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TWA vol 841 – Perte de Contrôle et Petites Expériences entre Amis

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Il y a une rumeur parmi les équipages de Boeing 727 au sujet d’une manœuvre qui n’est pas dans le manuel de l’appareil. Certains pilotes vous diront ne jamais en avoir entendu parler. D’autres, vous diront que c’est une légende. Enfin, il y en a toujours un qui vous dira qu’il connait très bien un pilote qui fait ça régulièrement. Il s’agit de jouer sur les fusibles pour sortir les volets à 2 degrés sans provoquer l’ouverture des slats. Comme les volets ne font initialement que reculer sans se courber vers le bas, la surface de l’aile est augmentée et il devient donc possible de voler plus haut encore.

En détail :
Aucun réacteur n’est attaché à l’aile du 727. Ceci a permis au constructeur d’y installer de nombreuses surfaces mobiles. Au bord de fuite, on trouve les volets. A l’avant, sur la partie interne, on trouve des volets de bord d’attaque. Au nombre de 3, ils viennent augmenter la courbure de l’aile une fois qu’ils sont déployés. Plus à l’extérieur, toujours sur le bord d’attaque, on trouve des slats. Au nombre 4 par aile, ils permettent d’améliorer le comportement de l’aile aux hautes incidences. Ces derniers sont numérotés de 1 à 4 sur l’aile gauche et de 5 à 8 sur l’aile droite.

Le système ne permet pas aux pilotes d’agir individuellement sur une surface. Un seul levier dans le cockpit, à la droite des manettes de gaz, permet de gérer tout l’ensemble.
Les positions de la mannette sont les suivantes:

UP : configuration lisse. Tous les dispositifs hypersustentateurs sont ranges.

2 : Les volets de bord de fuite sortent en allant vers l’arrière mais sans se courber vers le bas encore
La moitie des slats sont totalement déployés (2/3 et 6/7)

5 : Les volets de bord de fuite sortent encore en allant vers l’arrière mais sans se courber vers le bas encore
Tous les slats et volets de bord d’attaque sont totalement déployés

Aux positions 15, 25, 30 et 40, les volets de bord de fuitent sortent et se courbent de plus en plus vers le bas.

La vitesse maximale avec les dispositifs de bord d’attaque sortis est de 240 nœuds. La vitesse maximale pour les manœuvrer (rentrée, sortie) est de 230 nœuds.

L’idée de génie :
Imaginons qu’on fasse la chose suivante en vol :
– On déconnecte les fusibles des slats
– On sort on met la manette des volets sur 2

Le résultat net est que les volets de bord de fuite sortent sans être accompagnés par les slats. Comme ces volets, à ce niveau, ne se courbent pas vers le bas, la surface de l’aile est donc augmentée. Ceci s’accompagne de plus de portance sans augmentation sensible de la trainée. L’avion peut donc voler plus haut et gagner un peu en vitesse et en consommation.

 

Boeing 727-31 TWA vol 841
Les flèches bleues désignent les trois volets de bord d’attaque.
Les flèches vertes désignent les slats qui sont numérotés de 5 à 8 sur cette aile.
 

 

 

Boeing 727-31 TWA vol 841
Manette des volets avec les crans marqués UP, 2, 5…etc.
Sur le tableau de bord, les deux instruments indiqués donnent la position des volets.
 

 

Vol TWA 841 :
Dans la soirée du 4 avril 1979, un Boeing 727-100 (N840TW) décolle de l’aéroport de New York JFK pour un vol vers Minneapolis. A bord, il y a 82 passagers et 7 membres d’équipage partis, sans le savoir, dans la plus grande virée de l’histoire de l’aviation.

Le vol monte initialement au niveau 350 puis obtient une clearance pour le 390 qu’il atteint peu avant 22 heures. Le ciel est clair et l’air calme. Les pilotes décident de tenter le coup. Des fusibles sont tirés et la manette des volets tirée d’un cran.

