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Erreurs de Maintenance en Aviation

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Par conception, les avions sont soumis à un nombre important de maintenances durant leur cycle de vie. Régulièrement, ils sont immobilisés pour quelques heures ou quelques jours pour des visites obligatoires. Durant ces interventions, l’avion est inspecté et des pièces remplacées pour usure ou mise à niveau. Si on ajoute à cela les opérations d’entretien de routine, de déplacements ou simplement de nettoyage, on arrive à plus d’heures d’entretien que de pilotage pour un avion de ligne. Les intervenants sont qualifiés et compétents, mais ne sont pas moins soumis aux lois de l’erreur humaine que les pilotes.

Le nombre de gestes techniques est si important, que le risque de voir un dysfonctionnement introduit par une maintenance n’est pas du tout négligeable. A fin d’une grande visite comme le D ou le C Check, un vol technique est réalisé sans passagers afin que les pilotes et les mécaniciens puissent s’assurer que tout est au point. Par contre, lors de la multitude d’autres interventions, aucun vol d’essai n’est obligatoire. Ainsi, le premier décollage après une maintenance, quelque soit son importance, comporte toujours un risque spécifique.

D’après une recherche basée sur 1’300 rapports NTSB étudiés par l’université de Purdue en Indiana, près de 29% des incidents et accidents sont liés à des erreurs de maintenance. Pire encore, dans un climat de pression économique sur les ateliers, la maintenance serait aujourd’hui le maillon faible de la sécurité aérienne. Chaque année, le nombre d’incidents baisse mais celui des accidents ne cesse d’augmenter. Ceci signifie que les erreurs commises deviennent de plus en plus critiques.

Durant la période 2000 à 2002, les compagnies régionales ont réalisé 37% des vols aux USA, mais ont eu 67% des avertissements FAA pour mauvaise maintenance. Petites ou grandes, les compagnies aériennes confient au moins une partie de leur maintenance à des ateliers agrées. La concurrence très rude entre ces derniers les pousse à rechercher la baisse des coûts. Cette tension crée un terrain favorable aux erreurs et aux décisions néfastes.

Par ailleurs, d’après une étude réalisée par l’université aéronautique Embry-Riddle, les facteurs environnementaux jouent un rôle important dans les problèmes de maintenance. D’après l’analyse de 1’500 accidents, il apparait que les mécaniciens travaillent souvent dans des conditions sous-optimales en comparaison avec la minutie du travail qui leur est demandé. Parmi les conditions défavorables citées, on peut relever l’obscurité, le froid, la chaleur, le bruit ambiant ou l’exigüité de l’espace de travail.

A Suivre…

CFIT classique – American Airlines vol 965

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De nos jours, le type de crash le plus fréquent implique un avion qui va au sol d’une manière contrôlée. Les pilotes réalisent leurs tâches normalement sans se rendre compte que leur trajectoire va vers la terre, l’eau ou le relief. Dans de nombreux cas, ils ne se rendent compte et ne réagissent que quand l’avion rentre dans une fenêtre où l’impact est inévitable. De plus, l’obligation de réagir en une fraction de seconde implique un risque d’erreur important. Ce type d’accidents est connu sous le nom de CFIT pour Controled Flight Into Terrain(lire plus ici sur les CFIT).

Le vol AA 965 reliait Miami à Cali en Colombie. A quelques jours avant Noël, il connaît une affluence particulière à cause des émigrants hispaniques qui rentrent passer les fêtes en famille. Ils ne sont pas les seuls à vouloir partir et les aéroports sont tous congestionnés. Prévu pour décoller à 16:40, le vol est retardé une première fois pour attendre des passagers en correspondance. Finalement, quand ceux-ci arrivent, l’appareil a déjà perdu sa place dans l’interminable file d’attente. Il faudra près d’une heure et demie de roulage au pas avant que le 757 ne puisse décoller avec ses 8 membres d’équipage et 155 passagers.

Evoluant à 37’000 pieds, l’appareil passe dans l’espace aérien de Cuba, puis dans celui de la Jamaïque et enfin dans celui de la Colombie après près de 3 heures de vol. Il fait bien nuitquand la descente commence sur la destination, Santiago de Cali. L’approche n’est pas simple et pour tout dire, elle est très stressante. L’avion descend alors que tout autour se profile les ombres menaçantes des sommets de la Cordelière des Andes, la plus longue chaine de montagnes au monde.

L’aéroport est situé dans une vallée encaissée à 3’200 pieds d’altitude. Les cartes indiquent des obstacles à plus de 14’000 pieds dans un rayon de quelques kilomètres seulement. Quand le pilote s’annonce auprès du contrôleur local, il est au niveau 200 en descente.

A Cali, il n’y a pas de radar depuis 1992. Des guerrieros l’ont fait sauter parce qu’il appartenait au gouvernement central. Les contrôleurs travaillent à l’ancienne avec des feuilles de papiers, des strips, qu’ils classent sur un pupitre en fonction des départs et des arrivées. Dans ces conditions, il n’y a pas moyen de connaître précisément la position d’un avion. Il faut les appeler tous régulièrement et leur demander où ils se trouvent pour pouvoir les séparer les uns des autres. Sur ce type de terrains, dès qu’il y a une demi-douzaine d’avions en activité, les échanges radio deviennent nombreux.

La météo est variable avec de nombreuses couches nuageuses éparses et, occasionnellement, de la pluie. Hors des nuages, la visibilité dépasse les dix kilomètres. La température au sol est de 28 degrés, presque un record pour la saison. C’est dans ces conditions que l’AA 965 est autorisé à poursuivre sa descente. Le copilote est aux commandes alors qu’il n’est jamais venu sur ce terrain. Il fait confiance au commandant de bord qui, sans être un familier, est déjà venu une bonne douzaine de fois. Aucun briefing d’approche n’est réalisé. La préoccupation majeure des pilotes est d’arriver le plus vite possible afin de rattraper leur retard.

A la tour de contrôle de Cali, il y a un certain état de choses. Des amis du contrôleur sont présents. Ils écoutent de la musique, discutent et profitent de l’endroit pour passer des appels téléphoniques au frais des autorités aéroportuaires. De plus, le contrôleur a un niveau d’Anglais qui lui permet à peine de répéter des phrases qu’il donne usuellement lors des approches et des départs.

La piste en service est la 01, elle pointe vers le nord. Pour les avions arrivant des Etats-Unis, il faut survoler l’aéroport, partir vers le sud, faire demi-tour et revenir atterrir. C’est cette trajectoire qui est programmée dans le l’ordinateur de gestion du vol (FMC) du 757.

Comme le vent est faible sur le terrain, le contrôleur décide de faire une fleur au vol AA 965 et demande aux pilotes s’ils ne préfèrent pas faire une approche directe sur la piste 19. En moins de 4 secondes, ces derniers acceptent. Pourtant, ce n’est presque pas jouable. Il faut sortir les cartes de cette nouvelle approche, les étudier, faire un briefing complet, reprogrammer le FMS et perdre de l’altitude plus rapidement. Dans cette perspective, le copilote déploie les spoilers alors que le commandant commence à reprogrammer l’ordinateur de bord. Au moment où il sélectionne une approche directe, tous les points de route s’effacent. Ceci est normal dans la logique du système. Cependant, le contrôleur avait demandé de rappeler en passant au dessus du VOR de TULUA et ils ne savent plus le retrouver dans la base du FMS.

En effet, d’après les usages courants, n’importe quel pilote s’attendrait à ce que le code 3 lettres de TULUA soit quelque chose comme TUL, TLA ou TUA à la rigueur. Il n’y a pas de règles précises sur ce point. Le VOR de TULUA répond à l’indicatif ULQ ! Quand le commandant de bord ne le trouve pas dans le FMS, il commence à fouiller ses classeurs de cartes pour le situer. Pendant ce temps, l’avion passe à sa verticale et continue à aller vers le sud en descendant à toute vitesse. En désespoir de cause, le commandant décide de programmer le point suivant, ROZO. Dans le stress, il va tomber sans un second piège.

En effet, ROZO est abrévié par R, mais il n’est pas le seul. Plus loin, vers le nord-est, près de Bogota, il y a une autre balise NDB appelée ROMEO et répondant également à l’indicatif R. Pour faire bonne mesure, elle émet sur 274 kHz comme son homonyme. Dès que le commandant de bord valide la balise R, le FMS charge l’information dans la mémoire du pilote automatique et l’avion commence à virer à gauche pour se diriger vers ROMEO. Ce virage n’est pas normal parce que l’appareil aurait du continuer tout droit sur Rozo.

rozo-romeo-American-Airline
Deux balises, deux endroits différents, même identifiant (R), même fréquence 274 kHz : 159 morts

 

A 21:38, le copilote pose cette question ahurissante : « où sommes-nous ? ». Plus personne ne comprend très bien ce que fait l’avion. Ni le contrôleur qui multiplie les appels, ni l’équipage qui n’ose pas remettre en question le comportement de l’ordinateur de bord. Alors qu’il descendait dans un canyon, en virant, l’avion s’oriente vers l’une des parois.

Le copilote propose de tourner vers le VOR de CALI. Ce repère donne au moins quelque chose de sûre aux pilotes : c’est là qu’ils vont. L’idée est aussi tôt approuvée et l’appareil, sous pilotage manuel cette fois, commence à virer à droite pour reprendre son axe. A cet instant, le radioaltimètre s’active et mesure que le sol est à moins de 2’500 pieds en remontant très rapidement. L’information est transmise au GPWS qui réagit immédiatement :
– Too Low Terrain ! Annonce une voix synthétique dans le cockpit

Les pilotes sont soudainement plongés dans la réalité. Sans perdre un instant, le copilote tire le manche et pousse les manettes des gaz. Moins de deux secondes après l’alarme, les réacteurs commencent à accélérer. L’avion est cabré à la limite du décrochage et commence à gagner de l’altitude. Entre lui et la montagne, s’engage un bras de fer. Le 757 est très puissant mais son cap suit le chemin de plus grande pente du terrain. De plus, le copilote a oublié les spoilers sortis. Les performances ne sont pas optimales. Alors qu’il est à moins de 80 mètres du sommet (250 pieds), l’avion se prend dans les arbres et s’écrase brutalement. Il y a 159 morts et 5 rescapés dont un chien qui s’appelle Miracle.

Dès qu’il ne reçoit plus de réponse à ses appels, le contrôleur déclenche l’alerte et les secouristes se mobilisent. Dans les Andes, il est possible de perdre un avion, même un 757, et de ne jamais retrouver sa trace. C’est seulement après six heures du matin qu’un hélicoptère de l’armée découvre les restes fumants et oriente la colonne de secours.

Ce crash est l’illustration dramatique d’une perte de conscience de la situation par les pilotes. Dans des situations imprévues et sous stress opérationnel, les équipages peuvent perdre le sens de leurs actions et arrivent à en oublier qu’ils sont dans un avion qui avance de plusieurs kilomètres par minute. Seuls des projets à très court terme arrivent à les occuper. Ces actions peuvent être très secondaires, mais empêchent la réalisation d’actions vitales comme le maintien de l’attitude, de la vitesse ou de la trajectoire.

Quand les pilotes acceptent l’approche sur la piste 19, ils pensent qu’ils sont encore avant l’IAF (Initial Approach Fix) qui est le VOR de TULUA. Une fois qu’ils se rendent compte que ce point est derrière, ils ne révisent pas leur jugement sur la base de cette nouvelle information. En aviation, une décision doit toujours être dynamique et constamment mise à jour sur la base de l’évolution de la situation. Sous pression, les équipages peuvent adopter une attitude qui consiste à confirmer des décisions prises même si elles sont mauvaises. Tous les éléments tendant à contredire la décision sont sous-pondérés ou ignorés.

Sur les nouvelles générations d’appareils, l’avènement de l’informatique a permis de réduire les équipages de conduite à deux personnes seulement. L’ordinateur est un outil indispensable mais s’il tombe en panne ou doit être écarté, il y a immédiatement un déficit dans le cockpit. La charge de travail augmente brutalement et à des moments où il est difficile de faire face. Pour illustrer ce phénomène, on peut juste imaginer la situation d’une entreprise devant arrêter ses ordinateurs et réaliser ses opérations à l’aide de carnets et de stylos. En très peu de temps, le personnel n’est plus en mesure de faire face à la charge de travail.

Au point de vue maintient des connaissances, l’informatisation fait oublier aux opérateurs les techniques manuelles. Sincèrement, combien de personnes savent encore faire des divisions compliquées juste avec une feuille et un crayon ? Quand un contrôleur demande à un pilote de Boeing 727 d’arranger sa descente pour passer tel point à telle altitude, il faut faire des calculs. Tenir compte de la vitesse de l’avion, des composants de vent, du taux de descente, de l’altitude actuelle, de la distance restante au point indiqué… tout un travail. Heureusement, ils sont trois dans le cockpit. Sur un A340, quand une altitude est sélectionnée, un arc s’affiche pour indiquer au-dessus de quel point elle sera atteinte. Il suffit d’ajuster l’assiette pour atteindre une altitude à un point précis. Il n’y a pas le moindre calcul à faire. Et même si le vent ou la vitesse changent, il suffit d’adapter l’assiette. Habitués d’une telle facilité, les pilotes peuvent tomber de haut quand s’en trouvent privés. Selon comment, certains peuvent lâcher l’avion, reprogrammer l’ordinateur, et reprendre le contrôle après. C’est à peu près ce qui arriva à l’équipage du Thaï 311, cet accident sera traité un peu plus tard.

Après le drame de Cali, le NBD ROZO fut renommé. Aujourd’hui, il s’appelle PALMA et son indicatif, vous l’auriez deviné, est PL.

Rentrée automatique des spoilers
Suite au crash de l’American 965, un débat fit rage au sujet de non rentré automatique des spoilers lorsque le pilote appliqua la poussée maximale. Nombreux sont ceux qui souhaitent que cette fonction soit intégrée, mais le problème est plus compliqué que ce qu’il en a l’air.

Les spoilers sont des surfaces qui peuvent se déployer sur l’extrados de l’aile pour en dégrader les performances aérodynamiques. En vol, ils permettent de descendre plus rapidement sans gagner trop de vitesse. Peu avant l’atterrissage, la manette est placée en position armée et dès que les roues touchent le sol, les spoilers se déploient automatiquement pour éviter que l’appareil ne rebondisse. De plus, en augmentant la charge sur les pneus, ils améliorent la capacité de freinage. Dans ce mode, il suffit que le pilote pousse les manettes des gaz pour que les spoilers se referment automatiquement.

En vol, si les pilotes poussent les manettes des gaz, les spoilers ne rentrent pas tous seuls. C’est généralement le cas sur les Boeing. Sur les Airbus, ils rentrent quand même. C’est difficile à imaginer, mais il y a des situations où l’on voudrait que les spoilers restent sortis alors que les manettes des gaz sont poussées.

Par exemple, sur le Boeing 727, il est nécessaire de maintenir un peu de puissance durant la descente pour alimenter le système de pressurisation de la cabine. Sur d’autres avions, il faut garder une certaine puissance sur les moteurs pour alimenter les différents systèmes de dégivrage.

Par contre, il n’y a pas de cas où il est nécessaire d’afficher une poussée maximale tout en gardant les spoilers sortis. Cependant, il se pose un problème de pilotage lors de la remise des gaz. La sortie des spoilers, sur de nombreux avions, provoque une tendance à cabrer. Sur certaines machines, ceci est très marqué. Par exemple, à l’atterrissage, les pilotes du MD-11 ont deux mouvements rapides avec le manche. Quand les spoilers sortent, ils poussent se le manche pour bloquer le mouvement à cabrer. Par contre, une seconde plus tard, le système de freinage automatique s’active et nez de l’avion a tendance à plonger rapidement. Ils tirent sur le manche pour amortir sa descente.

Les réacteurs attachés à l’aile provoquent une poussée qui passe sous le centre de gravité. Ainsi, quand la puissance affichée est augmentée, l’avion a tendance à cabrer.

La situation suivante fut démontrée par les chercheurs de Boeing : si le pilote réalise une remise des gaz, une rentrée automatique des spoilers provoquera forcément une tendance de l’avion à baisser son assiette. Dans ce cas, le pilote va encore tirer sur le manche. Ce geste arrivera en même temps que la montée en puissance des réacteurs. La composition de ces deux derniers effets, peut provoquer un cabré important et incontrôlé qui se termine par un décrochage.

Sur les Boeing 777, le phénomène est tellement marqué que l’avion est équipé d’un mécanisme de contrôle de l’assiette lors des la mise en puissance avec une rentrée, toujours manuelle, des spoilers. Sur les Airbus, l’ordinateur fait partie de la chaine de contrôle et veille en tout temps à l’attitude de l’avion.

D’après les procédures Boeing, tout le temps que les spoilers sont sortis en vol, il faut que le commandant de bord ait la main sur leur manette. De cette façon, le risque d’oubli est diminué. Cette procédure n’était pas appliquée chez American Airlines à l’époque de l’accident.

Perte de Contrôle : Air Canada vol 621

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Les mauvaises manœuvres peuvent être globales, comme dans le cas d’une approche non stabilisée, mais elles peuvent aussi être ponctuelles et encore plus dangereuses. Dans de nombreuses situations, des erreurs d’optimisation sont commises. Les pilotes pas convenablement sensibilisés peuvent avoir tendance à rechercher une amélioration des choses telles qu’elles leur sont apprises. En aviation, comme partout ailleurs, discuter les procédures dans un esprit responsable pour les rendre meilleures est une chose souhaitable et souhaitée. Par contre, le danger se trouve lorsque les opérateurs, qu’ils soient pilotes ou techniciens, adoptent des méthodes personnelles sans la moindre organisation. Dans ce cas, on quitte immédiatement l’exploitation régulière pour arriver vers des vols que l’on peut qualifier d’expérimentaux avec tout ce que cette notion peut comporter de hasardeux.

