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Egyptair vol 990 – Suicide du pilote

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Lorsqu’un pilote met à fin à ses jours en faisant des victimes, il met beaucoup de monde dans l’embarras. Sa famille, ses collègues, sa compagnie et jusqu’à son gouvernement ne peuvent se résoudre à accepter la version des enquêteurs. De plus, se posent des problèmes inextricables avec les assurances et les réparations aux ayant droit. Le suicide peut encore s’expliquer, par contre, le crime, puisque c’est ainsi qu’il faut l’appeler, suscite toujours l’incompréhension.

Dans la nuit du 31 octobre 1999, lorsque les roues du Boeing 767-300 Extended Range quittent le sol, le copilote, Gameel Al-Batouti appartient déjà à un autre monde. Sur 214 occupants en partance pour le Caire, il y en a toujours qui se demandent s’ils vont arriver à bon port. Gameel, lui, savait que l’appareil réalisait son dernier envol.

Avec ses 12’000 km, l’Egyptair 990 est le vol le plus long, pour ne pas dire le plus fastidieux, de la compagnie. Il relie Los Angeles au Caire avec une escale à New York. Lors du départ ce jour fatidique, il y avait à son bord 203 passagers et 14 membres d’un équipage doublé. La majorité des occupants occidentaux étaient des touristes. Les passagers égyptiens étaient des militaires de haut rang qui rentraient au pays.

Il est passé 1 heure du matin quand l’appareil vire vers l’océan tout en montant vers son altitude de croisière. Au niveau 330, l’avion est stabilisé sous pilote automatique. Ce dernier est sensé veiller sur l’appareil jusqu’à ce que celui-ci soit à quelques centaines de pieds de hauteur, sur le point d’atterrir au Caire. Le commandant de bord décide de se dégourdir les jambes et en profiter pour rendre une visite de courtoisie aux gradés installés en cabine. Lui, tout comme le copilote, sont des anciens officiers de l’armée de l’air.

Resté tout seul dans le poste, le copilote ressasse les évènements de la veille. En effet, il avait de quoi s’inquiéter. Après avoir harcelé plusieurs clientes de l’hôtel américain où avaient l’habitude de descendre les équipages de la compagnie, il s’était fait surprendre et réprimander par un membre influent de l’armée égyptienne. Ce dernier, voyageant à bord du vol 990, avait promis de rapporter le cas aux autorités compétentes dès son arrivée. Pour le copilote sur le point de fêter ses soixante ans, ceci signifie, au meilleur des cas, attendre la retraite en faisant des rotations sur Fokker 27 entre les terrains oubliés de l’Afrique Sub-saharienne.

Gameel prend une longue inspiration et prononce une rapide prière « Je compte sur Allah » pour se donner du courage puis il déconnecte le pilote automatique. Pendant une dizaine de secondes, il tient le manche comme s’il hésitait. Durant cette période, ou même pendant les minutes qui précèdent, les enregistrements DFDR n’indiquent aucune anomalie qui aurait pu justifier une intervention de la sorte. Le copilote prie encore une fois à haute voix, réduit les gaz et pousse sur le manche avec détermination.

L’accélération verticale est de 0.2 G pendant la manœuvre. Les personnes non attachées décollent de leurs sièges comme si elles étaient en apesanteur. Le commandant de bord met 12 secondes à atteindre la porte du cockpit et à l’ouvrir.
– Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? crie-t-il

Le copilote répond seulement par un « Je compte sur Allah » et pousse plus sur le manche faisant passer l’accélération à moins 0.2 G. Cette fois, les passagers non attachés et les objets non arrimés sont collés au plafond de l’appareil. Deux secondes plus tard, l’avion dépasse sa vitesse maximale qui est de mach 0.86 et s’approche de mach 1. A tout moment, il peut commencer à se désintégrer.

Dans le feu de l’action, le commandant de bord ne comprend pas que le copilote est entrain de commettre un crash délibéré. Il ne cesse de lui demander ce qui se passe mais la seule réponse qu’il reçoit est un monotone « Je compte sur Allah ».

Dix secondes après son arrivée, le commandant de bord réussit à atteindre son siège. A ce moment, le taux de descente est de 39’000 pieds par minute (plus de 700 km/h). Sans attendre plus d’explications, il entame la récupération de l’avion. Il déploie complètement les aérofreins et tire sur le manche.

Progressivement, le 767 commence à se redresser et la vitesse baisse également. L’altitude augmente et d’un minimum de 16’000 pieds, elle remonte à 25’000 pieds. C’est presque gagné quand le copilote frappe encore. Il coupe les arrivées de carburant des deux moteurs qui s’éteignent et continue à pousser de toutes ses forces sur le manche. Privé de génération électrique, la cabine plonge dans le noir et les enregistreurs de vol s’arrêtent. Les cris du commandant de bord ne peuvent plus rien faire et l’appareil s’écrase dans l’océan Atlantique au terme d’une longue bataille observée par radars civils et militaires installés le long des côtes.

L’avion se pulvérise contre la surface après être passé de son altitude de croisière, 33’000 pieds, au niveau de la mer en 83 secondes de montre. Quelques heures plus tard, les débris flottants furent localisés par 40° 21’ de latitude nord et 69° 49’ de longitude ouest. C’est dans cette même zone qu’avait sombré en 1957 le transatlantique italien Andrea Doria.

Quand les Egyptiens apprennent que leur avion s’est écrasé dans les eaux internationales à moins de 100 km des cotes des Etats-Unis, ils décident de confier l’enquête au NTSB tout en envoyant leurs spécialistes prêter main forte. Durant les trois premières semaines, les efforts se sont concentrés sur la recherche des enregistreurs de vol et la remontée du maximum de pièces possibles. Quand les opérations cessent pour Noël, à peu près 70% des débris ont été repêchés. A la reprise, le printemps suivant, d’autres éléments importants sont sortis de l’eau.

Dès le début des analyses, d’importantes divergences enveniment l’enquête. Quand la partie égyptienne se rend compte de l’orientation du NTSB, le ton monte. Tous les arguments, même les plus oiseux, sont utilisés pour défendre le pilote contre toute logique ou bon sens. On évoque même la fuite d’un danger imminent pour expliquer le départ vers le bas et l’extinction des réacteurs. En clair, l’ancien de l’armée de l’air égyptienne aurait cherché à fuir un missile à la poursuite du 767. Ceci n’était pas sans rappeler l’histoire du 747 du vol TWA 800 qui, en été 1996, s’était également écrasé au large de New York. Alors que l’explication officielle avance l’explosion d’un réservoir, des centaines de personnes avaient vu un missile remonter vers l’avion depuis la surface.

Cependant, le NTSB reste ferme sur ses positions. Pour les enquêteurs américains, seul le suicide est cohérent avec les éléments connus. Cet extrait traduit du rapport d’accident est très éloquent :

Immédiatement après la première plongée de l’avion, le copilote aurait du instantanément ressentir les effets inconfortables d’un facteur de charge voisin de 0 G. Il aurait du remarquer les changements soudains de l’attitude, le taux de piqué, la vitesse et l’altitude. En réponse à ses indices évidents, le copilote n’a pas tenté de contrer la plongée en actionnant la gouverne de profondeur à cabré. Pourtant, ceci est une réponse largement intuitive chez les pilotes pour initier une récupération.Le copilote n’a pas non plus montré la moindre expression d’anxiété ou de surprise ou a appelé à l’aide durant la plongée initiale de l’avion ou durant tout le reste de la séquence enregistrée. De plus, le copilote n’a pas répondu à la question plusieurs fois répétée « que se passe-t-il ? » du commandant de bord une fois que celui-ci était retourné dans le cockpit. Au lieu de cela, il a continué à répéter calmement la phrase « Je compte sur Allah » (qui a commencé 74 secondes avant la plongée de l’appareil) pendant 2 à 3 secondes puis il a gardé le silence malgré les demandes répétées du commandant de bord pour obtenir des informations. L’absence de toute réaction de la part du copilote (comme l’anxiété, la surprise, une action à cabré sur le manche ou une demande d’aide) au soudain départ en piqué de l’avion n’est pas cohérente avec le fait qu’il ait pu rencontrer un problème mécanique inattendu. Alors que la réaction audible du commandant de bord, son expression d’inquiétude et ses déclarations en réaction à la situation dès son retour dans le cockpit sont cohérentes avec la réaction d’un pilote qui rencontre des conditions de vol exceptionnelles, le comportement passif du copilote ne l’est pas.

 

De plus, l’étude du comportement du pilote durant la première phase de vol vient renforcer le scénario du NTSB. En effet, Gameel Al-Batouti faisait partie du second équipage et non pas du premier. D’après les procédures de la compagnie, il aurait du prendre sa fonction presque au milieu du vol. Or, vingt minutes après le décollage, le voilà qui surgit dans le cockpit demandant au copilote du premier équipage de partir se reposer. Ce dernier fut un peu réticent devant cette démarche inhabituelle puis finit par céder sa place.

Peu de temps après, il se débarrasse d’un autre membre d’équipage en lui donnant un stylo à rendre à un autre employé se trouvant en cabine. Quelques instants plus tard, quand le commandant de bord s’excuse pour aller aux toilettes, Gameel Al-Batouti se retrouve seul. Sans que rien ne change dans les paramètres de l’avion, il commence à dire calmement « Je compte sur Allah » et déconnecte le pilote automatique.

D’après l’ECAA égyptien, rien ne dit que le copilote soit resté seul dans le cockpit. Cependant, le CVR n’enregistre aucune autre voix que le sienne par la suite. Comme le relève le NTSB, si un autre membre d’équipage était encore dans le cockpit, il y a peu de chances que celui-ci n’ait pas exprimé de la surprise ou même offert une suggestion quand l’avion s’est mis à 40 degrés de piqué.

Quand le commandant de bord regagne sa place, le FDR enregistre un split dans les surfaces de contrôle de profondeur. En fait, le lien entre la colonne de contrôle droite et gauche n’est pas si rigide que cela. Afin de prévenir les blocages complets, si des forces importantes et opposées sont appliquées sur les manches droit et gauche, ces derniers vont devenir mécaniquement indépendants. Chaque manche contrôlera la partie de la gouverne de profondeur qui est de son côté. Sur le 767 en plongée, la partie gauche de la gouverne de profondeur était dirigée à cabrer alors que la partie droite, celle du copilote, était dirigée à piquer.

Quand le commandant de bord récupère l’avion à 16’000 pieds et pousse les manettes de gaz, le copilote coupe les arrivées de carburant.
– C’est quoi ca ? C’est quoi ca ? Tu as éteint les moteurs ?
– laisse-les tranquilles ! lance-t-il un peu plus tard

C’est à partir de ce moment que le commandant commence à avoir des soupçons sur la bonne volonté du copilote. Malheureusement, à partir de là, le CVR cesse tout enregistrement parce qu’il est privé de courant. En tout cas, jusqu’à cet instant, l’avion est encore récupérable. Il était toujours possible de le contrôler sur une pente descendante de plané tout en redémarrant les réacteurs. Par contre, privé des instruments électroniques et ayant un copilote qui poussait l’avion vers la perte, le commandant ne put rien faire pour empêcher la catastrophe.

Par ailleurs, la commission d’enquête égyptienne demande l’audition d’un pilote qui avait réalisé la veille un vol avec cet avion. Son témoignage est inquiétant. Lors de l’approche sur Los Angeles, il a remarqué que le pilote automatique n’arrivait pas à intercepter le plan de descente. Il le chassait, comme il disait, mais n’arrivait jamais à rester pile dessus. Finalement, le pilote fait le choix de la sécurité et reprend l’avion en manuel. Quand le DFDR, qui garde 25 heures de vol, est analysé, le NTSB constate que le pilote qui se plaignait avait branché le pilote automatique sur le mode LOC. Dans ce mode, il n’y a aucune recherche ou maintien de plan vertical. L’avion était juste livré à lui-même et s’était même relativement bien sorti d’après la description avancée.

Contrairement à ses habitudes dans pareils cas, le NTSB n’utilise pas le mot suicide dans la conclusion de son rapport final. La cause probable de l’accident est avancée comme étant le résultat des actions du copilote. Les raisons ou motivations de ces actions n’ont pas été déterminées le Bureau.

Scandinavian vol 751

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Le problème du givrage au décollage concerne tous les avions quelque soit leur puissance. Le 27 décembre 1991, le vol Scandinavian 751 est sur le point de quitter Stockholm pour Varsovie. Le MD-81 a passé toute la nuit à l’aéroport par une température légèrement négative. Juste avant le départ, vers 8:30, un membre d’équipage inspecte visuellement l’avant de l’aile et ne trouve rien à signaler. Pourtant, un peu plus loin, de gros morceaux de glace sont accrochés. Un coup d’œil jeté à distance, n’est pas une inspection valable.

A 8:47, il commence son accélération sur la piste. A peine les roues quittent le sol que les pilotes entendent des bruits d’explosion et l’avion se met à vibrer. Les indicateurs du moteur 2, le droit, se mettent à trembler. Sans perdre de temps, les pilotes réduisent la puissance de ce moteur.

Cependant, le MD-81 était équipé d’un dispositif dont ni les pilotes, ni les compagnies ne savaient l’existence. Nous sommes au début des années 90, des mesures antibruit sont décrétées par de plus en plus d’aéroports. Au décollage, les pilotes doivent monter selon des trajectoires plus raides et réduire la puissance le plus tôt possible. Lors de certains incidents, s’est avéré le risque d’avoir une panne moteur à faible altitude après la réduction de puissance. Dans ce cas, l’appareil se retrouve avec un moteur éteint et le reste des moteurs fonctionnant à puissance réduite. Dans le stress, les pilotes peuvent ne pas penser à pousser les manettes à temps. Pour pallier à ce problème, McDonnell Douglas équipa ses appareils d’un dispositif appelé ATR pour Auto Thrust Restoration. En cas de panne moteur, ce système pousse les manettes vers l’avant. L’ATR du MD-81 était décrit dans le manuel de l’avion dans la section « lutte contre le bruit ». Personne n’avait lu cette section chez Scandinavian.

Alors que les pilotes réduisent le moteur 2 et se concentrent sur leurs instruments de vol, l’ATR pousse les deux manettes à leur maximum. L’avion rentre dans les nuages et les vibrations reprennent sur les deux moteurs. Au moment où il passe les 3’200 pieds, les deux moteurs s’arrêtent presque au même instant. Tous les pilotes vous le diront, se retrouver en plein nuages avec tous les moteurs en panne, c’est une situation à partir de laquelle on a peu de chances de prospérer.

Dans la cabine, un commandant de bord de la compagnie voyageait en tant que passager. Aux premiers signes de problèmes, il quitte son siège et se rue vers le cockpit. Son arrivée coïncide avec l’arrêt total des réacteurs. A trois, et grâce à un CRM de qualité, les hommes parviennent à réunir leurs ressources et gérer la crise de manière efficace. Le commandant de bord pousse sur le manche pour mettre l’avion en vol plané et gagner du temps. La tour de contrôle est informée et on tente de redémarrer les moteurs. Ni l’un, ni l’autre ne semblent accrocher quand l’appareil surgit des nuages à 900 pieds. La piste est trop loin et ne restent que les champs bordant l’aéroport. Le pilote aux commandes choisit le plus dégagé en oriente l’avion dessus. En cabine, les passagers sont informés de l’atterrissage d’urgence et se mettent en position de sécurité. Un nombre extraordinaire de taches sont exécutées correctement et en un temps record alors que l’altimètre égrène les pieds restants avant l’impact.

Le biréacteur transformé en planeur touche les arbres de la forêt de Göttrora et atterrit sur l’herbe enneigée ou il se casse en trois morceaux. Il en réchappe 129 personnes secouées mais dont aucune n’est sérieusement blessée. L’issue est un miracle et le drame a été évité de justesse grâce au sang froid des pilotes.

L’enquête révèle que les réacteurs ont été endommagés lors de la rotation suite à l’ingestion de morceaux de glace. Ceux-ci ne pouvaient venir que d’une accumulation au niveau de la partie arrière des ailes. Un contrôle plus sérieux au sol aurait permis de trouver puis d’éliminer ces dépôts.

Crossair vol CRX 498 – Désorientation Spatiale

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Contrairement à ce qui était prévu, le passage à l’an 2000 ne provoqua ni bugs en série, ni catastrophes planétaires. Néanmoins, pour la commune de Nassenwil dans le canton de Zurich, le désastre tant redouté se produisit. Le crash du CRX 498 vint au milieu d’une série de drames frappant l’aviation helvétique et qui firent voler en éclat le mythe de la perfection.

