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Air France 447 – Faut-il Tirer sur le Copilote ?

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On aborde une question taboue cette semaine : est-ce que c’est le pilote qui a écrasé l’Air France 447 dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2009 ? La question est virgulée de manière incidente dans de nombreux articles de presse et commentaires depuis la sortie du communiqué du BEA. Ce communiqué, mis à part la photo de l’intéressé, laisse plein d’autres indices pointant dans sa direction.

Avant de vouloir s’expliquer un accident, il faut d’abord accepter le fait que les solutions se trouvent dans un espace isotrope. C’est-à-dire un espace dont les propriétés ne dépendent pas de la direction considérée. Si c’est le pilote qui a planté l’Airbus, on ne devrait pas faire de résistance psychologique devant les faits. D’ailleurs, comme on le dit souvent, 70% des accidents sont dus à des erreurs humaines. Un de plus ou un de moins, hein ?

D’ailleurs, remarquez un truc : sur la planète Mars, il n’y pas d’humains, il y a pas d’accidents.

Pensez-bien à la planète mars : ils sont où les 30% d’accidents qui ne seraient pas dus à des humains ?! Ca nous rappelle l’histoire de la masse manquante de l’univers.

En fait, vous pouvez analyser les rapports d’accident sur tout le matériel qui est tombé ces dernières décennies, il y a pas un seul cas où on ne peut pas trouver un ou des humains qui par leur action ou leur inaction n’ont pas provoqué / permis / favorisé l’accident. Il serait plus adapté de parler de 100% de responsabilité humaine dans les cas d’accidents aériens. Le jour où nous viendra du ciel un avion fabriqué par personne, maintenu par personne, piloté par personne et que cet avion finisse dans un fort improbable crash, on pourra alors se laver tous les mains de toute responsabilité.

Pour paraphraser Coluche : c’est forcement un mec qui a écrasé l’Air France 447. C’est peut-être le copilote. Pourquoi pas ? Mais si ce n’est pas lui, c’est forcement un autre mec.

Le copilote a les statistiques et les apparences contre lui. Le moment du crash, alors qu’en France d’autres mecs dormaient, lui il était sur site. Sur la scène du crime en quelque sorte. L’arme du crime, il l’avait entre les mains. Point faible du dossier : il n’a pas de mobile.

Il reste très difficile de fonder toute l’accusation sur le document du BEA. En voici les raisons objectives :

– Ce document est non pertinent : Le BEA réalise une enquête dans le cadre de l’Annexe 13 de la Convention de l’OACI. Cette Convention encadre tous les aspects de l’investigation y compris la communication. Aucun article ne vient définir ou donner un statut quelconque à un communiqué émis pour cause… de fuites. Ce dernier n’a pas vocation à être attaché au rapport final et n’y sera probablement pas. Toutes les informations qu’il contient seront certainement complétées, mais peut-être aussi, remises en perspective sinon remises en cause.

– Les échanges ne sont pas complets : Le commandant de bord arrive dans le cockpit et ne reste certainement pas silencieux. Pourtant, pas un mot de ce qu’il dit n’est indiqué dans le document. Les échanges entre pilotes sont incomplets. Les phrases retranscrites sont juste des « editor’s picks », c’est-à-dire des passagers choisis parmi tout ce qui a pu se dire pendant ces minutes intenses.

– On ne sait pas de quelles vitesses on parle : l’enregistreur de vol n’a pas de source indépendante ou de canal privilégié pour connaitre la vitesse de l’avion. Les valeurs de vitesses sont captées au niveau de l’ADR 1 et 3 [l’ADR2 n’est pas enregistré]. Ce sont ces mêmes équipements qui fournissent les vitesses aux pilotes. Donc si la vitesse indiquée aux pilotes est fausse, celle enregistrée par le DFDR est fausse aussi. Du document émis par le BEA, il n’est pas possible de savoir avec précision quand est-ce que les vitesses sont justes et quand est-ce qu’elles sont fausses. Ce doute sera levé dans le rapport final.

– Rôle de l’Alpha Prot : l’Airbus a une protection de décrochage qui fait partie d’une loi de protection des incidences. A-t-elle pu intervenir à un moment du vol ? Quand la protection se met en place, le comportement du stick dans le sens à cabrer change. Le fait de tirer sur le stick va commander une incidence plus élevée qui n’ira pas au delà d’une valeur maximale dite alpha max. A ce moment, pour l’avion devient moins réactif en tangage et pour la même action sur le stick il va moins se cabrer.

– La chronologie des événements n’est pas rigoureuse : A 2h10min51sec il est dit qu’une quinzaine de secondes plus tard, les vitesses deviennent cohérentes. Donc, à 2h11min06sec les vitesses sont cohérentes. Il est dit, en petit sur la prochaine ligne, que l’incohérence entre les vitesses a duré moins d’une minutes. Disons donc 59 secondes. Ceci veut donc dire que l’incohérence entre les vitesses est apparue au plus tôt à 2h10min07sec. Donc avant 2h10min07sec les vitesses étaient cohérentes. Alors pourquoi à 2h10min05sec le pilote automatique puis l’auto-poussée se désengagent et le PF annonce « j’ai les commandes » ? Le pilote automatique s’était-il désengagé alors que les vitesses étaient cohérentes ?

– Juxtaposition d’événements n’ayant pas nécessairement de rapport de cause à effet : A 2h10min05sec on dit que le pilote donne un ordre à cabrer et immédiatement après que la vitesse baisse vers 60 nœuds. Pour provoquer une telle chute de vitesse, il ne faut pas donner un ordre à cabrer, mais tirer comme un malade sur le stick et encore ! L’A330 n’est pas un avion de chasse. Il faut beaucoup de volonté même de hacking pour faire passer la vitesse à 60 nœuds en donnant un simple ordre à cabrer. On note aussi, que c’est à ce moment que semble commencer l’incohérence des vitesses. Il n’est donc pas approprié d’associer l’ordre à cabrer du pilote et la baisse brutale de la vitesse.

– Notions non quantitatives : le pilote donne un ordre un cabré. Quel est l’amplitude de cet ordre. A-t-il tiré franchement sur le stick ? Un peu ? Un tout petit peu ? En fait, quand les vitesses de décrochage sont testées, ceci se fait avec le centrage le plus en avant possible. Un avion au centrage avant décroche à une vitesse plus élevée qu’un avion au centrage arrière [si vous avez oublié pourquoi, posez la question en commentaire SVP]. Par contre, pour les tests de manœuvrabilité lors du décrochage, le centrage est au maximum arrière. A ce centrage, l’appareil est instable et a facilement tendance à cabrer. Quelles sont les caractéristiques de vol de l’A330 en loi directe et centrage arrière ? (Est-ce qu’il y a là dehors un pilote de ligne qui a été familiarisé avec ces caractéristiques ?)

– Trous importants dans l’emploi du temps : A 2h12min02sec nous sommes environ deux minutes et demie avant l’impact. Vu le taux de chute moyen, l’avion doit voler vers le niveau 250. A ce moment, le pilote fait le geste que la terre entière lui reproche de ne pas avoir fait. Les gaz sont réduits. Le BEA écrit même le mot IDLE (RALENTI) en majuscules pour éviter qu’on le rate. Le PF fait des actions à piquer. L’incidence diminue et les vitesses deviennent valides. Puis pendant 90 secondes, le document ne dit pas ce qui se passe. Pourtant, c’est crucial. Que s’est-il passé pendant ces 90 secondes ? Pourquoi la récupération échoué alors qu’il y avait évidement les bons paramètres et qu’il restait 25000 pieds d’altitude.

– Qui a bougé le PHR ? Entre 2h10min51 et 2h11min51 le plan horizontal réglable passe de 3 à 13 degrés [son maximum est de 14 degrés]. Sachant que les vitesses deviennent cohérentes au milieu de cet intervalle. C’est-à-dire à 2h11min06sec, qui a bougé ce PHR à cabré ? Est-ce le pilote ? Est-ce les automatismes de l’appareil ? Est-ce un scenario d’interaction entre les deux ? Etant donné l’angle de cabré hors normes atteint plus tôt en toute facilité par l’avion, quelle motivation avait le pilote de mettre le PHR à contribution ?

– Utilisation d’une information non disponible aux pilotes : l’incidence n’était pas disponible aux pilotes. Celle-ci est enregistrée et connue par les systèmes de l’appareil mais jamais affichée (Si on veut couper les cheveux en quatre, on peut dire que certaines valeurs d’incidence sont affichées sur le PFD sous forme de vitesses quand l’avion vole aux grands angles. Mais il n’y pas d’indicateur qui donne à chaque instant l’incidence effective de l’aile.). Pour se mettre dans la tête du pilote, on doit faire abstraction de cette information d’incidence. Notamment, en tombant à plat, un avion peut tout à fait avoir une assiette nulle, mais une incidence supérieure à 40 degrés. Dans le cas de cet accident, au moment de l’impact, l’avion avait une vitesse verticale égale à sa vitesse horizontale. S’il avait été à plat, il aurait eu une incidence de l’ordre de 45 degrés.

– Utilisation d’informations de seconde main : A 2h10min16, le PNF dit « alternate law ». Ce que disent les pilotes dans ces situations là ne correspond pas toujours à la réalité. Ce qui est enregistré c’est l’expression de l’opinion des pilotes à ce moment. Le pilote vient de constater que l’avion est passé en alternate law. Cet événement per se a pu se passer à 2h10min16 ou probablement un peu avant. Pour le savoir avec précision, il faut se référer à l’enregistrement DFDR comme le fera le BEA dans le rapport final.

– Qu’a fait le thrustlock ? Dans les 13 cas d’incidents sondes sur A330, il y en a 10 où le système thrustlock est entré en jeu. Qu’en est-il pour l’AF447 ? Ce vol a-t-il été la règle ou l’exception ? Pour info, ce système bloque le régime des réacteurs à la valeur qu’il avait juste avant le problème.

On peut continuer ainsi pendant des pages et des pages. Dire aujourd’hui que c’est le copilote qui a fait planter l’avion, c’est répondre de manière arbitraire à toutes les questions ci-dessus. C’est compléter arbitrairement les vides et arbitrairement figer une chronologie.

Quand le rapport final sera en ligne, on pourra reprendre cette discussion. Si à ce moment il apparait que c’est le pilote qui a perdu le contrôle de l’appareil, ça sera mis en évidence. On pourra alors reparler du copilote, non pas pour l’accabler, mais pour comprendre pourquoi il est encore possible de perdre le contrôle d’un avion de ligne à la pointe de la technologie. Et subsidiairement pourquoi des un nombre important de mecs représentant une masse salariale assez conséquente laissent un avion voler avec une défectuosité grosse comme le Dôme des Invalides. C’est cela même l’esprit de l’Annexe 13 de la Convention de l’OACI.

C-5B 84-0059 – Lockheed C-5B Galaxy – Dover AFB – Vidéo et CVR

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3 avril 2006 – Le Lockheed C-5B Galaxy est le plus gros avion de transport militaire au monde. Fabriqué spécialement pour l’Armée US, il est exploité par la division logistique de l’US Air Force. Du véhicule blindé, au générateur électrique en passant par l’hôpital de campagne, aucun objet de l’inventaire militaire US n’est trop gros pour le Galaxy et ses 880 mètres cubes de cargo. Avion excessif sur tous les plans, le C-5B nécessite en moyenne 16 heures de maintenance par vol réalisé. Son équipage minimal se compose d’un commandant de bord, un copilote et pas un, mais deux mécaniciens navigants. Plusieurs responsables de chargement viennent compléter l’effectif.

Cet accident concerne le C-5B 84-0059 appartenant au 436eme aéroporté basé à Dover dans l’Etat du Delaware. Il avait décollé en mission pour Ramstein en Allemagne. En plus du fret, 50 tonnes, il y avait 17 personnes à son bord. La météo était correcte et le vol transatlantique commençait sous de bons auspices.

Dix minutes après le décollage, alors que l’avion est en montée, les pilotes reçoivent une alarme du réacteur 2. Celle-ci indique que le l’inverseur de poussée n’est plus verrouillé. Très peu d’alarmes en vol sont si… alarmantes ! Si l’inverseur s’ouvre en vol, il provoque une asymétrie brutale que les gouvernes sont incapables de compenser.
En 1991, le vol Lauda Air 004 a été victime d’un accident lié à un inverseur de poussée. Il s’agissait d’un Boeing 767 qui réalisait un vol entre Hong Kong et Vienne avec escale à Bangkok. Durant la croisière, une alarme concernant l’inverseur du moteur 1 s’était allumée. Les pilotes se sont mis à consulter les manuels de référence… Neuf minutes plus tard, l’inverseur de poussée s’est ouvert. Les restes de l’avion furent retrouvés sur plus de 100 hectares. Le crash avait causé la mort de 223 personnes.

 

C-5 Galaxy US Air Froce USAF Dover AFB 2006
 

 

C’est donc non sans appréhension que les pilotes du Galaxy virent s’allumer l’alarme de l’inverseur de poussée du réacteur numéro 2. Sans perdre une seconde, ils coupent son arrivée de carburant et ramènent sa manette au ralenti. Dès ce moment, l’avion est sécurisé et ne court aucun danger. Par contre, dans leur empressement, les pilotes vont commettre une simple erreur qui va les poursuivre jusqu’au crash.

Ils ont coupé le moteur numéro 2 mais c’est la manette à coté, celle du 3, qu’ils ont ramenée au neutre. Le commandant de bord travaille avec trois manettes mais l’une d’elles commande le moteur 2 qui est coupé. Effectivement, seuls les moteurs 1 et 4 produisent de la poussée, soit un moteur par aile.

Le détail du geste est le suivant :

– Le pilote ramène la manette 2 au ralenti et travaille avec les 1, 3 et 4
– A un moment donné, il ramène les 1, 3 et 4 au ralenti
– Toutes les manettes se retrouvent alignées au ralenti
– Il a besoin de puissance, il repositionne sa main et pousse les manettes 1, 2 et 4
– Progressivement il pousse ces manettes à fond mais l’avion s’enfonce toujours

 

C-5 Galaxy US Air Froce USAF Dover AFB 2006
Vu la largeur du cockpit, il y a sets (2 x 4) de manettes pour gérer 4 réacteurs.
Les deux sets sont mécaniquement interconnectés pour avoir la meme configuration en tout temps.
 

 

Les pilotes décident de revenir au terrain et d’atterrir en surpoids. L’approche se fait à vue et progressivement l’avion passe sous le plan de descente. Une fois que le train d’atterrissage est sorti et les volets baissés à 100%, le vario devient franchement négatif et les gaz, même à fond, ne semblent pas aider. Toujours, seuls les moteurs 1 et 4 donnaient de la puissance.