L’accident du vol 621 est ancien, mais il reste très actuel, les humains n’ayant pas beaucoup changé depuis. Nous sommes le 5 juillet 1970, un DC-8 décolle de Montréal Dorval à destination de Toronto International. L’appareil, livré depuis 2 mois seulement, comporte 4 réacteurs et dispose de puissantes commandes de vol. En sortant les spoilers et les inverseurs de poussée en vol, les pilotes peuvent atteindre un taux de chute de 15’000 pieds par minute .

De nos jours, aucun avion n’utilise les inverseurs de poussée en vol. Leur activation est même bloquée par plusieurs dispositifs dès que le train d’atterrissage quitte le sol

Le commandant de bord et le copilote avaient l’habitude de voler ensemble. A la longue, ils avaient même fini par développer des méthodes propres à eux en fonction de leurs préférences personnelles. Lors de l’approche, la check-list demandait d’armer les spoilers pour que ceux-ci se déploient automatiquement dès que l’avion touche le sol. Par contre, ces pilotes avaient toujours peur d’une sortie intempestive des spoilers lors de leur armement. Ils décidèrent donc de changer mentalement la check-list et de sortir les spoilers manuellement quand le besoin se fera sentir. Le commandant préférait qu’ils soient déployés pendant l’arrondi alors que l’avion est à quelques pieds du sol. Au contraire, le copilote préférait qu’ils soient déployés seulement quand l’avion est effectivement au sol. C’est le commandant de bord qui était aux commandes ce jour là.

L’avion s’annonça en approche peu avant 8 heures du matin. Tout se passe normalement et l’appareil survole le seuil de piste et commence à se cabrer pour un atterrissage en dou-ceur.
– Okay ! lance le commandant de bord

Quelque soit son intention en disant ce mot, le copilote comprend qu’il faut sortir les spoilers. Dès qu’il tire la manette, l’avion qui se trouve encore à 20 mètres du sol se met à tomber rapidement. Surpris par la violence de la descente, le commandant tire complètement le manche et pousse les 4 manettes de gaz. En même temps, le copilote réalise son erreur et referme immédiatement les spoilers. L’incident se passe très vite et l’avion atterrit violemment et rebondit.

Lors du contact lourd avec la piste, l’aile droite se fléchit vers le bas et le réacteur externe droit cogne contre le sol et s’arrache en prenant avec lui plusieurs mètres de voilure. Sous la poussée des réacteurs restants, l’appareil redécolle avec le copilote qui se confond en excuses. Pendant la montée, le carburant qui fuit de l’aile éventrée prend feu. L’équipage déclare une emergency et demande à revenir sur la piste 32. Malheureusement, celle-ci est pleine de débris en feu et elle est déconseillée par le contrôleur qui recommande la piste 09. Quelle que soit la piste, l’avion n’est pas en état de la rejoindre. Il remonte vers le nord ouest tout en perdant des bouts de son aile rongée par le feu.

Après quelques minutes de vol, l’aile est à moitié détruite puis le réacteur 3 se sépare. Enfin, c’est toute l’aile qui s’arrache et l’avion part dans une trajectoire en spirale qui finit dans un champ. Tous les occupants, 109 personnes, furent tués sur le coup. Les derniers mots du copilote furent « sorry Pete ! ». Peter Hamilton, c’était le nom du commandant de bord.

Sous la violence du choc, l’avion est pulvérisé en des millions de morceaux. Certaines pièces sont projetées à distance alors que d’autres enterrées. Jusqu’à nos jours, plus de 36 ans après le crash, les riverains continuent à trouver des frag-ments de métal, des morceaux d’os humains ou des fourchettes tordues portant le logo d’Air Canada.

 

Air Canada 621
Trajectoire depuis le premier choc sur la piste au point d’impact final.
En juillet 1973, un accident similaire faillit se produire, mais le commandant de bord eu un réflexe qui sauva la situation. Le vol Loftleidir 509 arrivait sur New York après une traversée de l’Atlantique depuis Reykjavik en Islande. Les pilotes décident de ne pas suivre la check-list de la compagnie, mais d’armer les spoilers seulement lorsque l’avion est au-dessus de la pis-te. Quand la hauteur sol est de l’ordre de 10 à 15 mètres, le commandant demande au copilote d’armer les spoilers pour que ceux-ci s’activent automatiquement au toucher. Malheureusement, quand ce dernier tire sur la manette, il se rend compte qu’elle est grippée. Il s’y met avec les deux mains et y applique toute sa force. Il la libère, mais au lieu de s’arrêter sur la position ARMED, elle continue jusqu’en butée.

Privé d’une grande partie de sa portance, le DC-8 tombe comme une pierre et touche le sol brutalement. Pour éviter que l’appareil ne rebondisse et ne se retrouve en vol dans des conditions aléatoires, le commandant de bord tire les valves d’isolation et coupe le carburant sur les réacteurs Les passagers sont secoués mais personne n’est blessé.

Depuis ces évènements, des avions de ligne sont dotés de spoilers divisés en deux groupes. Ceux qui sont situés le plus proche de la carlingue ne sortent que lorsque l’avion est sol avec le train d’atterrissage enfoncé. Les autres, peuvent sortir à toutes les phases de vol sans provoquer un taux de chute excessif.


Information complémentaire:
Une association canadienne se bat aujourd’hui pour que le site du crash du vol 621 ne soit pas vendu aux promoteurs immobiliers mais qu’il abrite un mémorial. Comme les autorités disaient que le crash était trop ancien pour mériter un mémorial, une simple recherche superficielle a été réalisée pour montrer que le sol porte encore le souvenir de ce drame. De nombreuses pièces d’avion et même des fragments d’os sont retrouvés à la surface. Je mets en ligne les images les moins graphiques :

 

Air Canada 621
Cuillère au logo de la companie.
 

 

 

Air Canada 621
Jouets distribués pendant le vol

Crash d’un DC-9 en Thailande (Vol One Two Go 269) – Des Atterrissages à Tout Prix

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Ces dernières années on commence à assister un peu partout à la recrudescence des accidents à l’atterrissage. Les pilotes ne savent-ils plus atterrir ? La météo-t-elle plus traitresse qu’avant ? Etat des lieux…

Août 2005, les images sont encore dans toutes les mémoires : un Airbus A340 d’Air France réalisant le vol 358 fait une impressionnante sortie de piste à l’aéroport de Toronto Pearson. Il y a 309 miraculés et près de 200 millions de dollars de dégâts.


Restes de l'Airbus A340 de Air France
Restes de l’A340 du vol 358
Plus proche de nous, mais plus dramatique encore, le vol Tam 3054 qui se termine par une sortie de piste où 187 occupants de l’Airbus et 12 personnes au sol trouvent la mort. Encore une fois, on parle d’approche instable et de conditions météorologiques dégradées.


Tam 3054 Trajectoire
Trajectoire de l’Airbus de Tam aprés la sortie de piste
 

Entre les deux, l’accident du vol Armavia 967 passe presque inaperçu. C’était le 3 mai 2006, l’Airbus arménien est en approche sur Sochi, ville russe de la mer Noire, quand il disparait des radars. Il eut 113 morts dans un accident imputé à une approche chaotique par une météo fortement dégradée. Ici encore, les pilotes s’acharnent à poser à tout prix jusqu’au moment où la situation leur échappe totalement et c’est le drame.

 


Armavia 967
Remonté des restes de l’Airbus d’Armavia
 

 

Ce dimanche, d’après les nouvelles qui arrivent par bribes, un DC-9 de la compagnie Thaïlandaise One-Two-Go, branche de Orient Thai Airlines, vient de s’écraser à l’atterrissage sur l’aéroport de Phuket. Sur les 130 occupants, les premiers bilans confirment déjà la mort de 66 personnes. Parmi les victimes, figurent de nombreux touristes européens. Sans surprise, les dépêches annoncent qu’une météo épouvantable régnait sur le terrain au moment de l’approche.

D’après les témoins et les survivants cités par les chaines américaines, l’avion réalisa un atterrissage dur puis, sans perdre de vitesse, il quitta la piste et entra en collision avec des obstacles et des équipements aéroportuaires. Les images montrent un appareil brisé en plusieurs grands morceaux et dont l’intérieur a été totalement calciné par les flammes.

Malgré les apparences, ces avions ne se sont pas écrasés à cause des conditions météo. Celles-ci sont connues dès la préparation du vol puis mises à jour régulièrement et jusque pendant l’approche. Si le vent de travers est trop fort pour permettre un atterrissage sûr avec l’avion en question, les pilotes le savent longtemps à l’avance. Quand il donne l’autorisation d’atterrir, le contrôleur aérien annonce toujours la vitesse du vent ainsi que d’autres éléments significatifs. Il faut quelque secondes seulement pour savoir si ca passera ou pas.

La question est de savoir pourquoi les pilotes insistent pour atterrir alors que les conditions sont clairement défavorables ? La réponse se résume en deux mots qui reviennent souvent dans les rapports d’accidents : pression opérationnelle. Dans un climat de concurrence très rude, les compagnies aériennes ont en moins en moins de marge pour les dépenses exceptionnelles et les imprévus. Cette pression est vécue par tous les intervenants dans chaine d’exploitation d’un avion. Les ateliers de maintenance, les services commerciaux et les pilotes subissent tous cette pression qui pousse à la surperformance et, forcément, à l’erreur.

Quand un commandant de bord d’une compagnie malsaine décide de changer de destination pour atterrir sur un aéroport plus adapté aux conditions du jour, il doit rendre des comptes à des supérieurs hiérarchiques pas contents du tout. Un déroutement coute de l’argent à la compagnie, il immobilise un avion et change le planning de nombreuses personnes. Le personnel repousse tous les jours les barrières du possible jusqu’au jour où on en parle dans les journaux. Après tout, comme le disais Alphonse Allais, une fois qu’on a dépassé les bornes, il n’y a plus de limites…


Voici un paragraphe pris d’un article publié sur le site internet de TF1:

Selon un responsable de l’aviation civile, le pilote aux commandes avait reçu la permission de faire avorter l’atterrissage à la dernière minute alors qu’il pleuvait. L’appareil a rebondi sur la piste et a terminé sa course dans un talus avant de se briser en deux, ont indiqué des témoins et des responsables locaux.

C’est parce que des affirmations pareilles arrivent dans les médias que de faux débats s’engagent sur de vrais problèmes.

Un pilote ne demande pas la permission de faire avorter un atterrissage. Il le fait à la seconde où il le juge nécessaire et en informe le contrôleur par la suite. Chaque atterrissage et chaque décollage se font avec l’interruption en arrière pensée. Ceci se fait selon des procédures standards qui sont discutées par les pilotes lors de leurs briefings (ceux qui en font, pas les suicidaires). Quand un avion est en approche, le contrôleur s’arrange en même temps pour que l’axe présomptif d’une remise des gaz soit libre. Le pilote, s’il sent un problème, a toute latitude pour pousser les manettes des gaz et annuler l’atterrissage. Le contrôleur lui donnera plus tard des caps lui permettent de refaire son approche ou bien aller vers un autre aéroport.

Les accidents de type CFIT ou Controled Flight Into Terrain

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Le vol contrôlé vers le terrain, ou CFIT, représente aujourd’hui un des accidents d’aviation les plus courants. Dans le cadre d’un CFIT, les pilotes contrôlent totalement l’avion mais se font une fausse idée de sa situation dans le plan vertical et/ou horizontal. La perception de la proximité du sol, de l’eau ou d’un obstacle n’arrive qu’aux tous derniers moments, voir pas du tout.

Le CFIT nait rarement d’une erreur ponctuelle. Il se construit pièce par pièce ; il est l’œuvre d’un système. Les facteurs de risque vont de la topographie du terrain à la qualité du management de la compagnie aérienne en passant par la formation et la sensibilisation des équipages.

James Reason donna en 1990 l’image d’un fromage suisse pour exprimer le passage d’une multitude d’erreurs à un accident. Chaque trou dans le fromage représente une erreur. Quand ils deviennent nombreux et importants, les trous en arrivent à communiquer entre eux et à créer un passage qui permet de traverser le bloc de part en part. C’est ainsi qu’arrive un CFIT.

 


James Reason - Modèle Fromage
Ici le modèle du fromage Suisse (c’est pas du gruyère, le gruyère Suisse n’a pas de trous). Chaque tranche, constitue un niveau de sécurité ou une barrière à franchir. Quand elles sont toutes franchies, c’est l’accident.
 

Facteurs de risques
Environnement :
Les terrains montagneux lors de vols de nuit ou en conditions de vol aux instruments (IMC) sont les plus risqués. De plus, si la piste n’est pas équipée d’un dispositif d’approche de précision, le risque est nettement augmenté. La pire situation consiste en une approche NDB, de nuit, en conditions IMC, sur un terrain accidenté avec un contrôle aérien ne disposant pas de radar. Même si la majorité des CFIT surviennent durant l’atterrissage, il est possible d’avoir ce type d’accident en toute phase du vol, y compris en montée. Les pistes avec un mauvais éclairage ou un éclairage inhabituel ou non-conforme sont des terrains à risque.

L’équipage :
Des pilotes ayant traversé de nombreuses zones horaires et atterrissant au terme d’un long temps de service sont les moins attentifs. Ceux qui effectuent un vol charter en-courent deux fois plus de risques que ceux qui font un vol régulier. La raison est que ces derniers sont relativement plus habitués aux terrains qu’ils desservent. Les compagnies charters travaillent en fonction du marché et leurs pilotes se retrouvent plus souvent sur des terrains qui leurs sont inconnus. Dans la même logique, les vols nationaux sont moins risqués. Leurs pilotes atterrissent plusieurs fois par semaine sur les mêmes terrains et en connaissent par cœur les spécificités.

Les compagnies de fret encourent encore plus de risques. Elles utilisent typiquement des avions anciens et leurs équipages ont un pilotage assez sportif. Elles desservent des terrains secondaires et volent surtout de nuit. Les instruments des anciens avions sont moins performants et peuvent constituer un facteur de risque supplémentaire.

Quand c’est le copilote qui est commandes, le risque est nettement moindre. Les commandants de bord ont une plus grande expérience et sont plus à même de détecter tôt les écarts de trajectoire. Au contraire, quand un copilote sent que quelque chose ne va pas, trop souvent il n’a pas le courage qu’il faut pour corriger le commandant de bord. Parfois c’est ce dernier qui ne tient pas compte des remarques du copilote. Ces situations témoignent de cockpits au fonctionnement pathologique.

Comportement :
Dans la quasi-totalité des CFIT, au moins l’un des membres de l’équipage exprime assez tôt des incertitudes sur la position de l’appareil ou s’inquiète de la proximité du sol. Ceci ne déclenche pas de réactions appropriées parce qu’il y a une perte de conscience de la situation, un déficit de communication ou un déséquilibre d’autorité dans le cockpit.

Culture de la compagnie :
si la compagnie attache une connotation négative aux remises de gaz, elle est un excellent candidat aux CFIT. Si un pilote a des doutes sur une approche, il doit être en mesure de l’annuler et de recommencer sans subir la moindre critique. Dans de nombreux accidents, le copilote initie une remise de gaz qui est annulée par le commandant de bord. Les opérateurs de jet d’affaires sont particulièrement concernés par ce point. Certains sont aux pilotes ce que les livreurs de pizza sont aux motocyclistes. De nombreux cas d’approches trop rapides et non stabilisées concernent ce type de trafic.

Un point positif est donné aux compagnies qui mettent en place un système permettant à leurs pilotes de rapporter des incidents sans encourir de mesures disciplinaires. Dans les autres compagnies, les problèmes restent cachés jusqu’au jour où un de leurs avions sort en première page des journaux.

D’après une étude réalisée par le NTSB en 1995, un des facteurs retrouvé dans de nombreux CFIT est la pression opérationnelle sur des pilotes pour qu’ils fournissent un service ponctuel et fiable dans un environnement incompatible avec une telle attente.

Cartographie :
La mise à disposition d’une cartographie de qualité est aussi un facteur positif. Les civils utilisent le plus souvent des cartes Jeppesen Sanderson, c’est parmi les meilleures au monde. D’autres cartes disponibles sur le marché ou produites en interne par les compagnies sont généralement moins bonnes. Les militaires volent avec des cartes à eux. Elles sont moins claires et leur ergonomie laisse à désirer. Certaines compagnies aériennes font l’économie d’un abonnement Jeppesen en dessinant leurs propres cartes. Ces dernières sont moins parlantes et constituent une prise de risque gratuite sachant que l’erreur de position est un facteur important dans de nombreux CFIT.

Toujours dans le chapitre cartographie, il est fréquemment reproché aux compagnies les plus fauchées de faire voler leur pilotes avec des cartes pas à jour. Les reliefs ne changent pas de position, mais il peut y avoir de nouveaux obstacles artificiels tels que des fils électriques ou des antennes. De plus, les balises au sol peuvent connaître des changements.

Le danger
Comparativement aux autres accidents, les CFIT sont particulièrement meurtriers. Selon une étude faite en Alaska, et tenant compte des évènements entre 1990 et 1998, plus de 70% des victimes du transport aérien ont été impliquées dans un CFIT. Dans l’aviation générale, la majorité des cas concernent des pilotes qualifiés pour le vol à vue mais qui se retrouvent en IMC par inadvertance.

GPWS
Aujourd’hui, l’appareil de base et en même temps le dernier rempart contre les CFIT est le Ground Proximity Warning System, appelé communément GPWS. Il fonctionne avec le radio altimètre et connaît de nombreux paramètres de l’avion tels que la position des volets, l’état du train d’atterrissage ou même la phase de vol. L’appareil dérive la hauteur réelle de l’avion par rapport au sol à chaque instant et en déduit le taux de montée ou de descente de l’avion. En traitant logiquement les informations obtenues, il est capable d’en déduire si la proximité du sol est légitime ou pas.