Le 10 janvier 2000, à 17:55, le Saab 340 de Crossair immatriculé HB-AKK est autorisé à décoller de la piste 28 de l’aéroport de Zurich. Il fait nuit déjà et, comme d’habitude, des nuages bas ferment tout le ciel. Il n’y a quasiment pas de vent et la température au sol est de 3 degrés. L’appareil s’envole et disparaît presque aussitôt dans les nuages. Deux minutes et dix-sept secondes plus tard, une violente explosion est entendue dans un champ au nord du village de Nassenwil et l’avion disparaît des scopes radar. Immédiatement, un hélicoptère de la REGA s’envole et ratisse la zone à faible altitude.

Rapidement, les restes fumants sont localisés dans un champ. Les secours sont dépêchés sur place, mais il n’y a plus rien à faire pour les 3 membres d’équipage et 7 passagers en partance pour Dresde. L’appareil est arrivé en affichant une vitesse et angle de piqué importants. Il n’y a quasiment rien à la surface du sol, tout a été enterré sous le choc et un incendie dévora les restes.

 

lieu du crash du Saab 340B de Crossair
Lieu du crash du Saab 340B de Crossair
 

 

Onze minutes après le décollage, s’ouvre une enquête difficile au sujet du premier accident d’avion de ligne du 21ème siècle. Il s’agit d’un travail de fourmis qui consiste à rassembler toutes les données disponibles et le bureau suisse des enquêtes a du pain sur la planche.

L’avion, qui volait sous les couleurs de Crossair et avec une immatriculation Suisse, était loué à une compagnie de Moldavie qui fournissait également l’équipage de conduite. Ce dernier était composé d’un commandant de bord moldave et d’un copilote slovaque. Le premier était payé par Crossair via sa compagnie mère qui prélevait près des deux tiers de son salaire. Même s’il travaillait en Suisse, ce pilote touchait un salaire effectif mensuel d’un peu moins de 900 Euros auquel venait s’ajouter une prime de 1.90 Euros par heure de service. Avec de tels revenus, dans l’une des régions les plus chères au monde, il n’est même pas possible de manger à sa faim. De plus, l’un comme l’autre, les pilotes survenaient aux besoins de leurs familles restées au pays. Le copilote ne croyait plus à l’Eldorado suisse et ne rêvait que de rentrer chez-lui en Moldavie. Il avait résilié son contrat avec Crossair et faisait son dernier mois de travail avant de revenir auprès de sa femme et de son enfant.

Comme c’est le commandant de bord qui pilotait lors du crash, son parcours est décortiqué par les enquêteurs. Il faut remonter aux années 70, en plein URSS, de l’autre coté du rideau de fer. Dans un pays où il faut un visa pour aller d’une ville à l’autre, le métier de pilote est considéré comme très sensible. Dès l’âge de 10 ans, les prétendants sont sélectionnés dans les écoles primaires. Leurs connaissances scolaires, mais surtout les notes politiques de leurs parents sont déterminantes.

Ce commandant passera 20 ans de sa carrière dans le système soviétique, mais sera refusé chez Aeroflot. Officiellement, il « ne passe pas les épreuves de sélection ». Même si l’URSS se prétendait une nation unie, il valait mieux venir de Moscou que de Moldavie pour réussir certaines sélections.

Corrompu comme il l’était, le système ne produisait pas que de bons pilotes, mais au moins, il avait ses garde-fous. La transition sur un avion occidental exigeait plus d’un an de formation et il était nécessaire d’accumuler au moins 500 heures de vol sur un avion avant de pouvoir être nommé commandant de bord dessus. De plus, si le pilote changeait d’avion, il reprenait le poste de copilote pendant au moins 500 heures de vol. Aucune exception n’était permise.

En 1997, soit quelques années après l’éclatement de l’Union Soviétique, ce pilote est engagé par Moldavian Airlines qui ne travaille plus sous une tutelle centralisée. La conversion sur Saab 340 est expédiée en 4 mois. A sa décharge, ce n’est pas le commandant de bord qui a établi le programme de transition. Il n’est pas sensibilisé aux différences culturelles ou techniques Est – Ouest et surtout, pour la première fois, il commence à piloter en se fiant à un horizon artificiel complètement différent. Après 32 heures de simulateur et 80 minutes de vol, il est lancé directement comme commandant de bord sur Saab 340 ; inimaginable du temps de l’URSS ! Selon les principes de l’OACI, les autorités helvétiques valident la licence et c’est ainsi qu’il se retrouve officiellement engagé chez Crossair en novembre 1999, soit 6 semaines avant le crash.

Le copilote a fait sa formation en Suède et disposait d’une licence de pilote Slovaque et, à l’instar du commandant de bord, il n’avait jamais suivi de cours CRM. Cette formation permet aux pilotes de passer du stade du travail individuel à l’intégration au sein d’un équipage.

Le jour du crash, les pilotes avaient commencé leur journée par un premier aller – retour Zurich Nuremberg. La veille, le commandant de bord prend des somnifères dès qu’il arrive à son hôtel. Dans son crewbag, on trouvera plus tard une tablette entamée de Phenazepam. Peu avant 17 heures, l’avion est autorisé à circuler pour la piste 28. Tout en roulant, les pilotes font les derniers réglages. Le décollage se fera sans volets. Leur sortie n’est pas nécessaire sur ce type d’avion.

 


Somnifère trouvé dans les restes de l’appareil.
Il appartenait au commandant de bord qui en avait pris la veille.
 

 

L’appareil se met à accélérer et s’arrache du sol en vingt secondes. Le train d’atterrissage est rétracté et le Saab entame sa montée à 136 nœuds et 15 degrés d’assiette. En quelques secondes, toujours sous pilotage manuel, il rentre dans les nuages. Après une première phase de montée initiale, un virage à gauche est commencé comme le veut la procédure de départ ZUE 1Y. Au même moment, l’équipage est autorisé à continuer de monter jusqu’au niveau de vol 110.

En plus de changer de fréquence, le copilote s’occupe à réaliser la check-list après décollage. Il enclenche le Yaw Damper et le conditionnement d’air puis se met à régler les manettes des gaz pour afficher la puissance de montée. Durant toute sa formation, on a reproché au copilote d’être lent. Il est très précis et méticuleux, mais en échange, il lui faut du temps pour réaliser une tache comme bouger des manettes de puissance jusqu’à ce que les aiguilles se mettent devant certains chiffres. Pendant ce temps, le commandant de bord sort du virage à gauche mais continue à braquer le manche vers la droite.

17:55:55, l’avion est à 8 degrés d’inclinaison à droite. Cinq secondes plus tard, il est à 31 degrés. Les instants suivants, quelques coups de manche contradictoires basculent l’avion à 42 degrés. Il maintiendra cette inclinaison pendant quelques secondes encore. L’altitude est maximale, soit 4’720 pieds. Les nuages se terminent vers 5’000 pieds, il faudrait encore quelques secondes de montée pour revenir en visuel, mais l’avion ne monte plus. Le nez passe lentement sous l’horizon et le variomètre devient négatif.

17:56:10, commence une phase d’actions désordonnées sur le manche mais à dominante droite. L’appareil se retrouve à 80 degrés d’inclinaison auxquels correspondent 25 degrés de piqué. La vitesse commence à augmenter vertigineusement. A cause de cela, le copilote a du mal à obtenir un régime stabilisé sur les moteurs. Il lève les yeux et voit le désastre. Alors qu’il a plusieurs fois le temps nécessaire pour prendre les commandes et rattraper la trajectoire, il se contente de dire :
– A gauche vers Zurich Est, nous devrions tourner à gauche !

La phrase est annoncée comme s’il s’agissait d’une erreur de navigation alors l’avion est hors contrôle. Le mot gauche fait tilt dans l’esprit du commandant de bord et il braque dans la bonne direction. L’inclinaison diminue à 65 degrés puis elle augmente encore à 137 degrés. A la tour de contrôle, sur son scope radar, le contrôleur aérien voit l’avion partir sur la droite alors qu’il lui avait dit d’aller à gauche. Il appelle les pilotes pour tirer la chose au clair :
– Crossair 498, confirmez que vous tournez à gauche !

Alors que l’appareil est dans une situation quasi-désespérée, le copilote prend le temps de répondre :
– Un moment s’il vous plait, attendez
– Ok, continuez à droite, répond le contrôleur qui décide de s’en accommoder.

A la fin de cet échange, l’alarme survitesse retentit. Le copilote se met à crier :
– A gauche ! A gauche ! A gauche !

Ce seront ses derniers mots. A 17:56:27, l’avion s’écrase dans le champ à une vitesse de 285 nœuds, soit près de 530 km/h. Le taux de chute est de 27’500 pieds par minute et l’assiette 63 degrés à piqué. Aux tous derniers moments, il y a une tentative de reprise qui amène l’avion à 76 degrés d’inclinaison, mais elle arrive trop tard pour éviter l’impact.

Le poids de la culture
Dans le système soviétique, le commandant de bord est un maitre incontesté. Il ordonne aux autres membres d’équipage, il les forme et participe à la gestion de leur carrière. Lui-même a comme caractéristiques le courage, la force et le calme. Aucun accent n’est mis sur la communication ou le travail d’équipe. On ne forme pas une équipe avec un commandant soviétique : il ordonne, on obéit.

Chez des compagnies comme Lufthansa, il suffit que le commandant de bord fasse un geste imprévu pour que le copilote lui prenne les commandes. Au contraire, dans un cockpit de mentalité soviétique, l’ambiance est aussi rigide qu’à l’intérieur d’un sous-marin lanceur d’engins. Même si l’avion part de travers, il faut avertir au moins deux fois avant de prendre les commandes. Si on le fait à mauvaise escient, c’est une violation grave qui peut mettre fin à la carrière. Si on ne le fait pas, la carrière peut se terminer encore plus vite. Ceci pousse les copilotes à analyser longuement la situation et à n’agir que lorsqu’elle leur semble désespérée.

Dans le cadre du crash du Crossair 498, le passage des 90 degrés d’inclinaison a eu un effet libérateur sur le copilote mais il était trop tard pour agir. De plus, celui-ci découvrait une image ADI qu’il n’avait jamais vue de sa vie. Il lui faut du temps pour l’interpréter et comprendre ce que fait l’appareil et dans quelle direction il faut corriger .

Le poids des différences techniques
Au printemps 2000, le bureau suisse des enquêtes répertoriait 18 vols piqués en spirale survenus en Russie. Dans 15 cas, ça se termina mal. Devinez quoi ? Dans ces 15 cas, tous les avions étaient équipés d’horizons artificiels de type occidental et pilotés par des équipages formés surtout au modèle russe.

Les résultats des études expérimentales sont effrayants. On soumet à un groupe de pilotes russes un ADI russe dans une certaine position. On les laisse le regarder pendant une seconde et on leur demande de dire l’attitude l’avion. Dans ce cas, 98% donnent une réponse juste.

Maintenant, le même groupe est soumis à un ADI de conception occidentale. Là, 68% des pilotes, près des deux tiers, donnent une réponse fausse. Pour cette raison, dans tous les Pays de l’Est, il faut faire au moins 500 heures sur avion pour devenir commandant de bord dessus. Cette précaution n’est pas toujours suffisante. On démontre en psychologie qu’en cas de stress important, c’est les anciens réflexes qui ressurgissent. Ceci conduit à une perte d’orientation et les pilotes font des essais désordonnés à droite et à gauche pour es-sayer de trouver la bonne direction. Ce geste ne fait qu’accroitre leur désorientation. Voici un extrait du rapport d’accident numéro 1781 publié par les autorités suisses :

Pendant la phase initiale du vol, le commandant pilotait l’avion de manière très calme et précise comme l’ont aussi montré les enregistrements d’autres pilotes lors des vols de comparaison. En revanche, dans la phase finale du vol, ses ordres de commande sont devenus de plus en plus désordonnés, imprécis et amples. Des caractéristiques de pilotage semblables ont été décrites par des instructeurs de vol russes comme étant typiques de pilotes qui ne sont plus en mesure d’interpréter convenablement l’assiette. Ceux-ci essayent alors d’arriver à une solution à leur problème par des tentatives irréfléchies. Lors de l’évaluation des pilotes, les débattements des gouvernes sont, pour les instructeurs, un signe avant-coureur de désorientation.En ex-URSS, ce type de comportement est connu et se manifeste surtout lors de la transition des pilotes russes sur des appareils dotés d’un horizon artificiel de conception occidentale (TU-154, IL-86, B-737, A-310, etc.). On peut donc estimer que les pilotes russes qui ont suivi une formation de transition ont vécu au moins des formes légères de désorientation en simulateur. La problématique étant connue, ce type d’expérience peut être exploité et contribuer ainsi à accroître la vigilance des pilotes face à ce phénomène. La compagnie Aeroflot a volontairement poussé cette réflexion plus loin et aborde aussi d’autres problèmes liés aux différences entre les cockpits de conception russe et occidentale dans ses cours de transition. Comme la formation de transition du commandant a eu lieu en Occident (Crossair, Bâle), dans un contexte où ce problème n’était pas connu, le commandant n’a pas eu l’occasion de prendre conscience de ce risque potentiel de désorientation.

 

La transition est d’autant plus difficile que les instruments rus-ses sont gradués en mètres pour l’altimètre, en mètres par seconde pour le variomètre et en kilomètres par heure pour l’indicateur de vitesse. Les formateurs suisses n’avaient pas conscience du poids de ces différences.

Les mauvais conseils du GPWS
En cas de perte de contrôle due à une désorientation spatiale ou autre, le GPWS renvoi des alertes aux pilotes. Un premier défaut, vient avec l’alarme d’inclinaison excessive. Elle annonce « bank angle ! » mais ne spécifie pas ce qu’il faut faire pour l’annuler. Un simple « turn right » ou « turn left » serait pourtant le bienvenu. Sur les avions russes, des lumières de couleur indiquent la direction à prendre pour corriger.

Quand l’avion est fortement incliné, voir sur le dos, la technique de récupération recommandée est la suivante :
– Fermer les gaz pour éviter que la vitesse n’augmente
– Annuler l’inclinaison pour ramener l’avion à l’horizontale et la force de portance vers le haut.
– Tirer sur le manche au maximum de G supportés par l’avion.
– Regarder l’horizon et veiller à ne pas partir en cabré excessif.

Pourtant, quand un avion s’approche du rapidement du sol, le GPWS annonce « Whoop ! Whoop ! Pull up ! » et ceci quelque soit l’attitude. Si un avion est fortement incliné ou sur le dos, tirer sur le manche est la dernière chose à faire. Sans annuler d’abord l’inclinaison, un tel geste ne ferait qu’accélérer la chute et la perte de contrôle.

GPWS et attitude inusuelle
Dans le cas du vol Crossair 498, le GPWS ne s’est pas déclenché et les pilotes n’ont reçu aucune alarme de proximité de sol. Le GPWS fonctionne sur la base d’un radio altimètre qui envoi des ondes en modulation de fréquence vers le sol. La précision est de l’ordre de 2 pieds sur l’intervalle de fonctionnement qui va de 0 à 2’500 pieds. L’ouverture du champ des antennes est de l’ordre de 50 degrés sur tous les avions. Sur le Saab 340, elle est de 45 degrés. Etant donné que l’inclinaison fut supérieure à cette valeur tout le temps que l’appareil évoluait en dessous de 2’500 pieds, aucune mesure d’altitude radio ne put être réalisée. Le GPWS ne sentit pas le sol venir.

 

Radio Altimètre Russe gradué en pieds
Radio altimètre russe moderne gradué en pieds. La portée
maximale est de 2’500 pieds à condition que l’avion
ne soit pas incliné de plus de 45 degrés.

Pertes de contrôle sur avions de ligne : compagnies contre constructeurs

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La perte de contrôle sur avion de ligne est un problème qui n’a rien de théorique. De nombreuses causes peuvent faire en sorte qu’un avion se retrouve hors de son enveloppe de vol. Une action appropriée et correcte de la part des pilotes est nécessaire pour retrouver un domaine de vol normal. Par contre, les compagnies aériennes et les constructeurs ne sont jamais totalement d’accord sur la manière de sortir un avion de ligne d’une situation dangereuse.

Procédures contre approche générale
Les compagnies aériennes fonctionnent en procédures qu’elles mettent à disposition des pilotes. Ces derniers sont formés en simulateur pour agir selon des check-lists standards fabriquées par leur compagnie aérienne. Les instructeurs valident l’apprentissage de chaque pilote et chaque fois que celui-ci applique les procédures correctement, il sauve son avion de la situation dangereuse. De leur coté, les instructeurs utilisent les procédures pour obtenir avec leurs pilotes des résultats uniformes, vérifiables et reproductibles. Les compagnies veulent également des procédures qui soient faciles à enseigner et qui fonctionnent sur tous les avions de leur flotte.