 

C-5 Galaxy US Air Froce USAF Dover AFB 2006
 

 

En tirant sur le manche pour réduire le taux de chute, les pilotes voient la vitesse baisser. L’un d’eux a la malheureuse idée de réduire la trainée : il rentre les volets de 100 à 40%. Sans autre forme de procès, l’avion qui vole trop lentement décroche et tombe comme une pierre. Heureusement, le sol est tout proche. L’avion s’écrase et glisse sur plusieurs centaines de mètres dissipant progressivement son énergie. Il finit par s’arrêter mais la carlingue est brisée en plusieurs morceaux. Les 17 occupants sont blessés dont deux gravement. Les sièges en métal boulonnés directement sur la structure de l’appareil transmettent très bien les chocs et protègent moins les occupants que les sièges des avions civils.

 

C-5 Galaxy US Air Froce USAF Dover AFB 2006
 

 

Vidéo :
Notez la position des manettes vers 47 secondes. A ce moment, les doigts du pilote glissent et au lieu de prendre la manette du 3, il prend celle du 2. A 2:08, on entend l’ordre “Bring the flaps-up!” et puis l’incidence qui augmente immediatement apres. La photo ci-dessous peut aider à mieux comprendre la vidéo.

 

C-5 Galaxy US Air Froce USAF Dover AFB 2006
 

 

 



 

 

TWA vol 841 – Perte de Contrôle et Petites Expériences entre Amis

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Il y a une rumeur parmi les équipages de Boeing 727 au sujet d’une manœuvre qui n’est pas dans le manuel de l’appareil. Certains pilotes vous diront ne jamais en avoir entendu parler. D’autres, vous diront que c’est une légende. Enfin, il y en a toujours un qui vous dira qu’il connait très bien un pilote qui fait ça régulièrement. Il s’agit de jouer sur les fusibles pour sortir les volets à 2 degrés sans provoquer l’ouverture des slats. Comme les volets ne font initialement que reculer sans se courber vers le bas, la surface de l’aile est augmentée et il devient donc possible de voler plus haut encore.

En détail :
Aucun réacteur n’est attaché à l’aile du 727. Ceci a permis au constructeur d’y installer de nombreuses surfaces mobiles. Au bord de fuite, on trouve les volets. A l’avant, sur la partie interne, on trouve des volets de bord d’attaque. Au nombre de 3, ils viennent augmenter la courbure de l’aile une fois qu’ils sont déployés. Plus à l’extérieur, toujours sur le bord d’attaque, on trouve des slats. Au nombre 4 par aile, ils permettent d’améliorer le comportement de l’aile aux hautes incidences. Ces derniers sont numérotés de 1 à 4 sur l’aile gauche et de 5 à 8 sur l’aile droite.

Le système ne permet pas aux pilotes d’agir individuellement sur une surface. Un seul levier dans le cockpit, à la droite des manettes de gaz, permet de gérer tout l’ensemble.
Les positions de la mannette sont les suivantes:

UP : configuration lisse. Tous les dispositifs hypersustentateurs sont ranges.

2 : Les volets de bord de fuite sortent en allant vers l’arrière mais sans se courber vers le bas encore
La moitie des slats sont totalement déployés (2/3 et 6/7)

5 : Les volets de bord de fuite sortent encore en allant vers l’arrière mais sans se courber vers le bas encore
Tous les slats et volets de bord d’attaque sont totalement déployés

Aux positions 15, 25, 30 et 40, les volets de bord de fuitent sortent et se courbent de plus en plus vers le bas.

La vitesse maximale avec les dispositifs de bord d’attaque sortis est de 240 nœuds. La vitesse maximale pour les manœuvrer (rentrée, sortie) est de 230 nœuds.

L’idée de génie :
Imaginons qu’on fasse la chose suivante en vol :
– On déconnecte les fusibles des slats
– On sort on met la manette des volets sur 2

Le résultat net est que les volets de bord de fuite sortent sans être accompagnés par les slats. Comme ces volets, à ce niveau, ne se courbent pas vers le bas, la surface de l’aile est donc augmentée. Ceci s’accompagne de plus de portance sans augmentation sensible de la trainée. L’avion peut donc voler plus haut et gagner un peu en vitesse et en consommation.

 

Boeing 727-31 TWA vol 841
Les flèches bleues désignent les trois volets de bord d’attaque.
Les flèches vertes désignent les slats qui sont numérotés de 5 à 8 sur cette aile.
 

 

 

Boeing 727-31 TWA vol 841
Manette des volets avec les crans marqués UP, 2, 5…etc.
Sur le tableau de bord, les deux instruments indiqués donnent la position des volets.
 

 

Vol TWA 841 :
Dans la soirée du 4 avril 1979, un Boeing 727-100 (N840TW) décolle de l’aéroport de New York JFK pour un vol vers Minneapolis. A bord, il y a 82 passagers et 7 membres d’équipage partis, sans le savoir, dans la plus grande virée de l’histoire de l’aviation.

Le vol monte initialement au niveau 350 puis obtient une clearance pour le 390 qu’il atteint peu avant 22 heures. Le ciel est clair et l’air calme. Les pilotes décident de tenter le coup. Des fusibles sont tirés et la manette des volets tirée d’un cran.

L’avion se met à vibrer ! Quelqu’un a du foirer quelque part ! Les volets sortent mais les slats aussi. Quand un avion vole lentement, les slats augmentent l’incidence à laquelle il décroche. Par contre, à grande vitesse, ils perturbent l’écoulement de l’air et détruisent la portance de toute la partie d’aile qui se trouve derrière eux. Le commandant de bord tient l’avion tant bien que mal et remet la manette sur la position UP. Toutes les surfaces mobiles sont rétractées excepté un slat sur l’aile droite. Cette aile perd de la portance et commence à s’enfoncer.

Le commandant de bord corrige avec la manche et les palonniers mais sent l’avion lui échapper inexorablement. Alors que le 727 est sur la tranche il s’écrie « On va tourner ! On va tourner ! ». Et ils ne vont pas tourner qu’une seule fois. Le Boeing fait plusieurs rotations et finit avec le nez à 90 degrés sous l’horizon. Il tombe comme un stylo !

Le taux de descente est voisin de 35000 pieds par minute. La vitesse augmente vertigineusement. L’avion est au bord du vol supersonique : mach 0.96 !

Le commandant de bord réduit les gaz et tire la manette des aérofreins, mais rien ne se passe. Il tente plusieurs fois mais rien ne change. Il ne peut pas le voir de sa position, mais dès qu’ils sont levés, les panneaux des aérofreins se tordent et sont remis en place par la force du vent relatif. Il hurle au copilote :

– Sors-moi ce train d’atterrissage !

La sortie du train s’accompagne d’une formidable explosion qui secoue tout l’appareil. Dès qu’elles sont ouvertes, les portes du train d’atterrissage, les chaussettes, sont arrachées mais le train lui-même arrive à se déployer réduisant un peu la vitesse. Le slat numéro 7, celui qui était resté bloqué, se tord et est arraché. On ne le retrouvera jamais, mais la population ramassera d’autres débris éparpillés sur des kilomètres.

La perte du slat augmente la portance de l’aile droite. Le commandant de bord tire sur le manche de toutes ses forces. L’accélération passe à 6 G et le sol se rapproche à toute vitesse.

En 63 secondes, le Boeing 727 est passé de 35000 à 5000 pieds ! La chute est stoppée mais le commandant de bord avait tiré si fort sur le manche que l’avion se retrouve cabré à plus de 50 degrés. Heureusement, grâce à la vitesse accumulée, l’incidence reste faible et il n’y a pas de décrochage. Au contraire, le Boeing monte comme un missile. A travers les hublots, les pilotes ne voient que le ciel et la lune. Ils ont presque l’impression d’aller dans l’espace. Le manche est progressivement poussé et le vol est stabilisé à 13000 pieds.

Un atterrissage d’urgence est décidé. Le contrôleur de l’aéroport de Detroit guide l’équipage jusqu’à l’axe de piste. L’approche et le toucher se font à grande vitesse parce que tous les volets avaient été soit tordus, soit bloqués, soit arrachés. L’avion se posa sans problèmes.

Quand il arriva au parking, des lambeaux de métal pendaient des ailes. Du carburant et de l’huile coulaient d’un peu partout.

En cabine, 8 passagers étaient légèrement blessés. La majorité ont refusé d’aller à l’hôpital et ont regagné leur destination par un autre vol la nuit même.

Une fois au sol, les pilotes effacèrent le CVR. Il y a un bouton dans le cockpit qui permet de le faire. Quand le NTSB arriva le lendemain, il ne trouva que quelques échanges banals captés après l’effacement de la bande :
-Tu bouffes quoi là ?

– Des bonbons pour la gorge. Tu en veux ?
– Oui, j’en veux. J’ai la gorge et la bouche sèches.
– Tu dois te sentir bien impuissant sur ton siège en arrière ?
– Tu parles !
– Tu l’a bien récupéré fils de p**** !

Le commandant de bord, ne revola plus jamais. Il partit au Costa Rica pour devenir fermier. La carrière du mécanicien de bord prit fin cette nuit là également. Il se tourna vers l’enseignement dans une école commerciale. Seul le copilote reprit du service malgré un blâme dans son dossier.

Ils ont tous contesté l’enquête du NTSB et nul n’a jamais révélé ce qui avait été dit dans le CVR effacé.

Colgan Air vol 3407 – Décrochage et Perte de Contrôle + Vidéos

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La réaction du pilote du vol AF447, à savoir tirer le manche lors du décrochage, n’a pas encore fini de faire parler d’elle. Cette réaction étonnante sera peut être expliquée d’ici la fin de l’enquête du BEA. En attendant, penchons-nous sur un autre cas de décrochage d’un avion de ligne et observons la réaction du pilote.

Ceci se passe le 12 février 2009 près de l’aéroport de Buffalo dans l’Etat de New York. L’avion, un Q400, est en phase d’approche sur la piste 23. A ce moment, il fait nuit, il y a une forte couverture nuageuse et un risque de givrage. Le commandant de bord est le PF et le copilote s’occupe des communications, des volets et – tout du moins en théorie – du monitoring des paramètres de vol (vitesse, altitude, route, régime moteurs…).

Cet avion est équipé de plusieurs systèmes pour alerter les pilotes de l’imminence du décrochage. En voici la liste :

– Le ruban de l’indicateur de vitesse comporte une zone rouge marquant l’IAS en-dessous de la quelle il ne faut jamais aller. Ce jour là, cette zone était majorée pour tenir compte du risque de givrage. Comme le givrage était très faible en réalité, l’appareil avait une forte marge entre l’entrée dans cette zone et le décrochage réel.
– Un stick shaker fait vibrer le manche et émet un son distinctif.
– Si le décrochage persiste, un stick pusher entre en action. C’est un dispositif qui va pousser le manche en avant.

Le décrochage survient quand l’air arrive sur les ailes avec un angle supérieur à une certaine valeur qui varie d’avion en avion. Cet angle est appelé incidence ou angle d’attaque (AoA). Quand il est atteint, la portance de l’appareil se dégrade et, en même temps, la trainée aérodynamique augmente. Sans correction, la vitesse chute brutalement et l’avion tombe. Durant cette phase, les surfaces de vol reçoivent un flux d’air faible ou venant d’une direction inhabituelle et l’avion devient difficilement contrôlable.

Suivant la procédure d’approche, l’appareil descend à 2300 pieds et se stabilise en pallier. Le pilote automatique était réglé en mode de maintien d’altitude (Altitude Hold). A ce moment, le pilote humain doit rajouter de la puissance en poussant les manettes des gaz qui étaient dans un régime de descente. Il n’en fera rien.

L’avion est en pallier mais n’a pas de puissance pour se maintenir. Il commence progressivement à ralentir. Le pilote automatique introduit un ordre à cabrer au fur et à mesure que la vitesse baisse. L’avion passe d’une assiette normale de 3 degrés à 9 degrés. La marque rouge apparait en bas du ruban de vitesse et monte rapidement. Bientôt, c’est tous les chiffres qui deviennent rouges sur le ruban. Ceci dure 18 secondes.

A 131 nœuds le stick shaker s’active. La seconde d’après, le pilote automatique se déconnecte parce que c’est une situation qu’il ne sait pas gérer. Le commandant de bord agrippe les commandes et tire avec une force de 17 kg tout en ajoutant des gaz. En réponse l’avion se cabre. L’AoA passe 8 à 13 degrés et l’avion se cabre à 18 degrés. La vitesse tombe à 125 nœuds. Ce n’est pas tout ! Le mouvement sur le manche fait passer le facteur de charge de 1 à 1.4 G. Ceci signifie que de la perspective des ailes, l’avion devient 1.4 fois plus lourd. Le décrochage est d’autant plus favorisé. La marge de vitesse qui existe au moment de l’activation du stick shaker est perdue à cause de l’augmentation du facteur de charge.

En tirant sur la manche, le commandant de bord provoque le décrochage aérodynamique. Le contrôle latéral de l’avion devient insuffisant et l’aile gauche s’enfonce de 45 degrés.
A ce moment, le stick pusher entra en action. Au lieu de céder, le commandant de bord le contra en tirant sur le manche. La première fois, il exerça une force de 19 kg. En réponse, l’avion s’inclina de 105 degrés à droite !

Le stick pusher tenta encore une fois d’abaisser le nez de l’avion mais le commandant tira sur le manche avec une force de 41 kilogrammes. L’appareil oscilla de 100 degrés d’inclinaison à droite jusqu’à 35 degrés d’inclinaison à gauche.

A la troisième et dernière intervention du stick shaker, le commandant de bord encore plus déterminé exerça une force de 73 kilogrammes en tirant sur le manche. A ce point, il n’y avait plus assez de vitesse pour maintenir l’avion cabré et le nez tomba quand même en passant 25 degrés sous l’horizon.

L’action du copilote :
Le hasard avait fait que le copilote fit passer les volets de 5 à 10 degrés environ une seconde avant l’activation du stick shaker. Quand elle entendit l’alarme, elle fit une relation directe entre celle-ci et ce qu’elle venait de faire. Dans un mouvement de reflexe malheureux, elle décida d’annuler sa dernière action. Elle prit la manette pour l’avancer de 10 à 5 degrés de volets. Dans la précipitation, elle fit pire encore : elle la passa à 0 degré. Au fur et à mesure que les volets rentraient, l’avion avait de moins en moins de portance et s’enfonçait dans le décrochage.