Le GPWS émet ses alertes par le biais d’une voix synthétiques et tous les pilotes sont sensés réagir de manière réflexe dès qu’ils la perçoivent. Typiquement, il s’agit de tirer sur le manche à la limite du déclenchement sur stick shaker tout en mettant à fond les gaz. De plus, comme le rappelle la FAA dans un de ses bulletins de 1998, il est important de vérifier la rentrée des spoilers sur les avions où ceci-ci ne se fait pas automatiquement. Il s’agit typiquement des Boeing.

Les messages vocaux sont nombreux mais un seul peut être passé à la fois. Le système dispose de priorités et c’est le message le plus urgent qui est émis quand plusieurs situations dangereuses se présentent en même temps.

Le GPWS connaît la valeur de l’altitude barométrique ainsi que sa variation, mais ne l’utilise que dans certains cas, comme lors de la perte d’altitude juste après le décollage. Dans ce cas, le message vocal est « Don’t sink! ». La voix ne s’entend pas seulement dans les situations désespérées, mais aussi dans les phases où les pilotes commettent des excès. Elle agit comme une aide à la prise de conscience de la situation. Par exemple, si un avion descend si vite qu’il touchera le sol dans 30 secondes, la voix annoncera « Sink Rate ! ». Ainsi le pilote fautif réduira son taux de chute et l’appareil se calmera. Par contre, si l’avion descend encore plus vite alors que le sol est proche, le message d’alerte devient « Whop! Whoop! Pull up ! ». Celui-ci, le pilote ne doit jamais l’entendre de sa carrière. C’est souvent le dernier message enregistré dans un CVR d’avion accidenté.

Le GPWS a un grave défaut. Il ne voit que le sol qui est en dessous de l’avion. Si un appareil s’approche d’une paroi verticale ou qui monte trop rapidement, le délai entre l’alarme et l’impact peut être d’une fraction de seconde. Actuellement, les équipementiers travaillent sur un enhanced-GPWS, eGPWS, ou GPWS amélioré. Ce dernier disposera d’une base de données mondiale des reliefs et pourra en tenir compte dans la génération des alertes aux pilotes. Ceci permettra de mettre en place des alertes précises et suffisamment précoces pour permettre un évitement.

United Airlines vol 718 et TWA vol 2

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Survenu le 30 juin 1956, cet accident n’est plus pertinent techniquement, mais a une importante valeur historique. Avec ses 128 victimes, il laissa un si fort impact sur les esprits que des décisions politiques furent prises pour créer un contrôle aérien doté de radios, de radars et d’un budget conséquent.

Les deux vols avaient décollé à 3 minutes d’intervalle de la même piste de l’aéroport de Los Angeles. Le TWA mit le cap à l’est pour se rendre à Kansas City dans le Missouri. A son tour, le vol United Airlines mit aussi le cap à l’est vers sa destination : Chicago. Depuis Los Angeles, Chicago et Kansas City se trouvent sur la même ligne droite. Ceci obligeait les deux vols à rester sur le même couloir aérien pendant plusieurs heures. Afin d’assurer la séparation, l’United fut autorisé à voler à 21’000 pieds alors que le TWA devait rester à 19’000 pieds. Si ces consignes avaient été respectées, il n’y aurait jamais eu d’accident.

 

Lockheed Constellation
Lockheed Constellation au décollage.
Les avions impliqués étaient un Lockheed Constellation et un DC-7. Tous les deux avaient 4 puissants moteurs à piston entrainant chacun une hélice à 4 pales. Ces avions long courrier pressurisés étaient ce qui se faisait de plus gros à l’époque. Ils avaient une envergure et une masse comparables à un Boeing 737-600 ou à un Airbus 321 de nos jours.

Le contrôle aérien était surtout présent aux abords des grands aéroports. Le reste de l’espace était non contrôlé et les avions avaient le droit de prendre des routes directes à leur convenance. Pour plus de sûreté, ils annonçaient leur route et leurs estimées à un opérateur radio travaillant pour leur compagnie aérienne. Par la suite, celui-ci transmettait les rapports à un service plus ou moins centralisé. Manquant d’hommes et de moyens, le contrôle aérien ne pouvait pas prendre en charge chaque vol sur toute sa longueur. Une bonne partie de la gestion était confiée aux compagnies aériennes.

Le premier accroc vient tu TWA qui demande de monter de 19’000 à 21’000 pieds. Suivie au contrôleur, la demande reçoit un avis négatif. L’altitude de 21’000 pieds étant déjà occupée par le vol United Airlines 718. Qu’à cela ne tienne, le TWA change son plan de vol d’IFR à VFR. Dans ce cas, il se débarrasse tout simplement du contrôleur et maintient à vue sa navigation et sa séparation avec les autres aéronefs. Dès ce moment, le TWA recommence à monter. Il est 10:31 du matin, le ciel est bleu au dessus de l’Arizona, on ne comprendra jamais comment les pilotes du TWA n’aient pas vu le Super Constellation qui les précédait. Avec ses 38 mètres d’envergure, ce n’est pas un objet à passer inaperçu. L’accident n’a pas eu de témoins ou de survivants, mais d’après la reconstitution des enquêteurs de l’époque, c’est l’aile gauche du DC-7 qui percuta l’empennage du Super Constellation qui volait dans son bon droit. Les dommages structuraux furent tels, que les deux appareils se retrouvèrent totalement hors contrôle et plongèrent vers le sol selon une trajectoire quasi-verticale.

Les avions de ligne s’écrasèrent à moins de deux kilomètres l’un de l’autre sur le parc national de Grand Canyon. L’un d’eux se retrouva au bas d’une importante falaise accessible uniquement par hélicoptère. L’autre fut localisé au fond d’une cheminée accessible uniquement aux alpinistes. Les épaves furent détruites par des incendies consécutifs aux impacts.

Par la suite de cet accident, la CAA, ancêtre de la FAA, décida pour la première fois d’utiliser le radar. On commença par faire appel à du surplus militaire puis de nouveaux systèmes adaptés à l’usage civil commencèrent à voir le jour. Par ailleurs, on interdit le vol à vue à haute altitude. Jusqu’à nos jours, les vols VFR sont interdits aux USA à partir du niveau de vol 180

Et ce jusqu’au niveau de vol 600. Au-dessus, on repasse à de l’espace de type E, qui est la forme la plus basique d’espace aérien contrôlé. Le VFR redevient possible.

Abordages (collisions en vol), NMAC, TCAS et contrôle radar

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Même si elles sont rares, moins de 1% des accidents, les pertes de séparation en vol sont toujours inquiétantes à cause de leur potentiel de destruction. Si deux avions en arrivent à se toucher en vol, les chances que l’un d’eux puisse atterrir sont minimes. Le risque implique les avions de ligne entre eux, mais surtout ces derniers avec le trafic de l’aviation générale. D’après des statistiques du 436ème bataillon aéroporté de l’armée US, 88% des collisions en vol arrivent de jour. Une majorité de ces accidents ont lieu dans de bonnes conditions de visibilité. Seuls 2% de ces accidents surviennent la nuit ! Les risques sont accrus en dessous des 1’000 pieds où l’on rencontre beaucoup de petits avions ainsi que des appareils de ligne à l’arrivée ou au départ. Il n’existe aucune relation entre l’expérience des pilotes et les chances de les voir impliqués dans un tel accident. Tous ont un risque égal de se retrouver dans une situation de perte de séparation en vol.

La FAA définit l’incident de type NMAC (Near Mid-Air Collision) comme étant un évènement au cours du quel deux avions en vol se retrouvent à moins de 500 pieds l’un de l’autre. Ou bien, toute autre situation, quelque soit la distance entre les deux appareils, où un pilote ou tout autre membre d’équipage a eu la perception qu’une collision était possible entre deux ou plusieurs avions. Ces évènements peuvent être rapportés sans risque de poursuites par le système ASRS de la NASA et donnent toujours lieu à une enquête sans sanction à la clé . On part du principe que tout NMAC est une collision avortée et que son étude revêt la plus grande importance dans l’intérêt de la sécurité publique.

Sans sanction s’ils sont portés à la connaissance de la NASA par le ASRS (Aviation Safety Reporting System). Au-trement, si l’affaire est prise en charge par la FAA, il y a un risque de sanctions si des violations sont découvertes. Par ailleurs, la FAA n’a pas le droit d’obtenir des informations de la NASA ou même tenter d’en obtenir. Beaucoup de NMAC ne sont jamais reportés par peur de sanctions légales ou professionnelles.

Voir et éviter
C’est ce qu’apprennent tous les pilotes. Il faut voler en scrutant dans toutes les directions à la recherche d’un éventuel avion. Certains instructeurs n’aiment pas le terme « voir » en ceci qu’il est passif. Ils lui préfèrent « chercher et détecter ». Quelques soient les termes utilisés, il n’en demeure pas moins que deux avions de ligne qui s’approchent de face à leur altitude de croisière voient la distance les séparant diminuer de plus de 30 km par minute. Si la visibilité est de l’ordre de 10 km, les avions ont 20 secondes entre le moment où ils sont théoriquement à vue l’un de l’autre et l’impact. De plus, ceci exige d’utiliser un sens humain loin d’être parfait : la vue.

En effet, même si le regard humain est capable d’embrasser une zone de l’ordre de 200 degrés d’ouverture, seule une patie de cet arc, 10 à 15 degrés, est capable d’envoyer au cerveau une image claire et complète. Physiologiquement, ceci correspond à la fovéa. La vision périphérique a une plus faible définition mais permet facilement de capter les mouvements. Par contre, une fois qu’un avion est identifié, il n’est pas évident de savoir ce qu’il fait avant qu’il ne soit suffisamment, voir dangereusement, proche. Par exemple, un avion qui arrive de face semble fixe et n’augmente pas de taille apparente pendant un long moment. Puis, soudain, en une fraction de seconde, il emplit toute la visière et c’est l’impact. En Anglais, on appelle cela le « blossom effect ».

Lors d’une convergence de trajectoire, tous les pilotes savent que s’ils voient l’autre avion à gisement constant, c’est qu’il va leur rentrer dedans. Mais faut-il le voir ! Le pilote d’un Cessna 172, avion à ailes hautes, a une vision très limitée vers le haut. Par ailleurs, l’équipage d’un avion de ligne en approche, a une mauvaise visibilité vers le bas à cause de l’angle de cabré nécessaire aux faibles vitesses.

Le même principe s’applique à la conduite automobile : si en arrivant sur un carrefour vous continuez à voir un autre véhicule toujours à angle constant, c’est que vous allez arriver au même moment que lui à l’intersection. L’impact est garanti si personne ne modifie sa vitesse. Ceci ce démontre en géométrie par le théorème des triangles semblables.

D’après l’ALPA, on a beau regarder devant soi, le danger vient par derrière ! Dans plus de 82% des collisions en vol, c’est un avion rapide qui rattrape et percute un avion plus lent que lui. Les collisions face à face ne sont constatées que dans 5% des cas. Le reste, soit 13% des collisions, se font selon un schéma de trajectoires convergentes.

Le RADAR
Développé durant la seconde guerre mondiale, ce n’est que dans l’après guerre que le RADAR commence à être utilisé pour le trafic aérien. Il permet une meilleure précision dans la séparation en vol mais aussi la détection précoce des conflits et des écarts de la part des pilotes. La couverture radar permet aussi de réduire les manœuvres d’approche et favorisant des arrivées directes. On voit immédiatement l’intérêt sachant que la majorité des pertes de séparation arrivent justement durant les évolutions dans le circuit d’aérodrome.

L’aspect négatif est que de nombreux pilotes baissent leur vigilance dès qu’ils entendent la phrase magique à la radio : « radar contact ». Pourtant, même là où elle existe, la couverture radar n’est pas toujours parfaite. Il existe souvent des zones de bruits ou des secteurs et des altitudes non couverts. Le fait de pouvoir capter le service radar à la radio, ne signifie pas toujours que leur appareil a une image parfaite de la situation de l’avion.

Hors Europe et Amérique du Nord, le contrôle radar reste assez exceptionnel. Même le dernier avion de ligne de chez Airbus ou Boeing, se fera contrôler en Afrique selon des méthodes ancestrales. Le contrôleur dispose de bandes en papiers représentant les avions au départ et à l’arrivée. Chaque appareil doit donner des estimées pour certains points et s’annoncer régulièrement quand il passe au-dessus des balises de radionavigation. Avec ces informations, le personnel au sol assure la séparation sous réserve que tous les intervenants respectent scrupuleusement les instructions et les consignes de navigation. Un écart n’a aucune chance d’être détecté et il n’est pas rare que les contrôleurs perdent le contact radio avec un appareil hors de porté. Heureusement, on déplore peu ou pas de collisions dans ces régions à cause même de la faiblesse du trafic aérien.

Le TCAS (Nom officiel OACI : ACAS)
Après un certain nombre de collisions dramatiques, s’imposa la nécessité de créer un système de dernier recours qui fonctionnerait de manière autonome et indépendante des contrôleurs aériens. C’est ainsi qu’est né le Trafic Collision Avoidance System connu sous l’acronyme TCAS. Le système était une idée datant de 1956 mais techniquement pas réalisable à cette époque. Il fut rendu obligatoire sur les avions de ligne dès 1993 aux USA. A l’époque, il s’agissait du TCAS I qui n’a jamais été implémenté en Europe. Le système ne donnait pas de solution d’évitement mais se contentait de signaler un risque de collision imminent. Les pilotes devaient contacter le contrôleur aérien ou chercher visuellement le trafic en conflit. En Europe, ce n’est qu’en 2000 que le TCAS II fut rendu obligatoire. A cette date, la majorité des avions en étaient déjà équipés.

L’appareil fonctionne en association avec le transpondeur. Les avions se trouvant dans le périmètre actif (Environ 40 miles en avant, jusqu’à 15 miles en arrière, 20 miles latéralement et plus ou moins 9’000 pieds d’altitude.) reçoivent des interrogations au sujet de leur altitude et vitesse. Avec ces données, l’appareil interrogateur fonde une image en trois dimensions de la situation dans l’espace et anticipe son évolution dans le temps. Si un risque de conflit se présente, les TCAS des deux avions impliqués négocient une solution d’évitement qui est communiquée aux pilotes. Par exemple, si deux Airbus s’approchent face à face, le TCAS du premier demandera à l’équipage de monter et le second demandera à son équipage de descendre. La concertation est importante pour éviter justement d’amener les avions vers des trajectoires convergentes. L’alarme se fait sous forme vocale et l’étendue de la correction s’affiche sur le variomètre ce qui permet aux pilotes de réagir sans stresser leur avion et leurs passagers plus que ce qui serait nécessaire pour échapper à la collision.

Aujourd’hui, le système en place est le TCAS II. Il a trois défauts importants. Le premier est la saturation rapide des canaux d’interrogation et de réception réduisant le nombre d’avions pouvant participer au système dans un volume donné. Autour des aéroports les plus congestionnés, le TCAS II peut être incapable de tenir compte de tous les appareils à proximité. De plus, le TCAS II ne sait résoudre les conflits que dans le plan vertical. C’est-à-dire qu’il ne sait proposer des manœuvres d’évitement qu’en demandant aux avions de monter ou de descendre. Il ne sait pas les faire virer à droite ou à gauche. Ceci est du à un manque de précision dans la réception angulaire qui ne permet pas d’avoir des solutions fiables sur le plan horizontal. Cet handicap prend toute sa signification au-dessus des zones montagneuses où il serait délicat de demander à un pilote de piquer vers le bas pour éviter un trafic potentiel. En plus de cela, les solutions élaborées ne sont pas évolutives. C’est-à-dire qu’elles ne tiennent pas compte des évolutions réelles survenant après leur négociation. Par exemple, si un TCAS demande à l’équipage de descendre et que celui-ci se mette à monter comme l’avion en face, il n’y pas de nouvelle solution qui serait élaborée. Au mieux, l’appareil continuera à répéter ces premières instructions, mais n’établira plus une autre solution. Pour cette raison, les pilotes doivent complètement adhérer aux alarmes RA du TCAS pour éviter d’en perdre tout le bénéfice.

Pour corriger ce dernier problème, Eurocontrol proposa un nouveau modèle mathématique comportant une amélioration connue sous le nom de Change Proposal CP112E. Celle-ci permet de redéfinir une nouvelle solution si un des appareils ne respecte pas les ordres d’évitement. Dans ce cas, le TCAS demande à l’autre appareil de changer son attitude et de remonter s’il était entrain de descendre, ou l’inverse.

Le TCAS IV qui est en projet permettra d’obtenir de meilleures solutions, y compris dans le plan horizontal, mais il ne sera pas en service avant quelques années.

Le TCAS III qui était une amélioration du II a été abandonné peu de temps après le lancement des recherches au profit d’une solution encore plus puissante qui fut donc appellée TCAS IV.

Un des gros problèmes dans l’usage du TCAS, est la gestion de la priorité des messages des sources différentes. En effet, si un conflit de trafic existe, il est détecté par le TCAS, mais aussi par le contrôleur aérien. Celui-ci peut intervenir pour donner aux avions impliqués des trajectoires d’évitement. Si un équipage suit le TCAS et l’autre le contrôleur aérien, on perd le profit de la solution négociée et les avions peuvent aller à l’impact alors qu’ils croient s’éviter.