Les constructeurs d’avions voient les choses sous un autre angle : pour eux, il n’y a pas de perte de contrôle type et pour cette raison il ne saurait y avoir de procédure de récupération type ! Chaque perte de contrôle est différente et les pilotes devraient être formés dans un contexte très large leur permettant de gérer n’importe quelle perte de contrôle même s’ils ne l’ont jamais rencontrée précédemment en simulateur.

Trim : le mot interdit
Chez les compagnies aériennes, l’apprentissage de la gestion des pertes de contrôle suit toujours le même scénario : la perte de contrôle est due à un moment d’inattention qui met hors de son enveloppe de vol un avion correctement trimé (compensé). Hors, dans cette situation, le pilote a des commandes de vol avec une autorité totale permettant une récupération plus facile.

Les constructeurs considèrent cette approche comme simpliste et auraient souhaité que les compagnies enseignent aussi à leurs pilotes des techniques de récupération qui incluent l’usage du trim. Les compagnies aériennes sont très fermes sur ce point : la récupération doit se faire qu’en utilisant les commandes de vol primaires. Il n’est pas question de toucher au trim. En effet, les instructeurs ont peur de deux choses. D’abord, que les pilotes cherchant à corriger une situation hors trim ne font que l’empirer. D’un autre coté, sur certains vieux appareils encore en service, il est possible d’avoir des situations de déroulement de trim.

Le décrochage 
Dans les compagnies aériennes, les pilotes s’entrainent à gérer non pas des décrochages, mais des approches de décrochages. En simulateur, la vitesse est baissée jusqu’au déclenchement du stick shaker. A ce moment, le pilote récupère de la manière suivante : il pousse les manettes de gaz à fond et maintient le cabré de l’avion pour éviter de perdre de l’altitude.

Pour les constructeurs, les pilotes doivent aussi apprendre à gérer des situations de vrais décrochages. Lors de telles situations, il est impossible de ne pas perdre de l’altitude et les pilotes ne devraient pas essayer de ne pas ne perdre. Au contraire, il faut pousser sur le manche pour permettre l’avion d’accélérer et baisser son incidence.

De plus, les constructeurs insistent sur le distinguo entre décrochage et… décrochage. Pour eux, il est trop facile de récupérer un avion si on va juste un tout petit peu après l’angle de décrochage. Dans ce cas, l’appareil a encore beaucoup trop d’énergie qui facilite sa reprise en main. Ils souhaiteraient voir les pilotes de ligne apprendre à aller vers des décrochages profonds avec une perte importante de vitesse.

Réduire la poussée des moteurs montés sous les ailes
Les compagnies aériennes ne veulent pas entendre parler de ce qui va suivre mais c’est un point important. En effet, lors du décrochage réel, les commandes de vol ont une faible réponse et le pilote ne peut pas empêcher la perte d’altitude. A ce moment, il est important de faire piquer l’avion. Pousser sur le manche, peut ne pas être suffisant. Pour les avions dont les moteurs sont sous les ailes, les constructeurs recommandent vivement de réduire le régime des réacteurs. La poussée de ces derniers passe sous le centre de gravité et provoque une forte tendance à cabrer qui peut maintenir l’assiette trop élevée pour permettre une récupération.

Les avions de voltige ont un moteur tellement puissant qu’il peut les arracher d’une situation de décrochage même s’ils restent relativement cabrés. Les réacteurs des avions de ligne sont incapables d’une telle prouesse et un Boeing ou un Airbus ne sortira pas de son décrochage tant que son assiette ne baisse bas.

Rappel important des constructeurs d’avions : dans une situation inusuelle, si l’avion est en décrochage, il faut d’abord le sortir du décrochage avant de vouloir corriger l’attitude inusuelle. Ceci est connu, mais souvent ignoré en situation réelle.

L’utilisation de la gouverne de direction
Dans les compagnies aériennes, les instructeurs, souvent d’anciens pilotes de chasse, enseignent le contrôle des avions de ligne aux palonniers quand l’avion est proche du décrochage. En effet, il est notable que la gouverne de direction garde une bonne autorité à faible vitesse et permet une action en roulis que les ailerons ne permettent plus.

Les constructeurs sont farouchement opposés à cette démarche. Pour eux, si la gouverne de direction fonctionne correctement aux faibles vitesses sur les avions de chasse, il n’en est pas de même sur les avions de ligne. Ceux-ci ont plus d’inertie et une action inconsidérée sur la gouverne de direction à l’approche du décrochage peut créer une perte de contrôle à plus forte raison si les volets sont sortis.

Chez certaines compagnies, le mot d’ordre a effectivement changé et les instructeurs recommandent aux pilotes d’y aller doucement sur la gouverne de direction. Cette dernière doit être utilisée avec beaucoup de circonspection en en conjonction avec un mouvement d’ailerons pour aider ces derniers. Par contre, jouer tout le temps avec les palonniers est le moyen le plus rapide de provoquer un glissade et une sortir du vol contrôlé.

L’usage du simulateur de vol
Le simulateur de vol est un appareil qui fait voler un avion virtuel dont la fidélité dépend de la qualité des données qu’il contient. Les pilotes d’essai ne se mettent pas volontairement en danger pour fournir des chiffres aux simulateurs de vol. De plus, même quand leurs avions arrivent dans des situations inusuelles, elles ne sont pas assez nombreuses pour fournir un modèle valable.

Le simulateur fonctionne bien dans le domaine de vol de l’avion. Par contre, dès qu’on commence à s’approcher des limites de ce domaine, sa fiabilité baisse jusqu’à ne plus être représentative du tout. Par exemple, si on tire sur le manche pour décrocher mais qu’en même temps on donne un gros coup de palonniers pour provoquer une glissade, le simulateur ne va pas correctement intégrer cette dernière. Ceci nous ramène au point précédent et explique pourquoi les avions simulés ne font aucune mauvaise surprise aux pilotes qui les contrôlent à la gouverne de direction aux abords du décrochage.

Lectures connexes :
– ABX 827, accident à cause d’un simulateur de DC-8
– Perte de contrôle du vol China Airlines vol 676
– Perte de contrôle sur vol China Airlines vol 140

Source :
– Article de Mr William Wainwright, Chef Pilote d’Essai chez Airbus Industries

La légende et les soucis du Boeing 737

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On ne peut pas faire Paris – New York en 737, mais on peut faire tout le reste. L’appareil a été développé dans les années soixante à partir des modèles 707 et 727 et fut un tel succès qu’on estime aujourd’hui qu’il a transporté près de 7 milliards de passagers, soit près de la population mondiale en 2006.

Le 737 se décline aujourd’hui en de nombreuses versions et variantes. La première version connue est le 737-200. Le -100 fut produit à une trentaine d’exemplaires dont aucun n’est en état de vol aujourd’hui.

Ce Boeing est certainement le premier avion de transport à oser mettre ses 2 réacteurs sous les ailes. Les tendances de l’époque voulaient que les engins soient placés à l’arrière au niveau de l’empennage. C’est selon ce choix que furent construits le DC-9, le BAC 1-11 et même la Caravelle de Sud Aviation. En ce sens, les concepteurs du 737 font un choix osé et révolutionnaire. Aujourd’hui, tous les biréacteurs de transport public sont construits avec les réacteurs sous les ailes.

Lors du décollage et à tout moment du vol, l’avion doit rester contrôlable même en cas de la panne d’un moteur. Plus le moteur restant est loin de l’axe longitudinal de l’avion, plus il va générer de dissymétrie. Pour voler droit avec un seul moteur en marche, il faut utiliser la gouverne de direction. Sur le 737, celle-ci est particulièrement grande. En vol normal, elle ne bouge que dans une faible proportion. C’est seulement en cas de panne moteur que sa taille et sa puissance trouvent tout leur sens.

Alors que le 737 est considéré comme un des avions les plus sûrs au monde, ses versions 100, 200 et 300 portent une grave tare de naissance. Elle mettra du temps à être découverte et réparée mais non sans avoir emporté de nombreux innocents.

Sur le Boeing 727, mais aussi sur le 747 jusqu’à nos jours, la gouverne de direction est divisée en deux morceaux qui bougent ensemble tout est restant totalement indépendants. Chaque partie est mue par son propre vérin hydraulique. Sur le Boeing 727, seule la gouverne de direction inférieure peut se déplacer à toutes les phases du vol. La gouverne supérieure ne s’enclenche que lors du décollage et l’atterrissage.

747-400 de KLM. La gouverne de direction se compose de deux éléments indépendants

 

Même solution ici sur un 727-200 au couleurs de la poste des Etats-Unis (USPS).

 

 

Sur le Boeing 737, la gouverne est construite en une seule pièce. Ce choix permet d’économiser quelques dizaines de kilogrammes, mais pose un problème grave au niveau de la redondance des surfaces de vol. Une règle absolue dans la construction de tous les avions de ligne impose que les gouvernes de vol soient doublées et montées de manière indépendante. Ceci s’applique aux ailerons et à la gouverne de profondeur, mais pas nécessairement à la gouverne de direction. Par contre, pour toutes les gouvernes, il faut plusieurs sources d’énergie afin que l’avion reste pilotable même si de nombreux problèmes surgissent en vol.

Le Boeing 737 a deux circuits hydrauliques désignés par A et B et qui travaillent à plus de 200 bars de pression. Le circuit A est alimenté par deux pompes entrainées chacune par un réacteur. Le circuit B est mis sous pression par deux pompes électriques qui peuvent être alimentées par de nombreuses sources. Chaque circuit peut entrainer l’autre sans échange de fluide à l’aide de moteurs hydrauliques appelés PTU pour Power Transfer Unit (Unité de Transfert d’Energie). Les ailerons et la gouverne de profondeur, qui sont des éléments vitaux, sont attaqués simultanément par les circuits A et B. En outre, ils sont reliés aux commandes de vol par un système de câbles en acier, de poulies et de renvois. Dans le cas plus qu’improbable où les deux circuits seraient défaillants, les pilotes peuvent en dernier ressort piloter l’avion à la force des bras. Les efforts sont élevés mais compatibles avec ce qu’un humain motivé peut rendre.

La gouverne de direction est alimentée par les circuits A et B plus un troisième circuit de secours. Ce dernier est de très faible puissance. En plus de cette gouverne, il peut faire sortir les slats et les inverseurs de poussée. La logique est qu’en cas de perte des circuits A et B, l’avion atterrit sans les volets. Le minimum qu’on puisse donc lui fournir c’est les slats et les inverseurs de poussées. Ces derniers deviennent plus que nécessaires quand l’atterrissage se fait à grande vitesse. Moyennant ce troisième circuit, la gouverne de direction n’est pas reliée à la timonerie de commande. Elle est donc entièrement hydraulique.

Les pilotes agissent sur la gouverne de direction aux pieds en appuyant sur l’un ou l’autre des palonniers. Le pilote automatique n’a aucune action sur cette gouverne, mais un autre système automatique appelé Yaw Dumper (amortisseur de lacet) agit dessus de manière transparente. C’est-à-dire que lorsque le Yaw Damper fait bouger la gouverne de direction, les pilotes ne voient pas les palonniers bouger. Le Yaw Damper existe sur tous les avions de ligne afin de stabiliser des oscillations qui arrivent surtout à haute altitude.

La redondance est telle, qu’on ne connaît pas un seul cas documenté de Boeing 737 ayant perdu tous ses moyens de contrôle en vol. Les gouvernes de cet avion ne s’arrêtent jamais, mais elles ont un défaut très grave : elles peuvent se mettre à bouger toutes seules !

Gouverne de direction
Ce problème concerne la puissante gouverne de direction sur les modèles -100 à -300 dont un grand nombre restent en exploitation de nos jours. Le problème a fait couler beaucoup d’encre aux USA et il a malheureusement provoqué de nombreuses victimes. Une grande partie de avions concernés ont été corrigés aujourd’hui, mais la polémique reste entière entre Boeing, la FAA, le NTSB et les associations de pilotes comme l’ALPA.

La carrière du 737 commence sans trop de soucis. L’appareil vole bien et les compagnies l’apprécient. Pourtant, il y a quelque chose qui ne va pas un et un malaise croissant commence à sévir parmi les pilotes et les mécaniciens de cet appareil. Autant certaines personnes considèrent le 737 comme un avion parfait, autant d’autres croisent les doigts chaque fois qu’il prend l’air avec le plein de passagers.

Ce manque de confiance est à l’origine d’un évènement absolument unique dans les annales de l’aviation. Ca se passe à l’aéroport de Denver, la capitale du Colorado. Le 1 janvier 2003, vers 9 heures du matin, un 737 est sur le point de partir avec 130 passagers. Alors que les moteurs sont mis en route, un mécanicien arrive et ramasse une cale qui avait été retirée et déposée de coté. Sans la moindre hésitation, il la jette dans le réacteur gauche dont le compresseur tourne à plusieurs milliers de révolutions par minute. Le moteur est endommagé, l’avion ne partira pas. Le mécanicien déclare avoir voulu sauver des vies en empêchant le départ de ce vol.

Dès le début de son exploitation à la fin des années soixante, le Boeing 737 connaît une mystérieuse série d’incidents. A chaque fois, les pilotes sont sur le point de perdre le contrôle de l’avion suite à un comportement étrange de celui-ci. En plein vol et sans le moindre avertissement, l’appareil s’incline brutalement sur le coté et il faut plusieurs minutes de lutte pour le rattraper. On blâme les pilotes et les turbulences mais jamais personne n’ira discuter la conception du 737.

Quand les alertes se multiplient, Boeing remet en cause la conception du système Yaw Damper. Ce dernier, aurait tendance à agir trop énergiquement sur la gouverne et provoquer sa déflexion intempestive. Pourtant, les problèmes constatés ne collent pas avec cette explication. Le Yaw Damper a une autorité limitée mécaniquement. Il ne peut pas déplacer la gouverne plus loin que les quelques degrés nécessaires amortir le roulis hollandais. Les graves pertes de contrôle constatées ne peuvent pas provenir d’une défectuosité de ce système. Faute de mieux, et dès 1971, plusieurs compagnies demandent à leurs pilotes de couper le Yaw Damper lors des décollages et des atterrissages. Les pertes de contrôle au ras du sol sont, de loin, les plus dangereuses.

Panne moteur au décollage suite à un oiseau avalé par le réacteur

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Le 757 que vous vous voyez sur cette vidéo a perdu le moteur droit suite à l’ingestion d’un oiseau qui était sur la piste. Sur le replay, on voit le volatile décoller mais trop tard pour éviter l’impact avec l’avion.

Aprés la montée initiale, les pilotes coupent le moteur droit qui crachait du feu puis reviennent atterrir.

Sur la radio, en entend l’un des pilotes déclarer une urgence (Mayday x 3). Le contrôleur lui répond immédiatement que toutes les pistes sont disponibles pour l’atterrissage. Il lui demande également s’il préfère un guidage radar pour l’atterrissage ou s’il souhaite continuer à vue. Plus tard, il lui suggère aussi une autre piste sur l’aéroport de Liverpool.

Grâce à une prise en charge impeccable par l’équipage, les contrôleurs aériens et les services de secours de l’aéroport, à aucun moment la vie des passagers n’a été mise en danger.

L’impact avec un volatile ne produit pas toujours ce genre de situations.


Atterrissage
Le 757 revient atterrir sur un seul moteur. Il est encore très lourd.
Remarquez la fumée que dégage le train d’atterrissage au toucher.
 

 

Autres informations :
– Date 29 avril 2007
– Appareil : 757-204
– Immatriculation : G-BYAW
– Compagnie : Thomsonfly (Britannia Airways)
– Vol 263H (two six three hotel à la radio).
– Passagers : 225
– Equipage : 8
– Aéroport : Manchester, GB
– Atterrissage : piste 06R

Sujets conseillés :
– Péril Aviaire
– Panne moteur non gérée sur Air Algérie 6289

Voici la video:

 


American Airlines vol 191 – Le crash le plus grave dans l’histoire des USA

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Les moteurs 1 et 3 du DC-10, ceux qui se trouvent sous les ailes, sont fixés par des pylônes horizontaux. Chaque pylône est accroché à l’aile par trois boulons et puis, le réacteur s’accroche à son tour au pylône par trois autres boulons. Ce système d’attache est très efficace et utilisé jusqu’à nos jours. Par contre, il exige un respect absolu des règles de maintenance édictées par le constructeur de l’avion…

Les paliers sphériques des réacteurs
Chez McDonnell Douglas, des doutes surgissent sur la solidité des paliers sphériques se trouvant à la connexion entre le réacteur et son pylône. Devant le lourd passé de l’avion, les risques ne sont pas permis. Deux bulletins de services sont émis en direction de tous les exploitants du DC-10. Ils portent les numéros 54-48 et 54-59 et recommandent de changer les paliers à la meilleure convenance des compagnies.

