne sait pas gérer. Le commandant de bord agrippe les commandes et tire avec une force de 17 kg tout en ajoutant des gaz. En réponse l’avion se cabre. L’AoA passe 8 à 13 degrés et l’avion se cabre à 18 degrés. La vitesse tombe à 125 nœuds. Ce n’est pas tout ! Le mouvement sur le manche fait passer le facteur de charge de 1 à 1.4 G. Ceci signifie que de la perspective des ailes, l’avion devient 1.4 fois plus lourd. Le décrochage est d’autant plus favorisé. La marge de vitesse qui existe au moment de l’activation du stick shaker est perdue à cause de l’augmentation du facteur de charge.

En tirant sur la manche, le commandant de bord provoque le décrochage aérodynamique. Le contrôle latéral de l’avion devient insuffisant et l’aile gauche s’enfonce de 45 degrés.
A ce moment, le stick pusher entra en action. Au lieu de céder, le commandant de bord le contra en tirant sur le manche. La première fois, il exerça une force de 19 kg. En réponse, l’avion s’inclina de 105 degrés à droite !

Le stick pusher tenta encore une fois d’abaisser le nez de l’avion mais le commandant tira sur le manche avec une force de 41 kilogrammes. L’appareil oscilla de 100 degrés d’inclinaison à droite jusqu’à 35 degrés d’inclinaison à gauche.

A la troisième et dernière intervention du stick shaker, le commandant de bord encore plus déterminé exerça une force de 73 kilogrammes en tirant sur le manche. A ce point, il n’y avait plus assez de vitesse pour maintenir l’avion cabré et le nez tomba quand même en passant 25 degrés sous l’horizon.

L’action du copilote :
Le hasard avait fait que le copilote fit passer les volets de 5 à 10 degrés environ une seconde avant l’activation du stick shaker. Quand elle entendit l’alarme, elle fit une relation directe entre celle-ci et ce qu’elle venait de faire. Dans un mouvement de reflexe malheureux, elle décida d’annuler sa dernière action. Elle prit la manette pour l’avancer de 10 à 5 degrés de volets. Dans la précipitation, elle fit pire encore : elle la passa à 0 degré. Au fur et à mesure que les volets rentraient, l’avion avait de moins en moins de portance et s’enfonçait dans le décrochage.

Il est très caractéristique de voir que lorsqu’on entend une alarme, on a tendance à annuler le dernier geste qu’on vient de faire.

La vitesse de l’avion passa sous les 100 nœuds et celui-ci l’altimètre commença à dérouler très vite. « Nous tombons » cria le capitaine. Ce fut son dernier mot.
L’avion s’écrasa sur une maison. Bilan : 49 morts, plus une personne au sol.

 

Bombardier DHC8-402 Q400 - Colgan Air
Restes du Q400 de Colgan Air vol 3407
 

 

Formation :
Durant la formation sur le Q400, les pilotes n’avaient jamais été entrainés à récupérer un vrai décrochage. L’exercice de référence consistait pour eux à approcher le décrochage puis s’en sortir sans perdre d’altitude. C’est-a-dire en remettant les gaz en maintenant le manche en arrière.

Il faut noter qu’une approche de décrochage n’est pas un décrochage. C’est juste un vol à une incidence élevée. Il peut être maintenu pendant des heures et bien sur il est possible de quitter ce mode de vol sans perdre d’altitude. Le décrochage, est une autre réalité. Un vrai décrochage aérodynamique suppose toujours une sortie accompagnée d’une perte plus ou moins grande d’altitude et, en tous les cas, le nez de l’avion doit être sous l’horizon.

Durant les exercices au simulateur, les pilotes avaient reçu l’ordre de ne pas perdre plus de 100 pieds d’altitude. Ceci exigeait de tirer le manche de manière assez déterminée. Certains pilotes avaient même déclaré qu’ils étaient obligés de tirer à l’encontre du stick pusher pour ne pas perdre de l’altitude.

Depuis cet accident, Colgan Air a changé sa doctrine et enseigne à ses pilotes de vrais décrochages avec perte d’altitude et correction de situations inusuelles. Ceci est une très bonne chose, mais elle arrive trop tard pour les 50 personnes restées au 6038 Long Street, New York.

Vidéo 1 – Reconstitution NTSB
Cette reconstitution est basée sur les données récupérées dans les enregistreurs de vol. Remarquez comme le commandant de bord tire sur le manche. Plus tard, vous allez aussi voir les volets passer de 10 à 0 précipitant les choses. Les manettes de gaz ne sont pas poussées à fond.

 





 

 
 

Vidéo 2 – Test de décrochage en simulateur de DC-10
Test de décrochage DC-10 en simulateur. Remarquez comme le pilote n’est pas trop agressif à rendre le manche. Très rapidement, le variomètre passe à -6000 pieds par minute. Le vibreur de manche est s’entend à 17 secondes. Vers la fin, la vitesse a augmenté et l’avion n’est plus en décrochage, mais en piqué. Il suffirait de tirer sur le manche pour le récupérer mais après une bonne perte d’altitude quand même.
 
 



 
 

Vidéo 3 – Test de décrochage en Boeing 737
Exercice d’approche de décrochage sur un vrai Boeing 737. Ce n’est pas un décrochage, mais une approche de décrochage. L’avion est récupéré sans piquer et sans perte d’altitude. Les gaz sont poussés à fond. Remarquez le rôle du copilote qui s’assure que le commandant de bord pousse bien les manettes de puissance. Le vibreur de manche intervient à la seconde 19 quand l’instructeur s’exclame « Davai ! » [Vas-y !(mets la gomme)]
 
 



 
 

2 COMMENTS

  1. Plusieurs remarques peuvent être commentées sur cet accident.
    Moi, je n’en soulèverai qu’une, le fait que dans la majorité des accidents, on constate que les équipages utilisent partiellement les fonction du pilote automatique. Cela les perturbent inconsciemment sur la partie qui reste à leur charge (dans ce cas la vitesse).
    S’ils avaient effectué la procédure en manuel, je suis persuadé, qu’il aurait par exemple géré correctement leur vitesse.

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