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DELTA vol 554

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Un CFIT peut survenir en présence de repères visuels trompeurs. Un des phénomènes les plus courants est appelé « le trou noir ». Ceci manifeste lors d’une approche de nuit avec au sol des zones éclairées et des zones non éclairées. Ces dernières peuvent être constituées d’étendues d’eau, de désert ou de forêts. Quand le pilote les survole alors qu’il regarde une piste éclairée au loin, il a la nette impression de voler trop haut. S’il vole à vue sans référence à ses instruments, il a toutes les chances de se retrouver sous son plan de descente, voir même heurter des obstacles ou la surface noire elle-même.

Un pilote de l’US Navy rapportait que lors d’une approche de nuit sur un porte avion, il eut soudain l’impression que quel-qu’un avait éteint l’éclairage de la piste. Une seconde plus tard, son avion se désintégra contre la surface de la mer. Il eut la vie sauve grâce à l’intervention rapide de ses collègues. En fait, il était passé sous le niveau du pont du navire et c’est pour cette raison qu’il n’en voyait plus les feux d’approche.

Les situations où il y a des repères trompeurs sont pires que celles où y en a pas du tout. En IMC, les pilotes ne travaillent qu’avec leurs instruments et ont moins de chances d’être le jeu d’illusions d’optique. L’ennui avec l’illusion d’optique, c’est qu’elle correspond à un fonctionnement normal de nos sens et de notre cerveau. Le fait de savoir que l’image perçue est une illusion ne donne aucune information sur l’image réelle. Les corrections forfaitaires à la louche n’apportent aucune garantie de sécurité. Seul un vol aux instruments permet d’atterrir en toute sécurité.

Tout être humain normalement constitué peut subir des illusions visuelles. Leur sévérité varie d’un individu à l’autre, comme elle varie chez le même individu en fonction des conditions du jour. Le stress, la fatigue, la prise de médicaments, mais aussi une préparation incomplète du vol peuvent faire en sorte que l’illusion passe totalement indétectée. Aucune anomalie n’est constatée par le pilote jusqu’au moment de l’impact avec le sol. C’est ce qui se passa avec le vol Delta 554 dans la soirée du 16 novembre 1996.

L’aéroport de New York LaGuardia a été construit à la fin des années trente pour rapprocher les passagers du centre ville. Déjà à l’époque, il était impossible de trouver des terrains urbains assez grands pour réaliser ce projet. Le choix fut donc fait de gagner l’espace nécessaire sur le lit de l’East River. Des pistes furent construites sur pilotis et l’aéroport fut un des plus fréquentés au monde durant les années soixante. Pour-tant, ce terrain n’est pas facile. Les pistes ne font que 2’100 mètres de long et se terminent dans l’eau ne laissant aucune marge d’erreur. Pourtant, elles ont servi comme modèle pour la construction de nombreux avions tels que le 727 ou le 767. Ces appareils, de par leur cahier de charges, devaient pouvoir opérer à LaGuardia. Un avion qui peut décoller et atterrir sur ce terrain, peut aller sans craintes partout ailleurs.

Le vol Delta commence son approche aux instruments peu avant 17 heures sur la piste 13. La météo promet un atterris-sage très difficile. Les nuages et la pluie coupent toute visibilité alors que le vent et les turbulences rendent le pilotage très difficile. Informé par le commandant de bord, le personnel de cabine s’assure que les passagers sont correctement attachés. Plus tôt que d’habitude, les hôtesses de l’air rejoignent leurs sièges également.

A 3’000 pieds, l’avion intercepte l’ILS et quitte le contrôle radar pour entamer sa dernière descente. D’après la tour de contrôle, les nuages ne vont pas plus bas que 1’300 pieds. Pourtant, quand ils arrivent à cette altitude, les pilotes ne voient pas encore la piste. Ils continuent à descendre en scrutant devant eux.

Sur la piste 13, un avion de la TWA est autorisé à décoller sans perdre de temps. Celui-ci s’aligne, commence à accélérer, puis freine brutalement et informe le contrôleur aérien qu’il annule son décollage. Ce dernier est particulièrement gêné par la situation. Connaissant les conditions météo, il n’aimerait pas avoir à demander au Delta de repartir faire un tour. Sans perdre une seconde, il contacte le TWA :
– Quittez la piste au plus vite ! faites-ça pour moi s’il vous plait, j’ai un trafic à deux miles et je n’aimerai pas lui imposer une remise de gaz.

Ecoutant sur la même fréquence, l’équipage du Delta se retrouve avec un stress supplémentaire. Malgré l’autorisation d’atterrir, les pilotes ne sont pas surs que la piste soit vide. Ils savent que les conditions du jour sont favorables aux erreurs humaines et restent sur leurs gardes. Parlant à son copilote, le commandant de bord fait des remarques desquelles ni la TWA, ni son personnel ne sortent grandis. Pendant ce temps, presque sans se rendre compte, il tire un peu sur le manche. Dans sa tête, il anticipe déjà la remise de gaz. Si proche de la piste, le faisceau ILS est très étroit. Le moindre écart sur la trajectoire, donne une grande déviation des aiguilles qui matérialisent l’axe d’approche.