Pour la procédure de dépôt des réacteurs, le fabriquant renvoi les services techniques au chapitre 54 du manuel de maintenance du DC-10. Il y est indiqué que la procédure doit se faire en deux étapes : tout d’abord, il faut démonter le réacteur, puis seulement démonter le pylône depuis l’aile. L’intervention est très ennuyeuse pour la compagnie qui la confie à ses ateliers techniques à Tulsa en Oklahoma. Ces mêmes ateliers opèrent également pour d’autres compagnies étrangères sous contrat.

Palier Sphérique Attache Réacteur Avion

Schéma de principe et photo d’un pallier sphérique comme celui qui retient les réacteurs du DC-10. Le système est très solide tout en permettant les vibrations et mouvements de faible amplitude (angle a)

 

Dès le départ, les techniciens n’ont pas la moindre envie de suivre les recommandations du manuel de maintenance. En effet, ils caressent l’idée de démonter le réacteur et le pylône en un seul bloc. Cette manière de faire leur économise plus de 200 heures de travail et réduit le nombre de servitudes à débrancher de 79 à 27. Cette technique, ils le savaient, était appliquée avec succès chez des compagnies concurrentes comme United Airlines ou Continental.

DC-10 Attache réacteur

Le pylone, ici en rouge, fait le lien entre le réacteur et l’aile. Il a 6 points de fixation :

– 3 points entre le pylone et l’aile

– 3 points entre le pylone et le réacteur

De nombreux tubes et cables passent également à l’intérieur. Une maintenance correctement réalisé aurait exigée le dépôt du réacteur seul (en le séparant du pylone), puis le dépot du pylone à son tour. Le remontage suit la même séquence à l’envers : d’abord le pylone tout seul, puis on y fixe le réacteur. C’est en voulant improviser et griller des étapes que les ateliers de maintenance on provoqué l’accident.

 

Avant d’entamer la manœuvre, les techniciens d’American Airlines prennent tout de même contact avec McDonnell Douglas. Les concepteurs de l’appareil les découragent d’utiliser une telle méthode. En effet, le problème n’est pas au niveau du démontage lui-même, mais il n’est pas possible de remonter le réacteur et son pylône d’un bloc sans prendre le risque d’endommager les attaches du pylône au niveau des ailes.

Cependant, le constructeur d’un avion n’a aucune autorité sur ses clients. Ces derniers sont les propriétaires des appareils qu’ils achètent et les maintiennent comme bon leur semble. Les techniciens de American Airlines prennent sur eux de démonter le réacteur et son pylône en un seul bloc. Pour éviter de renverser l’objet, ils demandent au fabriquant de leur fournir l’information sur le lieu du centre de gravité de l’ensemble combiné pylône-réacteur. Cette information leur est transmise le 28 avril 1979 et dès le lendemain, ils commencent l’opération se servant d’un charriot élévateur improvisé pour soutenir le réacteur pendant que le pylône est déboulonné. L’ensemble pèse près de 7 tonnes. Le Hyster 460B est capable de soulever 19 tonnes sur une hauteur de 3 mètres. Malgré cela, il tangue sous la charge et le machiniste a du mal à obtenir des mouvements fins et adaptés à la délicatesse de l’opération.

Par ailleurs, une entrée intéressante est marquée dans les documents de maintenance du charriot élévateur. En effet, dans leur fonctionnement normal, les fourches de ces charriots doivent pouvoir rester fixes à hauteur constante même sous une charge importante. Les vérins sont fermés par des valves anti-retour qui ne permettent pas le retour de l’huile si l’opérateur ne manœuvre pas volontairement pour abaisser la charge. Ce Hyster 460B avait une valve défectueuse. Laissée à elles mêmes, les fourches baissaient de plus de 10 cm par heure sous une charge de 7 tonnes.

 

Charriot élévateur Hyster 406B
Un chariot élévateur Hyster comme celui-ci était utilisé par les compagnies
aériennes lors du remplacement des réacteurs.
 

 

Le démontage dure plusieurs heures et exige des manœuvres très précises qui ne sont pas réalisables sans un entrainement spécifique. Chez Continental, qui utilise la même technique, deux incidents ont lieu lors du démontage. Les supports sur l’aile sont cassés net et doivent être réparés. Ces incidents ne sont pas portés à la connaissance de la FAA alors que la règlementation l’exige expressément (FAR 121.703).

Lors de l’opération chez American Airlines, plusieurs manœuvres erratiques ont eu lieu et les supports du réacteur gauche sont fissurés mais personne ne les contrôle d’assez près pour s’en rendre compte.

American Airlines vol 191
L’avion immatricule N110AA est remis en ligne et le 25 mai 1979, c’est le drame. Le vol 191 est programmé pour relier Chicago, capitale de l’Illinois, à LAX, l’aéroport international de Los Angeles. La météo est printanière et 271 personnes ont pris place à bord du DC-10.

L’appareil est autorisé à décoller de la piste 32R à 15 heures 03. Le pilote pousse les manettes des gaz et l’accélération se fait sentir. L’avion dévale la piste à toute vitesse et au moment où il commence à se cabrer le réacteur 1, celui qui est à gauche sous l’aile, se détache ! L’engin et son pylône se soulèvent puis basculent par-dessus l’aile et finissent leur course sur la piste. Au passage, le bord d’attaque de l’aile est fortement endommagé et de nombreux tubes de pression hydraulique sont sectionnés.

L’appareil entame sa montée et les pilotes voient les index du moteur numéro 1 chuter et comprennent que le moteur est tombé en panne. En effet, depuis le poste de pilotage, seule l’extrémité des ailes est visible, les moteurs ne le sont pas. Le commandant de bord se retourne mais ne peut pas voir ce qui se passe avec le réacteur.

American Airlines vol 191
AA 191 pris en photo quelques secondes avant le crash.
Remarquez l’absence de réacteur sur l’aile gauche.

La perte d’un moteur sur trois ne pose pas de gros soucis au DC-10. L’appareil est certifié pour être capable de continuer son envol sur les 2 moteurs restants. Par contre, il y a plus grave. Le réacteur n’est pas tombé directement au sol, mais il a d’abord basculé par-dessus l’aile en endommageant les dispositifs de bord d’attaque. La sortie de ces dispositifs au décollage n’augmente pas nécessairement la portance, mais permet à l’aile de voler à de fortes incidences sans décrocher. Leur rentrée intempestive change complètement la donne. De plus, l’arrachement du réacteur prive de courant électrique un certain nombre de systèmes. L’un d’entre eux est l’alarme de décrochage qui n’est pas doublée sur cet appareil. Dans la panique, le mécanicien de bord n’a pas le temps de basculer les systèmes arrêtés sur une alimentation électrique de secours.

L’appareil monte et il est contrôlable. Les pilotes décident d’appliquer la check-list de panne moteur vu que c’est ainsi qu’ils perçoivent la situation. Un des éléments clés de cette liste est le fait de cabrer l’avion pour monter à une vitesse très faible de 153 nœuds. Le pilote aux commandes tire donc sur le manche et l’avion commence à ralentir en montant de plus en plus vite. L’aiguille du directeur de vol lui indique l’assiette à afficher pour une montée sûre et efficace sur deux moteurs (N-1).

Le manuel des opérations d’Americain Airlines qui regroupe les check-lists normales et d’urgence est très précis sur leurs conditions d’usage : « Les procédures indiquées dans les checklists d’urgence sont celles où une action rapide et précise de l’équipage est requise pour diminuer de manière substantielle les risques de blessures ou de pertes de vies humaines. Les procédures d’urgences de cette section sont présentées comme étant la meilleure façon de gérer ces situations spécifiques. Elles représentent la façon la plus sûre et la plus pratique de s’en sortir de situations d’urgence selon les pilotes et les mécaniciens les plus expérimentés, selon les procédures approuvées par la FAA et selon les meilleures informations disponibles. Si une situation d’urgence survient et que pour laquelle ces procédures ne sont pas adaptées, alors il ne faut pas les appliquer. Le meilleur jugement de l’équipage doit prévaloir. »

En d’autres termes, le manuel de la compagnie demande de ne pas appliquer aveuglément les check-lists d’urgence. Il rajoute : « La nature et la gravité d’une situation d’urgence ne peuvent pas être immédiatement et précisément déterminées. En tant que professionnel, vous allez piloter l’avion et/ou immédiatement corriger les problèmes évidents avant toute référence à une check-list. »

Dans ces textes, le mot pilotage est pris dans son sens le plus étroit. Il définit les actions par lesquelles le pilote garde une vitesse sûre et les ailes horizontales et évite d’aller vers le terrain. Tout le reste est moins urgent et peut attendre bien plus qu’on ne le croit.

Normalement, en situation d’urgence, on ne change pas un système qui marche. Alors que le DC-10 monte vers 100 mètres de hauteur, le pilote applique la check-list panne moteur à une situation qui n’est pas encore correctement évaluée. Il ne s’agit pas de panne moteur, mais de l’arrachement d’un moteur pour lequel aucune check-list n’est en place. La vitesse baisse progressivement et à 159 nœuds, l’aile gauche décroche. L’alarme décrochage ne retentit pas et l’avion commence à s’incliner à gauche tout en continuant à perdre de la vitesse. Le pilote aux commandes ne comprend pas ce qui se passe mais fait tout son possible pour corriger l’attitude de l’avion. Il tire complètement le manche, braque les ailerons à droite ainsi que la gouverne de direction à sa déflexion maximale.

En quelques secondes, l’inclinaison est de 112 degrés gauche, la situation n’est plus récupérable. Le nez de l’avion commence à basculer sous l’horizon et l’altitude diminue rapidement.

Victimes au sol
Dans le prolongement de la piste 32R de l’aéroport d’O’Hare International, après une autoroute, il y a un terrain vague puis un vaste parking de maisons mobiles. L’aile en premier, l’avion s’écrase dans le terrain vague mais l’énorme boule de feu qu’il produit engloutit plusieurs maisons.

Les secours arrivent rapidement sur les lieux, mais juste pour se rendre compte qu’il n’y a plus rien à faire pour personne. L’avion est en miettes et il n’y a aucun survivant possible. Les 271 occupants ont été tués sur le coup. Les pilotes sont certainement morts avant même d’avoir compris ce qui se passait avec leur avion. Deux personnes au sol, occupants d’une maison mobile, sont aussi parmi les victimes. Le bilan est de 273 morts. Les Etats-Unis sont horrifiés. Jusqu’au 11 septembre 2001, il ne passera rien d’aussi grave sur leur sol.

Le certificat de navigabilité révoqué pour le DC-10
Le certificat de navigabilité du DC-10 est révoqué le matin du 6 juin 1979. En clair, il n’a plus de certification et ne peut donc plus voler. Cette procédure extrême est très rare. De mémoire d’homme, elle fut appliquée au Fokker 10A en 1931 après qu’un accident eut révélé que le bois dont étaient constituées les ailes avait une tendance à retenir l’humidité puis à pourrir. Elle fût aussi appliquée en 1946, pendant 6 semaines, au Lockheed Constellation suite à des incendies répétés. En Europe, le certificat de navigabilité fut suspendu pour le Comet et le Concorde. Aucun de ces avions ne survécut à ces suspensions.

L’enquête
L’enquête débute dans un climat très tendu alors que la FAA, le constructeur et la compagnie aérienne commencent à se remettre en question. La FAA, qui certifie les avions aux USA, va déclarer plus tard : « Il y a eu certains points dans la conception et la certification qui, rétrospectivement, étaient de mauvaises idées. ».

Les experts du NTSB découvrent peu à peu l’étendue des dégâts. Près de 88 changements de réacteurs ont été opérés sur des DC-10 en utilisant des équipements improvisés et des techniques non adaptées. L’usage du charriot élévateur était de règle chez de nombreuses compagnies aériennes. Sur les DC-10 inspectés, nombreux sont ceux qui présentaient des fissures importantes au niveau des attaches des réacteurs. Chacun de ces appareils aurait pu connaître à tout moment le même sort que le vol 191.

Des tests sont faits au simulateur chez la NASA. Les équipages réalisent un décollage et sont soudain mis dans une situation de perte de moteur. La procédure en vigueur demande de cabrer l’avion jusqu’à V2, soit 153 nœuds, puis de maintenir cette attitude jusqu’à 800 pieds de hauteur ou l’altitude minimale du secteur puis seulement abaisser le nez de l’avion pour accélérer. Les équipages, 13 au total, réalisent 70 décollages mais aussi 2 atterrissages. En effet, une fois la panne déclarée, la situation n’est pas définitivement perdue mais dépendait de la manière dont les pilotes allaient réagir.

DC-10 AA 191 boulon cassé
Boulon retrouvé sur la piste 32R. Fissuré par la pression du charriotélévateur lors du montage, il avait cédé ce 25 mai 1979.

 

Analyse
Quand un appareil connait un problème de moteur, ou tout autre problème de manière générale, le capital dont dispose les pilotes se résume en deux valeurs : l’altitude et la vitesse. Lors du décollage, la situation est particulièrement délicate. L’avion est proche du sol et sa vitesse est faible. Une technique de pilotage très rigoureuse doit être adaptée pour assurer la montée saine et rapide.

Normalement, la rotation s’effectue à une vitesse dite Vr et l’avion se cabre à 3 ou 4 degrés par seconde et quitte le sol à une vitesse appelée V2 et continue à monter en accélérant. En cas de panne d’un moteur, l’avion quitte le sol à V2 mais n’accélère pas. Dans son esprit, la procédure de montée avec un moteur défaillant privilégie le gain d’altitude sur le gain de vitesse. La vitesse de sécurité au décollage, V2, est suffisante pour tenir en l’air, on va la garder et pas chercher à aller plus vite. Le gain d’altitude est une priorité pour échapper aux obstacles qui se trouveraient dans le prolongement de la piste. Aérodynamiquement, V2 n’est ni la vitesse qui permet une montée à pente maximale, ni la vitesse qui permet de monter à un taux maximal. C’est une vitesse qui permet de monter immédiatement après le décollage et c’est tout.

L’obligation de chercher une vitesse basse en cas de panne moteur, découle d’une raison logique également. Si un pilote se retrouve dans un avion avec un moteur en moins et que la vitesse est entrain d’augmenter allègrement, c’est que son appareil est probablement entrain d’aller vers le sol. En effet, les avions de ligne ne peuvent pas accélérer et monter à charge pleine avec un moteur en panne. Il faut faire un arbitrage du plus urgent au moins urgent : d’abord gagner de la hauteur et après seulement de la vitesse.

Le pilote aux commandes du vol 191 a une technique personnelle différente de ce qui est recommandé par la compagnie lors du décollage. Au lieu de cabrer le DC-10 à 3 ou 4 degrés par seconde, il le cabre à 1.5 degrés par seconde. Ca change quoi ? Ca change tout ! En effet, les procédures d’exploitation d’un avion en temps normal et en situations d’urgence forment un ensemble cohérent. Si on modifie quelque chose au milieu, on doit intervenir sur tout le reste pour maintenir la cohérence de l’ensemble. Le pilote du vol 191 fait la rotation lentement pour quitter le sol à une vitesse plus élevée et avoir de plus grandes marges de sécurité en cas de pépins. L’intention est donc clairement d’optimiser le système. De plus, sa technique plus progressive permet un décollage plus confortable pour les passagers.

En même temps, la procédure compagnie en cas de panne moteur est la suivante :
– Si la panne survient avant V1, il faut interrompre le décollage
– Si la panne survient après V1, il faut accélérer jusqu’à la vitesse de rotation Vr et faire la montée initiale à V2.

La situation où la panne moteur survient à une vitesse supérieure à V2 n’est pas évoquée parce que tout simplement les pilotes n’étaient pas sensés décoller à une vitesse supérieure à V2.

Quand les roues du DC-10 quittent le sol, à l’instant où le moteur s’arrache, la vitesse est supérieure à V2. En pratique et ce malgré la rétraction et l’endommagement des slats, l’appareil pouvait continuer son vol et revenir atterrir. Cependant, le directeur de vol qui est programmé sur « décollage » affiche immédiatement l’assiette à maintenir pour monter à V2 exactement. Pour le pilote du vol 191, ceci signifie qu’il faut ralentir. Redescendre vers V2 n’améliore en rien les performances de l’avion. Monter à V2 n’a de sens que si la panne survient avant cette vitesse.