Il est très caractéristique de voir que lorsqu’on entend une alarme, on a tendance à annuler le dernier geste qu’on vient de faire.

La vitesse de l’avion passa sous les 100 nœuds et celui-ci l’altimètre commença à dérouler très vite. « Nous tombons » cria le capitaine. Ce fut son dernier mot.
L’avion s’écrasa sur une maison. Bilan : 49 morts, plus une personne au sol.

 

Bombardier DHC8-402 Q400 - Colgan Air
Restes du Q400 de Colgan Air vol 3407
 

 

Formation :
Durant la formation sur le Q400, les pilotes n’avaient jamais été entrainés à récupérer un vrai décrochage. L’exercice de référence consistait pour eux à approcher le décrochage puis s’en sortir sans perdre d’altitude. C’est-a-dire en remettant les gaz en maintenant le manche en arrière.

Il faut noter qu’une approche de décrochage n’est pas un décrochage. C’est juste un vol à une incidence élevée. Il peut être maintenu pendant des heures et bien sur il est possible de quitter ce mode de vol sans perdre d’altitude. Le décrochage, est une autre réalité. Un vrai décrochage aérodynamique suppose toujours une sortie accompagnée d’une perte plus ou moins grande d’altitude et, en tous les cas, le nez de l’avion doit être sous l’horizon.

Durant les exercices au simulateur, les pilotes avaient reçu l’ordre de ne pas perdre plus de 100 pieds d’altitude. Ceci exigeait de tirer le manche de manière assez déterminée. Certains pilotes avaient même déclaré qu’ils étaient obligés de tirer à l’encontre du stick pusher pour ne pas perdre de l’altitude.

Depuis cet accident, Colgan Air a changé sa doctrine et enseigne à ses pilotes de vrais décrochages avec perte d’altitude et correction de situations inusuelles. Ceci est une très bonne chose, mais elle arrive trop tard pour les 50 personnes restées au 6038 Long Street, New York.

Vidéo 1 – Reconstitution NTSB
Cette reconstitution est basée sur les données récupérées dans les enregistreurs de vol. Remarquez comme le commandant de bord tire sur le manche. Plus tard, vous allez aussi voir les volets passer de 10 à 0 précipitant les choses. Les manettes de gaz ne sont pas poussées à fond.

 





 

 
 

Vidéo 2 – Test de décrochage en simulateur de DC-10
Test de décrochage DC-10 en simulateur. Remarquez comme le pilote n’est pas trop agressif à rendre le manche. Très rapidement, le variomètre passe à -6000 pieds par minute. Le vibreur de manche est s’entend à 17 secondes. Vers la fin, la vitesse a augmenté et l’avion n’est plus en décrochage, mais en piqué. Il suffirait de tirer sur le manche pour le récupérer mais après une bonne perte d’altitude quand même.
 
 



 
 

Vidéo 3 – Test de décrochage en Boeing 737
Exercice d’approche de décrochage sur un vrai Boeing 737. Ce n’est pas un décrochage, mais une approche de décrochage. L’avion est récupéré sans piquer et sans perte d’altitude. Les gaz sont poussés à fond. Remarquez le rôle du copilote qui s’assure que le commandant de bord pousse bien les manettes de puissance. Le vibreur de manche intervient à la seconde 19 quand l’instructeur s’exclame « Davai ! » [Vas-y !(mets la gomme)]
 
 



 
 

Doctrines de Pertes de Controle / Décrochages : Compagnies contre Constructeurs

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Voici la rediffusion d’un article que j’avais publié en octobre 2007 sur ce site. Il compare deux doctrines concernant la gestion des décrochages. Ceci est une tentative pour comprendre pourquoi l’Airbus A330 du vol AF447 est resté cabré et les moteurs à fond pendant les quatre minutes et demi qu’a duré sa chute. Vos commentaires au sujet de cet axe réflexion seront très appréciés.

Procédures contre approche générale
Les compagnies aériennes fonctionnent en procédures qu’elles mettent à disposition des pilotes. Ces derniers sont formés en simulateur pour agir selon des check-lists standards fabriquées par leur compagnie aérienne. Les instructeurs valident l’apprentissage de chaque pilote et chaque fois que celui-ci applique les procédures correctement, il sauve son avion de la situation dangereuse. De leur coté, les instructeurs utilisent les procédures pour obtenir avec leurs pilotes des résultats uniformes, vérifiables et reproductibles. Les compagnies veulent également des procédures qui soient faciles à enseigner et qui fonctionnent sur tous les avions de leur flotte.

Les constructeurs d’avions voient les choses sous un autre angle : pour eux, il n’y a pas de perte de contrôle type et pour cette raison il ne saurait y avoir de procédure de récupération type ! Chaque perte de contrôle est différente et les pilotes devraient être formés dans un contexte très large leur permettant de gérer n’importe quelle perte de contrôle même s’ils ne l’ont jamais rencontrée précédemment en simulateur.

Trim : le mot interdit
Chez les compagnies aériennes, l’apprentissage de la gestion des pertes de contrôle suit toujours le même scénario : la perte de contrôle est due à un moment d’inattention qui met hors de son enveloppe de vol un avion correctement trimé (compensé). Hors, dans cette situation, le pilote a des commandes de vol avec une autorité totale permettant une récupération plus facile.

Les constructeurs considèrent cette approche comme simpliste et auraient souhaité que les compagnies enseignent aussi à leurs pilotes des techniques de récupération qui incluent l’usage du trim. Les compagnies aériennes sont très fermes sur ce point : la récupération doit se faire qu’en utilisant les commandes de vol primaires. Il n’est pas question de toucher au trim. En effet, les instructeurs ont peur de deux choses. D’abord, que les pilotes cherchant à corriger une situation hors trim ne font que l’empirer. D’un autre coté, sur certains vieux appareils encore en service, il est possible d’avoir des situations de déroulement de trim.

 

Le décrochage 
Dans les compagnies aériennes, les pilotes s’entrainent à gérer non pas des décrochages, mais des approches de décrochages. En simulateur, la vitesse est baissée jusqu’au déclenchement du stick shaker. A ce moment, le pilote récupère de la manière suivante : il pousse les manettes de gaz à fond et maintient le cabré de l’avion pour éviter de perdre de l’altitude.
Pour les constructeurs, les pilotes doivent aussi apprendre à gérer des situations de vrais décrochages. Lors de telles situations, il est impossible de ne pas perdre de l’altitude et les pilotes ne devraient pas essayer de ne pas en perdre. Au contraire, il faut pousser sur le manche pour permettre à l’avion d’accélérer et baisser son incidence.

De plus, les constructeurs insistent sur le distinguo entre décrochage et… décrochage. Pour eux, il est trop facile de récupérer un avion si on va juste un tout petit peu après l’angle de décrochage. Dans ce cas, l’appareil a encore beaucoup trop d’énergie qui facilite sa reprise en main. Ils souhaiteraient voir les pilotes de ligne apprendre à aller vers des décrochages profonds avec une perte importante de vitesse.

Réduire la poussée des moteurs montés sous les ailes
Les compagnies aériennes ne veulent pas entendre parler de ce qui va suivre mais c’est un point important. En effet, lors du décrochage réel, les commandes de vol ont une faible réponse et le pilote ne peut pas empêcher la perte d’altitude. A ce moment, il est important de faire piquer l’avion. Pousser sur le manche, peut ne pas être suffisant. Pour les avions dont les moteurs sont sous les ailes, les constructeurs recommandent vivement de réduire le régime des réacteurs. La poussée de ces derniers passe sous le centre de gravité et provoque une forte tendance à cabrer qui peut maintenir l’assiette trop élevée pour permettre une récupération.

Les avions de voltige ont un moteur tellement puissant qu’il peut les arracher d’une situation de décrochage même s’ils restent relativement cabrés. Les réacteurs des avions de ligne sont incapables d’une telle prouesse et un Boeing ou un Airbus ne sortira pas de son décrochage tant que son assiette ne baisse bas.

Rappel important des constructeurs d’avions : dans une situation inusuelle, si l’avion est en décrochage, il faut d’abord le sortir du décrochage avant de vouloir corriger l’attitude inusuelle. Ceci est connu, mais souvent ignoré en situation réelle.

 

L’utilisation de la gouverne de direction
Dans les compagnies aériennes, les instructeurs, souvent d’anciens pilotes de chasse, enseignent le contrôle des avions de ligne aux palonniers quand l’avion est proche du décrochage. En effet, il est notable que la gouverne de direction garde une bonne autorité à faible vitesse et permet une action en roulis que les ailerons ne permettent plus.

Les constructeurs sont farouchement opposés à cette démarche. Pour eux, si la gouverne de direction fonctionne correctement aux faibles vitesses sur les avions de chasse, il n’en est pas de même sur les avions de ligne. Ceux-ci ont plus d’inertie et une action inconsidérée sur la gouverne de direction à l’approche du décrochage peut créer une perte de contrôle à plus forte raison si les volets sont sortis.

Chez certaines compagnies, le mot d’ordre a effectivement changé et les instructeurs recommandent aux pilotes d’y aller doucement sur la gouverne de direction. Cette dernière doit être utilisée avec beaucoup de circonspection en en conjonction avec un mouvement d’ailerons pour aider ces derniers. Par contre, jouer tout le temps avec les palonniers est le moyen le plus rapide de provoquer un glissade et une sortir du vol contrôlé.

L’usage du simulateur de vol
Le simulateur de vol est un appareil qui fait voler un avion virtuel dont la fidélité dépend de la qualité des données qu’il contient. Les pilotes d’essai ne se mettent pas volontairement en danger pour fournir des chiffres aux simulateurs de vol. De plus, même quand leurs avions arrivent dans des situations inusuelles, elles ne sont pas assez nombreuses pour fournir un modèle valable.

Le simulateur fonctionne bien dans le domaine de vol de l’avion. Par contre, dès qu’on commence à s’approcher des limites de ce domaine, sa fiabilité baisse jusqu’à ne plus être représentative du tout. Par exemple, si on tire sur le manche pour décrocher mais qu’en même temps on donne un gros coup de palonniers pour provoquer une glissade, le simulateur ne va pas correctement intégrer cette dernière. Ceci nous ramène au point précédent et explique pourquoi les avions simulés ne font aucune mauvaise surprise aux pilotes qui les contrôlent à la gouverne de direction aux abords du décrochage.

Lectures connexes :
– ABX 827, accident à cause d’un simulateur de DC-8
– Perte de contrôle du vol China Airlines vol 676
– Perte de contrôle sur vol China Airlines vol 140

Source :
– Article de Mr William Wainwright, Chef Pilote d’Essai chez Airbus Industries [Pilote d’essai du A330]

Air France 447 – Nouvelles informations publiees par le BEA

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Le BEA a pris acte des différentes fuites dans la presse depuis le 16 mai et a décidé de publier des informations factuelles sur le déroulement du vol AF447. Le document fait 4 pages et donne des détails qui n’étaient pas connus jusqu’ici.

La partie intéressante du document commence autour de 2 heures du matin. A ce moment, dans le cockpit de l’avion sont présents deux copilotes ainsi que le commandant de bord. Ce dernier s’apprête à partir pour prendre son quart de repos. Au cours des échanges, on apprend que l’avion vient de traverser une zone de turbulence et que des zones similaires sont prévues plus en avant. L’appareil vole à 35000 pieds à ce moment. Le commandant de bord quitte le cockpit.

La 02:06, environ 5 minutes après le départ du commandant de bord, un des pilotes appelle personnel de cabine pour leur dire de s’attendre a une zone de turbulence de laquelle il faudrait “se méfier”. A ce moment, l’avion était déjà soumis a des turbulences mais les pilotes s’attendaient a de plus fortes encore. Aucun terme excessif ou alarmiste n’apparait dans les propos.

Deux minutes plus tard, soit a 02:08, les turbulences prévues sont l à et les pilotes décident de virer de 12 degrés vers la gauche. Les turbulences ne diminuent pas, mais augmentent encore. La vitesse est réduite de Mach 0.82 à Mach 0.80

Remarque: Pour éviter le plus gros des turbulences, les pilotes avaient 3 solutions pratiques:

1 – Monter : le commandant de bord, avant de partir, avait expliqué que cette option n’était pas ouverte. En effet, la température, même fortement négative, restait plus chaude que ce qu’elle aurait du être au niveau 350. La densité de l’air est donc plus faible et empêche l’avion de monter plus haut.

2 – Changer de cap : c’est ce qui a été tenté par les pilotes une fois qu’ils ont constaté la force des turbulences. Ce changement n’a pas amélioré la situation.

3 – Réduire la vitesse : une vitesse plus faible ne réduit pas les turbulences, mais l’impact de celles-ci sur l’avion. En allant plus lentement, le choc entre les différents courants d’air et l’avion est moins fort.

Deux minutes plus tard encore, soit à 02:10:05, le pilote automatique et l’auto-poussée se désengagent. Un des pilotes prend les commandes en manuel et l’annonce à haute voix comme le veut la procédure : “j’ai les commandes”. L’avion, sous l’effet d’une turbulence, s’incline en roulis à droite. A partir de là, la situation dérive :

Le pilote corrige avec une action à gauche et à cabrer. Pendant qu’il cabre, l’alarme de décrochage retentit deux fois et la vitesse indiquée affichée tombe à 60 nœuds !

A 2:10:16, le PNF (C’est le pilote qui n’a pas les commandes) annonce : “on a perdu les vitesses” puis “alternate law”. (Lire ici au sujet des laws de cet avion.)

L’assiette de l’avion dépasse les 10 degrés alors que l’assiette normale en croisière pour cet appareil est de l’ordre de 2.5 degrés. La vitesse verticale atteint 7000 pieds par minutes en montée. Aucun avion de ligne ne peut avoir une telle performance. Ici, l’Airbus troque de la vitesse contre de l’altitude. Plus il monte, plus il ralentit.
Le pilote pousse le stick et la vitesse verticale diminue à 700 pieds/minute. L’IAS augmente vers Mach 0.68 / 215 nœuds. L’altitude est de 37500 pieds enregistrant donc 2500 pieds de gain en quelques secondes. L’incidence revient dans une zone raisonnable : 4 degrés. L’avion n’est plus en décrochage.

Le répit est de courte durée… Le pilote pousse les manettes des gaz au maximum (TO/GA) mais remet son ordre à cabrer. A ce moment, l’avion décroche encore. L’altitude augmente jusqu’ à 38000 pieds et la vitesse passe à 185 nœuds. L’assiette est de 16 degrés [plus élevée que l’assiette type au-décollage].