Quand il regarde son instrument, le commandant de bord se rend compte qu’il est près de un point et demi trop haut. A par-tir de là, il n’est plus possible de faire une approche stabilisée. Il décide de rattraper l’axe et pousse sur le manche pour augmenter le taux de descente. Alors qu’il commence à voir l’éclairage de l’axe de piste, l’avion chute de 1’200 pieds par minute. Le copilote ne remarque pas le problème, parce qu’il a une indication plus faible sur son variomètre. En effet, le MD-88 de Delta était équipé de variomètres classiques qui ont un temps de poursuite assez long. Quand la vitesse ascensionnelle varie, l’instrument met plusieurs secondes à changer son affichage. D’après les instructeurs de la compagnie, de nombreux pilotes croyaient que ces instruments étaient du type IVSI, c’est-à-dire indiquant le taux de chute ou d’ascension en temps réel.

Le commandant de bord réduit les gaz et le taux de descente réel passe à 1’500 puis à 1’800 pieds par minute alors que l’avion est au ras de l’eau. Voyant quelques lumières de la piste sur un arrière plan sombre, les pilotes ont la perception d’arriver trop haut. La disposition des feux de seuil de piste ne leur facilite pas les choses non plus. Alors que dans la majorité des aéroports du monde, les lumières sont disposées régulièrement tous les 200 pieds, ceux de la piste 13 de LaGuardia sont plantés dans l’eau à des distances irrégulières faussant complètement la perception. Quand la visibilité est très faible, ces lumières sont la seule chose que voient les pi-lotes lors de l’approche finale.

Le MD-88 arrive à quelques mètres de l’eau, passe au-dessus de la plate-forme en béton et s’écrase dans un monstrueux bruit de ferraille à quelques mètres de la piste. Le train d’atterrissage cède et l’appareil glisse sur son fuselage par-courant presque la moitié de la piste.

Pendant une minute, personne ne bouge. Ayant été avertis d’un atterrissage dur, certains passagers ne sont qu’à moitié étonnés. Soudain, une forte odeur de carburant commence à envahir la cabine. Un pilote en voyage se rue vers le cockpit et en informe le commandant de bord. Dès cet instant, la situation est reprise en main et l’évacuation ordonnée. Les hôtesses crient aux passagers :
– Détachez vos ceintures, levez-vous ! Levez-vous ! Sortez de l’avion !

Sous le choc, certains passagers croient qu’ils sont morts et ne se lèvent pas sans être secoués. Les réacteurs sont coupés et les toboggans déployés sur les issues de secours. Comme le veut la procédure, une hôtesse de l’air demande aux deux premiers passagers à quitter l’avion de rester en bas pour aider les autres à se relever et à s’éloigner. Malheureusement, ceux-ci dès qu’ils mettent les pieds à terre, prennent la fuite. Sans aide, les personnes suivantes commencent à former un tas humain en bas de l’avion et l’hôtesse est obligée d’arrêter l’évacuation. Heureusement, surgit du brouillard une Ford Crown Victoria du New York Police Department puis plusieurs camions de pompiers et de secours médicaux.

Au bout de quelques minutes, tous les passagers et membres d’équipage sont dehors sur la piste. Il y a quelques contusions, mais aucun blessé grave. C’est un des rares cas où un CFIT s’est bien terminé.

L’avion, c’est 14 millions de Dollars à réparer, sans compter les dommages causés aux équipements au sol. Le GPWS s’était déclenché juste une fraction de seconde avant l’impact. Quand l’avion est en phase d’atterrissage, ce système est relativement moins sensible vu que le but de la manœuvre est tout de même d’aller au sol. De plus, l’enquête démontra que le commandant de bord portait des lentilles de contact mono-vision qui empêchaient une vue binoculaire, celle-là même qui permet d’estimer les distances entre les objets proches.

1 COMMENT

  1. L’enquête a priori, s’est focalisé sur les lentilles de contact mono-vision. Facile, cela permet de détourner les responsabilités.
    Je pense qu’il y a erreur manifeste du contrôleur.
    Suite à l’abandon du décollage de la TWA, il lui demande, pour lui faire plaisir, de dégager la piste rapidement, alors, qu’il lui annonce qu’un avion est en finale derrière à 2 nautiques, soit à 60 secondes du touché des roues de celui-ci, et cela par une météo minable.
    Pour dégager la piste par la première bretelle, il faut un certain temps.
    Pour moi, l’entière responsabilité de cet accident est le fait que le contrôleur n’a pas demandé une remise des gaz au MD __

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