Le pilote tire sur le manche et cabre fortement son avion. L’aiguille de l’indicateur de vitesse commence à revenir en arrière. A exactement 159 nœuds, l’avion commence à se pencher sur la gauche avec un taux de 1 degré par seconde. L’aile droite continue à voler et à donner de la portance alors que l’aile gauche décroche et commence à s’enfoncer. Malheureusement, il n’y a plus d’alarme de décrochage. Celle-ci étant alimentée en électricité par le générateur attaché au moteur qui s’est arraché.

Le pilote n’a pas moyen de comprendre ce qui se passe. Il continue à tirer sur le manche pour ralentir à 153 nœuds et braque les ailerons vers la droite. Sur l’aile gauche, les ailerons partent vers le bas. Aérodynamiquement, ils augmentent l’incidence de l’aile. Comme celle-ci est en décrochage, ceci ne fera qu’aggraver les choses et l’aile s’enfonce de plus belle. Le taux de roulis atteint rapidement les 12 degrés par seconde. Sur les avions en décrochage, un coup d’ailerons, même dans le bon sens, peut avoir des effets néfastes.

Comme l’appareil continue à s’incliner, le pilote braque totalement la gouverne de direction vers la droite. Le nez de l’avion commence à baisser et le manche est tiré de plus en plus pour empêcher ce mouvement. A 100 mètres de hauteur, l’avion est incliné de 112 degrés à gauche, les ailerons braqués totalement à droite et la gouverne de profondeur braquée totalement à cabrer. Le train d’atterrissage est encore sorti et les moteurs 2 et 3 à leur puissance maximale de décollage (voir photo). A ce moment, la situation n’est plus récupérable avec l’altitude qui reste. Le DC-10 revient rapidement vers le sol et nous connaissons le reste de l’histoire.

Lors des expériences du NTSB, la majorité des pilotes ont reproduit les mêmes réflexes et fatalement le même crash en simulateur. Tous ceux qui ont suivi l’indication du directeur de vol ont rapidement perdu le contrôle de leur appareil.

Par contre, dans de nombreux cas, dès que les pilotes sentent une perte de contrôle, ils poussent sur le manche et le nez de l’avion s’abaisse et la vitesse augmente. Dans ce cas, il n’y a pas de perte de contrôle et le vol continu presque normalement sur les deux moteurs restants. Les pilotes qui ont réalisé cette prouesse étaient au courant des détails de l’accident du vol 191. Ils ont tous déclaré que sans cette connaissance, ils n’auraient jamais eu les bons réflexes. Il n’était donc pas raisonnable de s’attendre de l’équipage du DC-10 d’American Airlines d’agir autrement que ce qu’il a fait.

Deux mois après le drame de Chicago, la compagnie American Airlines ajouta ces deux items dans la check-list de panne moteur au décollage :
– Si la panne moteur survient après V2, maintenez la vitesse atteinte sans aller au delà de V2+10
– Si la panne moteur survient à une vitesse supérieure à V2+10, réduisez la vitesse et maintenez V2+10

Une note vient préciser : « Si la panne survient après V2, le directeur de vol va vous indiquer une attitude qui vous fera revenir vers V2. Ignorez donc le directeur de vol si la panne du moteur survient après V2. ».

Le 13 juillet, après de nombreuses analyses, le certificat de navigabilité du DC-10 fut rétabli, mais plus que jamais, le nom de cet avion fut rattaché à la notion de désastre aérien dans l’esprit du public.

Forces Belges CH-06 : Quand les pompiers apprécient mal la situation

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Les militaires s’intéressent beaucoup à la question du péril aviaire. Il ne se passe pas une année sans qu’ils ne perdent des avions de chasse qui volent trop bas et trop vite. Ici, c’est un Hercules C-130 transporteur de troupes qui s’écrasa après un choc aviaire.

Le Lockheed immatriculé CH-06 avait quitté sa base près de Bruxelles le matin du 25 septembre 1996. Après plusieurs vols qui l’ont amené jusqu’en Italie, il remonte vers le nord avec comme destination la base d’Eindhoven aux Pays-Bas. A son bord au moment de l’approche, se trouvaient 4 membres d’équipage et 37 passagers dont 34 appartenaient à un groupe de musique de l’armée qui était en tournée en Italie.

Le copilote était le pilote en fonction et réalisait une approche à vue sur la piste 04. Sur les abords de celle-ci des vanneaux et étourneaux avaient été observés durant la journée et même effarouchés. Ces oiseaux sont relativement petits et pèsent de 40 à 90 grammes pour les plus lourds. Par contre, comme ils volent en nuées de plusieurs milliers d’individus, ils sont classés comme dangereux. Au moment où le C-130 survole la piste, ces derniers s’effrayent et décollent tous ensemble. Surpris, le copilote pousse les manettes des 4 turbopropulseurs et entame une remise des gaz.

Rapidement, se développe la situation que l’équipage aurait voulu éviter. L’appareil se redresse, accélère, rattrape le banc d’oiseaux et le traverse de part en part. Les impacts arrivent sur les hublots comme de la grêle. Ces derniers se couvrent immédiatement d’un mélange de sang et de plumes. Au ni-veau des moteurs, c’est le désastre. Les deux propulseurs de l’aile gauche étouffent et les hélices qu’ils entrainent ralentis-sent. Au même moment, et pour une raison inexpliquée, un des pilotes met en drapeau l’hélice du moteur numéro 3. Le résultat est que l’avion se retrouve avec un seul turbopropulseur, le 4, qui tourne à puissance maximale alors que les au-tres sont à l’arrêt.

Le contrôle est perdu à quelques mètres du sol et l’aile gauche touche le bitume. Le carburant pris en Italie se déverse et se transforme en boule de feu alors que l’avion glisse encore en se disloquant. A cette situation déjà désespérée, vient se ra-jouter un facteur aggravant. Les tubes connectés aux bombonnes d’oxygène se cassent et libèrent le gaz qui vient attiser les flammes. Par moments, même les parties métalliques de l’avion brûlent comme si elles avaient été faites en papier.

La réaction des secours bat des records de vitesse, mais avec un rendu catastrophique. Au moment où le copilote avait poussé les manettes gaz, le contrôleur aérien appuyait sur lecrash horn situé dans la tour de contrôle déclenchant des alarmes chez les pompiers. Ces derniers foncent sur les lieux de l’accident, mais une confusion demeure sur le nombre de passagers. Se rappelant que l’équipage habituel d’un Hercules se compose de 4 personnes, le commandant des pompiers déclenche le plan 2 qui concerne un accident d’aéronef transportant 3 à 4 occupants. Le résultat est que les moyens déployés ne sont pas à la hauteur de la catastrophe.

Les premiers véhicules arrivent sur scène 4 minutes après l’impact et commencent immédiatement à attaquer le feu concentrant leurs efforts sur la carlingue. En trois minutes, deux citernes d’eau sont vidées et le feu est contenu. Dans leur terminologie, ceci signifie qu’il est éteint à 90%. Les renforts arrivant sont informés qu’il y a probablement quatre victimes qui se trouvent dans le cockpit.

Une volée d’étourneaux peut compter jusqu’à 10’000 individus. Elle représente
un danger pour les avions de ligne de toute taille

A 18:37, soit plus d’une demi-heure après le crash, l’environnement est considéré comme assez sûr pour envoyer des hommes à l’intérieur de l’épave pour éteindre les derniers foyers avec des lances portables. Plusieurs pompiers s’engouffrent par une brèche du fuselage et découvrent l’un après l’étendue du désastre. Des dizaines de corps calcinés gisent partout au milieu des débris alors que d’autres personnes semblent respirer encore.

Alertés, les responsables de l’intervention comprennent qu’ils ont fait des suppositions infondées. En effet, ils ont tout d’abord supposé que l’avion ne transportait que l’équipage. En plus, ils ont considéré que l’équipage ne pouvait se trouver que dans le cockpit. Et comme ce dernier était totalement en flammes, il était tout aussi clair que toute personne s’y trouvant était morte depuis longtemps. En suivant cette logique, aucune opération de sauvetage n’était nécessaire et par conséquent rien ne fut tenté dans ce sens.

Comme ils ignoraient le nombre d’occupants, les responsables agissent de manière non conservative et supposent que l’avion en transporte un minimum, soit l’équipage. Les faits leurs donnent affreusement tort. Tout d’abord, il n’y avait personne dans le cockpit. Dès que l’avion s’est immobilisé, Les pilotes avaient quitté le poste et s’étaient dirigés vers l’arrière pour ouvrir les issues et secourir les passagers. Par contre, toutes leurs tentatives d’ouvrir les portes sont restées vaines. La rampe de chargement arrière refusa de s’abaisser et les portes latérales ne s’ouvraient pas à cause de la déformation de la carlingue.

Un vérin hydraulique fut amené et une porte forcée depuis l’extérieur. Quand elle s’écarta, plusieurs corps calcinés bas-culèrent sur les pompiers. Les efforts redoublés permirent de sortir 7 survivants brûlés à divers degrés. Le bilan fût de 34 victimes. D’après l’avis même des enquêteurs Néerlandais, une bonne partie d’entre eux auraient pu être sauvés si la situation avait été appréciée à temps.


Remarque : les avions militaires ne sont pas obligés d’avoir des enregistreurs de vol et souvent ils n’en n’ont pas. Quand ils sont victimes d’accidents, ces derniers ne sont pas investigués par les autorités civiles, mais pas les autorités militaires. Leur travail ne se fait pas dans le cadre de l’Annexe 13 de la Convention de Chicago et les résultats de leur enquête n’est pas nécessairement rendu public.

PSA vol 182 – Abordage entre avion de ligne et avion de tourisme

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Malgré l’instauration de zones terminales autour des aéroports et l’usage de plus en plus généralisé du radar, chaque année au moins un avion de ligne s’écrasait suite à une collision. Même si les conflits entre appareils de transport public devenaient de plus en plus rares, il n’en demeurait pas moins que ces derniers étaient toujours sous la menace d’une mauvaise rencontre avec un avion de tourisme. Lors de ces occurrences, le petit appareil est toujours détruit avec perte totale des vies humaines. Le grand subit un sort variable en fonction de la configuration de l’impact.

Le 27 juillet 1973, un Boeing 727 de la FAA percute un Cessna 172 transportant 3 personnes qui sont toutes tuées. Le Boeing atterrit sans trop de soucis. Au contraire, en été 1971, c’est les 155 occupants d’un Boeing 727 qui décèdent après que leur appareil fut percuté par un avion de chasse dont le pilote s’éjecta et arriva au sol sain et sauf.

Le 25 septembre 1978, un grave accident survient au-dessus d’une zone peuplée avec des victimes au sol également. Le Boeing 727 de TSA est en approche sur la piste 27 de l’aéroport international de San Diego quand le contrôleur l’informe qu’un Cessna 172 se trouve droit devant.

Le contrôleur était tenu d’indiquer la position du Cessna mais également la direction dans laquelle il se déplaçait. Cette dernière information ne fut pas communiquée.

 

Durant la saison estivale, on trouve le plus grand nombre de petits avions en l’air. C’est pour cette raison que les belles journées d’été sont les plus propices aux collisions. Dans le Cessna, il y a un instructeur et un élève pilote qui s’entraine à faire des approches aux instruments. Ceux-là aussi ont les statistiques contre eux. En effet, lors des vols de formation au vol aux instruments, l’élève pilote est pris par sa navigation et a l’interdiction de regarder dehors pour prendre des références visuelles. Souvent, son regard est même limité au tableau de bord et par le port d’une visière spéciale. A son tour, l’instructeur est, plus qu’il ne le croit, absorbé par le contrôle des performances de son élève.

L’équipage du PSA annonce avoir le Cessna en visuel et le contrôleur lui demande de maintenir la séparation en visuel. Continuant leurs tâches d’approche, les pilotes perdent rapidement de vue le petit appareil. Ni eux, ni leur collègue occupant le siège d’observateur n’arrivent à le localiser. A ce point, il aurait fallu informer la tour de contrôle qui était munie d’un radar donnant la position exacte de chaque avion volant dans la zone. Un vague message est transmis par le copilote :
– Je pense qu’il passe à notre droite

En même temps, le pilote du Cessna est informé qu’un trafic arrive dans ses 6 heures, donc derrière lui, mais qu’il maintiendra une séparation visuelle. L’instructeur confirme la réception de ce message et ne s’occupe pas plus loin de savoir où se trouve l’avion de ligne qu’il ne peut de toute façon pas voir. Le Cessna 172 a une aile haute et une très mauvaise visibilité vers le haut et vers l’arrière.

 

PSA 182 Abordage

 

Reconstitution montrant la situation relative des deux avions peu avant l’impact. Les pilotes du 727 ne voient pas le Cessna qui évolue en dessous de leur propre plan de vision. Par contre, ils descendent vers lui très rapidement. Remarquez comme le 727 est cabré pour le vol à faible vitesse. En même temps, le Cessna ne permet pas de voir vers le haut et vers l’arrière. L’avion de ligne qui évolue plus rapidement va rattraper le Cessna et le toucher avec l’aile droite.

 

Dans les secondes précédant l’impact, le bout de dialogue suivant est enregistré par le CVR :
Copilote : sommes-nous loin du Cessna ?
Mécanicien : nous sommes supposés être loin
Commandant : je crois que nous l’avons dépassé
Pilote observateur : je l’espère…

A 9:01:28, l’ordinateur du contrôleur d’approche lance une alarme de risque de collision. Par acquis de conscience, l’opérateur informe encore le Cessna qu’il a un Boeing arrivant dans son dos. Par contre, comme il pense que l’équipage du TSA a le petit avion en vue, il n’escalade pas l’alerte plus loin. De toute manière, il n’avait pas le temps de le faire. A 9:01:47, l’aile droite du 727 en descente vient cueillir le monomoteur établi en montée. Sous la violence du choc, ce dernier se désintègre et tombe en pluie. Ses deux occupants sont tués sur le coup.

Il reste 19 secondes avant l’impact quand l’alarme retentit. Mais ca, le contrôleur ne le sait pas au moment où il décide de ne pas suivre l’alerte alors qu’il l’avait l’obligation de la faire remonter (cf. Air Traffic Control Handbook, 7110.65A).

Le Boeing est fortement endommagé. Son aile droite est défoncée au niveau de son emplanture et de nombreuses surfaces de vol tels que les volets et les spoilers sont arrachées. Des tubes de carburant, voir également de pression hydraulique, sont sectionnés et provoquent rapidement un incendie brûlant d’une flamme orange vif.

L’avion de ligne tombe aussi, ne laissant aucune chance aux pilotes. La perte, au moins partielle, de la pression hydraulique, mais aussi la destruction des surfaces de vol rend l’avion totalement incontrôlable. L’étude de l’image ci-dessus montra que les ailerons et la gouverne de profondeur sont braqués dans la bonne direction, mais, à l’évidence, le 727 ne répond pas. Le commandant de bord se contente d’appeler la tour de contrôle pour annoncer calmement que son appareil est en train de s’écraser. Le contrôleur a juste le temps de lui dire qu’il dépêche les équipements sur place et c’est le crash. La chute aura duré près de 21 secondes mais ce n’est pas fini. L’appareil détruit 22 maisons et 8 personnes trouvent la mort au sol. Il y a également de nombreux blessés parmi les habitants de la région. En tout, ce drame aura emporté la vie de 144 personnes. Il déclencha également une vive polémique sur l’opportunité de faire évoluer des avions de ligne au-dessus de zones à forte densité de population. Ce débat n’est pas encore tranché jusqu’à nos jours.

D’après les photos prises depuis le sol, les témoignages et les divers enregistrements, le NTSB détermina que le Cessna était sous l’horizon des pilotes. Approchant à angle relativement cabré, l’équipage du 727 n’avait pas de visuel sur les objets situés proches et plus bas. Il eut fallu qu’un des pilotes détache sa ceinture et ses harnais et se penche complètement pour avoir une chance de voir le Ce 172. De plus, même cette démarche est sans garantie. Le petit appareil aurait été vu contre un arrière plan de routes et de résidences lui assurant un camouflage parfait.

Par ailleurs, quand les séparations sont maintenues à vue par les pilotes, il n’y a aucune distance minimale règlementaire sur le plan vertical ou horizontal. L’évitement est laissé au bon jugement des équipages.

En séparation visuelle, la terminologie FAA parle de well clear. En France, les Règles de l’Air publiées dans le Journal Officiel du 3 mai 2006 utilisent le terme tout aussi vague de bonne distance. Deux avions en vol à vue doivent donc rester à bonne distance l’un de l’autre. Ceci étant la distance à laquelle il n’y pas de risque d’abordage.