A 02:11:40 le commandant de bord arrive. Ca fait moins de deux minutes que le pilote automatique s’est déconnecté. A ce moment, la vitesse est de moins de 30 nœuds, soit moins de 55 km/h (Ca a l’air faible, mais c’est déjà vu: lire ici et ici).

L’incidence est de 40 degrés. L’incidence n’est pas l’assiette, mais plutôt l’angle avec lequel l’air arrive sur les ailes (un dessin arrive tout a l’heure). L’avion commence à tomber. Le vecteur vitesse relative a une composante verticale qui augmente. Ceci justifie cette incidence énorme. L’appareil repasse au niveau 350 en descendant à 10’000 pieds/minute. Le pilote est de plus en plus nerveux : ses mouvements sur le stick sont vont jusqu’en butée. Le control latéral est très faible, l’Airbus s’incline jusqu’à 40 degrés par moments.

A 02:12:02 Les pilotes échangent des propos qui laissent entendre qu’ils n’ont plus “aucune indication” ou “indication valable”. En fait, en cas de perte de contrôle dus à un instrument ou une indication défaillante, il est très difficile de se retrouver après et comprendre quels sont les instruments corrects et quels sont les instruments faux. Toutes les indications semblent soudainement aberrantes. D’où le commentaire d’un des pilotes : “on n’a aucune indication qui soit valable”.

Une récupération semble réussir : les manettes de poussée sont ramenées au ralenti vol et une action à piquer est enregistrée au stick. La vitesse redevient valide, c’est à dire qu’elle passe au-dessus de 30 nœuds. L’incidence redevient valide quand la vitesse repasse au-dessus de 60 nœuds. A ce moment, l’alarme décrochage peut entrer en fonction (elle travaille a l’incidence) et elle retentit.


Note sur l’ergonomie : quand l’avion a une vitesse quasi-nulle et tombe comme une pierre, il n’y pas d’alarme décrochage qui retentit. L’alarme décrochage a besoin de la valeur d’incidence pour travailler. Pour mesurer l’incidence proprement, il faut au moins 60 nœuds de vitesse. Par contre, une fois que le pilote fait le geste correct et abaisse l’incidence, la vitesse augmente et l’alarme se remet en route. On est donc dans la situation :

– Geste faux : pas d’alarme
– Geste correct : alarme

Bien sûr, les avions ne sont ni conçus, ni certifiés pour se permettre des excursions de vitesses allant jusqu’a l’arrêt quasi-total en plein vol.

A 02:13:32, le pilote en fonction dit : “on va arriver au niveau cent”. Ceci prouve qu’il fait au moins confiance à son altimètre. Niveau 100 avec un taux de chute de 10’000 pieds/min, ça laisse plus ou moins une minute de vol. Le pilote doit réussir en 10’000 pieds alors qu’il vient de perdre près de 30000 pieds en deux minutes et demi.
A 02:13:47, un autre pilote agit en même temps sur son stick. Le pilote initial lui laisse les commandes et l’annonce a haute voix : “vas-y tu as les commandes”.

A 02:14:28, l’avion s’écrase dans l’eau. A ce moment, les paramètres sont les suivants :

– Vitesse sol : 107 nœuds.
– Assiette 16.2 degrés à cabrer
– Légère inclinaison à gauche (5.3 degrés)
– vitesse verticale : -11’000 pieds/min (200 km de vitesse verticale, soit supérieure à la vitesse horizontale).
– Cap plein ouest. Soit pratiquement un demi tour par rapport a la route initiale
Il s’est passé environ 04 minutes 30 depuis la prise en manuel par le pilote et l’impact.

8 janvier 1996 – Crash à Kinshasa – Air Africa / Scibe CMMJ

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Personne ne sait vraiment combien de personnes sont mortes quand un Antonov 32B traversa le marché de Simbazikita de part en part. Les hôpitaux qui refoulaient les centaines de survivants, n’avaient pas les ressources pour remonter puis compter les morts.

Cet accident est survenu dans la matinée du 8 janvier 1996 à l’aéroport N’Dolo de Kinshasa. Dans ce qui s’appelait encore le Zaïre sous la coupe du Maréchal Mobutu, l’espérance vie ne dépassait pas les 46 ans. Les gens y mourraient de malnutrition chronique, de maladies ayant traversé les âges et d’accidents d’avion.

 

Crash Kinshasa - 1996
Représentation d’un artiste local Cheri Cherin
Dans un pays en proie à la corruption et l’anarchie, un secteur aussi pointu que celui du transport aérien connait la dérive la plus spectaculaire. Accident après accident, un tableau affligeant se dévoile. Les avions de passagers ou de fret sont exploités en dehors de leurs limites opérationnelles. Des paramètres aussi basiques que le chargement, le centrage, le carburant, le décompte des passagers ou la fermeture des portes sont laissés au hasard. Les maintenances et contrôles ne sont pas réalisés. Les assurances et divers certificats sont invalides, faux ou falsifiés.

Seules les avaries les plus critiques et impossibles à réparer finissent par clouer un avion au sol. Quand plus personne ne s’en réclame, il est poussé dans un terrain vague où sa carcasse, déjà pillée, commencera à rouiller en s’enfonçant dans la végétation.

Les pilotes viennent majoritairement de Russie et d’Ukraine. Beaucoup ont des qualifications expirées, incomplètes ou inexistantes. Ce n’est pas juste un cliché : l’alcoolisme fait des ravages. A chaque accident, on apprend qu’un ou plusieurs membres d’équipage de conduite étaient sous influence.

 

Crash Kinshasa - 1996
Représentation d’un artiste local Cheri Cherin
 

 

Le lundi 8 janvier 1996, l’Antonov 32B est aux commandes de deux pilotes Russes. Ce sont des têtes brulées qui font leur métier avec détachement et désinvolture. Ils sont assistés par quatre autres membres d’équipage aux fonctions non définies. Les documents de vol indiquent 16 passagers et du fret. Personne ne sait combien de passagers ont réellement pris place à bord. Pour le fret, le commandant de bord signe un manifeste indiquant deux tonnes. Cependant, il n’a aucune confiance en l’agent de chargement qui le lui présente. C’est une pratique courante de surcharger les avions et d’indiquer des chiffres rassurants dans les documents.

Le vol est réalisé par Air Africa. C’est une compagnie aérienne qui ne possède aucun avion. Elle loue l’Antonov à Scibe CMMJ qui elle-même ne possède aucun avion non plus. Ceci ne l’empêche pas d’écraser un appareil tous les deux ans avec une régularité étonnante. Scibe appartient à Jeannot Bemba Saolona un proche de Mobutu. Elle-même loue l’avion à une compagnie russe. Le résultat net du montage est que le clan au pouvoir prenne sa part dans l’affaire.

 

Crash Kinshasa - 1996
Accident Antonov 32B – Kinshasa
 

 

La destination officielle est Kahemba dans le sud du pays à un jet de pierre de la frontière avec l’Angola. Depuis des années, l’ONU soupçonnait le clan de l’homme à la toque de léopard, Mobutu Sese Seko, d’utiliser cette destination comme couverture pour un trafic d’armes. Le matériel venait de Russie, de Cuba ou d’Afrique du Sud et suivait un chemin tortueux jusqu’aux mains des belligérants sur le terrain. En sens inverse, l’argent suivait un chemin non moins tortueux et arrosait du monde jusque dans Paris. Quand l’affaire de l’Angolagate éclata, on trouva à la barre plein de personnalités connues des Français.

L’appareil s’aligne sur la piste et le régime est poussé au maximum. Chacun des deux moteurs ZMKB envoi plus de 4000 chevaux sur l’arbre. Les immenses hélices à quadri pales sont entrainées en rotation et l’avion commence à prendre de la vitesse.

Théoriquement, l’Antonov 32B a une masse maximale au décollage de 27 tonnes. Ce jour là, il pèse bien plus. Le dépassement est de quelques centaines à quelques milliers de kilogrammes en fonction des estimations. Il existe une certitude cependant : le centrage n’était pas correct. Tout avion, du Cessna 152 d’aéroclub à l’Airbus A380, doit être chargé de manière à ce que son centre de gravité soit dans un intervalle défini par le constructeur. Même les modèles réduits n’y échappent pas ! Si l’avion est chargé trop en arrière, il a une forte tendance à cabrer qui peut se manifester dès la mise en puissance. Au contraire, si les masses sont disposées trop en avant, le moment de la gouverne de profondeur sera insuffisant pour faire cabrer l’avion quand la vitesse de rotation sera atteinte.

L’avion a déjà parcouru une bonne partie de la piste quand le pilote commence à tirer sur le manche. La gouverne de profondeur se lève mais les forces aérodynamiques appliquées sur elle ne suffisent pas pour faire cabrer l’avion. Le pilote n’est pas surpris outre mesure. C’est quelque chose qu’il voit tout le temps. La solution habituelle est de laisser l’avion accélérer encore. Avec la vitesse, la gouverne de profondeur deviendra de plus en plus efficace. A terme, elle pourra contrer le déséquilibre et réaliser la rotation.

 

Crash Kinshasa - 1996
Avion impliqué dans l’accident photographié ici à Moscou deux ans avant le drame
 

 

L’Antonov poursuit son accélération consommant la piste à une vitesse vertigineuse. Le commandant de bord tente encore de tirer sur le manche mais rien ne se passe. L’avion ne fait même pas mine de se cabrer. La sortie de piste semble inévitable.
De l’autre cote de l’aéroport, séparé par une route nationale, se tient un très grand marché en plein air. On y trouve surtout des fruits et des légumes. La majorité des vendeurs sont des femmes et des enfants. Le marché est bondé à ce moment de la journée.

Une demi-seconde après avoir quitté la piste, l’avion est déjà dans la foule. Plusieurs éléments vont justifier le bilan ahurissant :

1 – L’Antonov 32B est un avion à hélices et à ailes hautes. Lors de la sortie de piste, même quand le train d’atterrissage se casse, les hélices ne touchent pas le sol. Elles continuent donc à tourner le plus longtemps possible représentant un danger mortel pour tous ceux qui se trouveraient sur leur chemin.

2 – Quand le pilote comprit qu’il ne pouvait plus décoller, il commença à freiner en utilisant les inverseurs de poussée. Dans ce cas, seul le pas des hélices diminue, mais leur vitesse de rotation continue à être maximale.

3 – Le pilote tentait d’obtenir la vitesse la plus élevée possible pour contrer le faux centrage. A la sortie de piste, l’avion avait une énergie maximale.

4 – Le marché n’était pas bâti en dur. Auquel cas, l’avion aurait été arrêté assez vite. Toutes les structures rencontrées étaient fabriquées de planches, cartons, tissu et ficelles. Ceci a permis à l’avion de parcourir une grande distance au milieu de la foule.

5 – L’hôpital principal de Kinshasa n’avait que 60 lits et aucun équipement pour soigner les blessés. Beaucoup sont morts faute de soins à temps.

L’avion traversa la foule comme un hachoir à 8000 chevaux. Il y avait tellement de membres éparpillés partout que les premiers intervenants pensèrent qu’il y avait plus de mille morts. Très rapidement, le carburant déversé par l’avion s’enflamma et la scène fut enveloppée d’une épaisse couche de fumée.

Une partie des survivants se portèrent au secours des blessés alors que d’autres commencèrent à piller les morts.

Les pilotes réussirent à s’extraire de l’épave pour se retrouver face à une foule déterminée à les lyncher. Ils furent sauvés par la police et évacués vers l’hôpital. Sur place, ils échappèrent de justesse à un autre lynchage. Pour apaiser les esprits, ils furent rapidement extradés en Russie et condamnés à deux ans de prison.

Le bilan des morts pour cet accident varie selon les sources. L’acte d’accusation parle de 225 victimes. D’autres sources le situent vers 350 à 400 victimes. Il y a eu également plus de 500 blessés mutilés à divers degrés.

Cet accident garde jusqu’à nos jours le triste record du plus grand nombre de victimes au sol.

 

 

Commentaire d’Eric (lecteur)

Merci pour cet article. Article qui a reveillé bien de souvenirs en moi que je croyais évaporé. Simplement parce que le jour du crash, j’y étais. En effet, mes parents et moi habitions pas loin du marché,de l’aéroport de Ndolo à Kinshasa.
C’étais indescriptible…, les morceaux de corps ici et là fût insoutenable…, voilà, je prie à nouveau aujourd’hui pour les familles des victimes de cette accident.
Je suis Congolais et je ne peux que déplorer la présence des avions poubelles dans mon pays, hélas, ceci n’est pas prêt de changer!

 

Vol Présidentiel Polonais : Une Arrivée Remarquée

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Le gouvernement polonais est très fâché cette semaine. Il y a même eu des annulations de vacances pour cause de sortie de rapport final sur l’accident qui a couté la vie au président Lech Kaczynski en avril 2010. Pour rappel, l’avion présidentiel avait percuté des arbres se trouvant en finale alors que l’équipage chançait une approche en dessous des minimas. Quatre-vingt seize occupants, quatre-vingt seize morts, le bilan, quant à lui, ne laissait rien au hasard. En quelques secondes, le sommet de l’Etat polonais fut décapité et les restes fumants dispersés dans un bois près de Smolensk. Bois que fort peu de gens savent montrer sur une carte avec une erreur de moins de mille kilomètres.

Après la publication de ce rapport très critique envers l’équipage, Varsovie passe en mode attaque. Pour beaucoup de Polonais, les Russes sont « dans le coup » et auraient eux-mêmes provoqué le crash d’une manière ou d’une autre.

Les précédentes opérations des services russes plaident contre eux. On se rappelle tous de cet ex-agent du KGB empoisonné au Polonium 210 et qui a mis trois semaines à mourir devant les cameras du monde entier. Dans le même sillage, on se souvient d’une journaliste à qui ils ont passé plusieurs chargeurs de 7.62 à travers une porte d’ascenseur. Et plein d’autres gens ont été repassés dans des conditions mêlant brutalité, farce et un certain sens du romanesque. Tout cela nous dit que Ian Fleming, authentique espion et auteur de James Bonds, n’a peut être pas inventé grand-chose.

Alors un crash d’avion organisé pour déstabiliser la Pologne ne serait pas une nouveauté en soi. Cependant, dans ce cas là, tout indique un authentique accident de type CFIT. Le cas est tellement classique que le rapport d’accident ne nous apporte pas plus de données que ce l’on savait déjà le lendemain du crash.