Ce problème était connu dès la conception du TCAS. Pour cette raison, les pilotes furent instruits pour donner une priorité absolue au TCAS. Seules les alarmes GPWS devaient encore être considérées comme plus importantes. En cas de conflit avec alerte TCAS, les instructions du contrôle aérien devaient être ignorées jusqu’à l’annonce de la fin du conflit. Maintenant, les choses peuvent arriver très vite et pas dans un ordre parfait. Un contrôleur peut détecter un conflit, donner des instructions d’évitement qui commencent à être appliquées quand le TCAS réagit à son tour avec d’autres ordres. Qui suivre dans ce cas ? Vous avez une demi-seconde pour répondre juste.

Les risques
D’après une étude réalisée par l’US Air Force entre le 1 novembre 2004 et le 31 mai 2005, plus de 1’500 résolutions de conflits (RA) ont été émises par des TCAS rien que dans l’ARTCC de Boston ! En moyenne, 9 conflits étaient résolus quotidiennement par cet équipement. Le maximum relevé fut de 28 conflits en une seule journée.

En cas de réaction appropriée de la part des pilotes, le risque de collision en minimal. Par contre, dans de nombreux cas, il y a des équipages qui réagissent tardivement ou à l’inverse trop brutalement. A cela, on peut aussi ajouter les avions qui n’ont pas de TCAS mais seulement un transpondeur et qui peuvent suivre une trajectoire imprévue. On estime qu’en Europe le risque statistique de collision est d’un cas tous les 4 ans.

Lien NASA ASRS
– NASA ASRS

Feu à bord du Swissair vol 111 – La Catastrophe Helvétique

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Dans les années 1990, Swissair exploitait seize MD-11 ainsi que cinq Boeing 747 sur des lignes long courrier. A l’époque, c’était une compagnie au confort et la sécurité irréprochables. Swissair avait la réputation d’être chère, mais était tout le temps à la hauteur de ses promesses.

Le vol SR111 était très apprécié par les diplomates de l’ONU. C’était la façon la plus rapide et la plus confortable d’aller du siège de New York à celui de Genève. On y trouvait également des personnalités en vue d’Europe et d’Amérique. Dans les soutes, voyageait également des œuvres d’art et des fonds à destination des banques helvétiques.

En plus des 180 places Eco, le MD-11 de Swissair avait 49 sièges Business et 12 sièges de First. Ces derniers, se trouvant tout à l’avant de l’appareil, étaient vendus à prix d’or. A sa capacité maximale, le MD-11 pouvait emporter 241 passagers, 2 pilotes et 12 membres d’équipage commercial.

A moins qu’elles aient gagné leur voyage dans une loterie municipale, les personnes assises en Business et en First avaient un pouvoir d’achat très largement supérieur à la moyenne. Il n’y a donc rien d’anormal à ce qu’elles soient convoitées et poussées à la consommation lors de longs vols où elles n’ont rien d’autre à faire. C’est sur cette idée que fut lancée la compagnie IFT à Las Vegas dans le sud du Nevada. Depuis la légalisation des jeux de hasard en 1931, cette ville connut un essor considérable attirant les parieurs et toutes sortes de personnes prêtes à investir sur des projets terriblement risqués.

C’est dans ce contexte que fut lancée IFT en 1994. Son fondateur est un ingénieur Russe spécialisé dans les machines à sous. Son autre compagnie, FortuNet, fabrique et installe des appareils de keno, de bingo, de pokers et d’autres joyeusetés dans les hôtels, restaurants et autres lieux fréquentés par le public. Les responsables des endroits qui acceptent d’héberger ces machines reçoivent un pourcentage sur les revenus générés par celles-ci ou des primes fixes. Même si les primes sont intéressantes, la concurrence est rude et il devient de plus en plus difficile de trouver des endroits qui n’ont pas été déjà équipés par la concurrence.

C’est aussi le début de l’internet grand public et Yuri Itkis voit immédiatement le potentiel de cette nouvelle technologie. Avec un investissement dérisoire de 276’000 dollars, il crée IFT avec ses deux fils et se lance dans la fabrication du prototype de la machine à sous du ciel. Le but est d’installer un terminal dans le dossier de chaque siège de chaque appareil long courrier volant dans le monde. Le marché est vaste.

L’idée semble géniale, mais faut-il encore passer par la FAA. En effet, chaque système installé dans un avion après sa sortie donne lieu à une nouvelle formalité de certification dite STC (Supplemental Type Certificate). Cette certification, qui est du ressort de la FAA, peut-être obtenue chez de nombreuses petites entreprises agrées qui travaillaient avec peu ou pas de contrôle. Elles apposent le cachet de la FAA sur des documents et valident des décisions qui font école dans le monde entier.

C’est ainsi que le projet, encore incomplet, est soumis à la Santa Barbara Aerospace (SBA). Les travaux d’expertise sont à peine entamés que les investisseurs commencent à s’exciter dans les coulisses. Leur entreprise doit entrer en bourse en 1995 et ils veulent entendre de bonnes nouvelles. Des opérateurs de bourse commencent même à téléphoner à la SBA pour demander des nouvelles de l’avancement des choses. Le fait qu’ils soient en train de commettre un délit d’initiés ne les dérange même pas. Ils sont actuellement en prison pour cette affaire et d’autres magouilles découvertes dans son sillage.

Incomplet et peu sûr, le système est tout de même certifié et l’entreprise qui le fabrique introduite sur les marchés financiers dès mars 1995. La SBA n’a aucun scrupule à risquer la vie des passagers en connaissance de cause. En 1997, cette entreprise va jusqu’à envoyer par avion des générateurs à oxygène sur un vol en partance pour Houston et ce malgré une interdiction fédérale touchant ce produit. En effet, en mai 1996, le transport de ces générateurs avait provoqué l’horrible crash du vol 592 de ValuJet qui couta la vie à 110 personnes. Alors que le souvenir de ce drame était encore frais, la SBA n’hésita pas à expédier un chargement similaire. Elle fut condamnée à 300’000 dollars d’amende et son autorisation d’exercer lui fut retirée pour une courte période.

Des investisseurs prestigieux et bien introduits commencent à miser sur IFT dès que son produit est certifié pour une installation sur des avions gros porteurs. Il y a Alexander Haig, ancien général 4 étoiles et ancien conseiller à la Sécurité Nationale auprès du président des Etats-Unis. Ce dernier fut même soupçonné un temps d’être la balance du Watergate qui mit fin à la carrière politique de Nixon en 1974. Mr Haig touchait 50’000 dollars par an plus 1% des revenus de IFT. Il y a John Pitzker de la famille qui possède la chaine des fameux 5 étoiles Hyatt. Il y a l’Australien James Wolfensohn président de la Banque Mondiale. Au hasard, il y a encore des conseillers et des financiers des deux partis politiques américains. Avec un tel soutien, on ne peut pas rater ses objectifs.

Le premier client est Alitalia qui souscrit un contrat d’installation pour cinq avions à 540’000 dollars pièce. Les compagnies aériennes se révèlent de bonnes gourdes au-delà de toute espérance. Alors que les hôteliers de Vegas perçoivent des dessous de table pour laisser installer les machines à sous, les compagnies aériennes vont jusqu’à en supporter les frais de mise en place.

Le système se présente sous forme d’un écran plat situé dans le dossier en face de chaque passager. Il permet de voir des films, mais surtout, et c’est sa raison d’être, de jouer à des jeux d’argent en connexion directe sur les casinos affiliés à IFT.

L’expérience d’Alitalia se déroule très mal. Il ne se passe pas un vol sans que plusieurs appareils ne tombent en panne. Sous chaque siège équipé, il y a une grosse unité centrale qui dégage une chaleur formidable et finit par indisposer les passagers. En effet, cette invention géniale n’est rien d’autre qu’un ordinateur bas de gamme posé sous un siège et un écran tactile attaché sur le dossier.

En mai 1996, Swissair est démarchée par IFT et passe commande pour l’équipement de 21 avions au prix de 3.4 millions de dollars chaque, soit plus de 6 fois le prix facturé à Alitalia un an plus tôt. Les opérations se passent aux services techniques de la compagnie à Zürich. Tous les longs courriers de Swissair sont équipés sur les sièges des classes First et Business. Le système permet de jouer aux machines à sous en plein vol. Les revenus sont partagés entre IFT, la compagnie aérienne et le Loto Suisse. A la conclusion du contrat plusieurs responsables de Swissair achètent des actions IFT.

Swissair 111 enregistrement sismique
Enregistrement sismique indiquant l’heure exacte du crash et la localisation du crash

Pour faire avaler la pilule à la FAA, la société SBA, qui s’occupe de la certification, envoi une lettre d’intention à l’Administration et ment sur plusieurs points. Tout d’abord, le courrier parle de un seul MD-11 Swissair qui sera équipé. La FAA est moins regardante quand une modification est ponctuelle et limitée à un seul avion. De plus, la lettre omet de dire que la mise en place sera faite à l’étranger. Tout est fait pour ne pas attirer, plus que nécessaire, l’attention des fonctionnaires. Le projet est minimisé au possible dans toutes les communications. Les personnes chargées de vendre ces équipements savent à quel point ils sont dangereux et incompatibles avec la sécurité des avions, mais le but, avant tout, est de satisfaire les marchés boursiers. Le dernier rempart était encore constitué par les responsables de Swissair, mais ceux-ci ayant des actions d’IFT dans leur portefeuille personnel, on ne pouvait plus s’attendre de leur part qu’à un jugement biaisé et orienté.

La première partie de l’équipement est installée aux USA. Les cloisons sont démontées et de milliers de mètres de fils électriques déployés dans la cabine. Les appareils rentrent en Suisse pour que l’installation soit finalisée à Zurich. Les inspecteurs de l’Office Fédéral de l’Aviation Civile ne peuvent pas contrôler le travail qui avait été fait. L’essentiel du système est caché et, entre deux escales, ils ne peuvent pas se permettre de démonter un avion commercial. Un papier vient cependant les rassurer. Il s’agit du formulaire 337 rempli et signé au nom de la prestigieuse FAA. Les inspecteurs de l’OFAC donnent un certificat temporaire qui permet d’exploiter les appareils en l’état.

L’usage du formulaire 337 est une véritable arnaque dans ce cas. Tout d’abord, ce document n’est valable que pour les appareils placés directement sous l’autorité de la FAA, c’est-à-dire les appareils civils américains. Les MD-11 de Swissair avaient tous des immatriculations commençant par HB, donc helvétique. De plus, ce formulaire n’est pas une certification ou une autorisation de faire des modifications sur un avion. C’est tout simplement une déclaration de réparation ou de modification approuvée. Quand un exploitant d’un avion américain fait une intervention technique importante et déjà approuvée, il doit en faire la déclaration par le biais de ce document.

Alors que la SBA est entrain de travailler sur la certification pour Swissair, sa licence est suspendue par la FAA pour des manquements dans d’autres affaires. Nonobstant cette suspension, l’entreprise continue à travailler sur le dossier des MD-11 et signe tous les documents nécessaires à la certification définitive. Quelques jours après, la licence est revalidée. La FAA prétend que la licence avait été suspendue par erreur par un agent sur le point de partir à la retraite. La suspension de licences à des compagnies de maintenance est un processus lourd et impliquant des décisions à plusieurs niveaux hiérarchiques. Il ne s’agit nullement d’une manœuvre qui peut s’effectuer par erreur. Tout semble indiquer une intervention efficace en haut lieu pour une remise immédiate de la licence à la SBA. Transformer les avions de Swissair en casinos volants vaut bien ça.

La mise en place du système est expédiée et dès le début 1997, les premiers vols équipés ont lieu. Les heureux porteurs d’actions IFT chez Swissair sont sous le choc. Le résultat est en deçà de tout ce qu’ils avaient imaginé. Tout d’abord, pour le prix payé pour le billet d’avion, les passagers trouvent qu’on n’a pas à leur facturer le visionnage de films sur un écran de taille A5. De plus, les passagers triés sur le volet de la First et Business ne sont pas joueurs. Ils préfèrent travailler sur leurs dossiers ou dormir que de s’adonner aux joies du Keno. Ce jeu aux couleurs criardes et à la musique agressive excite surtout le plébéien fauché. La jet-set et les fonctionnaires internationaux ont d’autres amusements.

Trois mois après l’adoption du système chez Swissair, seulement 50 passagers avaient joué la limite de 200 dollars. Techniquement, les mêmes problèmes que sur les avions d’Alitalia apparaissent. Le système est lourd et consomme des quantités phénoménales de courant électrique. Les passagers ont l’impression d’être assis sur des poêles et sont rapidement gênés par la chaleur. A chaque atterrissage, les équipages comptent les systèmes ayant succombé au cours du vol. C’est à la compagnie aérienne de les changer au prix fort.

Quantas et d’autres compagnies aériennes sont approchées mais toutes trouvèrent le système problématique et ridiculement cher pour un rendement nul. Chez IFT, les rats commencent à quitter le navire. Les directeurs commencent à vendre leurs actions et partir vers d’autres horizons.

Devant l’échec patent du projet, IFT cesse ses activités en mai 1998. Quelques mois plus tard, c’est la SBA qui se trouve en difficulté. Leurs ateliers ont un 737 à réparer mais personne ne sait comment s’y prendre. Alors que la réparation est en retard de plus de quatre mois, le propriétaire du Boeing, une compagnie canadienne, envoi des pilotes et des responsables pour reprendre l’appareil. Sur le vol du retour, ils embarquent avec eux trois directeurs techniques de la SBA pour s’expliquer avec eux sur les raisons du retard sur les travaux. Les canadiens sont pantois. En face, ils ont des personnes totalement incompétentes et ignorantes des bases du métier qu’elles prétendent exercer. Ils demandent à leur pilote d’atterrir d’urgence sur le premier aéroport venu. Le 737 pose en Californie et les responsables de la SBA sont mis à la porte. Pour faire bonne mesure, les Canadiens leur donnent 200 Dollars pour le taxi et redécollent sans eux.

En août 1997, environ un an avant sa fin tragique, le MD-11 immatriculé HB-IWF est poussé dans les hangars de SR Technics pour être équipé des consoles conçues par IFT. A ce moment, l’échec de ses appareils est bien connu, mais puisque l’on a commencé, on continue.

La genèse de ce drame ne serait pas complète, sans parler d’un autre composant présent dans l’appareil. Quand un avion est tout juste terminé, depuis l’intérieur de la cabine on peut directement toucher le métal du fuselage. Afin de réduire le bruit et les déperditions de chaleur, des couvertures isolantes sont fixées en plusieurs couches contre les parois avant l’installation des garnitures et des sièges.

Ces couvertures ont plusieurs composants dérivés du PET, matériau composite dont on fabrique les bouteilles d’eau minérale entre autres. Ce produit est léger, facile à manipuler et isole parfaitement le courant électrique, le bruit et la chaleur. Il est utilisé sur des centaines d’avions de par le monde. Le problème avec ce polymère est qu’il prend facilement feu. En outre, plus il vieillit, plus sa structure chimique évolue et le rend vulnérable.

Entre ces feuilles d’isolant, circulent des centaines de kilomètres de fils électriques. Certains sont fins alors que d’autres sont gros comme le doigt. Or, dès 1995, la Civil Aviation of China (CAAC) lance un message d’alerte à la FAA suite à trois incidents concernant les isolants installés sur les Boeing 737-300 et les MD-11. Ces derniers prennent feu au moindre court circuit qui touche les fils électriques qui y circulent. Ainsi, on commence par un système peu important qui surchauffe ou qui grille et on finit par un avion perdu corps et biens. Le danger est important et la FAA promet de regarder la chose de près.

Le 9 janvier 1998, un 767-322ER d’United Airlines décolle de Zurich piste 16 à destination de Washington. Alors qu’il survole la région parisienne, des alarmes bizarres attirent l’attention des pilotes. L’appareil avait connu des anomalies avec une pompe hydraulique avant même son départ, puis la situation semblait diverger progressivement. Sans plus attendre, la décision d’un déroutement sur Londres fut prise. Le copilote pose sans trop de stress et quitte normalement la piste. A ce moment, un autre membre d’équipage surgit dans le cockpit et annonce qu’il y a de la fumée vers les sièges 1E et 1F. C’en est trop pour le commandant de bord. Immédiatement, il coupe les réacteurs et demande l’évacuation de l’appareil. Les portes sont ouvertes et les toboggans se déploient. (Pas tous bien entendu. Jusqu’à nos jours, on ne sait pas fabriquer des toboggans qui se déploient automatiquement à tous les coups. Il n’y a pas un seul rapport d’évacuation qui ne mentionne pas qu’un ou plusieurs toboggans ne se sont pas ouverts). Malgré cela, le 767 est évacué en 90 secondes et les passagers éloignés à une distance suffisante.

Dans les jours qui suivent, l’avion est inspecté et on découvre que des fils électriques avaient été abrasés lors d’une opération de maintenance dans la soute qui contient les équipements électroniques. Ces fils ont commencé à se toucher à puis produire des arcs qui envoyaient du cuivre fondu à plusieurs centimètres de distance. Ces projections à plus de 1000° tombaient sur les couvertures isolantes et provoquaient des petits départs de feu qui s’arrêtaient spontanément. En effet, les couvertures isolantes du 767 comportent des feuilles de retardant. Cette mesure ne rend pas l’ensemble ininflammable, mais rend difficile sa mise à feu.

En novembre 1993, un accident similaire avait eu lieu sur un MD-87 de la compagnie SAS à l’aéroport de Copenhague. L’avion était au sol quand une forte odeur de fumée commença à se répandre dans la cabine. Les 110 passagers furent à peine évacués que le feu commença à s’attaquer aux garnitures. Les pompiers danois furent plus rapides et l’appareil fut sauvé et reprit du service. L’enquête conclut à un incendie d’origine électrique propagé par les couvertures isolantes en dérivés de PET tels le Mylar et le Kapton . Etonnamment, ni la FAA, ni le NTSB ne furent informés de cet incident alors que l’avion est de fabrication américaine.