 

Ainsi, lorsque l’ordinateur du centre de contrôle signala un conflit possible, l’opérateur ne s’en alarma pas outre mesure. Il est possible qu’un ordinateur lance une alerte en fonction de certains paramètres de proximité, mais en visuel, la séparation est largement garantie. Le PSA n’ayant jamais annoncé avoir perdu le Cessna, il n’était donc pas déraisonnable de penser que son équipage allait piloter de manière à éviter un abordage. Dernier point, mais pas le moins important : le contrôleur avait l’habitude de voir des alarmes de proximité quand les avions maintenaient une séparation visuelle. Jamais il n’avait à intervenir et les choses se passaient le plus normalement du monde.

Une fois n’est pas coutume, la responsabilité de l’accident fut imputée non pas au petit, mais au gros appareil. L’équipage du PSA était fautif pour ne pas avoir alerté les contrôleurs quand il a perdu de vue le petit avion. Comme cause contributive, on retint l’attitude des services de contrôle aérien. Ceux-ci ont laissé deux appareils en conflit possible et aux performances très différentes réaliser une séparation visuelle. Pourtant, ils avaient les deux avions au radar secondaire et pouvaient assurer leur séparation sans le moindre risque.

Un autre membre du NTSB, reprocha aux contrôleurs d’avoir considéré la situation comme statique. Effectivement, le PSA avait annoncé avoir le Cessna en vue, mais 66 secondes plus tard, quand l’alarme de proximité se déclenche, était-il bien sage de considérer que la situation n’avait pas évolué ?

Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’un troisième avion soit intervenu. Ceci donnerait à penser que les pilotes du PSA n’ont jamais eu de visuel sur le Cessna 172 qu’ils ont percuté, mais sur un autre appareil qui disparut dans une direction qui laissa penser à un évitement complet. En effet, à un moment donné, le commandant de bord dit voir le Cessna à 1 heure, alors qu’à cet instant, il est établi qu’il se trouvait dans ses 11 heures. L’implication de ce troisième avion ne fut jamais démontrée.

Air Algérie vol 6289: Panne Moteur Non Gérée

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Tous les jours, quelque part dans le monde, un avion de ligne connaît une panne de moteur au décollage. Heureusement, tous les avions de transport public sont conçus pour supporter une telle panne sans issue catastrophique. Les bimoteurs sont les plus contraignants parce qu’ils perdent la moitié de leur puissance lors de ce genre d’avaries. Ils peuvent avoir un taux de montée de quelques centaines de pieds par minute à pleine charge avec le train d’atterrissage rentré.

Tous les pilotes de multimoteurs décollent avec la panne de moteur en arrière pensée. C’est l’incident le plus probable lors de cette phase du vol. Pour que les bons réflexes soient dans la mémoire à court terme de tout le monde, il y a un briefing qui se fait avant chaque départ. Il tient compte de la météo, des spécificités du terrain et des conditions opérationnelles du jour. Il doit être concis et clair. En général, il ne concerne que la première minute du vol.

En général, l’accélération au décollage se divise en deux grands moments. La première phase débute au lâcher des freins. Tout problème important constaté pendant cette phase conduit à l’interruption du décollage. Elle se termine quand est atteinte une vitesse dite V1. Après cette vitesse, tout problème est traité comme une panne en vol. A V1, le pilote en fonction retire ses mains des manettes pour éviter qu’il ne les ramène vers idle par réflexe si une panne surgit.

Si un moteur s’arrête lors de la seconde phase, le décollage se poursuit. L’avion monte dans l’axe de piste, puis fait un tour et revient atterrir en priorité. Par contre, les premiers instants de la panne sont décisifs. Ils exigent une bonne coordination et une confiance totale entre les membres de l’équipage. Typiquement, le pilote en charge du décollage continue à piloter l’avion tout en adoptant sa technique aux circonstances. Un avion de ligne peut monter à plus de 2’000 pieds par minute lors d’un décollage normal. En cas de panne moteur, le taux de montée possible est de l’ordre de celui d’un monomoteur de tourisme, soit dans les 500 pieds par minute. Le pilote doit faire attention à ne pas laisser la vitesse baisser, comme il ne doit pas chercher à atteindre une vitesse supérieur à V2 ou V2+10 selon les compagnies. Les gestes de base consistent à pousser sur le manche pour aplanir la trajectoire de manière cohérente avec la puissance disponible, puis d’enfoncer le palonnier du coté du moteur sain pour contrer le moment de lacet due à la perte de symétrie de la poussée. Le pilote qui n’est pas aux commandes rentre immédiatement le train d’atterrissage pour diminuer la trainée de l’avion et augmenter les performances. Ces éléments sont rappelés durant le briefing. Une fois ces gestes simples réalisés, l’avion peut continuer à voler pendant des heures. A titre d’exemple, dans le cadre de sa certification, le Boeing 777ER vola pendant 6 heures et 29 minutes au dessus de l’océan sur un seul réacteur.

 

Boeing 777 panne moteur au décollage
Panne moteur au décollage sur Boeing 777 à pleine charge (Malaysia Airlines). Ne pose pas
le moindre souci à un équipage entrainé.
 

Le 6 mars 2003, le vol Air Algérie 6289 doit relier Tamanrasset à Alger avec une escale commerciale à Ghardaïa. L’avion utilisé est un 737-200 immatriculé 7T-VEZ. Cet appareil était l’une des machines les plus puissantes de la compagnie et c’était lui que l’on voyait sur les affiches collées dans les vitrines des agences Air Algérie. Délivré en 1983, ce Boeing commençait à dater et allait de moins en moins à l’étranger. Il restait sûr, mais le bruit de ses réacteurs JT8D-17A à faible taux de dilution devenait insupportable aux non-amateurs d’aviation.

Alors que les passagers sont à l’embarquement, peu avant 15 heures, quelque chose de grave se passe dans le cockpit. Le copilote, une femme de 44 ans, réalise toute seule la préparation du décollage. Le commandant de bord est absent et s’exclut totalement de la chaine du fonctionnement de l’avion. Il considère le décollage comme facile, et fort de ses 20 ans d’expérience, il n’accorde aucune attention à ce qui se passe autour de lui.

Pourtant, un départ de l’aéroport de Tamanrasset n’est jamais banal. Ce terrain situé au milieu du désert a tout de même une altitude de 1’377 mètres et il est entouré des reliefs de la chaine du Hoggar. La piste en service est généreuse, 3’600 mètres, mais elle est souvent fissurée sous les effets conjugués de la chaleur et du soleil de plomb. Le vol, qui part avec trois heures de retard, est bondé et l’avion proche de sa masse maximale. La carte de la compagnie indique qu’en cas de panne moteur au décollage de la piste 02, il faut monter dans l’axe jusqu’au VOR de TMS puis de faire un long virage à gauche pour s’éloigner au cap 239.

L’appareil commence à circuler avec 103 personnes à bord. C’est le copilote qui fera l’étape et le commandant de bord l’assiste. Aucun briefing n’est réalisé et l’éventualité d’une panne moteur jamais évoquée.

A 15:14, la puissance de décollage est affichée et l’avion commence à accélérer. Quelques secondes plus tard, il se cabre pour le décollage et à l’instant où les roues quittent le sol, une formidable explosion est entendue sur le coté gauche. A cet instant, le copilote demandait au commandant de rentrer le train d’atterrissage. Non seulement il ne le fera pas, mais il va lui prendre les commandes. Sur le CVR, le bout de dialogue suivant est entendu au moment de l’explosion :
Copilote : besm Allah, besm allah, besm allah, qu’est ce qui se passe ?
Commandant : Lâche ! Lâche !
Copilote : J’ai lâché ! J’ai lâché !
Commandant : Laisse ! Laisse !

Le copilote est totalement surprise par l’évènement et n’identifie par la panne. Au lieu de lui annoncer l’avarie moteur et de lui demander de tenir V2 tout en rentrant le train d’atterrissage, le commandant de bord saisit les commandes. D’après des tests réalisés en simulateur, il est très difficile à un pilote, même averti, de prendre les commandes à un instant critique. Pour cette raison, les règles stipulent que le pilote aux commandes continue à assurer sa fonction.

L’expérience en simulateur est la suivante : un décollage est réalisé en Boeing 737 puis au moment de la rotation, un réacteur est arrêté. A ce moment, on gèle le simulateur. Puis, on demande à des pilotes de prendre place et de gérer la panne dès que le simulateur sera relancé. Un pilote qui est aux commandes depuis le début de la panne a déjà une bonne sensation de ce que fait l’avion. Il peut le récupérer facilement. Par contre, un pilote qui n’avait pas les mains sur les commandes va exiger plusieurs secondes pour sentir l’avion. Or, au bout de ces secondes, l’avion est déjà dans une situation désespérée. Si le copilote avait pu garder les commandes, elle aurait eu bien plus de chances de sauver l’avion.

Le commandant n’a, par ailleurs, aucune confiance dans son copilote. Cette dernière fait partie d’une nouvelle génération arrivée aux commandes des avions sans sélection professionnelle. Dans l’Algérie des années 90, quand un responsable du personnel signait un contrat à un pilote, c’est qu’il rendait service à la personne qui l’avait recommandé. Il n’y avait ni candidats, ni sélection, ni dossiers. L’unique façon d’arriver aux commandes d’un avion de ligne était d’avoir un proche bien placé. Le reste, n’avait aucune espèce d’importance.

Ces situations déloyales créées au niveau du management, se répercutent sur le terrain par des pilotes de moins bonne qualité auxquels personne ne fait vraiment confiance. Quand arrivent des instants fatidiques pour lesquels les pilotes sont bien payés et longuement formés, le bon geste n’est pas réalisé. Malheureusement, ces configurations se retrouvent régulièrement en Afrique et contribuent fatalement à diminuer la sécurité des compagnies de ce continent.

Isolée et lâchant les commandes, le copilote ne sait plus trop quoi faire. Elle demande timidement :
– Gear-up ou bien ?

Traduisez : « est-ce que je rentre le train d’atterrissage ou est-ce que je le laisse sorti ? ». Les tables de performances de l’appareil sont on ne peut plus explicite. A charge maximale, si le train est sorti, le taux de montée théorique n’est que de 150 pieds par minute. De plus, cette valeur suppose une technique de pilotage parfaite que le moindre stress ou faux geste vient dégrader. En simulateur, ce taux variait entre +300 et -300 pieds par minute. En substance, il n’est pratiquement pas possible de voler un 737 en monomoteur avec le train d’atterrissage sorti.

Comme le commandant de bord ne répond pas à sa question, le copilote appelle la tour de contrôle :
– On a un petit problème, 6289

Il s’agit effectivement d’un petit problème, mais la mauvaise gestion va en faire un drame national. Plus urgent est à faire, le contrôleur peut très bien vivre sans être au courant de cette panne. Il y aura tout le temps de l’avertir quand le vol sera stabilisé.

 

Panne moteur gauche sur Boeing 767 au décollage à pleine charge (US Airways). Remarquez l’aileron droit levé et l’aileron gauche baissé. Le pilote braque le manche à droite pour contrer la tendance de l’avion à s’incliner sur la gauche, c’est-à-dire vers le moteur en panne. Le train d’atterrissage finit à peine de rentrer. Une fois équilibré par quelques gestes simples, l’avion peut voler pendant des heures sur un seul moteur.

 

Le commandant de bord est totalement surpris par la panne également. Il n’est même pas sûr qu’il ait pensé du tout avoir affaire à une panne de moteur. Une fois qu’il tient le manche,il garde la même assiette de montée, soit 18 degrés. Sur deux moteurs, ça donne +1’800 pieds par minute au variomètre. Sur un seul, c’est le décrochage assuré.

Le copilote comprend que le commandant est entrain de faire une bourde. Le stick shaker est entendu plusieurs fois et le GPWS envoi une alarme vocale « Don’t Sink ! ». Elle remet les mains sur les commandes.
– Lâche ! Enlève ta main ! s’écrie le commandant
– S’il vous plait ! répond le copilote d’une voix suppliante
– Enlève ta main ! Enlève ta main !

L’enregistrement se termine sur cette phrase. Alors qu’il avait atteint plus de 120 mètres de hauteur, l’équivalent d’un immeuble de 30 étages, l’appareil commence à revenir vers le sol de plus en plus vite. S’enfonçant dans le décrochage, il passe le seuil de piste et s’écrase contre le sol. Avant même qu’il ne s’arrête de glisser, il se transforme en boule de feu.

Sur les avions de ligne, au-dessus du train principal, il y a les réservoirs de carburant. Ceux-ci sont montés de sorte à ce que le train d’atterrissage, et pas la structure, supporte le maximum de leur poids lors de l’atterrissage. Quand un crash arrive le train sorti, le fut de celui-ci vient percer le réservoir et libérer le carburant. C’est comme donne un coup de masse sur un ciseau à froid posé sur une bouteille de gaz. L’avion s’embrase immédiatement.

L’accident ne fut pas classé comme survivable et la totalité des occupants du Boeing trouvèrent la mort sauf un.

 

 

Trois critères importants déterminent la survavibilité d’un crash. Il y a, tout d’abord, la valeur des forces de décélération. Si elle est trop élevée, elle devient incompatible avec la vie par lésion des organes internes. Le second élément, c’est l’intégrité des ceintures de sécurité, des harnais et des sièges. Le dernier est la conservation de l’espace habitable. Une violation importante de cet espace est incompatible avec la survavibilité du crash.

 

L’unique survivant était assis tout à l’arrière et sa ceinture n’était pas attachée lors de l’impact. Quand un moteur explose au décollage, il arrive souvent que des passagers détachent leurs ceintures de sécurité dans un réflexe de fuite. Dans ce cas, c’est ce qui sauva ce passager. Au lieu de subir une décélération violente, il fut projeté. Ceci absorba une partie de l’énergie et il eu la chance d’atterrir sur d’autres éléments amortissants. Cependant, il ne faut pas considérer l’absence de ceinture comme un élément favorable. Dans la majorité des cas, seuls ceux qui n’avaient pas ceinture sont tués ou gravement blessés. Lors de ce crash, le chef de cabine n’était pas attaché non plus. Alors qu’il était assis tout à l’arrière, il fut projeté vers l’avant et traversa les 36 mètres de l’avion pour aller s’écraser dans le cockpit.

L’accident du vol 6289, avec 102 victimes, est le plus grave jamais survenu en Algérie. Selon l’annexe 13 de la Convention de Chicago, une panne moteur n’est même pas un accident.

Voir aussi :
– Vidéo d’une panne moteur au décollage avec des pilotes correctement entrainés à bord.

 

Accident de l’Air Florida vol 90

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Cet accident est typiquement cité en exemple à chaque fois qu’il s’agit de parler de facteurs humains. Il montre comment le détachement et le manque de connaissances des systèmes de l’avion peuvent empêcher d’identifier les problèmes et d’agir en conséquence. On voit également un copilote qui sent le drame venir, mais qui n’ose pas contrarier le commandant de bord. 

Il fait une météo épouvantable sur la Cote Est des Etats-Unis ce mercredi 13 janvier 1982. La ville de Washington est plongée dans la pagaille et l’aéroport est fermé plusieurs fois de suite. La rivière Potomac est gelée et le courant charrie d’énormes blocs de glace.

Le vol Air Florida 90 est programmé pour 14:15 heure locale, mais comme tous les autres appareils, le 737-200 reste au parking. Seuls dans le cockpit, les pilotes observent les engins des services de l’aéroport qui s’activent pour déblayer la neige plus vite qu’elle ne tombe. Leur rentrée en Floride semble de plus en plus compromise.

Les passagers sont tout de même embarqués et l’équipage est prêt pour un départ immédiat dès l’ouverture des installations. Comme les précipitations semblent diminuer, le commandant de bord demande un dégivrage complet de l’appareil. Des techniciens du sol s’approchent avec un camion citerne et commencent arroser l’avion par des jets sous pression de fluide type II de l’Union Carbide. Il s’agit d’un mélange d’eau et de glycol qu’on chauffe autour de 70 degrés.

Une mauvaise nouvelle arrive : l’ouverture de l’aéroport est encore repoussée et 5 à 6 avions sont placés en liste d’attente avant le Florida 90. Le commandant de bord n’a plus de choix que d’annuler l’opération de dégivrage en cours.

Peu avant 15 heures, le dégivrage est repris jusqu’à ce que l’avion soit parfaitement propre. Néanmoins, dès que le jetway est écarté la neige recommence de plus belle et forme un manteau sur les ailes et la carlingue. L’équipage contacte la tour de contrôle et obtient l’autorisation de circuler pour la piste 36, orientée plein nord (aujourd’hui piste 01). Pour cela, il faut que l’appareil soit d’abord poussé en arrière, c’est le push-back. Les techniciens d’American Airlines placent une barre sur le train avant et la relient à leur puissant tracteur. Dès qu’ils commencent à pousser, les roues du tracteur se mettent à glisser sur la neige et à tourner dans le vide. Il faut installer des chaines.