Le vol :
Ce vol classé VIP catégorie A avait été organisé par l’Ambassade de Pologne à Moscou dès le mois de mai 2010. Il était constitué de deux avions :

– Le Tupolev 154M numéro 101 de l’armée de l’air polonaise. Ce triréacteur de fabrication russe était sorti d’usine en 1990 mais avait très peu volé depuis : moins de 5200 heures de vol.

C’est dans cet appareil que se trouvaient le président et sa délégation.

– Un Yakovlev Yak-40 qui transportait des journalistes. Cet avion a atterri sans problèmes avant le Tupolev.

Le TAWS :
Le Tupolev avait été équipé d’un TAWS fabriqué par une entreprise US (Universal Avionics Systems Corporation). Cet appareil donne des alertes orales et visuelles dans certaines situations où il y a un risque de collision avec le terrain. Ce TAWS utilise des données comme la vitesse de l’avion, son taux de descente, sa position sur le plan d’approche… et il connait même la position du train d’atterrissage et la position des volets. En plus de cela, il dispose d’une base de données mondiale comportant les élévations du terrain. Cette grille devient plus serrée autour des grands aéroports.

En général, cette grille comporte les données d’un point tous les 900 mètres.

Dans un rayon de 15 miles autour d’un grand aéroport, la densité des points devient deux fois plus élevée avec un point tous les 450 mètres. Pour les aéroports en altitude, la grille passe à un point tous les 180 mètres.

Smolensk, en tant qu’aéroport très secondaire, n’était pas dans la base de données du TAWS. Dans ce cas, l’équipage a la possibilité de désactiver le TAWS pour éviter les fausses alertes. Ceci ne signifie pas que le système est totalement hors circuit. Il reste tout de même les alarmes GPWS classiques. C’est à dire toutes les alarmes qui peuvent être élaborées au travers des paramètres mesurés par les instruments de vol. Par exemple, si l’avion perd la hauteur après le décollage ou s’il s’approche du sol trop vite.

La météo :
A Smolensk, les observations météo sont faites dans les 10 minutes avant l’heure pleine et diffusées chaque heure pleine. Quand les conditions s’approchent des minimas de l’aéroport (1000 mètres de visibilité et base de nuages à 100 mètres de hauteur), l’intervalle entre les observations tombe à 30 minutes. Quand les conditions passent en-dessous des minimas, les observations sont faites toutes les 15 minutes. Les phénomènes météorologiques significatifs, comme les orages, sont observés et communiqués sans délai quand ils surviennent.

Le jour de l’accident, il y avait un seul employé à la station météo de Smolensk. L’autre était absent pour cause de maladie.

La visibilité est estimée depuis le toit de la station météo en se basant sur des références situées à des distances connues.

– La référence des 700 mètres était constituée par un groupe de garages situés sur la gauche de l’observateur.

– La référence des 1000 mètres était constituée par un groupe de garages situés sur la droite de l’observateur.

– Une référence de l’autre coté de la piste correspond marque 1500 mètres de visibilité.

Comme l’ont relevé les enquêteurs, ces références critiques ce jour là sont toutes fausses. Elles sont plus proches que l’observateur ne le croit et donnent donc des visibilités trop optimistes. Les valeurs réelles des trois points ci-dessus sont respectivement : 570 mètres, 650 mètres et 1200 mètres.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Points d’observation pour mesure de la visibilité. En rouge les valeurs réelles.
 

 

Le 10 avril 2010, le jour de l’accident, un fort anticyclone est sur la région. Une inversion de température favorise l’accumulation d’air humide au voisinage du sol. A six heures du matin, la visibilité annoncée est de l’ordre de 500 mètres et le ciel est totalement couvert. Par la suite, elle augmente puis diminue de nouveau. A dix heures du matin, on mesure 800 mètres sur le terrain avec un plafond de stratus couvrant tout le ciel à 80 mètres de hauteur. Lors de l’approche, c’est 400 mètres de visibilité horizontale qui est communiquée au pilote de l’avion présidentiel. Cette communication s’est faite seulement quand l’avion était sur le point de commencer son approche. Les pilotes étaient partis de Varsovie avec une météo globale de la région mais sans obtenir celle spécifique au terrain de destination. Par ailleurs, les bulletins qu’ils avaient pour l’aéroport de dégagement, Vitebsk, étaient expirés.

Remarque : inversion de température
Quand on monte, la température baisse. Par contre, il peut survenir des cas où
la température augmente quand l’altitude augmente. On parle d’inversion de température. Dans ce cas, imaginez une masse d’air qui du sol, serait poussée vers le haut. Cette masse et elle va se détendre (la pression diminue toujours quand on monte). En se détendant elle se refroidit. Ce refroidissement peut être considérée comme adiabatique en première approximation. C’est-à-dire que cette masse d’air n’échange pas de chaleur avec les masses d’air environnantes. En fait, il y a un échange, mais il est trop peu important. On peut le négliger.

Cette masse d’air monte et se trouve entourée d’air plus chaud qu’elle. Elle est donc plus dense et va retomber vers le sol. Donc toute masse d’air qui a tendance à remonter, se retrouve acculé à revenir vers le sol. L’air est ultrastable et c’est peu comme s’il y avait un gros couvercle invisible dessus. Sur un sol humide, l’air va se charger de plus en plus d’humidité sans pouvoir se brasser avec un air plus sec. Ceci crée des brouillards très denses.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
L’inversion de température forme comme un bouchon et favorise l’humidité dans les basses couches. Cas typique ici.
 

 

A Smolensk, la température au sol (2 mètres sous abri) était de 4.3 degrés. A 400 mètres de hauteur, il y avait 7.6 degrés. A 600 mètres, était encore de 6 degrés. Il faisait donc plus chaud en altitude qu’au sol.

L’approche :
A Smolensk il y a une seule piste. La direction 26 comporte deux radiobalises NDB. La plus distante DPRM émet au 310 kHz et se trouve à 6260 mètres d’après la carte d’approche. La seconde, GPRM est plus proche et se trouve à 1100 mètres du seuil de piste et émet au 640 kHz. Ces NDB sont placés dans l’axe en tant que markers. Leur précision ne permet pas d’envisager une approche assez précise pour les conditions qu’il y avait ce jour là.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Carte Smolensk
 

 

L’outil principal pour cette approche était le radar. A Smolensk, il est composé de deux éléments : un radar de surveillance (SR) et un radar d’atterrissage (LR) dont l’antenne se trouve à 200 mètres de l’axe la piste.

La piste est dotée de lumières d’approche à haute intensité mais d’après les tests réalisés après l’accident, les lumières situées à 400, 700 et 800 mètres peuvent être cachés par les buissons si l’avion est un peu bas. De plus, de nombreuses lampes manquaient ou avaient leurs réflecteurs cassés.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Feux d’approche Smolensk. Beaucoup de lampes sont manquantes ou cassees
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Memes feux sous un autre angle un peu different. Les buissons commencent a cacher des lampes.
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Au sol, des phares sont places sur des vehicules.
 

 

Alertes :
L’équipage du Tupolev avait reçu un nombre important d’alertes concernant la situation météorologique du terrain.

H – 25 minutes : L’avion est en descente de 10000 à 3900 mètres. Le contrôleur aérien l’informe que la visibilité n’est que de 400 mètres.

H – 15 minutes : La même information est relayée par le contrôleur qui ajoute un commentaire « ce ne sont pas des conditions pour une approche »

H – 10 minutes : Le pilote du polonais du Yak-40 les informe qu’un IL-76 vient de partir sur son aéroport de dégagement après deux tentatives d’atterrissage avortées. Le Yak-40 faisait partie du vol présidentiel et il était arrivé plus tôt à Smolensk. Après lui, personne n’avait pu atterrir. Il émettait sur une fréquence autre que celle de la Tour.

H – 2 minutes : Le pilote du Yak-40 communique une visibilité encore plus dégradée : 200 mètres. D’après les enquêteurs, sur le lieu de l’accident, qui est en dépression, la visibilité ne devait pas dépasser les 20 à 25 mètres.

H – 12 secondes : Le TAWS calcule que vu le taux de descente et la hauteur restante, l’avion va percuter le terrain sous peu. Il émet des alertes sonores : « Pull up ! Pull up ! ».

De nombreuses autres alertes du contrôleur aérien ont été adressées à l’équipage.

Points d’impact :
La position du premier point d’impact est très étonnante : il est situé à 1100 mètres du seuil de piste et à 14 mètres sous l’altitude de celle-ci ! Le terrain forme une dépression et un arbre de 11 mètres de haut est rasé par l’aile de l’avion. Celle-ci ne subit aucun dommage encore. A ce moment, le commandant de bord avait déjà initié une brutale remise de gaz. Sans même déconnecter le pilote automatique, il avait tiré à fond sur le manche et poussé en avant les manettes des gaz. Ce geste reflexe avait été réalisé à 30 mètres de hauteur quand il eut les arbres et/ou le sol en visuel. Arrivant à faible énergie, l’avion réagit à cela en se cabrant lentement mais sans prendre d’altitude.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Premier point d’impact
 

 

170 mètres plus loin, l’avion touche un autre groupe d’arbres. Ceux-ci sont rasés à une hauteur de 4 mètres mais là encore, pas de dommages sur l’avion.

A 244 mètres du point de premier impact, se trouve un arbre très costaud (un bouleau) avec un tronc de 30 à 40 centimètres de diamètre. C’est celui-là qui donnera le coup fatal.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Coup fatal : le bouleau arrache une partie de l’aile gauche
 

 

Après cet impact, l’avion n’est plus contrôlable. Plus de six mètres d’aile sont arrachés. Plusieurs tonnes de portance sont perdues à gauche. L’aile droite se lève brutalement et l’avion s’incline très vite. Le commandant de bord pousse à fond sur le palonnier droit pour compenser ce mouvement violent. Le copilote en fait de même mais le Tupolev ne réagit pas.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
6.5 metres de l’aile gauche sont arraches apres l’impact avec le bouleau
 

 

Vers les 500 mètres du premier point d’impact, ce qui reste des ailes rase les arbres sous un angle élevé. L’avion est à plus de 90 degrés d’inclinaison.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Les arbres sont rases sous un angle de plus en plus eleve.
 

 

C’est seulement à 580 mètres qu’il y a le premier impact avec le sol. C’est ce qui reste de l’aile gauche qui racle le sol en premier creusant une tranchée de 22 mètres de long et 50 centimètres de profondeur. A ce moment, l’avion est sur le dos avec une inclinaison de l’ordre de 200 degrés.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Premier point d’impact avec le sol
 

 

L’avion finit sa course totalement inversé à environ 700 mètres du premier point d’impact. La piste est à 400 mètres de là.

En fait, les enquêteurs vont trouver l’avion éparpillé sur plusieurs centaines de mètres. Celui-ci perdait des morceaux au fur et à mesure qu’il passait au travers des arbres. Malgré ce ralentissement qui peut sembler progressif, la cabine est soumise à une décélération supérieure à 100 G. Les occupants sont tous tués sur le coup. Il était 10:39 du matin.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Moteurs du Tupolev
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Train avant et cockpit
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Position finale de l’avion
 

 

Erreurs et violations de l’équipage :
Ce n’est pas un chapitre qu’on trouve habituellement dans les rapports d’accident. Ceux-ci sont généralement très réservés sur les responsabilités. Même si les Russes disent que l’enquête à été faite selon l’Annexe XIII de l’OACI, cet accident ne tombe pas dans le cadre de la dite Convention. Les lettres AC dans OACI sont pour Aviation Civile. Le vol présidentiel était un vol d’Etat réalisé par un appareil militaire. Pour cette raison, ils n’ont pas de problèmes à mettre en avant la responsabilité de l’équipage dans cet accident. Voici ce qu’ils reprochent aux pilotes Polonais :

1 – Les conditions météorologiques du jour étaient inferieures aux minimas du terrain, de l’avion et des pilotes. De plus, ils ont laissé l’avion aller sous la hauteur minimale pour cette approche qui est de 100 mètres. A 100 mètres ils ne voyaient pas la piste et devaient lancer la remise de gaz à cet endroit. Ceci n’a pas été fait.

2 – La descente avait été commencée trop tard. De la sorte, l’avion se retrouvait au-dessus du plan de descente. Au marqueur externe (outer marker) la trajectoire était 120 mètres trop haute. Les pilotes ont du augmenter le taux de descente jusqu’à 1600 pieds par minute. Ce taux a été maintenu tout le long de la trajectoire de descente et même lorsque l’avion est passé sous la hauteur minimale de 100 mètres. Un taux de descente de 1000 à 1200 pieds par minute aurait suffit pour rattraper le plan depuis le marqueur externe.

Comme l’indique le rapport d’accident, un taux de 1600 pieds par minute sous 100 mètres de hauteur n’est même pas acceptable en approche à vue et devient carrément suicidaire quand la visibilité est nulle. Cet écart montre que l’équipage concentrait son attention à l’extérieur du cockpit à la recherche de références visuelles pour trouver la piste. Pendant ces derniers moments, personne ne monitorait réellement les instruments.

3 – Les pilotes n’ont pas remis les gaz en atteignant la hauteur de décision de 100 mètres. Et même quand le radioaltimètre signala une hauteur de 60 mètres, ils ont continué la descente.

4 – A 85 mètres au-dessus du niveau de la piste, l’alerte TAWS « Pull up ! Pull up ! » a retenti pendant 12 secondes sans provoquer de réaction de la part de l’équipage.

5 – Il n’y a pas eu de briefing d’approche et de distribution des taches.

6 – Le taux de descente nécessaire pour garder le plan de descente n’a été ni calculé, ni annoncé par les pilotes.

7 – Les pilotes ont tenté de maintenir un taux de descente au pilote automatique dans un contexte d’approche non-précise ne disposant pas de guidage vertical et donc sans mode VNAV (Navigation Verticale). Dans le cas du Tupolev, les pilotes ont utilisé la fonction de maintient d’assiette pour chercher un taux de descente. Cette technique est lente et peu précise. Les équipages l’utilisent en descente depuis un niveau de croisière là où une grande précision n’est pas recherchée. Par contre, en approche sans VNAV mode seul le maintien manuel du taux de descente permet d’obtenir la précision et la réactivité requises.

Contrôle de la trajectoire : 
Le plan de descente à Smolensk est à 2.40 degrés. Comme l’avion pesait 77 à 78 tonnes lors de l’approche, il devait maintenir une vitesse de 143 nœuds et un taux de descente de 700 pieds par minute. Cependant, comme l’avion volait entre 151 et 162 nœuds avec un vent de dos, la vitesse verticale pour tenir le plan devait être de 800 pieds par minute.