En novembre 1995, un MD-82 connaît exactement le même sort à l’aéroport de Turin mais l’affaire ne fait pas plus de bruit que d’habitude et aucune mesure énergique n’est prise.

Le dernier avertissement tombe le 30 août 1998, trois jours avant la tragédie du SR111. Un équipage de MD-11 de Swissair est alerté en vol par un bruit bizarre émis par une unité d’alimentation du système de divertissement à bord. Un fusible saute et il se ressort chaque fois qu’il est poussé. Au sol, l’unité est démontée et on découvre qu’elle est carbonisée à l’intérieur. Elle est changée et les opérations reprennent.

Le 2 septembre 1998, le HB-IWF décolle de New York JFK à 20 heures 18 locales avec 229 personnes à bord. Il est attendu dans la matinée du 3 à l’aéroport de Genève. Ce MD-11, portant les couleurs de la Swissair et l’écusson du canton de Vaud, réalise le vol SR 111 et Delta 111 selon un accord entre les deux compagnies.

Mis à part quelques turbulences, la montée se passe normalement et l’appareil se stabilise au niveau 330. A 21 heures 10, les deux pilotes sentent une odeur de fumée dans le cockpit et commencent à en chercher l’origine. Dans la cabine, il n’y avait aucune trace de fumée. Rapidement, ils suspectent le système de conditionnement d’air de l’appareil et décident de faire demi-tour. Le pilote appelle le contrôleur aérien à Moncton et demande un retour sur Boston. Le contrôleur suggère plutôt Halifax en Nouvelle Ecosse. Ce dernier aéroport, bien plus proche, n’était qu’à 66 miles (123 km). Les pilotes acceptent la proposition et sont immédiatement autorisés à descendre vers le niveau 290 initialement. Il s’est passé 3 minutes entre les premiers signes de fumée et cette autorisation. A la vitesse qu’il a, l’avion peut être à la verticale d’Halifax en 6 à 7 minutes, mais faut-il encore manœuvrer, ralentir et préparer l’atterrissage.

A l’instant où la descente commence, le MD-11 est quasiment dans le prolongement de l’axe de la piste 06 de l’aéroport d’Halifax. Les pilotes n’ont pas les cartes d’approche pour ce terrain sous les yeux et de précieuses secondes sont perdues à les retrouver. Pendant ce temps, l’appareil croise le prolongement de l’axe de piste et s’en éloigne un peu vers le sud. Les pilotes reprennent la bonne direction et s’approchent de l’aéroport.

21 heures 18, l’appareil est autorisé pour 3’000 pieds et une approche directe sur Halifax. Le pilote n’a jamais déclaré d’urgence, mais les contrôleurs sentent que quelque chose de grave est entrain de se passer et traitent le cas comme tel. Etonnamment, le commandant de bord décline l’offre de descendre à 3’000 pieds et annonce qu’il va rester un peu de temps à 8’000 pieds le temps que « la cabine soit prête pour l’atterrissage ». Le taux de descente maintenu par le MD-11 est de l’ordre de 3’000 pieds par minute et cohérent avec un profil de descente d’urgence à cette distance.

21 heures 19, le contrôleur aérien de Moncton entame un guidage radar de l’appareil. Cette procédure permet de suivre le chemin le plus court vers la piste sans perdre de temps avec les cartes, les calculs ou la programmation des systèmes embarqués. Le pilote est orienté vers le cap 030 pour lui faire intercepter l’axe de piste 06 sous un angle de 30 degrés. Le contrôleur informe l’équipage qu’ils sont à 30 nautiques du seuil de piste, soit 55 km restants encore à parcourir pour le salut. Pour leur faciliter encore les choses, le contrôleur communique même la fréquence de l’ILS sur Halifax, 119.9 Mhz.

A ce moment, les pilotes ont une réaction qui montre, à postériori, qu’ils n’avaient pas encore pris la mesure de l’urgence de la situation. Au lieu de foncer sur la piste proposée à la vitesse la plus élevée possible, ils décident de prolonger leur trajectoire et donc de rester plus longtemps en l’air. Ils en informent le contrôleur qui leur donne un cap plein nord, moins optimal. En quelques secondes, ils croisent le prolongement de l’axe de piste puis recommencent à s’en éloigner. Au plus près, l’avion est à 17 miles de la piste, soit 31 km.

21 heures 21, l’avion est au niveau 210. Il n’a perdu que 5’000 pieds sur les trois dernières minutes. Les pilotes commencent à discuter de l’opportunité de faire un tour d’éloignement pour jeter un peu de carburant avant de tenter l’atterrissage. Rapidement, ils tombent d’accord sur la chose. A ce moment, l’appareil pèse 230 tonnes alors que le poids maximal conseillé pour l’atterrissage avec cet appareil est de 199 tonnes. Le manuel des opérations de Swissair, donne une tolérance jusqu’à 218 tonnes et même au-delà à ladiscrétion de l’équipage si la sécurité est en jeu.

Selon les lois canadiennes, le contenu du CVR n’est pas public et n’est donc pas divulgué lors d’une enquête. Selon un journaliste américain qui a pu en consulter une transcription, il y a avait une forte tension et un désacord entre les pilotes sur l’attitude à adopter. Le copilote était pour un atterrissage immédiat alors que le commandant de bord lui demandait de se taire et insistait pour appliquer la procédure.

Atterrir avec une masse trop élevée comporte un risque structural pour l’avion. Si le train d’atterrissage touche la piste trop brutalement, il peut soit se briser, soit déformer les ailes ou d’autres éléments au delà de toute réparation. Le prix de l’appareil a du rentrer en jeu dans la décision qui va suivre.

Le MD-11 s’éloigne et le contrôleur l’informe qu’il faut une distance d’au moins 10 miles pour pouvoir jeter du carburant sans risquer une pollution sévère de la zone côtière. Il suggère néanmoins un parcours qui garde l’avion le près possible de l’aéroport, mais les pilotes déclinent et annoncent qu’ils ne voient pas d’inconvénients à tourner vers le cap 200. Ce cap met l’avion sur une route d’éloignement de la piste.

A 10’000 pieds, la descente est arrêtée et le cap stabilisé au 180 magnétique. Le largage du kérosène ne commence pas encore. A 21:23:53, le contrôleur informe l’équipage qu’il va les garder dans un rayon de 35 à 40 miles nautiques (65 à 74 km) autour du terrain au cas où ils auraient besoin de revenir rapidement. Sa proposition est validée et au même moment, le pilote automatique se débranche. Un des pilotes prend le manche et constate qu’il a du mal à tenir une altitude précise en manuel. Vingt secondes plus tard, le copilote demande à la radio s’ils peuvent manœuvrer sur une tranche d’altitude comprise entre 9’000 et 11’000 pieds. Généreux, le contrôleur les autorise à voler à leur guise entre 5’000 et 12’000 pieds. Il est 21:24:38.7

21:24:42, les deux pilotes déclarent presque simultanément une urgence. C’est la première fois depuis le début de la séquence que l’urgence est déclarée. Dans le cockpit envahi de fumée, les deux pilotes ne se voient même plus et chacun vit l’incident comme s’il était seul. Ceci explique pourquoi le contrôleur a deux déclarations d’urgence superposées.

21:24:56, ils indiquent qu’ils ont commencé à vider le carburant mais qu’il devient urgent pour eux d’atterrir. A 21:25:05.4, les pilotes déclarent une urgence pour la seconde fois et ce sera la dernière émission de leur part.

Quelques secondes plus tard, le contrôleur leur demande de le contacter quand ils auront fini leur largage de carburant. Aucune réponse ne viendra, mais la trace de l’appareil continue à évoluer sur le scope du radar.

Vers 21 heures 30, des habitants de la baie de Sainte Margarette entendent le bruit d’un avion qui passe à basse altitude. A 21:31:17.68, les sismographes enregistrent une brève secousse au large du village de pêcheurs de Peggy’s Cove. Il y a un peu plus de 50 mètres de profondeur sur la zone. En heurtant l’eau, l’appareil se désintègre en plus de 2 millions de morceaux. Avec 350 G de décélération, le crash n’est pas survivable et fait 229 victimes. Les opérations de récupération commencent alors que les premiers débris arrivent sur les plages de la baie. Les pièces remontées sont répertoriées puis emportées par hélicoptère vers l’aéroport le plus proche, celui d’Halifax Shearwater. Les autorités canadiennes mettent le paquet et aucun effort n’est épargné pour reconstituer l’avion tel qu’il était une seconde avant le crash.

Cet aéroport (Shearwater) était plus proche que celui de Halifax International. Par contre, il n’avait pu être proposé au SR111 parce que ce n’est pas un terrain civil, mais une base militaire.

Dans les heures suivant l’annonce de l’accident, les responsables de la FAA commencent à fouiller leurs dossiers pour voir s’ils ont quelque chose concernant le HB-IWF. Rapidement, ils tombent sur les documents de certification des systèmes de divertissement et les irrégularités qu’ils y trouvent laissent présager le pire. Ils savent que l’avion a été victime d’un incendie à bord et cette installation bâclée leur semble constituer une source potentielle de premier choix. A Zurich, certains responsables de Swissair continuent à négocier avec IFT l’installation de jeux sur d’autres avions.

Du fond de la mer, des fils électriques sont remontées. Ils indiquent la présence de courts circuits et d’arcs électriques survenus à 20 endroits différents. Un arc se produit quand des conducteurs à des potentiels différents sont dénudés et rapprochés. L’évènement produit une chaleur importante et projette des gouttes de métal fondu qui peuvent initier un incendie. A l’opposé, un incendie, quelque soit sa source, peut s’attaquer à des conducteurs, détruire leurs isolants et donc générer des arcs et des courts-circuits. Ainsi, il était important de déterminer si les arcs ont eu lieu avant ou après le début de l’incendie. Une technique d’analyse scientifique permit de répondre à la question. En effet, quand les goutes de cuivre conducteur sont projetées à l’état fondu, elles peuvent en se solidifiant enfermer des échantillons de l’air qui les entoure. Celui-ci peut être analysé pour savoir s’il contenait des gaz liés à la présence d’un incendie ou pas.

Par ailleurs, comme de nombreux éléments du cockpit et de la cabine semblent avoir souffert du feu, des expériences comparatives sont réalisées en laboratoire. Divers échantillons de matériel obtenus chez le constructeur de l’avion sont soumis à différentes températures qui permettent d’établir une échelle. Par la suite, pour chaque zone de l’avion, il devient possible de savoir l’intensité et la durée du feu. De cette manière, la propagation et le lieu de départ peuvent être déterminés avec précision.

En décembre 1999, les opérations de récupérations sont achevées avec succès. Plus de 126 tonnes de débris sont remontés soit 98% de la masse à vide de l’appareil. Les chalutiers repassent leurs filets une dernière fois et le sable marin est passé au tamis fin : il n’y a plus rien à remonter. Plus de 350 investigateurs représentant de nombreux métiers et compétences se mettent à reconstruire la zone la plus critique de l’appareil : les 10 premiers mètres.

Les derniers moments avant le crash sont les plus difficiles à reconstituer et ne seront jamais connus dans leurs moindres détails. En effet, près de six minutes avant le crash, les enregistreurs de vol avaient cessé de fonctionner. Les fils leur fournissant l’énergie et les données passaient justement dans la zone du sinistre.

Les actions des pilotes et les procédures de la compagnie helvétique sont passées au crible. Comme partout dans le monde, les pilotes sont entrainés pour avoir une réponse mesurée et proportionnelle au danger perçu. Cependant, la prise en main des situations de fumée à bord est tout simplement ahurissante. Pourtant, Swissair n’est pas à son premier problème de fumée. Les deux plus graves accidents de la compagnie avaient été provoqués en par de la fumée en 1963 et 1970. Le premier coûta la vie à 80 personnes, quasiment toutes du même village, et le second emporta 47 personnes. Ni dans l’un, ni l’autre de ces drames, les pilotes n’eurent plus de 10 minutes de vol depuis les premières manifestations de la fumée. Ceux du MD-11 du vol 111 eurent 15 minutes.

Tout d’abord, Swissair définit 2 check-lists en fonction de l’origine de la fumée. La première concerne la fumée provenant du système de conditionnement d’air. Dans son principe, elle requiert que les pilotes arrêtent les systèmes de conditionnement (packs) l’un après l’autre pour voir si la fumée diminue ou pas. Si c’est le cas, il n’y a plus rien d’autre à faire. Si le problème persiste, il faut sortir une seconde checklist intitulée « Fumée d’Origine Inconnue ». Cette dernière propose aux pilotes diverses manœuvres consistant à couper tels ou tels circuits puis à attendre pour voir si la fumée diminue ou pas. Les démarches envisagées prennent 20 à 30 minutes à compléter. Tout en bas de la seconde checklist, une phrase vient clore le sujet en disant que si la fumée persiste, atterrissez à l’aéroport approprié le plus proche.

Dans le déroulement de cette procédure, on compte sur l’odorat des pilotes pour déterminer d’où vient la fumée. On suppose donc que les pilotes ont le nez assez fin pour analyser la fumée et en établir la source. De plus, la procédure suppose que la fumée ne provient pas d’un incendie, mais qu’elle en est le probable précurseur. Les pilotes doivent donc couper les systèmes avant que ceux-ci ne provoquent du feu.

Ce qu’il y a de grave dans cette procédure, c’est qu’elle ne demande pas aux pilotes de commencer une diversion vers l’aéroport le plus proche dès les premiers signes de fumée. Ils doivent continuer leur vol et prendre la décision d’atterrir seulement quand toutes les solutions sont épuisées et que la fumée ne diminue pas.

De plus, lors de leur entrainement en simulateur, les pilotes sont soumis à situation de déclenchement de fumée à bord, mais l’accent est surtout mis sur des issues favorables. Du moment que les pilotes suivaient la checklist, la fumée diminuait et le vol continuait normalement. Les pilotes sur SR 111 sont complètement pris de court par une situation qui diverge rapidement malgré l’application stricte des procédures de la compagnie.

Le personnel naviguant commercial (PNC) est entrainé pour lutter contre les incendies survenant dans les toilettes, la zone de cuisine et la cabine. Ils n’ont aucune formation et aucun équipement pour s’attaquer aux feux surgissant dans le cockpit, ni aux feux qui sont dans des zones inaccessibles. Les pilotes, sont supposés occupés à la conduite de l’avion et ne participent donc pas à la lutte contre un éventuel incendie.

Les pilotes font mieux que la checklist. Dès qu’ils perçoivent la fumée, ils décident de s’orienter vers l’aéroport de Halifax. En route, la fumée persiste, mais la situation ne se dégrade pas. Aucun autre élément visuel ou alarme ne viennent confirmer la présence d’un incendie. La situation n’est donc pas considérée comme très urgente et les pilotes décident même d’aller faire des tours au-dessus de la mer pour jeter du carburant. A ce moment, ils ont presque l’impression d’avoir sur-réagit et préfèrent limiter les dégâts et de ne pas tenter d’atterrissage en surpoids. Alors que les contrôleurs considèrent la situation comme très grave dès les premiers instants, les pilotes restent dans l’expectative. Finalement, il se passera 20 secondes entre le moment où ils déclareront une urgence et le moment où ils perdent toute possibilité de communication avec le sol.

Un contrôleur aérien à Halifax est spécialement assigné au vol SR 111. Il ne s’occupe d’aucun autre avion. Quand il ne reçoit plus aucune communication des pilotes, il ne s’inquiète pas outre-mesure. Les contrôleurs n’étaient pas formés pour les situations de largage de carburant. Néanmoins, le contrôleur présent ce soir là avait un passé militaire et se souvenait que les appareils devaient couper certains équipements électriques lors des opérations d’avitaillement en l’air. Il supposa donc que les pilotes avaient sciemment coupé leurs équipements radios et s’attendit à les avoir en ligne un peu plus tard.

Les pilotes commencent effectivement la check-list pour fumée d’origine inconnue 10 minutes après le début de leur descente. A ce moment, ils sont entrain de virer vers la mer et la situation semble sous contrôle. Le premier élément de la check-list demande de passer sur OFF l’interrupteur principal alimentant la cabine.

 


Swissair 111 checklist
La première étape de la check-list consiste à désactiver la bus cabine
 

En effet, dans la logique des avions, le courant électrique est distribué par des bus. Ca serait l’équivalent de prises dans une maison. Il y a des bus dites essentielles parce qu’elles alimentent des dispositifs importants comme les instruments de bord ou les systèmes de navigation. D’autres bus sont dites non essentielles et alimentent la cabine. Le MD-11, comme la majorité des avions de sa génération, peut voler avec toutes les bus désactivées, c’est-à-dire sans courant électrique du tout.

Néanmoins, il y a une grave erreur qui a été faite lors de la mise en place du système de divertissement. Celui-ci était tout d’abord prévu pour être installé sur la totalité des sièges. Dans ce cas, les bus de la cabine passagers n’avaient pas assez de puissance pour alimenter tous les appareils. Il fut donc décidé de brancher les jeux sur une bus essentielle distribuant du 110 Volts alternatif. Plus tard, quand le système ne fut installé que dans les zones situées à l’avant de l’avion, le plan de faire le branchement sur une bus essentielle fut tout de même maintenu. Les pilotes n’avaient pas été informés et la documentation de l’avion ne faisait pas référence à cette situation. De la sorte, quand les pilotes coupaient les bus non essentielles, ils croyaient avoir soulagé le circuit d’une bonne partie de ses consommateurs. Or, ils avaient tout faux ! Alors que l’éclairage de la cabine était coupé et les passagers plongés dans le noir, les écrans d’IFT continuaient ironiquement à faire la promotion du Keno et d’autre jeux de hasard. Le système était un gros consommateur qui restait actif même quand la check-list fumée d’origine inconnue était exécutée. Bien entendu, la FAA n’avait pas été informée de ce fait et la lettre d’intention qu’elle avait reçue indiquait que les jeux seraient connectés sur une des 6 bus non essentielles de la cabine.