Le commandant de bord suggère d’utiliser l’inversion des poussées des réacteurs. Les techniciens au sol le découragent, mais il le fait quand même et l’appareil tente de reculer par ses propres moyens. Les réacteurs, surtout ceux du 737-200, ne doivent pas être activés en inversion de poussée à faible vitesse et encore moins à l’arrêt. Lors de ce fonctionnement, de l’air chaud et repoussé vers l’avant et réabsorbé par le compresseur. Ce recyclage peut conduire à la surchauffe rapide du moteur.

A bout d’une minute ou deux, les pilotes laissent tomber leur manœuvre et arrêtent les réacteurs sans même prendre la peine de faire rentrer le dispositif d’inversion de poussée. A 15:30, arrive un nouveau tracteur équipé pour la neige et l’avion est repoussé. Les pilotes démarrent les réacteurs et referment les pelles des inverseurs puis se mettent à circuler vers la piste. Sur les ailes et la carlingue, de grandes quantités de neige sont accumulées. Pourtant, lors du déroulement de la check-list après démarrage, le commandant de bord répondOFF pour la position du système antigivrage.

Alors qu’ils se mettent en file d’attente pour le décollage, le copilote s’inquiète au sujet de la neige et en discute avec le commandant de bord. Ce dernier argumente que de toute façon, les dépôts seront chassés par l’air pendant l’accélération (fausse conception). Pas très convaincu, le copilote accepte tout de même cette explication.

 


Air Florida 90 - Avant le décollage
Photo prise par le passager d’un autre avion 10 minutes avant le décollage.
Le Boeing d’Air Florida est sensé avoir été dégivré. Pourtant, de la neige est nettement
visible sur la carlingue. Il y en avait autant sur les ailes…
 

 

 


Air Florida 90 - N62AF
Photo de l’avion accidenté (N62AF). Permet de mieux apprécier
l’étendue de la neige sur l’image précédente.
 

 

Inquiet tout de même pour le givrage, le commandant de bord invente une nouvelle méthode pour s’en débarrasser. Il relâche les freins et laisse son avion s’approcher d’un DC-9 qui le précède. Il espère que l’air chaud expulsé par les réacteurs de ce dernier ira faire fondre la neige accumulée sur son 737. Le copilote a une remarque très pertinente :
– Mon gars, c’est une bataille perdue. Ce que tu fais là ne sert à rien d’autre qu’à te donner un faux sentiment de sécurité.

Le dernier avion est autorisé à décoller puis ce sera le tour de l’Air Florida 90. L’appareil s’aligne sur la 36 et c’est le copilote qui tient les commandes pour faire l’étape. Les manettes sont poussées jusqu’à ce que l’EPR de décollage est affiché, soit 2.04.

Alors que l’avion commence à accélérer, le copilote voit que les indications des moteurs ne sont pas normales. Le bout de dialogue suivant commence un peu avant le décollage et se termine au crash quelques centaines de mètres plus loin.
Copilote : La piste est mouillée tu veux que je face quelque chose ou juste un décollage normal ?
Commandant : A moins que tu aies envie de faire quelque chose de spécial…
Copilote : Je pense relever le nez assez tôt comme sur une piste en terre battue.

Le commandant de bord ne répond pas. L’avion est autorisé à entrer en piste puis à décoller :
Copilote : regarde, il y a quelque chose qui ne va pas !
Commandant : non ça va bien, on a 80 nœuds maintenant
Copilote : Non je ne crois pas que c’est correct !
Copilote : c’est peut être ok après tout
Commandent : 120 nœuds
Copilote : je ne sais pas
Commandant : V1, VR et V2

A cet instant, alors que les roues quittent à peine le sol, le bruit du stick shaker indique un décrochage imminent
Commandant : pousse sur le manche ! Pousse ! Ne tire pas autant ! On a besoin d’à peine 500 [pieds par minute]
Commandant : pousse encore, laisse-le à peine monter !
Copilote (criant) : Larry, on s’écrase, Larry !
Commandant : je le sais !

Ce fut leurs dernières paroles. Le Boeing survola le bout de piste et commença à replonger vers le Potomac. Traversant la rivière, un pont en métal est bondé de voitures prises dans un embouteillage. L’avion arrive directement dessus et avant même que les gens au sol ne puissent réagir, 6 voitures et 1 camion sont fauchés. L’avion continu sa chute et se fracasse contre la surface de l’eau. En quelques secondes, il s’enfonce jusqu’à la queue. Seule une partie de la dérive verticale reste émergée.

 


Autre vue de la rembarde arrachée par le train d'atterrissage du Boeing 737
Photo par dessous : rambarde arrachée
par les véhicules emportés par le train d’atterrissage
 

 

Les pilotes et la majorité des passagers perdent la vie sous le choc. Quelques uns, assis à l’arrière, réussissent à sortir de l’avion pour se retrouver dans l’eau. Un hélicoptère Bell qui passait par hasard descend à un mètre au dessus de l’eau et son pilote jette une corde. Une personne s’y accroche et elle est tirée vers la berge. Plusieurs fois elle lâche la corde et plusieurs fois l’hélico revient au-dessus de sa tête. Un homme sort du Boeing, mais il revient aider d’autres. Il sort une personne puis revient en chercher une autre. Il sera vaincu par le froid et ne ressortira plus. Il comptera parmi les victimes sans que l’on ne puisse jamais déterminer qui c’était.

 

 

Bell 206-1L Air Florda 90 Crash

Cet hélico de type BELL 206-1L immatriculé N2PP et appartenant à l’US Park Police sauva de nombreuses personnes des eaux glaciales du Potomac. Les images prises par les caméras de télévision présentes sur place firent le tour du monde.
Il était piloté par un certain Donald W. Usher qui volait en companie d’un infirmier (Melvin E. Windsor). Ce dernier passa une corde à laquelle une personne s’est arrochée puis elle fut tirée vers la berge. Plusieurs fois elle perdit la corde et plusieurs fois le pilote remis l’hélico au-dessus de sa tête dans une scène de sauvetage époustouflante.Le pilote pris des risques considérables. A un moment donné, les patins de l’hélico furent enfoncés sous l’eau pour permettre à une victime de s’y accrocher.

 

Sur le pont dévasté, il y a 4 morts. La catastrophe fait au total 78 victimes. Seuls cinq passagers assis à l’arrière en réchappent après un séjour dans les eaux glacées.

Plusieurs centaines de témoignages sont recueillis par le NTSB. L’appareil avait à peine décollé et volait à très faible altitude. En arrivant sur le pont, il était cabré de 30 à 40 degrés et continuait à s’enfoncer. A l’impact avec les véhicules, de gros morceaux de glace se détachèrent de l’avion. Plusieurs mètres de rambarde du pont furent arrachés et l’avion tomba dans l’eau presque à plat puis commença à couler le nez en premier.

 


Opérations de secours et de récupération de l'épaveChaos après le crash. Remarquez la neige.
 

 

 


Opérations de secours et de récupération de l'épave de nuitOpération de secours et de récupération durant la nuit
 

 

 


Air Florida 90 - Tail
Récupération de la partie arrière du Boeing 737
 

 

Les expériences réalisées après le crash ont aussi permis de comprendre l’effet néfaste des inverseurs de poussée utilisées pour reculer par temps de neige. L’air chaud repoussé vers l’avant fait fondre la neige accumulée sur l’aile et celle-ci regèle immédiatement sous forme de verglas bien plus dangereux et adhérent. Selon les observateurs au parking, la neige au sol était fondue sur plus de 5 mètres autour de chaque réacteur lors de la tentative de recul. L’effet des inverseurs de poussée sur le givre avait été communiqué par Boeing dès 1979 et était un élément considéré comme connu par tous les opérateurs à l’époque du crash.

Ensuite, le choix de ne pas activer le dégivrage des réacteurs fut désastreux. Parque les sondes de pression étaient bouchées par le givre, l’indication d’EPR dans le cockpit était fausse et largement surestimée par les instruments. En plus d’avoir les ailes contaminées par le givrage, l’appareil n’avait pas assez de puissance pour s’envoler. Pendant toute la séquence, les manettes n’ont pas été poussées plus loin, ni le train d’atterrissage rentré.

Par ailleurs, à 20 mètres, la température des gaz d’éjection d’un réacteur de DC-9 est de l’ordre de 24 degrés et diminue rapidement avec la distance. Un tel flux ne peut pas être utilisé pour dégivrer l’avion de manière sûre et efficace.

Le 737-200 fut modifié suite à ce drame. Le système de dégivrage (TAI) fut réglé de manière à ce qu’il puisse fonctionner même au sol. Avant, les pilotes avaient une technique officieuse qui consistait à maintenir le bouton de test appuyé.

Le comportement de l’équipage, le commandant de bord particulièrement, fut un exemple de ce qu’il faut à tout prix éviter. Le commandant a ignoré toutes les remarques de son copilote concernant le givrage ou les oscillations des paramètres moteur. Alors qu’il était au décollage, le copilote constate un problème et en parle plusieurs fois sans attirer l’attention du commandant. L’accélération dura 45 secondes alors qu’elle ne dure que 30 secondes habituellement. Ceci aurait du inciter le copilote à avorter le décollage.


Photos du Sauvetage

 


Air Florida 90 victimes dans l'eau
6 personnes sont dans l’eau après le crash
mais les secouristes sur les berges ne peuvent pas y accéder.
Les bateaux pneumatiques n’avancent pas sur la glace…
 

Air Florida 90 Hélico
Le pilote pose un patin sur l’eau.
L’infirmier se met sur le patin et attrape une victime.

Air Florida 90 Hélico Sauvetage
Le patin passe sous l’eau. Il faut tout l’habileté
d’un ancien du Vietnam pour tenir dans ces conditions

Air Florida 90 Hélico Sauvetage
La victime est arrachée de l’eau glacée et tenue tant
bien que mal par l’infirmier.

Air Florida 90 Hélico Sauvetage
La victime est donnée aux sauveteurs qui l’attrapent au vol
pour permettre à l’hélico de revenir tout de suite sur la zone.


A voir également
– Enregistrement CVR de l’Air Florida 90

Jugement et prise de décision – Introduction

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Dans leur exercice de tous les jours, les pilotes sont tenus de prendre de nombreuses décisions qui découlent de choix imposés par les circonstances. Choisir, c’est prendre certaines voies, mais c’est aussi renoncer à d’autres. L’option d’annuler et de revenir en arrière n’est pas toujours disponible.

Le commandant de bord, qui est le décideur principal à bord d’un avion, doit pouvoir faire des choix éclairés qui ne sont pas forcément anodins. Annuler un vol peut coûter très cher à la compagnie aérienne et met tout le monde dans une situation délicate vis-à-vis des passagers et des partenaires techniques et commerciaux. Initier une évacuation, c’est 200’000 dollars de casse au niveau de l’avion, voir même des blessés ou des morts sur des mouvements de panique ou des bousculades. Si la décision est prise à bon escient elle passe, mais on ne le sait jamais d’avance. Parfois, on ne peut jamais le savoir du tout.

Plus une prise de position est importante, plus elle a de chances de mettre les pilotes à l’épreuve. Dans certains cas, elle fait reposer sur leurs dos un poids qu’aucun humain ne peut supporter sans défaillance.

Une bonne décision permet toujours d’arriver à bon port. Ce qui est, après tout, le but premier du pilote. Dès que les avions ont été inventés, on a vu la possibilité d’y embarquer des gens avec armes et bagages et de les transporter d’un endroit à l’autre contre de l’argent. Pour cela, il faut un appareil et il faut des pilotes. La raison d’être de ces derniers est la réalisation sûre de la mission. Tout le reste, passe, ou devrait passer, après.

Par contre, et c’est là que les choses se compliquent, une mauvaise décision permet, dans de nombreux cas, d’arriver à bon port également. Les avions sont conçus pour pardonner une erreur ou une série d’erreurs tant qu’elles ne concourent pas toutes dans le même sens. Ce phénomène permet de faire tourner certaines compagnies dans un mode dégradé afin de réaliser plus de bénéfices. En effet, plus on fait d’économies sur la sécurité, plus les bénéfices à court terme, voir les actions en bourse, remontent. De nombreux ouvrages traitent de ce point précis. En tous les cas, il ne faut jamais considérer comme bonnes des décisions parce qu’un vol s’est quand même bien terminé.

Afin de juger, on doit avoir la capacité de distinguer entre les bonnes et les mauvaises solutions. On peut même rajouter qu’une fois cette distinction faite, il faut avoir l’attitude d’esprit qui consiste à aller vers la bonne. A ce point il s’agit d’éthique, mais de nombreux autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte et influencer tout le processus. Par exemple, il n’est pas possible de s’attendre à un comportement sain de la part d’un équipage fatigué. De nombreux accidents ont eu lieu par-ce que les pilotes ont pris des décisions inconcevables qui prouvent qu’ils étaient dans un état diminué. A coté de phénomènes marginaux comme l’alcool ou des maladies cachées, on peut aussi trouver des situations de prise de médicaments qui sont assez courantes. Une fois que les pilotes ne sont pas en l’air, ils doivent aller à l’hôtel et dormir vite pour être d’aplomb pour le vol du lendemain. Dans de nombreuses issues dramatiques, les analyses révèlent la présence de substances somnifères consommées sans ordonnance. Les voyages et les décalages horaires donnent facilement des troubles de sommeil. Même si l’effet d’une nuit blanche est plus incapacitant que l’effet résiduel d’un somnifère sans ordonnance, la question reste intéressante.

Un jugement peut être faussé par la qualité et la disponibilité d’informations nécessaires à sa réalisation. Cela peut aller de l’erreur d’interprétation d’un message du contrôleur, jusqu’à un manque de connaissances du pilote dans certains domaines ayant trait à son métier. Il n’y a pas que le pilote qui se trompe, les techniciens, les contrôleurs, les managers de la compagnie… etc. peuvent prendre individuellement ou collectivement des positions qui compromettent la sécurité des vols.

Le Péril Aviaire – Situation et Chiffres

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D’après les chiffres FAA, rien qu’aux USA, les collisions entre les avions et les oiseaux causent pour 600 millions de Dollars de dégâts par an. Les avions endommagés se retrouvent souvent dans des situations difficiles qui menacent la sécurité des personnes et des biens. Un retour d’urgence au terrain exige un largage de tonnes de carburant dans l’atmosphère puis l’immobilisation et la réparation de l’avion impliqué.

Quand l’incident se passe sur un aéroport, c’est l’administration de ce dernier qui passe à la caisse pour des montants qui peuvent aller jusqu’à plusieurs millions de dollars par cas. En novembre 1998, The Port Authority of New York versa 5.3 millions de Dollars à Air France en dédommagement d’une partie des dégâts causés par une collision d’un Concorde avec des oies à l’aéroport de John F. Kennedy. On se rend compte de la puissance destructrice sachant que l’impact au décollage avec un volatil de 5 kilogrammes génère autant de force qu’une masse de 400 kilogrammes lâchée depuis une hauteur de 3 mètres.

L’ingestion par les réacteurs est de loin la plus dangereuse. Ces dernières décennies, on a assisté une baisse du trafic des avions munis de 3 ou 4 réacteurs. En même temps, il y a une forte croissance des avions biréacteurs. Ceci s’est aussi accompagné d’une baisse importante des émissions sonores. Un avion rapide et peu bruyant surgit dans un banc d’oiseaux sans que ceux-ci n’aient le temps de le voir venir.

Le 23 septembre 1995, l’US Air Force perd un AWACS à El-mendorf en Alaska. L’appareil, équivalent à un Boeing 707 civil, était au décollage quand il entra dans un banc d’oies qui croisait la trajectoire d’envol. Plusieurs réacteurs s’enflammèrent et l’appareil s’écrasa en bout de piste provo-quant la mort de ses 24 occupants.

Le 21 août 1997, c’est un 737-300 de Southwest qui passe dans un banc d’oiseaux alors qu’il est en descente sur Tampa en Floride. Le hublot avant gauche, celui qui se trouve devant le commandant de bord, explose sous le choc. Les débris de verre sont retrouvés jusqu’en première classe. L’appareil atterrit sans encombre mais plusieurs personnes sont hospitalisées.

Le 28 août 2000, un Boeing 747 de KLM heurte un volatil lors du décollage de Los Angeles. Des éléments de structure sont endommagés et l’avion doit revenir atterrir après avoir largué 83 tonnes de carburant au-dessus de l’océan. Les 449 occupants sont saints et saufs, mais la facture est salée.

Quelques jours plus tard, le 1er septembre, un avion chargé de faire Dakar – Paris avale des oiseaux lors de son approche sur le terrain de départ. La faiblesse des moyens techniques disponibles localement fait que les 400 passagers en partance pour la France doivent passer trois jours à bivouaquer dans l’aéroport en attendant une éventuelle réparation.