Le Tupolev, descendait en suivant un plan de 5 degrés et un taux de descente de 1600 pieds minutes. La vitesse a donc commencé à augmenter. En même temps, l’auto-manette réduisait les gaz. A terme, les réacteurs étaient au ralenti vol et l’avion pratiquement en vol plané.

Faux calage altimétrique :
Durant l’approche, le navigateur a appuyé sur un bouton qui a passé le calage altimétrique de l’altimètre du commandant de bord à 1013 hPa. L’aiguille de l’altimètre fait un saut vers le haut de 160 mètres. Le commandant de bord ne le remarque pas et ne le commente pas. Cependant, il lui restait encore d’autres alertes de proximité sol comme le TAWS et le radioaltimètre. Le navigateur était peu expérimenté avec seulement 26 heures de vol sur cet appareil.

Pression psychologique :
Les pilotes transportaient le chef de l’Etat et une délégation de dignitaires et de militaires de haut rang. Moins de 4 minutes avant le crash, la porte du cockpit s’était ouverte et une personne entra. C’est très mauvais de perturber une approche par une intrusion intempestive. La personne balança une phrase assassine comme pour donner le ton : « il sera fou [de colère] si… ». C’est peut-être à ce moment que le commandant de bord décida qu’il ira sous l’altitude minimale pour tenter le tout pour le tout.

Sans l’arbre :
Les pilotes s’étaient mis dans une situation depuis laquelle il est impossible de prospérer. Quand le commandant de bord a vu le sol, il a tiré de toutes ses forces sur le manche. L’angle d’attaque augmenta de plus de 3 degrés par seconde. Au moment où l’aile gauche toucha le bouleau, le Tupolev était à la limite du decrochage. Même sans l’impact avec cet arbre, l’appareil aurait décroché une à deux secondes plus tard tout au plus. L’accident était de toute manière inévitable.

Personnes non attachées :
Le président et ses gardes du corps étaient assis à l’arrière de l’appareil et attachés à leurs sièges. Au milieu, il y a la majorité des membres de la délégation et ils étaient attachés. Plus en avant encore, il y avait les militaires les plus gradés. Ces derniers n’utilisaient pas leur ceinture de sécurité. Quand l’avion se retourna après l’impact avec le boulot, ils tombèrent sur le toit de la cabine. C’est de cet endroit qu’ils vécurent le reste de l’accident. Ils se trouvèrent à l’épicentre de destruction de la cellule et leurs corps furent littéralement broyés en même temps que se déchiquetait le métal.

L’incident de 2008 :
On peut dire que le président polonais a signé son arrêt de mort en aout 2008. A cette époque, il n’avait pas hésité à traduire devant une Cour Martiale un pilote qui avait refusé une destination pour des raisons de sécurité.

Le 12 aout 2008, le Tupolev 154M de la présidence transportait le président de la Pologne, le président de la Lituanie, le président de l’Ukraine ainsi que les premiers ministres d’Estonie et de Lettonie. Pardonnez du peu.

En vol, le président et le commandant des forces armées avaient demandé au commandant de bord de se dérouter sur Tbilissi en Géorgie. Le commandant de bord refusa parce qu’il n’y avait pas de cartes à bord pour cet aéroport et que les conditions opérationnelles ne permettaient pas de planifier ce vol en des conditions de sécurité acceptables. Malgré les pressions de la part du président Lech Kaczynski et de du chef de l’armée de l’air qui allèrent jusqu’à lui donner un ordre écrit, le commandant de bord resta inflexible et posa à la destination initialement planifiée.

Le commandant de bord fut retiré des équipages présidentiels et traduit devant une Cour Martiale. Son copilote, un caractère plus docile, fut promu commandant de bord. Le navigateur passa sur le siège de droite en tant que copilote. C’est eux qui écrasèrent le Tupolev 154 à Smolensk.

Au moment du crash, le chef de l’armée de l’air était debout dans le cockpit à faire pression sur l’équipage pour atterrir à tout prix. Même alcoolisé comme il était, il eut juste le temps d’apprendre une leçon qui déjà ne lui servait plus à rien.

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Cockpit TU154M
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Cockpit TU154M
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
Enregistreur technique QAR. Aide les enqueteurs quand il est retrouve dans un etat exploitable
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
CVR du Tuplev presidentiel
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
CVR du Tuplev presidentiel – La bande est encore a sa place
 

 

 

Crash TU154 - Lech Kaczynski
FDR, enregistre 25 heures de parametres de vol. Trouve en bon etat.
 

Air Asia vol AK-5218 – Sortie de Piste Sous la Pluie

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Grosse frayeur hier soir en Malaisie où un Airbus A320 appartenant à Air Asia a fait une sortie de piste après l’atterrissage à Kuching International. Apres l’atterrissage vers 22:15, l’avion fut victime d’aquaplaning. Les pilotes n’ont pas pu éviter la sortie de piste et la trajectoire se termina dans la boue.

Lors de la manœuvre d’atterrissage, il pleuvait légèrement et le vent était nul. Par contre, durant la journée et la soirée, de lourdes averses de pluie avaient été observées sur le terrain.

Les passagers furent évacués et quatre gardés quelques heures en observation à l’hôpital. Les dégâts matériels sont importants. Le train avant de l’appareil est cassé et les réacteurs ont avalé de la boue.

Un NOTAM pour KCH (WBGG) avertit que la longueur de piste disponible a été réduite de 3840 mètres à 2520 mètres. Une portion de la piste reste encore fermée par les grues et engins déployés pour retirer l’Airbus. La conséquence est que plus de 60 vols vers cet aéroport ont été annulés aujourd’hui.

Dans les différents témoignages des passagers, les medias locaux rapportent le récit d’un homme d’affaire voyageant avec son épouse mais qui serait revenu en arrière lors de l’évacuation pour sauver son iPad.

 

Air Asia - Sortie de Piste
Air Asia – Sortie de Piste
 

 

 

Air Asia - Sortie de Piste
Air Asia – Sortie de Piste
 

 

 

Air Asia - Sortie de Piste
Air Asia – Sortie de Piste
 

 

 

Air Asia - Sortie de Piste
Air Asia – Sortie de Piste
 

 

 

Air Asia - Sortie de Piste
Air Asia – Sortie de Piste

Iran Air Vol IR-277 – Boeing 727-200 – Accident Lors d’une Remise de Gaz

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Hier, un Boeing 727-200 appartenant à Iran Air s’est écrasé par mauvaises conditions météorologiques près de l’aéroport d’Uromiyeh. Cet article est probablement la dernière chose que vous lirez sur cet accident. Il est peu probable que les autorités locales rendent public un rapport au sujet d’un accident impliquant une compagnie locale, réalisant un vol interne.

L’appareil immatriculé EP-IRP avait été délivré neuf à Iran Air en été 1974. A l’époque, l’Iran était encore un Royaume et le Shah avait encore de beaux jours devant lui. Cet avion qui a traversé l’Histoire et vu tant de bouleversements était le plus ancien de la compagnie nationale. Il était exploité dans un contexte d’embargo qui empêche l’Iran d’accéder aux pièces et aux outils depuis les USA. Ce fait est évoque à chaque accident en Iran sans que cela veuille dire qu’il y a systématiquement un rapport de cause à effet.

L’approche :
L’appareil était en approche ILS sur la piste 21. Cette approche commence à une hauteur de 3026 pieds et à 10 miles de l’aéroport. A ce moment, l’avion est au-dessus d’un lac et l’approche se fait avec une pente de 3 degrés au-dessus d’un terrain relativement plat.

 

Boeing 727-200 EP-IRP
Carte d’approche. Les X representent le lieu du crash en fonction des sources.
 

 

Procédure de remise de gaz :
Sur le prolongement de l’axe de la piste 21, le terrain devient rapidement montagneux. A 10 miles, le terrain est à 5000 pieds. Ce n’est pas l’Himalaya non plus. Le seuil de piste est à une altitude de 4274 pieds. Théoriquement, un avion de ligne comme le Boeing 727 avec tous les moteurs en marche pourrait remettre les gaz et aller tout droit sans nécessairement toucher le terrain. Si l’atterrissage n’est pas possible, le pilote doit faire un virage à gauche d’environ 60 degrés pour passe de l’axe de piste au 210 jusqu’au radial 150 d’UMH. Cette route au 150 permet à l’avion de rester au-dessus d’un terrain plat et de prendre de l’altitude en toute sécurité.

La météo :
A 6000 pieds sol, il y a une couche de nuages qui couvre tout le ciel (OVC)
A 2000 pieds sol, il y a une couche de nuages qui couvre 3 à 4 huitièmes/octas (SCT)
A 1500 pieds sol, il y a une couche de nuages qui couvre 3 à 4 huitièmes/octas (SCT)
La température est de 0 C et le point de rosée aussi. Ceci donne une humidité relative de 100% et donc une visibilité très réduite. 800 mètres d’après le message METAR autour de l’heure de l’accident. Il neigeait également. Ceci réduit encore plus la visibilité par rapport aux 800 mètres mesurés sol. Les conditions étaient très favorables à l’accumulation de givre sur l’avion.

Le vent est faible, 4 nœuds, et ne semble pas avoir été un facteur.

ILS CAT I :
Sur la piste 21 est disponible un ILS CAT I. La visibilité minimum pour ce genre d’approches est de 800 mètres. Ce jour là, le service météo annonce opportunément 800 mètres. C’est une manière de laisser l’approche ouverte pour ceux qui veulent tenter le coup.

 

Boeing 727-200 EP-IRP
Secouristes sur le lieu du crash.
 

 

L’accident :
L’équipage est autorisé à atterrir sur la piste 21 et commence l’approche ILS comme publié. Durant cette phase, il doit être clair pour l’équipage que l’atterrissage est loin d’assuré. Vu les conditions météorologiques, la remise des gaz semble être l’issue la plus probable.
Vers la fin de l’approche, à la hauteur de décision ou même avant, l’équipage annonce qu’il entame une remise des gaz pour revenir à Téhéran, son aéroport d’origine. Ce fut la dernière communication.
La suite est différente en fonction des sources :

Option 1 : l’équipage a fait le virage à gauche puis l’avion a perdu de l’altitude par la suite pour s’écraser le long du radial 150.

Option 2 : l’équipage n’a pas suivi la procédure de remise de gaz publiée. L’avion a continué tout droit pour entrer en collision avec le terrain qui remontait.

Dans les deux cas, il y a un élément important qui ressort : le manque de performance de l’appareil. Quelle que soit la trajectoire, un Boeing 727 en état normal de fonctionnement à les moyens de passer les obstacles autour de cet aéroport. L’enquête déterminera ou ne déterminera pas les causes. En tous les cas, elle ne nous le dira pas. Il reste que les hypothèses suivantes :
– Intervention du givre lors de l’approche de sorte que l’avion n’a pas pu assurer une pente positive suffisante lors de la remise des gaz.
– Panne d’un ou plusieurs moteurs lors de la remise de gaz
– Short fuel après consommation élevée suite due à la météo adverse
Désorientation spatiale après virage en montée et en accélération

On peut éliminer la désorientation parce que dans ces cas là, l’avion arrive vers le sol dans une configuration très inusuelle et sa destruction est totale. Ici, nous avons un avion qui s’est cassé en quelques morceaux. Il y a même des survivants. Ceci plaide pour un impact de force modérée. La situation ressemble plus à un atterrissage forcé sur la neige qu’a un crash à énergie élevée.

En tous les cas, cet accident vient encore rajouter un drame à une longue liste d’accidents qui endeuillent l’Iran à intervalles réguliers.

 

Boeing 727-200 EP-IRP
Il y a 77 morts a selon un dernier bilan provisoire.
 

 

Bilan Actuel :
Officiellement, il y avait 95 passagers (dont 2 enfants) et 8 (ou 12) membres d’équipage. On dénombre 77 décès actuellement. Tous les membres d’équipage font partie des personnes tuées. Il y a des blessés en condition critique parmi les survivants. Il est donc possible que le bilan augmente dans les heures et les jours qui viennent.

 

Boeing 727-200 EP-IRP
Cet avion a ete victime d’un accident aujourd’hui.
Boeing 727 EP-IRP – Age : pas loin de 40 ans (livraison aout 1974)
 

 

 

Boeing 727-200 EP-IRP
Photo prise a bord. Ce Boeing est le plus ancien avion de la flotte d’Iran Air.
 

Changer les procédures contre changer le design

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Imaginons la situation suivante : vous marchez dans la rue et vous tombez soudainement dans un égout. Une fois qu’on vous sort de là, vous vous rendez compte que la bouche de l’égout n’était pas fermée par un tampon ou une grille. Vous allez vous plaindre aux autorités.

Vous leur demandez de fermer les bouches d’égout. Ils vous demandent de faire attention où vous mettez les pieds et de contourner le danger quand vous le voyez.

Ici, deux doctrines s’affrontent. Vous leur demandez de changer le design, ils vous recommandent une procédure. Pour améliorer la sécurité, on trouve tout le temps ces orientations. Fait important, si vous n’étiez pas tombé dans l’égout, toute cette discussion n’aurait pas eu lieu. Ce débat arrive, le plus souvent, après un accident.

Quand une compagnie aérienne, ou toute autre organisation, est victime d’un accident, elle découvre un danger et va prendre position. Quand l’Air France 447 s’est écrasé en 2009, les sondes dites « de Pitot » ont été rapidement identifiées comme un danger. Les pilotes voulaient le changement des sondes, donc changer le design de l’avion, alors que la compagnie, par le biais de son Directeur de la Sécurité, demandait aux pilotes de se concentrer sur les « fondamentaux du métier de pilote ».

D’après toutes les doctrines en cours aujourd’hui, il est admis que la sécurité optimale passe d’abord par la fabrication de systèmes qui sont intrinsèquement surs. Par exemple, tout le monde accepte que c’est plus safe d’avoir une prise qu’on ne peut pas brancher à l’envers qu’une prise qu’on peut brancher dans tous les sens mais dotée d’une pancarte d’avertissement contre les mauvais branchements. Cette doctrine est poussée à l’extrême chez un constructeur comme Airbus. Contrairement aux avions de Boeings, les appareils du constructeur européen interdisent à l’operateur, donc au pilote, de réaliser des manœuvres dangereuses. Par exemple, un A330 en loi normale ou ALT1 refusera d’aller plus loin que 67 degrés d’inclinaison même si le pilote maintient le stick en butée latérale.

Les processus sont importants, mais ils viennent en seconde position. Quand les humains ne les respectent pas, on réfléchit en termes de formation, sélection, facteurs humains… Ceci est aussi un aspect vital de la sécurité mais, encore une fois, il n’est efficace que dans un contexte où on fournit un système conçue pour être intrinsèquement safe.