Alors que l’avion est à son niveau de croisière et que les hôtesses commencent à distribuer des repas, le feu se déclare derrière les cloisons de la partie supérieure du cockpit et commence à se propager vers l’arrière au dessus des cloisons de la First Class. Tous les pilotes interrogés par les enquêteurs ignoraient que cet espace contenait des éléments inflammables qui pouvaient propager et alimenter le feu. Tous connaissaient l’existence des couvertures faites de couches de PET et dérivés, mais ils pensaient qu’elles étaient à l’épreuve du feu comme on leur disait alors.

Mylar et Kapton sont des noms déposés appartenant à Dupont de Nemours, la seconde compagnie mondiale de produits chimiques après BASF.

Pour cette raison, quand les pilotes du SR 111 sentent, puis voient de la fumée surgir au-dessus de leurs têtes, ils ne pensent à rien de méchant. Pour eux, il n’y a rien qui puisse brûler dans cette zone et mettent la fumée sur le compte d’un mauvais fonctionnement du système de conditionnement d’air. Ils entament cependant une descente rapide sans être pour autant acrobatique. Ils ne connaissent pas l’aéroport de Halifax et n’ont pas les cartes d’approche sous les yeux. Comme il fait nuit, ils préfèrent ne pas prendre trop de risques. Ils commencent donc la descente tandis que les hotesses font leur possible pour ramasser les plateaux au plus vite.

Alors que le feu couve au-dessus de leurs têtes, les passagers ne se rendent compte de rien. Aucune fumée n’est perçue en cabine ni par les voyageurs, ni par le personnel commercial. Au-quel cas, les pilotes en auraient été informés sans délais.

Le commandant de bord et le copilote ressentent une odeur de brûlé et une fumée intermittente rentre dans le cockpit depuis les diffuseurs situés dans le plafond. Ceci les renforce dans l’impression qu’il ne s’agit que d’une fumée générée par le système de conditionnement. Le feu se serait déclaré en tout autre endroit, les pilotes auraient eu une perception plus juste de sa nature et de sa gravité. Ils finissent par mettre leurs masques à oxygène pour plus de sureté. Ces masques, même s’ils peuvent sauver la vie, restent d’une efficacitémoyenne. Souvent, ils sont mal ajustés aux morphologies individuelles et en tous les cas ils perturbent la vision et la communication.

Alors qu’ils sont en virage vers la mer, les pilotes décident de profiter de ce moment pour effectuer la checklist. A la première ligne, ils signent leur arrêt de mort.

En effet, l’incendie avait pris dans le plafond, près de la bus essentielle et continuait sa progression caché sous les garnitures. Ni les pilotes, ni les passagers n’avaient conscience de son existence et de son étendue. Les flammes allaient vers l’arrière parce que des soufflantes provoquaient un appel d’air dans cette direction. Ces soufflantes, pas directement visibles, existent dans tous les avions et sont responsables de la recirculation de l’air en cabine. En plus d’aller dans le sens du flux d’air, les flammes se propagent toujours en direction des matériaux les plus inflammables. Vers l’avant, de grosses tresses de fils électriques disposées horizontalement agissaient comme des barrières retardantes.

Quand les pilotes coupent l’alimentation électrique de la cabine, les soufflantes s’arrêtent et les flammes reviennent tout à coup vers l’avant. La température dans le cockpit augmente brutalement et les écrans commencent à s’éteindre l’un après l’autre. En un peu plus d’une minute, plus aucun appareil ne fonctionne et les garnitures en plastique commencent à fondre. Le cockpit est un véritable four avec près de 600° C par endroits.

Le pilote automatique est le premier à se désengager, mais l’avion reste pilotable. Les circuits de la chaine de commande commencent sous le plancher et resteront fonctionnels jusqu’à la fin. Par contre, les pilotes n’ont plus aucune indication sur l’attitude de l’avion. Certes, il y a un minuscule horizon artificiel juste sous le levier de sortie du train d’atterrissage, mais dans la fumée, il est complètement invisible.

La chaleur et le flux de gaz toxiques augmentent rapidement vers le moment où le contact est perdu avec la tour de contrôle. Au plus fort du sinistre, même les éléments en alliage d’aluminium commencent à fondre et à couler sur les zones habitables du cockpit.

Malgré son masque, le copilote est rapidement incapacité par l’inhalation de fumées toxiques et s’effondre retenu par ses 5 harnais de sécurité. A sa gauche, le commandant de bord n’a plus d’autre choix que de fuir. Il détache ses harnais et manœuvre latéralement son siège pour le quitter. La fournaise est telle que les habits et les cheveux peuvent prendre feu spontanément. On ne peut pas savoir aujourd’hui si le commandant de bord a réussi à quitter le cockpit en flammes ou s’il a été dépassé par la fumée puis s’est écroulé à peine eut-il détaché ses harnais.

L’avion sans contrôle opère un virage à droite et survole des régions habitées et s’en va vers la mer. Dans la cabine, les passagers sont plongés dans le noir. Les hôtesses et stewards sont attachés à leurs postes. Un passager, pilote de formation, se penche sous son siège et retire un gilet de sauvetage. Il le passe rapidement sur ses habits et serre les attaches. A peine eut-il fini que l’avion est à quelques mètres au dessus de la mer. L’inclinaison de 112 degrés fait que c’est l’aile droite qui touche en premier puis elle est suivie par tout le reste une fraction de seconde plus tard.

Jusqu’à aujourd’hui, se pose la question si ce crash aurait été évitable par une réaction plus adaptée de la part des pilotes.

Dans les semaines suivant le crash du SR 111, Swissair décida démonter le système IFT de tous ses appareils. Une inspection avait montré des installations bâclées et dangereuses prêtes à prendre feu. Du câble coaxial était tordu à angle droit, des fils électriques arrivaient sur un fusible avec un diamètre et repartaient avec un autre, des attaches en métal non rembourré maintenaient des conducteurs avec un isolant fin… etc. tout sauf du travail suisse.

IFT fit faillite suite à ce crash. Un des ses dirigeants, Michael Itkis, se fait appeler Mike Snow aujourd’hui et rôde du coté de l’Arizona. Il travaille toujours dans le secteur du transport, mais évite tout ce qui touche à l’aérien. Les dirigeants de Swissair continuèrent leur carrière en accumulant les erreurs et les aberrations dans leur gestion. En 2002, la compagnie helvétique mit les clés sous la porte après plus de 71 ans d’activité. Elle était considérée comme l’une des meilleures compagnies aériennes au monde. La production du MD-11 s’arrêta définitivement au début 2001 après une extinction quasi-totale des commandes. Tous les transporteurs utilisant des MD-11 commencèrent à s’en débarrasser le plus rapidement possible. De nos jours, plus de 80% des MD-11 en service sont opérés par des compagnies de fret ou de vols charter.

Sur le terrain, le MD-11 a été remplacé par le Boeing 777 qui n’a pas eu le moindre crash ou accident fatal depuis près de 12 ans qu’il est exploité à large échelle. A l’évidence, des leçons ont été tirées. Néanmoins, pas toutes les compagnies ne peuvent se payer ce genre d’appareils. La majorité des vols sont toujours effectués sur des avions d’anciennes générations.

 


Swissair 111 Memorial
Memorial pour le vol SR111
 

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ValuJet 592

Perte de Contrôle sur China Airlines vol 676

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La mauvaise ergonomie de l’A300 fournit à la compagnie Taïwanaise une excuse rassurante qui évita toute remise en question des équipages. Une telle mesure était pourtant nécessaire comme le démontra encore une fois la perte d’un avion de même type dans des circonstances similaires.

Le vol 676, aujourd’hui 688, relie Bali à Taipei la capitale de Taiwan. Le lundi 16 févier 1998, peu après 20 heures, un Airbus A300 est en approche ILS sur la piste 05L. Le brouillard est dense et l’équipage suit une approche non stabilisée globalement dessus du plan de descente. A moins de 2 kilomètres du seuil de piste, appareil est à 1’500 pieds de hauteur, soit 1’000 pieds de trop. La déviation de l’aiguille du glide est maximale et le commandant de bord comprend qu’il n’y a plus moyen d’atterrir. La décision de remettre les gaz est prise comme c’est l’usage dans des cas pareils.

Les manettes des gaz sont poussées, le train d’atterrissage rentré et les volets réglés sur 20 degrés pour assurer une meilleure pente de montée. Mais alors qu’il n’y a aucun obstacle menaçant sur la trajectoire d’envol, le pilote tire de plus en plus sur le manche et se laisse même surprendre par la montée en puissance des réacteurs et le cabrage qu’ils induisent. En quelques secondes, l’avion se retrouve à 43 degrés de cabré. La montée se poursuit jusqu’à 2’700 pieds mais l’avion est énergétiquement déficitaire. Plus il monte, plus il perd de la vitesse. A son apogée, l’indicateur de vitesse n’affiche que 48 nœuds, soit un peu moins de 90 kilomètres par heure. L’appareil commence à tomber la queue en premier et s’écrase sur une zone habitée près de l’aéroport. Sept personnes sont tuées au sol ainsi que les 196 occupants de l’appareil.

La compagnie décida de revoir la formation de ses pilotes, mais jamais elle ne renoua avec la sécurité. Le 22 août 1999, le commandant de bord d’un MD-11 s’acharna à atterrir sur Hong Kong avec un vent de travers de 36 nœuds alors que la limite certifiée et connue de l’appareil est de 24 nœuds. Ce qui doit arriver arriva et le MD-11 toucha un réacteur, le train d’atterrissage se cassa et l’avion se retourna complètement sur la piste tuant deux passagers.

Le 25 mai 2002, c’est encore un désastre aérien qui frappe Taiwan. Un Boeing 747 se désintègre au niveau de vol 350 tuant ses 225 occupants. Les débris sont retrouvés sur une étendue de 120 kilomètres. Cette fois, ce n’est pas les pilotes de la compagnie qui avaient fauté, mais ses techniciens. L’arrière de l’appareil avait touché la piste lors d’un atterrissage brutal en 1980. La réparation fut réalisée à la légère et sans respecter les recommandations du fabriquant. C’est ainsi, que 22 ans plus tard, elle céda sous l’effet de la pressurisation et l’avion fut pulvérisé avant de toucher le sol. En 1985, un 747 de JAL fut victime d’un scénario similaire. Quand la réparation céda, il y avait 520 personnes dans l’appareil, il eut 4 survivants.

Perte de Contrôle sur China Airlines vol 140

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Les erreurs systématiques ou ponctuelles avec le pilote automatique peuvent rapidement donner lieu à des situations divergentes avec perte de contrôle. Si l’altitude est faible, il n’est pas possible de réaliser de récupération.

Dans la soirée du 26 avril 1994, un Airbus A300-622 de China Airlines s’approche de l’aéroport de Nagoya au Japon. A son bord, il y a 271 personnes.

L’aéroport situé au nord de la ville ne présente aucune difficulté même si la météo n’est pas géniale. Il pleuvait légèrement et la visibilité était réduite par des bancs de brouillard. L’approche se déroule normalement pour la piste 34L jusqu’à 1’000 pieds sol où le copilote commet une erreur. Il sélectionne le mode remise des gaz au pilote automatique. Immédiatement, la puissance des réacteurs augmente et l’avion commence à gagner de l’altitude en s’éloignant au-dessus de son plan d’approche.

Avec une situation pareille si près de l’atterrissage, il n’est plus possible de récupérer la piste. Une majorité d’équipages auraient accepté la remise de gaz involontaire et se seraient présentés à l’atterrissage après un tour complet. Voulant récupérer le plan de descente à tout prix, le commandant réduit les gaz de force et demande au copilote de pousser sur le manche malgré la résistance. Pendant qu’il fait ce geste, le pilote automatique déroule le trim du plan horizontal réglable (PHR) à cabré. En quelques secondes, se développe une situation dangereuse alors que l’avion est à moins de 300 mètres du sol. La gouverne de profondeur est braquée complètement en piquée alors que le PHR est totalement à l’opposé.

Au bout de 42 secondes de bataille, le pilote automatique se désengage et l’avion commence à ralentir en cabrant. Quand l’incidence devient critique, le système Alpha Floor équipant tous les Airbus entre en action. Celui-ci active la pleine poussée sur les réacteurs pour prévenir un décrochage. Bien qu’il sauva beaucoup d’avions, il vient dans ce cas empirer la situation. Les réacteurs installés sous les ailes créent une tendance à cabrer supplémentaire et l’avion se retrouve avec une assiette positive de près de 53 degrés. Alors que le mal est fait, le commandant de bord décide d’ajouter le dernier clou sur le cercueil : il désactive l’Alpha Floor et ramène les réacteurs au ralenti. La vitesse chute immédiatement à 78 nœuds et l’avion, qui se trouve à 1’800 pieds au-dessus de la piste, commence à tomber la queue en premier.

 


China Airlines vol 140
Dessin réalisé par les enquêteurs japonnais. L’avion est tombé verticalement avec une vitesse horizontale quasiment nulle.

Il eut 264 morts et 7 survivants tous gravement blessés. Même si China Airlines a un taux d’accidents élevé, le manque d’ergonomie de l’Airbus A300 de l’époque joua un rôle important dans ce crash. Avant même ce drame, il était question de le modifier pour que le pilote automatique cède quand une force de 15 kgf est appliquée sur le manche. Ceci était le cas par défaut sur les Boeing dont les pilotes automatiques rendaient la main à l’humain en toute phase de vol si celui-ci applique une force importante pour reprendre les commandes. Les Airbus, ne rendaient pas la main de cette manière quand ils étaient en mode atterrissage ou remise des gaz. Le commandant de bord du vol 006 était aussi expérimenté sur Boeing 747 et il avait l’habitude que ce soit l’humain qui ait le dernier mot en cas de conflit avec la machine. Ici, c’est manifestement deux philosophies de conception qui s’affrontent.

Remarque :
Ceci n’est pas la compagnie nationale de Chine, mais de Taiwan qui s’appelle République de Chine. La compagnie nationale de Chine est Air China et elle a de meilleures statistiques de sécurité.

Air Moorea vol 1121 – Environnement Marin et Corrosion ? /mise à jour

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Suite à une demande arrivée par email, voici quelques considérations générales sur ce crash survenu il y a moins d’un mois. Aucune donnée n’est encore disponible. Ce que je vous dis là doit être sujet à caution.

L’appareil est un Twin Otter qui volait pour la compagnie depuis l’été 2006. Cependant, c’était un appareil ancien. Il suffit de savoir que la firme de Havilland a fabriqué cet appareil entre 1965 et 1988. Dans le meilleur des cas, il avait 19 ans.

Cet avion avait plus de 32000 heures de vol et faisait de nombreuses rotations par jour. Le matin du crash il en avait fait 3 déjà. Avec une moyenne de 30 minutes par vol, on peut estimer qu’il avait fait dans les 60’000 vols (ENORME).

Les avions qui sont exploités en environnement marin sont très menacés de corrosion. Les contrôles techniques courants ne permettent pas de déceler à temps l’étendue de cette corrosion.

Voici l’image d’un avion qui était entretenu selon les fameuses normes en vigueur :

Il s’agit du vol Aloha 243. L’avion avait 19 ans d’âge et avait réalisé plus de 89000 cycles. Il était tout le temps exploité sur des vols entre les îles de l’archipel Hawaii. Le haut de la cabine avait été arraché lors d’un vol en conditions normales. L’avion aurait pu être perdu.

Les constructeurs vendent des avions et le client est libre de les exploiter où il veut. Maintenant, il n’existe pas de procédures spécifiques aux appareils qui sont tout le temps exploités en environnement marin. Pourtant, ceux-ci développent de la corrosion qui peut aller très loin et provoquer la désintégration de l’avion en vol. Quand vous ajoutez à cela le nombre important de cycles d’atterrissages et de décollages, vous obtenez une cellule qui est encore plus fragilisée.

A suivre…


Nouvelle arrivée le 15 septembre 2007

“La direction du contrôle de la sécurité de la DGAC a décidé, jeudi 13 septembre, de suspendre l’agrément de maintenance de l’atelier d’Air Moorea qui entretient les appareils d’Air Moorea et Air Archipels”, a révélé la Direction générale de l’Aviation civile, jeudi soir dans un communiqué.

“Cette décision fait suite à une mission d’inspection de l’atelier de la compagnie Air Moorea par des agents de la DGAC et du GSAC (Groupement pour la sécurité de l’aviation civile), diligentée par le directeur général de l’aviation civile”, précise ce même communiqué, avant de mettre en avant “plusieurs écarts dont des irrégularités dans les procédures d’entretien et des manquements concernant la traçabilité des pièces détachées.

“Cette décision conduit le service d’Etat de l’aviation civile en Polynésie française à suspendre les certificats de transporteur aérien (CTA) délivrés à Air Moorea et Air Archipels. En effet, un CTA qui autorise une compagnie à effectuer du transport aérien public, n’est valable que si l’entretien des avions s’effectue dans un atelier agréé. En conséquence, les avions d’Air Moorea et d’Air Archipels sont immobilisés, y compris le Twin Otter d’Air Tahiti basé aux Marquises et exploité par Air Moorea”, conclut la DGAC.

Toutefois, note l’Aviation civile, “cette décision de suspendre l’agrément de l’atelier ne préjuge nullement des résultats de l’enquête judiciaire en cours. Pour l’heure, les causes de l’accident d’Air Moorea – ndlr: drame survenu le 9 août dernier dans le chenal entre Tahiti et l’île soeur faisant vingt victimes – restent inconnues”.