Moyens de lutte
En France, d’après les autorités de l’aéroport de Toulouse Blagnac, on enregistre chaque année plus de 100 collisions significatives avec des oiseaux. Celles-ci provoquent soit de la casse, soit une immobilisation plus ou moins prolongée de l’avion pour inspection et endoscopie des réacteurs. Plus de la moitié des incidents (60%) surviennent à une hauteur de moins de 50 pieds, c’est-à-dire, sur les aérodromes. Depuis la fin des années quatre-vingt, ces derniers se sont dotés d’un Service du Risque Aviaire (SRA) dépendant généralement des pompiers. Celui-ci utilise des techniques d’effarouchement comme un véhicule équipé de générateur de cris de détresse ou même des fusées crépitantes pour les animaux les plus récalcitrants. Malgré cela, le nombre d’incidents a augmenté deux fois plus vite que le nombre de mouvements, poussant les autorités à envisager des moyens de lutte basés sur l’écologie même des sites aéroportuaires.

Grâce à une étude de chaque incident , des statistiques très précises sont élaborées. Il en ressort que les rapaces sont impliqués dans un tiers des cas. Ceux-ci appartiennent à une espèce protégée rendant la lutte délicate

 

risque de collision avec les oiseaux
Graphique représentant le taux d’implication de chaque espèce dans les collisions (DGAC France)
Les rapaces tels que le Faucon Crécerelle, la Buse Variable ou le Milan Noir se nourrissent essentiellement de rongeurs qui prolifèrent aux abords des pistes. La lutte contre le péril aviaire s’est donc orientée vers l’éradication de ceux-ci. C’est dans cette optique, que depuis 2002, toutes les plantations de blé sur les aéroports ont été bannies. Les décharges publiques sont règlementées et tenues à bonne distance.

Dans certains pays, il existe des risques connus liés à des oiseaux locaux ou migrateurs. L’information est relayée aux pilotes par l’ATIS, Notam ou même BIRDTAM.

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Lufthansa vol LH4218 – Erreur de Maintenance et catastrophe évitée de justesse

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Le 21 mars 2001, un Airbus A320 de Lufthansa s’aligne sur la piste 18 de l’aéroport de Francfort. Destination : Paris Charles de Gaulle. A son bord, avaient pris place 115 passagers et 6 membres d’équipage. C’est le commandant de bord qui réalise le décollage pour cette étape.

Au moment de la rotation, l’appareil se penche légèrement à gauche. Le commandant tente de corriger, mais l’inclinaison s’accentue encore. En une fraction de seconde, l’appareil penche 22 degrés à gauche et l’extrémité de l’aile est à quelques dizaines de centimètres de toucher la piste. Immédiatement, le copilote appuie sur le bouton Take Over de son stick et annonce qu’il prend les commandes. Il corrige avec succès la mauvaise attitude de l’avion et entame la montée vers le niveau 120.

Il faut déjà remarquer l’extraordinaire réflexe du copilote. Chez la majorité des compagnies aériennes, il aurait hésité encore plus longtemps avant de tenter de prendre le contrôle de l’appareil. L’avion aurait percuté le sol et fini en boule de feu contre un bâtiment d’aérogare. C’est la règle. Seule une formation CRM sans failles et un cockpit équilibré ont fait la différence entre l’incident et la tragédie ce jour là.

Arrivés à une altitude raisonnable, les pilotes constatent que le manche gauche agit sur l’avion en inversant les ordres. Quand le commandant tente une inclinaison à droite, l’Airbus s’incline à gauche. Ceci explique la perte de contrôle au moment du décollage. Heureusement, le stick du copilote fonctionne correctement. C’est donc ce dernier qui est utilisé pour un retour d’urgence sur le terrain. L’atterrissage se déroule normale-ment et il n’y a ni blessés, ni casse de matériel.

Les enquêteurs allemands du BFU s’intéressent au parcours de l’appareil dans les heures précédent son vol. C’est sans surprise qu’ils apprennent qu’il sortait d’une opération de maintenance qui avait duré deux jours. En effet, un des ordinateurs de gestion des commandes de vol (ELAC) avait montré des signes de problèmes lors de vols précédents. Grâce à une construction modulaire, l’ELAC 1 ou 2 peuvent être remplacés très facilement. Il suffit de retirer l’unité défectueuse et remettre une autre à sa place. Les branchements se font par des prises qui assurent une mise en place rapide et sans soudures ou gestes inutiles.

Malheureusement, au moment du branchement, les techniciens constatent qu’un des pins de la prise est tordu. Quand ils essayent de le redresser, il se casse. Ceci signifie qu’il faut changer toute la prise. L’opération de maintenance partie pour 5 minutes, exigera l’immobilisation de l’appareil pendant deux jours et la reconnexion de 420 câbles sur une nouvelle prise.

Pour réduire le risque d’erreurs, les câbles sont débranchés un par un puis immédiatement connectés à la nouvelle prise. Un câble est débranché, puis connecté sur la nouvelle prise avant qu’un second soit débranché et ainsi de suite. Deux équipes se relayent pour terminer le travail qui est finalement contrôlé par un électronicien certifié A320.

Lors de l’intervention, les techniciens on eu besoin de schémas électrique relatif à l’avion immobilisé. Dans les locaux de la compagnie, plusieurs sets de plans étaient disponibles. Une première sélection devait être faite en fonction du numéro de série de l’appareil. Par la suite, il fallait choisir dans le lot les plans en fonction de certaines modifications techniques recommandées par le constructeur et qui avaient été réalisées totalement ou partiellement sur certains A320 mais pas encore sur d’autres. En exagérant un peu, on peut dire qu’il n’y avait pas deux A320 câblés de la même manière. Le choix du bon schéma était critique, néanmoins, c’est un mauvais schéma qui a été utilisé.

Dans cet avion, une autre particularité venait pimenter l’intervention. Les fils électriques partant du side stick et allant jusqu’à la prise de l’ELAC voyagent par couple fil rouge / fil bleu. Dans le tableau de connexions, la convention est que le premier set de chiffres donne les coordonnées d’installation du fil rouge et le second set ceux du fil bleu. Ceci est valable par-tout sauf pour 2 paires de fils : la paire 0603 et la paire 0597 doivent aller dans les positions 3C/3D et 15J/15K mais dans le sens inverse de la convention. Ainsi, quand il arrive à la paire 0603, le technicien doit se faire violence pour connecter le fil bleu en 3C et le fil rouge en 3D. Pareillement, au niveau de la paire 0597, il ne faut pas oublier d’inverser la convention et de connecter le fil bleu et pas le fil rouge en position 15J.

Les anomalies ci-dessus avaient été générées par une volonté du constructeur Airbus de normaliser les connexions sur tous ses avions. Ainsi, sur les dernières séries, de l’A320 à l’A340 en passant par l’A330, le câblage est réalisé de la même manière. Ceci réduit justement le risque d’erreurs et permet d’unifier les techniques de maintenance. Par contre, sur les anciennes séries de ces modèles, les connexions sont à che-val entre l’ancien et le nouveau système. Le nombre de documents impliqués et leur confusion ont fait qu’il n’était quasiment pas possible d’obtenir un remplacement correct de la prise ELAC de l’Airbus impliqué dans l’incident. Ce dernier avait quatre fils inversés à la fin de la maintenance : les paires 0597 et 0603.

Comme toujours, d’autres éléments sont venus s’ajouter dans la construction de l’incident. Avant de remettre l’avion en ser-vice, un test fonctionnel avait été réalisé. Les circuits hydrauliques avaient été mis sous pression et le side stick de droite déplacé dans tous les sens. Les surfacent de vol avaient un comportement cohérent avec celui des commandes. Par contre, le side stick gauche, celui du commandant de bord ne fut pas testé. Auquel cas, les techniciens n’auraient pas manqué de remarquer que lorsqu’on le pousse à droite, les ailerons droits s’abaissent et les ailerons gauches se lèvent.

Lors du test des gouvernes durant le roulage, les pilotes rien remarqué d’anormal. Ces derniers avaient dans leur check-list, et donc pour habitude, de contrôler uniquement la disponibilité d’une déflection totale des surfaces de vol. La cohérence de cette déflection n’était pas contrôlée.

Suite à ces nombreux manquements, erreurs et confusions, un avion de ligne est arrivé à une seule case de la catastrophe. Encore là, les pilotes avaient une moyen de sauver l’avion, ce n’est pas toujours le cas.

Eastern vol 855 : 3 réacteurs en panne sur un… triréacteurs

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L’erreur de maintenance est particulièrement puissante dans ce sens qu’elle peut détruire la redondance d’un système en y introduisant des pannes de cause commune. Un technicien peut instruire la même erreur dans plusieurs systèmes d’un avion. C’est ce qui arriva dans le cas du vol Eastern 855 le 5 mai 1983. Rarement dans les annales de la sécurité aérienne est un avion a pu revenir d’aussi loin.

Le Tristar L1011 d’Eastern décolla de Miami peu avant 9 heures du matin pour Nassau, Bahamas, à 300 km de là. En plus des 10 membres d’équipage, 162 passagers avaient pris place pour ce vol de 37 minutes.

L’avion monta rapidement au niveau 230 et garda cette altitude de croisière pendant quelques minutes. Enfin, les manettes des réacteurs furent ramenées au ralenti et la descente commença. Ce vol court exigeait un enchainement rapide et précis des gestes, aussi il était l’occasion de contrôles en vol que subissent régulièrement les pilotes. Dans le cockpit, il y avait le commandant de bord, un instructeur de la compagnie qui jouait le rôle de copilote ainsi qu’un mécanicien de bord affairé devant ses jauges.

Alors que le Tristar passe les 15’000 pieds en descente, une lumière rouge signala une baisse de pression d’huile sur le réacteur numéro 2. Immédiatement, il fut coupé et le commandant décida de retourner sur Miami où les réparations seraient plus faciles à réaliser. De plus, l’absence de contrôle radar ainsi que la détérioration en cours des conditions atmosphériques ne permettaient pas un atterrissage rapide à Nassau. Tout en virant, l’appareil entama une montée sur les deux réacteurs restants. Au niveau de vol 200, des alarmes de baisse de pression d’huile s’affichèrent pour les réacteurs restants : le 1 et le 3. Tout en les surveillant, les pilotes entamèrent la descente vers Miami. Au niveau 160, le réacteur 3, celui accroché à l’aile droite, s’arrêta.

Détecteur
Ce bouchon comportant une barre aimantée a été mis en place sans les joints sur les 3 réacteurs…

Les pilotes décidèrent de redémarrer le réacteur 2, celui qu’ils avaient initialement arrêté. Mais avant qu’ils ne puissent le mettre en route, le 1 s’arrêta, laissant l’avion sans la moindre propulsion. Planant en silence au-dessus de l’océan Atlantique, l’avion de ligne commença à perdre de l’altitude à plus de 1’600 pieds par minute. Tous les pilotes vous le diront, il y a peu de chances de prospérer à partir d’une situation pareille.

Pendant que le personnel de cabine est informé de l’imminence d’un amerrissage, les pilotes continuent à tenter les dernières options disponibles. L’éclairage et la pression hydraulique étaient maintenus grâce à l’APU. Les jauges des réacteurs 1 et 3 indiquaient que ceux-ci n’avaient plus d’huile dans leurs circuits. Seul le 2 avait encore un fond d’huile et c’est pour cette raison que ce fut le seul que les pilotes pensaient pouvoir redémarrer.

Malgré plusieurs tentatives, il refuse de se remettre en route. D’autres essais tout aussi vains sont réalisés sur les autres réacteurs. A 4’000 pieds, l’amerrissage semble de plus en plus imminent. Alertés par le contrôleur aérien, les Coast Guards commencent à faire converger plusieurs navires, un Hercules C-130 et plusieurs hélicoptères vers la zone prévue du crash.

Par acquis de conscience, le commandant de bord décide de tenter un dernier coup avec le réacteur 2. Il laisse aller la vitesse à 250 nœuds pour assurer la rotation des compresseurs par le vent relatif puis ouvre la vanne de carburant. A sa grande surprise, le réacteur démarre. Il est poussé à pleine puissance et le manche est progressivement tiré. Il n’est pas facile d’arrêter la chute d’un avion de 150 tonnes avec un seul moteur.

A 3’000 pieds, l’avion cesse de descendre et commence même à remonter en perdant de la vitesse. A ce moment, il restait 40 kilomètres de vol pour l’aéroport et les hôtels de Miami Beach étaient à vue.

Progressivement, l’avion gagne de la distance et finit par se poser sur la piste 27L de l’aéroport de Miami. Après le freinage, la puissance disponible est insuffisante pour que l’avion puisse circuler par ses propres moyens. Il est donc tiré vers l’aérogare alors que les pilotes déchargent des extincteurs dans les réacteurs 1 et 3 qui se mettent à fumer de manière inquiétante.

Les passagers, surtout les moins habitués au milieu aquatique, s’en sortent avec une belle frayeur. Immédiatement, le NTSB est alerté et l’enquête commence. Les réacteurs sont déposés et inspectés. Ils sont tous couverts d’huile brûlée et leurs éléments présentent des dégâts consistants avec un fonctionnement sans lubrification. Dans le réacteur 1, certaines pièces en métal on fondu puis se sont solidifiées bloquant complètement la rotation du bloc compresseur et turbines haute pression.

La perte d’huile est localisée. Elle provient du bouchon d’une sonde appelée Master Chip Detector. Cette dernière n’est rien d’autre qu’une barre aimantée qui fait irruption dans le circuit d’huile de chaque réacteur. Elle est régulièrement inspectée et si on découvre qu’elle est couverte de particules de métal, ceci signifie qu’une pièce du réacteur est entrain de s’user de manière anormale.

Initialement, la sonde devait être dévissée toutes les 250 heures de vol et inspectée en laboratoire puis nettoyée et remise en place. Cependant, suite à des pannes un peu trop fréquentes sur les réacteurs de type Rolls-Royce RB211, la FAA recommanda aux opérateurs de réaliser cette opération toutes les 25 heures de vol. Suite à ce changement, rien que chez Eastern, plus de 100’000 analyses de sonde ont eu lieu en deux ans.

Dans la nuit de l’incident, deux mécaniciens sont désignés pour aller retirer les sondes sur le Tristar. Ceux-ci se dirigent alors vers le magasin pour chercher des sondes en retour de laboratoire pour remplacer celles qu’ils vont enlever. Contrairement à leur habitude, ils ne trouvent aucune sonde. La seule chose qui le reste à faire est d’aller à la réserve de pièces détachées pour prendre 3 sondes neuves.

Ces mécaniciens n’avaient jamais déballé de sondes neuves et se trouvent donc piégés par une subtilité qu’ils ne remarquent pas : sur ces dernières, aucun joint n’est installé. Les joints sont plutôt fournis dans un petit sachet en plastique attaché à chaque sonde. De plus, et contrairement à l’ancienne procédure, les mécaniciens ne sont plus obligés de faire tourner le réacteur pour vérifier les fuites d’huile éventuelles après le remplacement des sondes.

Le premier mécanicien s’attaqua au réacteur 1 à la lumière d’une lampe frontale. Allant au feeling, il atteignit la sonde qu’il dévissa et mis de côté. Immédiatement, il vissa une neuve à sa place. Il ne remarqua aucune différence entre les sondes. Par la suite, il contourna l’appareil et travailla sur le réacteur 3.

Perché sur une passerelle, un autre mécanicien intervenait sur le réacteur 2. Sur la sonde donnée par son collègue, un Service Tag était collé. Ceci signifie habituellement que la pièce estprête à être posée sur un avion. Il n’est pas d’usage que ces pièces aient encore besoin de modifications avant d’être opérationnelles. De plus, telle qu’elle lui a été transmise, la sonde n’était accompagnée d’aucune autre pièce, série de joints ou documentation. D’une main, il retire la sonde et de l’autre, il bloque l’ouverture pour éviter que l’huile ne coule. Puis, à tâtons, il trouve la nouvelle sonde et la revisse à la place de celle qu’il a déposée.

Aussi simple qu’elle puisse avoir l’air, cette procédure avait déjà causé des soucis chez Eastern. Plus d’une douzaine de fois, des réacteurs ont du être arrêtés en vol. Soit les sondes n’étaient pas munies de joints, soit ceux-ci étaient en mauvais état. Dans 3 cas au moins, les sondes avaient été retirées mais pas du tout remplacées provoquant des fuites massives d’huile de lubrification.

Par la suite, les bouchons des sondes furent modifiés. Pour faire bonne mesure, chaque technicien reçut un complément de formation pour leur manipulation.