Après un accident, la majorité des compagnies prennent la liste des priorités à l’envers. C’est-à-dire qu’elles commencent par demander aux operateurs de changer de processus ou de mieux adhérer aux processus existants tout en montrant une forte résistance aux changements de design de leur système. Le travail sur les procédures est plus rapide et pas cher à mettre en place, en même temps, c’est le moins efficace quand le système est mal conçue ou a un défaut avéré.

Dans une culture d’entreprise d’aujourd’hui, le fait de se concentrer sur les procédures permet aussi de rejeter le blâme sur le dernier maillon de la chaine alimentaire, à savoir l’operateur. L’application et le suivi de la procédure lui appartiennent. En travaillant dans ce sens, on le définit indirectement comme responsable de l’accident. Quant à changer le design, ceci renvoi forcement à la remise en cause de choix pris à des niveaux hiérarchiques plus élevés.

Exemple de l’industrie :
Dans une usine chimique, des bacs d’eau douce sont placés à divers endroits. Leur présence est une obligation réglementaire parce qu’ils permettent à des personnes touchées accidentellement par des produits chimiques de se rincer immédiatement. Le danger identifié est que les employés utilisent ces bacs comme tables et posent des outils et d’autres objets dessus. En cas d’urgence, le bac peut être difficilement accessible.

Les photos suivantes, montrent les solutions adoptées. La première solution est un rappel aux procédures ave un panneau qui indique qu’il est interdit d’utiliser le bac comme table. La photo d’après montre une solution qui intervient sur le design. Le couvercle est fait de manière à rendre impossible une mauvaise utilisation du bac.

 

Industrie chimique
Situation d’origine – Bac utilisé comme table
 

 

 

Industrie chimique
Insister sur la procédures
 

 

 

Industrie chimique
Changer le design
 

Les Dangers des Réacteurs – [images choquantes]

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Les réacteurs d’avions ont depuis toujours eu tendance à avaler des objets étrangers et provoquer des désastres. Des oiseaux, des outils, du gravier… tout ce qui se trouve à portée utile est aspiré. Les accidents arrivent régulièrement. Bagagistes, agents de piste, avitailleurs ou techniciens sont aspirés en une fraction de seconde à leur corps défendant. On ne connait un seul cas où un mécanicien s’est jeté exprès dans un réacteur de Boeing 767. C’était au Japon.

Un réacteur aspire de l’air de l’avant, il augmente sa pression et le souffle vers l’arrière pour créer de la poussée. Le concept est très simple et il est souvent schématisé par un ballon en caoutchouc qui de dégonfle en volant dans une pièce. Il y a cependant une différence de taille : le réacteur ne transporte pas son air, il doit constamment se le procurer à l’avant.

 

Aspiration par réacteur
Aspiration d’un container par un 747 de JAL
 

 

 

 

 

Il est important de faire un petit effort d’imagination pour se mettre à la place d’un réacteur. Quand l’avion est en vol, la vitesse fait que beaucoup d’air arrive face au réacteur. C’est un peu comme si vous ouvrez grand la bouche face à un vent de 160 km/h. Au contraire, quand l’avion est au point fixe et le régime élevé, les réacteurs ne peuvent pas se contenter que de l’air qui vient en face, ils aspirent sur les cotes sur un arc de 180 degrés.

Vers l’arrière, les gaz éjectés sont rapides, chauds et divergent quand l’avion est au sol.

Pour toutes les personnes qui travaillent autour des avions, les réacteurs représentent un danger permanent. Toute tentation de tester les limites du possible peuvent se révéler mortelle.

Quand on analyse les accidents liés à des techniciens qui passent a travers des hélices ou qui se font avaler par des réacteurs, on constate que l’expérience n’est pas nécessairement un facteur. On trouve des novices qui ne sont pas assez sensibilisés au danger, comme on trouve des anciens qui développent avec le temps un trop fort sentiment de sécurité. Peu importe le temps dans le métier, l’issue d’un accident avec un réacteur ou une hélice est presque tout le temps fatale.

 

Aspiration par réacteur
Aspiration d’un container par un DC-10 de Delta 1999.
 

Aspiration par réacteur
Le container avait été projeté par un autre avion qui l’a
jeté contre le Delta.
 

 

 

Aspiration par réacteur
La casse a été limitée parce que le container n’a pas
touché les aubes du compresseur.
 
Continental Airlines vol 1515 :
Aspiration par réacteur
Le rectangle noir montre le lieu où se tenait le technicien qui a été tué.

Le vol 1515 devait relier El Paso à Houston Georges Bush International dans la matinée du 16 janvier 2006. L’appareil était un Boeing 737-500. Cet avion avec ses réacteurs énormes allant presque jusqu’au sol est un des plus dangereux pour les personnes au sol. L’embarquement des passagers était en cours quand fut constatée la présence d’un liquide noir sous le moteur droit.

L’information fut communiquée au commandant de bord qui demanda une investigation. Comme Continental n’a pas d’ateliers de maintenance à El Paso, c’est une entreprise de service sous contrat qui envoya trois techniciens pour jeter un coup d’œil.

Quand ils furent sur place, les capots du réacteur 2 furent ouverts puis les techniciens se positionnèrent un à droite, l’autre à gauche de l’entrée d’air. Le troisième, un stagiaire en formation prit place en retrait pour observer le travail de ses collègues.

A ce moment, l’embarquement des passagers était terminé à l’exception d’une personne en fauteuil roulant qui se trouvait sur le tarmac dans l’attente un camion élévateur.

A la demande des mécaniciens, le moteur droit fut démarré. Quelques minutes plus tard, le commandant de bord fut contacté par le système intercom. On l’informait qu’une fuite avait été repérée et qu’il fallait augmenter la puissance à 70% de N1 pendant 3 minutes pour en avoir le cœur net. Après avoir demandé confirmation que personne ne se trouvait en zone de danger, il poussa la manette des gaz.

Pendant 90 secondes, tout se passa normalement, quand soudain, le pilote senti une fluctuation importante des paramètres moteur suivie par un pompage compresseur. Immédiatement, il réduisit les gaz au ralenti sol. A ce moment, le copilote exprima son inquiétude au sujet de « quelque chose » qui aurait été avalée par le moteur, celui-ci fut coupé.

Le témoignage des passagers assis a droite du personnel du sol est plus édifiant. Le mécanicien qui se tenait à droite de l’entrée d’air s’était avancé un peu en entrant dans la zone de danger de 180 degrés. En un instant, il fut avalé par le réacteur. La mort fut instantanée et le corps réduit en miettes projetées sur des dizaines de mètres derrière l’avion.

Agé de 64 ans, ce technicien avait 40 ans d’expérience.

D’après les documents de Boeing, le réacteur CFM-56 équipant ce 737, au régime de 70% de N1, a la capacité d’aspirer une personne à 5 mètres en face et à 1.5 mètres sur les cotés.

En échange de leur aide à établir les faits, les pilotes ont eu droit à l’immunité. Ceci leur évita des poursuites parce qu’une circulaire existait depuis 1995 à El Paso et interdisait les régimes supérieurs au ralenti sol sur la zone de parking des avions. Continental Airlines écopa d’une amende de 45000 dollars et la compagnie employant la victime d’une amende de 1100 dollars.

 

Aspiration par réacteur
Vue en arrière, donne une idée de la destruction du corps de la victime.

Air France 447 – Reportage ABC Australie en Anglais – s/tires en Anglais – 23 minutes

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Voici un reportage de 23 minutes tourné par ABC Australie au Brésil. Le sujet c’est l’accident du vol Air France 447. Ce documentaire est moins technique que celui de la BBC, mais il donne des angles de vue intéressants.

 


Si ca coupe chez vous :
Faites un clic droit sur ce lien puis “enregistrer sous…” et sauvegardez la video dans votre ordinateur et puis regardez la depuis votre PC:

Air France 447 Video – Documentaire ABC

Air France 447 en Diagrammes Logiques – Diagramme 1

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Trop peu d’éléments sont disponibles aujourd’hui sur l’accident de l’Air France 447. A ce jour, les enregistreurs de vol n’ont pas été retrouvés et même le gros de l’épave n’a jamais été localisé. Toutes les pièces disponibles aujourd’hui, sont celles qui ont été retrouvées flottantes à la surface de l’eau. Tout le reste a coulé et n’a pas été repéré.

Dans ce genre de situations, n’importe quel détail a de l’importance.

Pour étudier ces détails sans y mettre ses préjugés ou autres parasites, il est utile de tout poser sous forme d’un diagramme où on avance d’une case à l’autre de manière logique et ordonnée.

L’image ci-dessous est énorme. Je vous invite à l’ouvrir dans un nouveau tab de votre navigateur et de garder ce tab avec le texte ci-dessous qui va vous aider à la parcourir.Cliquez-ici pour ouvrir la version haute résolution de l’image.

On commence tout en haut par un fait tangible : le corps du commandant de bord a été retrouvé dans l’eau. Les autres pilotes ont coulé avec le cockpit parce qu’ils étaient attachés à leurs places. Le commandant de bord n’était attaché à aucun siège lors de l’accident. Que peut-on déduire ?

Vous pouvez suivre sur le graphique. A gauche, il y a une voie fermée qui dit qu’il était assis à son siège mais qu’il n’était pas attaché. Cette option est peu plausible et aucun scenario ne peut lui correspondre. Ceci deviendra encore plus clair quand on ira plus bas.

La seule option restante plus bas est que le pilote n’était pas assis sur son siège. Quand un pilote n’est pas dans son siège, il peut être dans le cockpit [sans nécessairement être sur son siège], ou dans le reste de l’avion. Les deux options s’imposent de force.

A gauche, nous avons : il n’était pas dans le cockpit. Il n’a pas voulu y aller ? C’est faux et c’est trivial. S’il n’est pas dans le cockpit alors que l’avion est évidement en difficulté, c’est qu’il n’a pas pu y aller. On ne peut pas imaginer autre chose. Pourquoi il n’a pas pu aller dans le cockpit ? Il a été empêché par quelque chose : sécurité porte du cockpit, turbulence ou mouvements de l’avion.

Remontons plus haut maintenant et supposons qu’il n’était pas assis à sa place, mais qu’il était quand même dans le cockpit.

Il n’a pas voulu prendre sa place ? Pas possible. Il a du être empêché. Mais oui, quand il est au repos, sa place n’est pas vide ! Il y a un gars dessus. Le relief pilot ! Cette idée, je ne l’avais pas avant. Je la découvre en réalisant ce diagramme. Que va faire le commandant de bord en arrivant dans le poste de pilotage (à supposer qu’il y arrive) ? Va-t-il demander au relief pilot d’ouvrir sa ceinture et de lui céder la place ? Ce n’est pas possible. Deux pilotes sont commandes d’un avion instable, l’un d’eux ne va pas tout abandonner, se lever pour échanger avec le commandant de bord dans des circonstances où il est difficile de se tenir sur ses pieds.

A ce moment, le graphique nous montre que quelque soit la voie retenue, le commandant de bord avait pris son quart de repos normalement. C’est là qu’on constate la puissance de ces diagrammes, c’est qu’ils nous font l’économie de certains débats vu que quelque soit la position que l’on prend on arrive de toute manière au même point.

On peut faire deux déductions qui arrivent de force :

Déduction 1 : Le commandant de bord ne réalisait pas ce vol dans des conditions qu’il pensait être extrêmes, difficiles et aux limites de la capacité de son avion. Auquel cas, il serait resté tout le temps dans le cockpit au moins jusqu’à la fin de ces conditions qu’il aurait choisi de braver. Non, le commandant de bord pensait réaliser un vol ni plus facile, ni plus difficile que d’habitude. Il prend son quart de repos sans problème.

Déduction 2 : Encore plus intéressante parque ce qu’elle permet de revenir en arrière. On peut dire que jusqu’au début de la séquence du crash, le commandant de bord n’avait pas eu la perception que l’avion courrait un danger particulier auquel cas il se serait rendu le plus tôt possible dans le cockpit. Attention ! dans sa couchette, le commandant de bord n’a pas les instruments du cockpit sous les yeux. Par contre, de ce qu’il perçoit des turbulences éventuelles et des mouvements éventuels de l’avion, il ne juge pas qu’il y ait problème, ou situation spéciale qui exigerait qu’il mette fin à son quart de repos.

Plus bas encore, on peut penser que les pilotes restants dans le cockpit et qui ont tous les instruments sous les yeux, ne jugent pas qu’il y a péril en la demeure et ceci jusqu’au moment où débute la séquence du crash. Pourquoi ? Autrement, ils auraient averti le commandant de bord assez tôt pour que celui-ci revienne au poste de pilotage pour les aider à prendre des décisions importantes sur la suite du vol.

A la fin de ce graphique, il ressort globalement que l’équipage prévoyait un vol dans des conditions normales et qu’il a effectivement rencontré des conditions normales.

Ceci est d’ailleurs cohérent avec le fait que personne n’a contacté le contrôleur aérien pour déclarer une urgence, demander de l’aide, annoncer un changement de route ou d’altitude, demander une information… etc. Mais ceci, c’est déjà un autre diagramme.

 

Contribution depuis un lecteur (Aiglon)

J’ai eu le privilège de simuler dans un simulateur A332 d’une compagnie européenne l’instant fatal du vol 447.
Après avoir simuler 2 fois l’événement, je suis maintenant persuadé que l’équipage s’est malheureusement pris les pieds dans le tapis. Cet incident aurait du être contenu sans difficulté dans la configuration du vol 447 cette nuit là.
La plupart des compagnies exploitant du 330 ont toutes simuler le vol 447. La conclusion reste la même partout, quelque soit la nationalité de la compagnie aérienne. On ne comprend pas pourquoi cet équipage n’a pas su appliquer les gestes simples qui aurait pu maintenir ce vol dans un domaine aérodynamiquement sain.
En tous cas, plus on avance, plus la responsabiliser semble pointer la compagnie exploitante de ce vol. On ne voie pas ce que l’on pourrait reprocher au constructeur.
On ne poursuit pas les constructeurs de voiture a chaque fois qu’un grave accident de la circulation à lieu. Alors pourquoi le ferait t’on pour les avionneurs? Faut parfois avoir la courage d’admettre que nos pilotes sont aussi faillibles, même si ils sont français …

Les tubes pitots ont gelés avec toutes les conséquences que cela a généré sur les systemes de la famille des 330/340. La reproduction des alarmes est identique dans un simu. Il n’y que l’effet de surprise qu’il n’est pas possible de simuler.
De memoire il y a eu plus de 30 incidents similaires, y compris le NW 8 et le QF 72, dans le monde durant les 18 mois précédent le 447. Tous ont ramené l’avion au sol. Relire le rapport du 330 d’Air Caraibe, qui est un des plus explicite.
Cependant, c’est la simplicité des gestes qui me font dire que le copilote – on sait que le commandant de bord était hors du cockpit – n’a pas su gerer ce grave incident, certe hyperstressant.
Les pilotes sont formés pour faire face à tout type d’incident. Ils sont responsable de la securité du vol – ils le rappelent bien souvent d’ailleurs. Cela fait parti de leur job de repondre correctement aux incidents de vol.
Pour reprendre l’expression d’obiwan78, je pense que l’équipage a merdé. L’équipage appartient à une compagnie, donc la responsablilité incombe à la compagnie. Respecté les morts ne veux rien dire. C’est se voilé la face que ne pas vouloir admettre les erreurs, qui ont d’ailleurs entrainé dans ce cas la mort de plus 200 personnes, et qui servent de référence pour encore mieux entrainé les équipages.
Inutile également de continuer à esperer de retrouvé les boites noires. Cela relève du plus grand délire. Cet espoir est maintenu par quelques acteurs qui ont interet à faire trainer le débat pour des raisons bassements financières comme d’habitude.