Nouvelle arrivée le 15 septembre 2007

Les avions d’Air Moorea et Air Archipels toujours cloués au sol

(Tahitipresse) – “A cette heure (ndlr: vendredi, en milieu d’après-midi), la décision de la Direction générale de l’Aviation civile ne nous étant pas parvenue, Air Moorea et Air Archipels vous informent que leurs vols effectués en Twin Otter et Beechcraft n’opèreront pas demain samedi 15 septembre”, annonce la compagnie dans un nouveau communiqué, s’excusant par ailleurs auprès de ses passagers.

Si des vols en ATR 42 sont programmés sur la ligne Tahiti-Moorea, en revanche, “les vols inter-Marquises sont annulés”, ajoute le transporteur aérien domestique.

Et de conclure concernant la journée de dimanche:” Ces dispositions seront également appliquées sauf réception d’une décision de la Direction générale de l’Aviation civile. Seraient concernés également pour cette journée de dimanche, les vols effectués en Beechcraft sur les Tuamotu Est”.

ATP

Perte de contrôle sur Aeromexico vol 945 – Piège du Pilote Automatique

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L’usage inapproprié du pilote automatique est à l’origine d’un nombre important de crashs et de pertes de contrôle. Dans la soirée du 11 novembre 1979, un DC-10 d’Aeromexico décolle de Francfort et tourne vers l’ouest à destination de Miami en Floride. A son bord, il y a 311 personnes partant presque toutes à Mexico.

Le commandant maintient un pilotage manuel jusqu’à 10’000 pieds à la vitesse de 282 nœuds après dérogation du contrôle aérien. Puis, le pilote automatique est engagé en mode maintien de vitesse verticale et l’altitude de 31’000 pieds est sélectionnée. Tout en continuant à monter, l’appareil commence à perdre progressivement de la vitesse. En effet, si les performances des réacteurs et des ailes sont maximales au niveau de la mer, elles se dégradent rapidement avec l’altitude. Le taux de montée possible juste après le décollage devient impossible à tenir à haute altitude. Le pilote automatique tire progressivement sur le manche pour maintenir le taux de montée et la vitesse baisse malgré la poussée des réacteurs. Ni le cabré de plus en plus important, ni la baisse constante de la vitesse n’alertent les pilotes.

A l’approche des 30’000 pieds, les premières vibrations aérodynamiques annonciatrices d’un décrochage se font sentir. Revenant soudain dans la boucle, les pilotes donnent une mauvaise interprétation aux vibrations. Pour eux, c’est le réacteur droit, le trois, qui est entrain de présenter un pompage de compresseur. Le commandant prend la manette de ce réacteur et la réduit vers le ralenti. La vitesse baisse brutalement à 173 nœuds, soit 30 nœuds en-dessous de la vitesse de décrochage à cette altitude.

Tout en restant fortement cabré, le DC-10 se met à tomber comme une pierre. Par moments, le taux de chute dépasse les 15’000 pieds par minute. L’avion s’incline dangereusement à droite et à gauche, mais par chance, il ne part pas sur le dos. Il faut près d’une minute aux pilotes pour comprendre qu’ils sont face à une situation de décrochage. Dans un premier temps, ils tirent sur le manche jusqu’en butée et l’appareil ne fait que s’enfoncer. Enfin, le commandant de bord fait le bon geste et pousse sur le manche. La récupération commence immédiatement favorisée par la sortie automatique des slats. L’avion se stabilise en-dessous de 19’000 pieds et les passagers sont rudement secoués. Un bout de l’extrémité de chaque aile manque ainsi que plus de 2 mètres de gouverne de profondeur.

Les pilotes remettent les gaz et remontent à leur altitude de croisière. Dans un premier temps, ils pensent atterrir à Madrid puis changent d’avis et continuent sur Miami où les dégâts sont constatés.

L’enquête démontra un incroyable manque d’attention. Sans le dire directement, le rapport du NTSB laisse à penser que l’équipage faisait autre chose que de piloter durant la montée. Le sort de l’avion était confié au pilote automatique et personne ne suivait l’évolution des paramètres de vol jusqu’au moment où l’avion décrocha.

Sur le DC-10, le pilote automatique a un mode de navigation verticale et un système automanettes qui gère la puissance des réacteurs. Ce dernier système peut soit maintenir un régime fixe, soit ajuster le régime pour maintenir une certaine vitesse. A son tour, le système vertical agit sur le cabré de l’avion et peut, à la demande, maintenir soit un taux de montée constant, soit une vitesse constante. La vitesse peut être maintenue par l’un ou l’autre (condition XOR) des systèmes, mais jamais par les deux en même temps.

A un moment donné, alors que le système vertical maintenait une vitesse constante, le commandant de bord demanda au système automanettes de maintenir une vitesse constante également. Le mieux est l’ennemi du bien ! Le DC-10 n’est pas conçu pour fonctionner de cette façon. A cet instant, le pilote automatique passa en mode de maintient de vitesse verticale et l’automanettes en mode de maintient de vitesse indiquée. La valeur de référence était de 320 nœuds.

L’avion continua à monter à 1’200 pieds par minute mais plus il montait, plus ce taux devenait difficile à tenir. L’automanettes avança progressivement les gaz jusqu’à atteindre le maximum continu et la vitesse commença à revenir en arrière. Tout se passa très vite. Au passage du niveau 250, la vitesse est de 318 nœuds et l’avion encaisse encore le coup. Quatre minutes plus tard, elle n’est que de 226 nœuds avec l’avion presque aussi cabré qu’au moment du décollage. Le pilote automatique n’a pas de système de protection contre ces situations. Si une vitesse verticale est demandée, il ira la chercher quitte à faire décrocher l’avion.

Par ailleurs, on ne peut que s’étonner du choix d’entamer un vol transatlantique après un incident si grave. Par chance, l’avion fut en mesure de finir son vol malgré les dégâts importants qu’il avait subi.

 

Aeromexico XA-DUH DC-10-30
Etat du PHR et gouverne de profondeur gauche

Pertes de Contrôle et China Airlines Vol 006

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La séquence stall, spin, crash de l’aviation générale est remplacée dans les avions de ligne par le UFIT ou vol incontrôlé vers le terrain. Depuis très longtemps, la nature l’a décidé : les mammifères ne voleront point. L’humain a décidé de s’affranchir de cette limite à ses risques et périls. Certains physiciens du 19ème siècle étaient préféraient aller au bucher que de croire qu’un objet plus lourd que l’air puisse voler. Quand on voit décoller un Boeing 747 à pleine charge, on leur donnerait presque raison.

Verticalement, l’avion est soumis à deux forces opposées. La portance générée par les ailes le soulève vers le haut alors que la force de son poids le tire vers le bas. Cette dernière est toujours garantie alors que la première varie en fonction des conditions de vol et de l’action du pilote.

Les intuitions humaines sont souvent mises à mal par le comportement réel d’un avion. En approche, si on tire trop sur le manche, l’avion s’enfonce et descend plus rapidement. Un aileron qui s’abaisse soulève l’aile correspondante. Parfois, quand celle-ci est à incidence maximale, il fait le contraire en lui rajoutant un peu de courbure qui provoquera le décrochage. Si l’avion décroche et va vers le sol, la meilleure façon de s’en sortir reste encore de pousser sur le manche ! Seul un entrainement et une formation de qualité permettent de dépasser les réflexes naturels et de les remplacer par des réactions acquises. En cas d’urgence et de stress intense, il toujours possible d’avoir un malheureux retour aux réflexes instinctifs même chez les équipages les plus entrainés.

De plus, en vol sans visibilité, les sens humains ne peuvent pas rendre compte de la situation réelle de l’avion. Même les oiseaux perdent le contrôle quand ils rentrent accidentellement dans les nuages. Sans ses instruments, un pilote connaitrait le même sort à tous les coups.

Quelque soit son origine, la perte de contrôle se manifeste par une action volontaire et inappropriée sur les surfaces de vol.

China Airlines Vol 006
Le 19 février, le 747SP de la China Airlines arrive près de la Cote Ouest américaine après un vol de plus de dix heures depuis Taipei, la capitale de Taiwan. Alors qu’il vole à 41’000 pieds, l’appareil rencontre des turbulences qui prennent de plus en plus d’importance. Dans cette zone limite du jet stream polaire, les turbulences en air clair (CAT) et les cisaillements de vent sont communs. Les passagers sont priés d’attacher leurs ceintures et le vol continu sous la conduite du pilote automatique. Pour maintenir la vitesse dans un air turbulent, ce dernier agit sur les manettes de gaz en les déplaçant sur une large amplitude.

A un moment donné, une forte rafale de vent de face fait passer l’indication de vitesse de mach 0.84 à mach 0.88 en une fraction de seconde. Immédiatement, le système automatique ramène les manettes de tous les réacteurs vers la position de ralenti vol. La vitesse baisse et les manettes repartent vers l’avant. Les aiguilles de tours et d’EPR de tous les réacteurs décollent, sauf celles du réacteur externe droit, le 4, qui ne réagissent pas.

Le mécanicien de bord ajuste la manette manuellement, mais le moteur reste désespérément au ralenti. Son réservoir dispose d’assez de carburant et tous ses autres paramètres semblent normaux par ailleurs. Après quelques secondes, le réacteur s’éteint complètement et la vitesse de l’avion commence à baisser. Après concertation, le copilote contacte le contrôle aérien pour demander une descente vers 24’000 pieds. En effet, d’après les données du constructeur, il n’est pas possible de redémarrer un réacteur tant que l’appareil est plus haut que 30’000 pieds. Cependant, le commandant de bord demande au mécanicien de tenter tout de même un redémarrage.

Le système d’allumage est lancé mais le réacteur reste éteint. L’équipage avait oublié de couper le système de conditionnement d’air et la pression pneumatique disponible était donc insuffisante pour le démarrage. Pendant ce temps, la vitesse continue à chuter et l’autorisation de descente ne vient pas. Le contrôleur n’ayant pas été informé d’un problème à bord de l’avion, enregistre la demande et fait de son mieux pour la satisfaire dès que possible.

Le pilote automatique n’a pas d’action sur la gouverne de direction. Sentant la tendance de l’aile droite à enfoncer, il commence à braquer le manche à gauche. Plus la vitesse diminue, plus il doit appliquer une déflection importante des ailerons pour maintenir un vol horizontal. Quand le commandant de bord revient vers ses instruments, il voit une situation hautement explosive. La vitesse n’est que de 225 nœuds, le manche est braqué presque complètement à gauche alors que l’avion commence discrètement à pencher à droite. Il débranche le pilote automatique et pousse sur le manche. L’appareil se met à descendre puis rentre des les nuages.

La boule de l’horizon artificiel du commandant de bord fait un tour complet puis se stabilise en position verticale. Pensant que l’instrument est endommagé, il regarde sur les deux autres : celui du copilote et celui de la console centrale. Même s’ils ne présentent aucun drapeau, ils semblent tous en panne de la même façon indiquant une ligne d’horizon verticale. En des années de métier, c’était du jamais vu.

En fait, les instruments n’avaient aucun problème, ils indiquaient exactement ce que faisait l’avion. Ce dernier passa sur le dos, se mit en piquée à 68 degrés et commença à foncer vers la mer en tournoyant. Rien que durant les 7 premières secondes, il perdit 3’200 pieds ! Sa vitesse indiquée augmenta et s’approcha de la ligne rouge au delà de laquelle l’avion commence à se désintégrer. Sans aucune certitude sur sa position, le commandant de bord décide tout de même de tirer sur le manche. Celui-ci est très lourd et se déplace à peine. Le copilote prête main forte et les deux hommes tirent autant qu’ils peuvent. L’avion commence à répondre et l’accélération atteint une valeur record de 5 G. Les ailes se tordent au maximum de leur flexibilité et vont même au delà, dans la zone de déformation permanente. A l’arrière, le plan horizontal réglable commence à se fissurer et puis à partir en miettes. Sous l’effort, la tête d’enregistrement du DFDR se soulève au-dessus de la bande magnétique et le train d’atterrissage sort tout seul en détruisant les portes des puits. Les passagers sont écrasés dans leurs sièges et un steward est projeté dans la cabine et se blesse. Des porte-bagages s’ouvrent et crachent leur contenu. Des assiettes volent dans tous les sens et les rideaux en plastique se ferment tous seuls.

Le Boeing 747 sort des nuages à 11’000 pieds et il est récupéré à 9500. Jamais un avion de ligne n’est revenu d’aussi loin. Le contrôleur aérien suggère aux pilotes de leur dispenser un guidage radar vers l’aéroport le plus proche, mais ceux-ci refusent et décident de continuer vers Los Angeles, leur destination. Ils redémarrent le réacteur 4 et remontent vers 27’000 pieds.

 



Etat de l’empennage après l’atterrissage
 

Pendant ce temps, ils constatent qu’un des circuits hydrauliques est vide et découvrent que le train d’atterrissage est sorti et verrouillé. Celui-ci crée une trainée importante qui leur fait consommer trop de carburant. Enfin, vingt minutes après la récupération, ils sont informés qu’un steward et quelques passagers sont blessés. Ils déclarent une urgence et acceptent l’offre du contrôleur aérien. L’avion atterrit sans encombre à San Francisco.

Une confiance aveugle dans le pilote automatique
Le NSTB qui étudia l’incident fut étonné encore une fois de la confiance excessive que peuvent accorder les équipages de conduite au pilote automatique. Lorsque ce dernier est aux commandes, l’humain se retrouve exclu de la boucle de manœuvre. Il met déjà du temps à découvrir qu’une situation anormale est en train de se développer. Une fois qu’il décide d’intervenir, il lui faut encore du temps pour évaluer le comportement et de l’avion et revenir dans la boucle.

Par contre, il fut impossible d’expliquer comment les pilotes avaient pu laisser empirer la situation aussi loin. La perte d’un réacteur lors de la phase de croisière n’est pas considérée comme une urgence. Dans le cas du vol 006, il se passa trois minutes entre la panne et la perte de contrôle. Pendant tout ce temps, il aurait été possible d’intervenir en braquant la gouverne de direction et en demandant une altitude inférieure au contrôleur aérien. En laissant incorrigée une importante asymétrie, les pilotes se sont mis au bord du gouffre.

Feu à Bord – Partie 5 – FedEx vol 1406 – Chargement Dangereux

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Quand un feu se déclare dans un avion, il faut surtout penser que celui-ci est assuré et donc remplaçable. Les humains ne le sont pas, même s’ils sont assurés aussi. Les pilotes perçoivent rarement le feu, mais surtout de la fumée ou des odeurs suspectes. Même s’il y a plusieurs écoles qui s’affrontent au sujet de la conduite à tenir, le commandant de bord a le droit et l’obligation de prendre toute mesure qui lui semble utile pour préserver la vie humaine.

Le transport de produits dangereux par avion pose toujours problèmes. Les avions de transport de passagers sont frappés de nombreuses restrictions et seuls les produits sans danger peuvent être emportés. Sur les avions de transport de fret, les régulations sont plus souples et permettent d’embarquer certains équipements sous réserve d’adhérence à des normes de sécurité et d’étiquetage. Aux USA, la FAA dispose d’une centaine d’agents spécialisés qui visitent les expéditeurs et les transports pour s’assurer que tout se fait selon les règles. Par contre, étant donné le nombre de paquets transportés, il est difficile d’assurer un contrôle complet et il y a régulièrement des incidents.

Dans la nuit du 5 septembre 1996, un DC-10 de FedEx décolle de la base de Memphis pour un aller-retour vers Boston. En plus des trois membres d’équipage, il y a deux passagers voyageant gratuitement. Dans la cabine sans sièges et dans les soutes, sont logés 36 containers dont certains équipés de systèmes d’extinction autonome capable d’y envoyer plusieurs kilogrammes de Halon.

Le Halon est un gaz utilisé pour l’extinction des incendies. Il ne provoque pas de court-circuits ni de toxicité vis-à-vis des utilisateurs. Il est aussi connu sous le nom de Freon 12B1. Sa fomule chmique est CBrClF2.

L’avion vole au niveau 330, il est 5:36 du matin quand une odeur de brulé surgit dans le cockpit. Deux secondes plus tard, les pilotes mettent leurs masques à oxygène et sortent leurs checklists d’urgence. Les deux passagers sont invités à venir au cockpit et s’équipent de masques également. Sur la console du mécanicien navigant, trois alarmes fumée s’allument. Elles concernent les zones 7, 8 et 9 situées tout à l’arrière de l’appareil.

Pendant quelques instants, les pilotes commencent à tester les alarmes et à vérifier différents systèmes selon la procédure. Tout à coup, le commandant de bord s’exclame en jetant ses checklists :
– Les gars, je crois qu’on a vraiment le feu !

Au même instant, il engage une descente d’urgence et contacte la tour de contrôle. Il s’est passé exactement 2 minutes et 11 secondes entre la détection de l’odeur et la décision d’une descente d’urgence. C’est presque trop long, mais il est difficile de faire plus court.

Le contrôleur aérien leur annonce qu’ils ont un aéroport à 50 miles nautiques devant et un autre à 25 nautiques derrière. C’est ce dernier qui est choisi et ses équipes de secours sont immédiatement alertées.

Soudain, la lampe du détecteur de fumée numéro 7 se met à flasher puis s’éteint. Ceci est un très mauvais signe. Il peut signifier que le détecteur a été endommagé par le feu. Le mécanicien se lève et entre ouvre la porte du cockpit. Dans le fond de la cabine, il lui semble voir de la fumée flotter dans l’air.

Le commandant synchronise avec les contrôleurs aériens tout en donnant des conseils au copilote crispé sur les commandes :
– Va-y gars ! Et ne ralentit pas à 250, on est en urgence là !