L’avion se met à vibrer ! Quelqu’un a du foirer quelque part ! Les volets sortent mais les slats aussi. Quand un avion vole lentement, les slats augmentent l’incidence à laquelle il décroche. Par contre, à grande vitesse, ils perturbent l’écoulement de l’air et détruisent la portance de toute la partie d’aile qui se trouve derrière eux. Le commandant de bord tient l’avion tant bien que mal et remet la manette sur la position UP. Toutes les surfaces mobiles sont rétractées excepté un slat sur l’aile droite. Cette aile perd de la portance et commence à s’enfoncer.

Le commandant de bord corrige avec la manche et les palonniers mais sent l’avion lui échapper inexorablement. Alors que le 727 est sur la tranche il s’écrie « On va tourner ! On va tourner ! ». Et ils ne vont pas tourner qu’une seule fois. Le Boeing fait plusieurs rotations et finit avec le nez à 90 degrés sous l’horizon. Il tombe comme un stylo !

Le taux de descente est voisin de 35000 pieds par minute. La vitesse augmente vertigineusement. L’avion est au bord du vol supersonique : mach 0.96 !

Le commandant de bord réduit les gaz et tire la manette des aérofreins, mais rien ne se passe. Il tente plusieurs fois mais rien ne change. Il ne peut pas le voir de sa position, mais dès qu’ils sont levés, les panneaux des aérofreins se tordent et sont remis en place par la force du vent relatif. Il hurle au copilote :

– Sors-moi ce train d’atterrissage !

La sortie du train s’accompagne d’une formidable explosion qui secoue tout l’appareil. Dès qu’elles sont ouvertes, les portes du train d’atterrissage, les chaussettes, sont arrachées mais le train lui-même arrive à se déployer réduisant un peu la vitesse. Le slat numéro 7, celui qui était resté bloqué, se tord et est arraché. On ne le retrouvera jamais, mais la population ramassera d’autres débris éparpillés sur des kilomètres.

La perte du slat augmente la portance de l’aile droite. Le commandant de bord tire sur le manche de toutes ses forces. L’accélération passe à 6 G et le sol se rapproche à toute vitesse.

En 63 secondes, le Boeing 727 est passé de 35000 à 5000 pieds ! La chute est stoppée mais le commandant de bord avait tiré si fort sur le manche que l’avion se retrouve cabré à plus de 50 degrés. Heureusement, grâce à la vitesse accumulée, l’incidence reste faible et il n’y a pas de décrochage. Au contraire, le Boeing monte comme un missile. A travers les hublots, les pilotes ne voient que le ciel et la lune. Ils ont presque l’impression d’aller dans l’espace. Le manche est progressivement poussé et le vol est stabilisé à 13000 pieds.

Un atterrissage d’urgence est décidé. Le contrôleur de l’aéroport de Detroit guide l’équipage jusqu’à l’axe de piste. L’approche et le toucher se font à grande vitesse parce que tous les volets avaient été soit tordus, soit bloqués, soit arrachés. L’avion se posa sans problèmes.

Quand il arriva au parking, des lambeaux de métal pendaient des ailes. Du carburant et de l’huile coulaient d’un peu partout.

En cabine, 8 passagers étaient légèrement blessés. La majorité ont refusé d’aller à l’hôpital et ont regagné leur destination par un autre vol la nuit même.

Une fois au sol, les pilotes effacèrent le CVR. Il y a un bouton dans le cockpit qui permet de le faire. Quand le NTSB arriva le lendemain, il ne trouva que quelques échanges banals captés après l’effacement de la bande :
-Tu bouffes quoi là ?

– Des bonbons pour la gorge. Tu en veux ?
– Oui, j’en veux. J’ai la gorge et la bouche sèches.
– Tu dois te sentir bien impuissant sur ton siège en arrière ?
– Tu parles !
– Tu l’a bien récupéré fils de p**** !

Le commandant de bord, ne revola plus jamais. Il partit au Costa Rica pour devenir fermier. La carrière du mécanicien de bord prit fin cette nuit là également. Il se tourna vers l’enseignement dans une école commerciale. Seul le copilote reprit du service malgré un blâme dans son dossier.

Ils ont tous contesté l’enquête du NTSB et nul n’a jamais révélé ce qui avait été dit dans le CVR effacé.

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