Enfin, ce qui m’a intrigué dans ce simu, c’est ce sentiment de sécurité que l’on a dans un cockpit. Rien a voir avec l’anxiété que ressentent les passagers à l’arrière. On a l’impressioin d’être “protégé”. On a pas peur, et ce n’est pas lié à la vision, que les pax n’ont pas. C’est autre chose, qui pourrai peut-etre expliqué certains comportements un peu téméraires ou une perception réduite du danger.

Conférence Internationale sur la Sécurité Aérienne

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Voici une histoire que j’aurais du raconter plus tôt. Pour vous, j’ai été assister à une Conférence Internationale sur la Sécurité Aérienne qui se déroulait à Paris. J’ai failli ne jamais y aller parce que pour s’inscrire, il fallait envoyer un mandat cash. Ca doit être une opération facile quand on habite à Saint-Remy-sous-Barbuise, Rosnay-l’Hôpital ou même à Saint-Benoist-sur-Vanne. Par contre, quand vous tentez la manœuvre depuis l’étranger, ça devient un peu moins user friendly. Je décide d’appeler en France et je tombe sur une personne très serviable qui me donne un RIB mais sans IBAN. Pas rassuré, j’appelle mon banquier. Il est catégorique : no IBAN, no deal. Je peux faire autre chose pour vous ? Non merci. Cheers. Clic… puis la tonalité d’un téléphone qui sonne dans le vide.

Je vous la fais court, j’ai réussi la prouesse de m’inscrire pratiquement la veille de la conférence. Le temps de boucler une valise et je suis à l’aéroport pour sauter dans le prochain pour Paris.

Ca commence à 9 heures du matin pas loin de l’Assemblée Nationale. Un quartier où il n’y pas beaucoup de métros. Un endroit où il ne fait pas bon de se balader en chaussures de cuir neuves. Alors que j’avale des kils, mes pieds se transforment en compote alors que mon cerveau commence à me signaler qu’on s’est peut-être gouré de station. Je m’arrête devant un bâtiment impressionnant. Style Louis avec des X, des V et peut-être même des I. C’est un lycée. Impressionnant. Encore, nous sommes dans une zone d’éducation non-prioritaire. Je me demande ce que ça serait si elle avait été prioritaire !

J’avise un minuscule café où un homme en béret est attablé devant un pichet de rouge. Huit heures du matin, ça libère question convenances. Lui ses rêves, ils sont tirés par un V8 qui consomme du Gigondas, du Bourgogne ou du Côtes du Rhône. Son vin sent le Madère et le chêne-liège mais il remplit son office. Il est affalé à sa table. Sa raison semble avoir beaucoup errée de brouillard en brouillard jusqu’à finir sur des récifs. Je lui pose l’adresse sur la table, tout près du ballon, qui je le sais, ne peut que se trouver dans son étroit champ de vision. Il m’affranchit. Je suis pas loin, dit-il. Guidé par ses paroles, je reprends mon chemin.

J’arrive à la conférence ; presque pas en retard. On me donne un badge. Il a une grosse aiguille derrière. Je fais gaffe à ne pas me faire embrocher en le fixant sur ma chemise. Dans le grand escalier, j’ai le temps de m’arrêter devant la grande glace. Je me fais les dernières recommandations : arrange le lacet gauche, la chemise, le col, tes cheveux et efface ce sourire, c’est une affaire sérieuse merde !

La salle est petite, mais il y a de la place comme disait Brel. Il y a surtout des costumes-cravates mais on trouve quelques tailleurs si on cherche bien. Tailleurs genre la jupe qui monte jusqu’à la huitième vertèbre thoracique.

Face à la salle, il y a une longue table surélevée recouverte d’une nappe bleue où sont assis les intervenants. Longue, mais pas assez. Ils se tiennent épaule contre épaule. Si l’un d’eux éternue, ils tombent tous comme des dominos. Leurs visages sont jaunes parce qu’une partie de l’image du rétroprojecteur arrive sur leurs têtes dégarnies. L’intermittent du spectacle qui est au guichet a du oublier ses lunettes. L’image des diapositives Power Point est floue et hors cadre.

Un intervenant est en train de lire un pdf d’une voix monotone. Son corps est figé, son visage inexpressif. De temps en temps, sa main prend vie pour envoyer la page suivante. Au bout d’une heure, il en était à la moitié. Dans la salle, tous les soixante ans et plus dormaient. Je me forçais à rester éveillé. La situation était très simple : tu fermes les yeux, tu pars.
Je peux vous confirmer ici que ce qu’il lisait était du Français parce que je reconnaissais les mots et que dans ma tête ils sont associés à cette langue. En termes de sens, il aurait tout aussi bien pu parler en Zoulou. Des phrases interminables à rallonges et à tiroirs sont lues si lentement et avec si peu de conviction que lorsque le dernier mot tombe, on a déjà oublié le premier. Une regardée dans le programme m’apprend qu’il s’agit du porte parole du Ministère des Transports. Je peste intérieurement.

 

Conférence Internationale sur la Sécurité Aérienne - Paris
Claude Lelaie est pilote d’essai Airbus. Intervention très intéressante sur le système BUSS
 

 

La conférence est animée par le député UMP de l’Essonne, Sir François-Michel Gonnot. Il est au milieu de la tablée et je vois qu’il reçoit des questions dans des petits bouts de papiers. Je prends mon calepin et rédige un texte que je fais passer. Il déplie la note, en prend connaissance puis la repose à l’envers. Elle comportait ces mots : « faites-le taire ».

Dans une conférence, alors que tout le monde focalise sur ceux qui parlent, il est souvent plus intéressant d’observer les intervenants qui ne parlent pas encore. C’est comme dans un duo de musique, observez toujours le chanteur dont ce n’est pas encore le tour : il ne sait pas où se mettre. Rien n’est pire que d’être sur scène mais de n’avoir rien à faire.

A la gauche de la table, il y a un journaliste Français qu’on entend souvent à la radio : Michel Pollaco. C’est un passionné d’aviation qui a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet. Il se met à l’aise son siège et pousse ses jambes devant lui. Celles-ci dépassent sous la table et soulèvent la nappe. Il chausse du 46, facile.

 

Michel Polacco
Je vous laisse deviner qui est Michel Polacco
 

 

Michel prend la parole. Il est suivi un peu plus tard par Jocelyn Smykowski, président du Syndicat National des Pilotes de Ligne. Je comprends enfin que je ne suis pas venu pour rien.

Une responsable de l’Agence européenne de la sécurité aérienne s’exprime. C’est l’EASA. Nom très confus. Certains disent EASEA, d’autres AESA, ASEA, ASAEA… Quatre lettres, une infinité de combinaisons ! J’apprends un truc absolument extraordinaire. Je ne devrais presque pas le dire. Vous savez les petits rapports soumis par les pilotes ou autres professionnels de l’aviation quand ils constatent un risque… ils ont un souci avec. Ils ont tous été mis dans une base de données non-indexée. C’est un peu comme si vous aviez un annuaire téléphonique où les noms ne seraient pas dans l’ordre. Ces ASRS, comme on les appelle, sont au nombre de plusieurs dizaines de milliers, mais il n’y a aucun moyen de chercher dedans. Ils ont été entrés dans une base sans aucun classement, ou index. Une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Des pensées noires et cyniques m’envahissent. Heureusement qu’il sonne midi. La pause !

Pour le repas, les places sont assignées par les organisateurs qui nous guidèrent à travers la salle à manger. Je me suis retrouvé à une table dominée par un pilote à la bonne bouille de CFIT et au gabarit de l’abominable bonhomme des neiges. Avec lui, on ne parle plus de taille, mais de hauteur. Deux mètres facile. Et encore, il est assis. Il doit rajouter discrètement un ou deux nœuds à la vitesse de décollage de son Airbus ; on ne sait jamais.

Sa main gauche est crispée sur une fourchette qu’il tient verticalement. Sa main droite est armée d’un couteau avec lequel il coupe l’air de manière tranchante. A chaque phrase affirmative, il abaisse le couteau verticalement. Chaque question qu’il pose, s’accompagne d’une rotation de poignet qui fait dessiner un cercle parfait à la lame.

Il parle, pèse ses mots et lorgne ses compagnons de tablée. Chaque œil semble indépendant de l’autre. Lui, il peut avoir un œil fixée sur l’altimètre et un autre en train de voir ce que fait le copilote. Il fixe une personne avec œil gauche alors que le droit s’anime d’un mouvement circulaire extraordinaire qui lui fait scanner, visage par visage, tout son auditoire. Soit les deux lobes de son cerveau sont déconnectés l’un de l’autre, soit il a deux âmes, soit c’est une déformation professionnelle.

Il possède une montre compliquée avec un nombre impressionnant de boutons, molettes, roues et poussoirs. Elle doit même calculer le temps de cuisson d’un poulet fermier en fonction de son poids et de son âge. Il doit s’en servir pour calculer les composantes du vent, le temps de route, l’heure du lever du soleil, le carburant à emporter et peut-être même les performances au décollage de son A330.

A à sa droite, il y a son First Officer habituel. Ils s’installent dans la vie comme dans un cockpit. Encore une déformation professionnelle. Le copilote est un grand maigre qui a eu l’idée étrange de porter une chemise à rayures verticales. Il est penché sur son assiette et semble recroquevillé sur lui-même. L’air lointain, rappelant un enfant autiste, il fouille parmi les champignons avec une cuillère à sorbets. Sa seule communication avec le monde est non-verbale : de temps en temps, il secoue sa tête d’un petit hochement d’acquiescement. Son commandant semble très sensible à cette tangible marque d’assentiment.

A bord d’un avion bourré de cartons, de sacs et de palettes, ils foncent dans la nuit. Petite lumière parmi les étoiles, ils ne sont qu’un point éphémère au-dessus d’un désert, un océan ou une chaine de montagnes dont ils ignorent jusqu’à existence. Ici, il n’y ni la petite hôtesse qui sert le café, ni le steward impeccable qui sent bon le Chanel 5, ni le VIP qui veut visiter « le poste ». La composante « ennui » inhérente aux vols cargos n’a pas beaucoup évolué au fil des âges. Depuis les mails au cockpit ouvert sur les éléments, jusqu’au dernier jet, le temps qui reste n’est pas l’ami des pilotes. On pourrait et on devrait leur permettre de lancer des petits jeux sur l’un des écrans disponibles dans le cockpit. Pour éviter les abus, le système pourrait être programmé pour ne devenir disponible que lorsque l’avion vole à son altitude de croisière. Ce n’est peut-être pas raisonnable mais laisser des pilotes en proie a l’ennui et l’oisiveté, est une forme subtile mais authentique de mauvais traitement.

Le commandant de bord, nous raconte comment il tourmente son copilote par une méthode simple mais perverse. A n’importe quel moment durant les longues heures que dure un vol, il peut soudainement lui dire « Ne bouge pas ! ». Le moment est généralement choisi lorsque le copilote est entrain de remplir des documents ou fouiller dans son crew bag pour trouver une aspirine. Quand il entend cette injonction, il se fige comme une statue de sel et sous aucun prétexte ne lève les yeux sur les instruments de bord.

– Je lui demande alors : dis-moi quelle est la valeur du N1 maintenant

Le pilote automatique maintient la vitesse et joue tout le temps sur le régime pour la garder. Le N1 change tout le temps ce qui veut dire que la question est vache.
– Comme ça tu ne sais pas ? Et l’EGT tu sais quelle est sa valeur ?
– Je ne sais pas le chiffre exact, mais c’est une valeur normale
– Comment tu sais que c’est une valeur normale ?
– Je n’ai pas lu la valeur mais je sais que l’aiguille était à la bonne place
– Tu prétends qu’elle est normale alors que tu n’en connais pas la valeur. Je parie 50 Euros que tu ne connais pas la valeur de la vitesse sol à l’instant. C’est 490 nœuds, tu vois, ça ne sert à rien de parier avec moi sur ces choses là. Tu perds tout le temps. Tu sais au moins où nous allons ?

Pendant que vous dormez du plus profond de votre sommeil, dix bornes au-dessus de votre tête, dans ces points lumineux qui défilent dans le ciel se déroulent ces scènes.

Sans s’appesantir sur l’effet dramatique de ce qu’il vient de raconter, il baisse la tête et pendant une bonne minute, il mange comme s’il n’avait rien dit. Il dévore son poisson et le pousse avec un ballon standard qu’il finit en deux bouchées et demi. Sa mâchoire part nerveusement sur le coté et il fait une grimace qui la remet en place. On sent en lui l’émotionnel caché. Emotionnel, mais pas sophistiqué. Il ne pilote pas son zinc, il le conduit comme un vieux paysan conduit son tracteur John Deere muni d’un déchaumeur à dents. Plus la machine se complique, plus l’humain doit se simplifier.

Il lève les yeux, puis jette un coup d’œil sur son copilote. Il ne le déteste pas au fond. Avec lui, il a livré des machines agricoles à des Noirs, des voitures de sport à des Arabes, des caisses de Beaujolais nouveau à des Japonais, du courrier un peu partout, de la marijuana à on ne sait qui… Il se souvient d’un cheval, de toiles célèbres, de caisses bizarres et même de types qui ne parlaient pas beaucoup.

La conversation reprend, mais elle prend une autre tournure : l’Air France 447…