Pour des raisons liées à la circulation aérienne, les avions ne doivent pas dépasser une vitesse de 250 nœuds quand ils volent en-dessous de 10’000 pieds. Le copilote aurait pu respecter cette limitation de vitesse juste par habitude.

5:54, le DC-10 touche la piste après une plongée digne d’un avion de chasse. Dès que l’avion s’arrête, le commandant de bord réalise quelques opérations au jugé : il coupe les réacteurs et déconnecte la batterie. Par contre, on moment où la porte du cockpit est ouverte, les cinq hommes comprennent que le passage est fermé. Une épaisse fumée emplit toute la cabine. Le commandant de bord essaye d’ouvrir son hublot, mais celui-ci ne vient pas : l’avion est pressurisé ! Le mécanicien tourne les switchs et par miracle, le système réagit encore, mais lentement. La fumée avance et emplit tout l’espace vital.

Assis sur leurs sièges, les mains sur la manette d’ouverture de leurs hublots, les pilotes ferment les yeux et bloquent leur respiration. Ils savent que les vingt secondes à venir décideront de leur sort. Le mécanicien et les deux passagers respirent au ras du sol où un peu d’air pur circule encore. Au dehors, les pompiers courent dans tous les sens autour de l’appareil. Ils savent quelque chose de grave est entrain de se passer, mais ils n’ont jamais été entrainés à prendre en charge un DC-10. En été 1980, les pompiers saoudiens ont mis plusieurs minutes à ouvrir un L-1011 qui avait atterri en urgence suite à un feu à bord. Pendant ce temps, les 301 occupants avaient péri.

Alors qu’il n’y croit plus, le commandant sent la résistance baisser et le hublot revenir en arrière. Immédiatement, il se lève sur son siège et passe la moitié supérieure son corps dans l’ouverture. De son coté, le copilote fait pareil. Tout autour d’eux, de gros bouillons de fumée noire s’échappent comme de la cheminée d’une usine. Le mécanicien fonce vers la porte avant gauche, L1, et la déverrouille, mais elle refuse de s’ouvrir. Avec la dernière énergie qui lui reste, il tente avec celle d’en face, la R1. Heureusement, celle-ci répond correctement et le toboggan se déploie jusqu’au sol. Les derniers trois occupants s’y jettent sans hésiter. A ce moment, les pilotes, utilisant des cordes fixées au-dessus des hublots et se laissent glisser vers le sol. Mis à part un bleu sur le front du mécanicien, il n’y aucune blessure sérieuse.

Immédiatement, commence une lutte contre la montre pour sauver l’avion. Le DC-10 coute 95 millions de dollars et il transportait un chargement valant trois fois plus. Utilisant un couteau, un pompier éventre le toboggan et met en place une échelle. Il arrive jusqu’à l’entrée, mais ne peut pas aller plus loin. Le mécanicien lui explique qu’il y a un panneau de contrôle avec une poignée qu’il faut tirer pour ouvrir la grande porte cargo située sur le coté. Ceci permettrait d’arroser l’intérieur de l’avion depuis les canons à eau montés sur les camions. Le pompier disparait quelques secondes puis revient en courant. Dans sa main, il tient la poignée qu’il a arrachée en tirant dessus trop brutalement. La porte est tout de même ouverte à l’aide d’une pince et des tonnes d’eau sont envoyées dans l’avion. Au bout de 5 minutes, la peinture commence à faire des bulles puis bouillir en coulant. Peu avant sept heures du matin, les premières flammes crèvent le toit du DC-10 qui se met à bruler comme une torche. Les pompiers se positionnent plus loin et arrosent à pression maximale.

Peu avant dix heures, le feu est éteint parce qu’il il n’y a plus rien qui puisse bruler encore. Alourdi par le réacteur numéro 2, l’arrière de l’avion tombe au sol.

 



FedEx N68055 à l’aéroport de Newburgh, New York
 

 

Des vies humaines furent sauvées in extrémis. Si les pilotes avaient continué à investiguer le problème pendant encore une minute ou deux, personne ne serait sorti vivant de cette aventure. Les marchandises transportées furent inspectées. Plusieurs chargements suspects ont été trouvés y compris une machine de réplication d’ADN avec ses produits chimiques. La police retrouva également 4 colis différents contenant une substance verte d’origine végétale qui fut analysée. Pour les laboratoires, c’est du delta-9-tetrahydrocannabinol plus connu sous le nom de cannabis ou marijuana. Il y en avait pour près de 40 kilogrammes. Comme les étiquettes furent détruites par le feu, on ne retrouva pas les expéditeurs. De plus, ceux-ci évitèrent d’envoyer la moindre réclamation.

Malgré le renforcement des contrôles, les compagnies de transport de fret sont régulièrement victimes d’incidents.

Feu à Bord – Partie 4 – Air Canada vol 797 – Flammes à propagation ultra rapide

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Ce n’est pas pour rien que la compagnie nationale canadienne fut la première au monde à bannir totalement la cigarette sur ses vols. Le 2 juin 1983, en fin de journée, un DC-9 décolle de Houston à destination de Montréal, au Québec. A son bord, il y a 41 passagers et 5 membres d’équipages.

L’avion vole à son altitude de croisière quand un premier évènement attira l’attention des pilotes. Trois fusibles basculèrent sur la position coupée. Ils correspondent au moteur de la chasse d’eau des toilettes situées à l’arrière. Comme celui-ci fonctionne au triphasé, chaque phase doit être protégée par son propre breaker. Le copilote tente de rétablir le courant, mais à chaque fois il se coupe tout seul.

Dans la cabine, un passager situé au fond appelle une hôtesse pour lui signaler une odeur bizarre : “on dirait que quelque chose brule”. Avec prudence, elle se dirige vers la porte des toilettes et l’ouvre de quelques centimètres. A l’intérieur, c’est plein de fumée. Sans attendre, elle avertit ses collègues puis le message est relayé au commandant de bord.

Les passagers sont priés d’avancer vers l’avant de l’appareil puis les diffuseurs d’air sont ouverts pour repousser la fumée. Suivant son entrainement, une hôtesse ouvre un panneau et en sort un extincteur à CO2. Rapidement, elle dirige vers les toilettes et en vide le contenu à l’intérieur puis verrouille la porte.

Air-Canada-797-feu

Le copilote est envoyé pour inspection, mais dès qu’il arrive vers les derniers sièges, il ne peut plus avancer. La fumée est dense et elle se propage lentement. Il revient vers le cockpit et annonce au commandant de bord :

– Je crois que nous ferions mieux de descendre

A la même minute, arrive un steward avec une lecture différente. Pour lui, la fumée est entrain de se dissiper et il n’y a pas de quoi trop s’inquiéter. Devant cette contradiction, le commandant de bord demande au copilote de prendre des lunettes de protection et d’aller voir de plus près si c’est sérieux ou pas. Pendant que celui-ci est absent, le steward revient encore et tient des propos très optimistes. Il omet de dire que le feu n’est pas dans la poubelle, mais qu’il se dégage de derrière les panneaux, donc depuis une zone inaccessible.

Quand il arrive à l’arrière, le copilote touche la porte et se rend compte qu’elle est chaude. Il évite de l’ouvrir et demande aux hôtesses de rester à distance et de surtout pas la toucher. Il revient en courant vers le cockpit et hurle littéralement contre le commandant de bord :

– Je n’aime pas ce qui se passe, je crois que nous devrions descendre, okay ?!

Rien qu’au ton, le commandant comprend que la situation est grave et appelle la tour de contrôle pour une descente d’urgence. A l’instant où il commence son message, il réduit les gaz et pousse le manche, plus une seconde n’est à perdre. Les spoilers sont complètement sortis et l’aiguille du variomètre atteint -6000 pieds par minute. L’instrument ne peut pas mesurer plus.

Quelques instants plus tard, le courant électrique est perdu dans le cockpit et les horizons artificiels cessent de fonctionner. Le circuit de secours est branché et les gyroscopes se remettent à accélérer grâce à l’énergie de la batterie.

En termes de pilotage, l’équation n’est pas facile. L’aéroport le plus proche est celui de Cincinnati qui se trouve à 25 miles nautiques. Sur cette distance, il faut perdre 33’000 piedsd’altitude. Autrement dit, l’avion doit tomber comme une pierre. Le contrôleur a des doutes, mais les pilotes sont décidés à plonger.

Soudain, l’étiquette du vol 797 disparaît des radars. L’avion ne s’est pas écrasé, mais il n’émet plus son identifiant et son altitude. Le circuit de secours n’alimente que l’équipement vital, le transpondeur n’en fait pas partie. L’appareil est passé au contrôleur d’approche qui lui indique de virer au cap 090 et lui demande de communiquer le nombre de personnes à bord et la quantité de carburant restante. Cette question classique est toujours relayée par les pompiers pour tous les avions arrivant pour un atterrissage d’urgence. Elle permet de coordonner les secours et de savoir le nombre de camions citerne à mobiliser. Par contre, l’équipage est surchargé et le copilote annonce à la radio :

– On n’a pas le temps de vous répondre maintenant !

Dans une situation de surcharge, que les conditions soient normales ou pas, les pilotes doivent établir des priorités. Le pilotage de l’avion passe avant les communications.

A un moment donné, le contrôleur d’approche se rend compte qu’une grave confusion est survenue. La transmission de l’appareil s’étant faite dans l’urgence, il n’avait pas été correctement identifié au radar. En conséquent, il avait été confondu avec un vol de Continental et les caps qui lui ont été donnés le mettent sur une trajectoire qui ne lui permet plus d’atterrir sur la piste assignée. A 8 miles du seuil, il est encore à 8’000 pieds et fonce comme un missile. Le contrôleur décide alors de lui faire faire un virage de 90 degrés pour lui permettre d’atterrir rapidement sur une piste perpendiculaire à la première, la 27L. Ceci permettra de corriger la vitesse et d’adopter un profil d’approche correct.

La suite du guidage radar se fait selon la procédure dite « no gyro » réservée aux avions qui n’ont plus d’instruments pour tenir un cap précis. Le contrôleur demande juste de tourner à droite ou à gauche puis de revenir à plat quand il juge que la trajectoire est bonne.

Les pompiers sont alertés du changement de piste et redémarrent leurs véhicules pour se mettre dans une autre position. Les feux de piste furent réglés à leur intensité maximale et quelques minutes après, les phares du DC-9 crevèrent les nuages et l’avion apparut volant sous une pluie fine.

Dans l’appareil, la situation se dégrade rapidement. La fumée traverse toute la cabine et arrive dans le cockpit. Il devient de plus en plus difficile de voir les instruments. Les pilotes mettent leurs masques et ouvrent l’oxygène à 100%. Ils n’ont aucun mal à respirer, par contre, de la buée se dépose sur les verres des masques et réduit la vue encore plus.

A 3’000 pieds, les conditions de vol à vue sont retrouvées. Le commandant demande au copilote de dépressuriser l’avion.

En août 1980, un L-1011 de la Saudian atterrit avec du feu en cabine. Par contre, les pilotes avaient oublié de dépressuriser l’avion. Ceci empêcha l’ouverture des portes et tous les occupants furent tués par la fumée, y compris les pilotes. Ce drame fit 301 morts et fut pendant de longues années le plus grave accident de l’histoire de l’aviation.

Ce dernier s’exécute, puis n’y tenant plus, il ouvre son hublot. Un peu d’air frais arrive, puis il referme. Il refera la manœuvre plusieurs fois.

Dès que les roues touchent le sol, un freinage d’urgence est entamé. Les disques chauffent à blanc et fument puis les roues explosent les unes après les autres. En quelques centaines de mètres, l’avion est arrêté et les réacteurs coupés. Les pilotes essayer d’aller vers la cabine, mais la chaleur les en empêche. Ils ouvrent leurs hublots et sautent sur la piste. Pour eux, c’est gagné.

Dans la cabine, lors de l’approche, les hôtesses donnèrent des serviettes mouillées et des désignèrent des passagers pour ouvrir les portes de secours et aider les autres à sortir. Dès que l’avion s’immobilisa, 5 issues furent ouvertes et les toboggans se déployèrent. Pourtant, malgré la préparation, l’évacuation reste trop lente. En une minute, seules 18 personnes sont sorties. Les autres, elles ne sortiront jamais. En une fraction de seconde, une boule de feu emplit tout l’espace vital de la cabine. La température monte de plusieurs centaines de degrés et les pompiers qui tentaient d’entrer sont repoussés.

L’accident fit 23 morts, tous des passagers incapacités par la fumée puis piégés par la soudaineté du feu. En 1978, la FAA fit des tests en grandeur réelle en brulant des C-133 Cargomaster du surplus militaire. Le but était de déterminer la dynamique du feu dans le milieu confiné de la cabine. Les phénomènes rencontrés sont similaires à ceux que connaissent les pompiers quand ils luttent contre les feux d’appartements.

L’avion a pris feu sous les yeux des pompiers

D’après les pompiers britanniques, les phénomènes de propagation ultra-rapide des flammes sont constatés dans 1 incendie sur 187. Les définitions et même les explications divergent fortement d’une école à l’autre, mais le principe est toujours le même. Il s’agit de flammes qui peuvent brutalement remplir un volume semifermé en pompant tout l’oxygène et en provoquant une élévation immédiate de la température à des valeurs incompatibles avec la vie.

Le flashover est une inflammation spontanée de matériaux exposés à la chaleur. Dans les cabines d’avion, si un feu prend quelque part, il va provoquer des dégagements de gaz chauds qui vont se propager sur la partie supérieure du volume vital. Lorsqu’une porte ou une issue de secours est ouverte, l’air frais qui arrive n’est pas suffisant pour provoquer un refroidissement, par contre, il apporte de l’oxygène et les garnitures déjà soumises à un rayonnement intense prennent feu. Dans le DC-9 d’Air Canada, la moquette avait été trouvée intacte, mais tout le reste était complètement calciné.

Un autre phénomène peut se superposer, voir se confondre dans ses effets au flashover. Il s’agit de l’inflammation spontanée des gaz chauds. Lors d’une combustion parfaite en atmosphère enrichie d’oxygène, chaque atome de carbone s’oxyde en deux étapes jusqu’à donner du dioxyde de carbone. La première réaction donne du CO et la seconde part du CO au CO2 en ajoutant un atome d’oxygène. Le CO, ou monoxyde de carbone, est inflammable. C’est lui que l’on appelait autrefois le gaz de ville. Il était produit dans des usines à gaz où le procédé consistait à provoquer une combustion incomplète de la houille à haute température et à faible teneur d’oxygène. C’est exactement ce qui se passe dans la cabine d’un avion en feu.

La cabine en feu se remplit de gaz chauds hautement inflammables. Dès que ceux-ci entrent en contact avec l’air, ils prennent feu de manière rapide à explosive. Dans le cas de l’avion d’Air Canada, le vent venait du 220 sur une piste orientée au 270. Comme c’est surtout les portes de gauche qui avaient été ouvertes, le vent a tendance à envoyer de l’air dans cabine mais sans laisser les gaz chauds sortir. Dans ce cas, l’enrichissement en oxygène l’emporte sur le refroidissement et les conditions d’une inflammation rapide sont réunies.

Les témoignages des survivants et des secouristes recoupent les observations que l’on constate à l’approche de phénomènes de propagation rapide. Il s’agit :

– De rouleaux de fumées sortants à grande vitesse des portes et fenêtres. L’échappement des gaz de manière pulsatile est aussi un mauvais signe.
– Changement soudain dans la couleur des fumées qui s’assombrissent
– Augmentation brutale de la température qui oblige les gens à se coucher par terre
– Variation cyclique et oscillante vers le haut et vers le bas de la couche de fumée
– Apparition de flammes spontanées et éphémères au sein de la fumée

 


En une fraction de seconde le pompier est pris au
milieu des flammes.
En vol, lorsque le copilote interdit aux hôtesses d’ouvrir la porte des toilettes, il fit le bon geste. S’il l’avait ouverte, le feu se serait rapidement propagé et l’avion n’aurait jamais pu atterrir à temps. Par contre, durant l’approche, quand il dépressurisa l’appareil, il eut une autre initiative qui s’avéra malheureuse. Il coupa le système de conditionnement d’air sans en référer à personne. Dès cet instant, la circulation d’air en cabine s’arrêta et les gaz chauds commencèrent à s’accumuler. Les survivants constatèrent que la température s’éleva brutalement vers le moment où l’avion sortit des nuages. Sur l’enregistreur de vol, ceci correspond au moment où le conditionnement d’air fut coupé.

 

Même si elle n’était pas instruite pour le faire, l’hôtesse qui distribua des chiffons mouillés sauva de nombreuses vies. Tous les survivants avaient utilisé ce dispositif précaire pour respirer. Le tissu filtre les particules de fumée alors que l’eau capte de nombreux gaz toxiques tels que des cyanures et des oxydes d’azote. Par contre, le monoxyde de carbone passe à travers un tel filtre.

Dans l’étude de survavibilité, il fut démontré que les passagers décédés sont ceux qui n’avaient pas quitté leur place pour fuir après l’atterrissage. Les autopsies démontrèrent que certains avaient des taux mortels ou incapacitants de gaz toxiques dans le sang et n’étaient plus en état de fuir sans assistance. D’autres, n’avaient tout simplement pas de bougé de leur place parce qu’ils étaient sous le choc. Il s’agit d’incapacitation comportementale. Si personne ne vient les secouer individuellement pour leur demander de fuir, ils ne bougent pas. Ce phénomène fut constaté à l’occasion de nombreux crashs. Lors d’un incendie, les hôtesses sont elles-mêmes gênées par la fumée et ne peuvent pas crier de manière suffisamment forte pour que tout le monde entende. Il est donc vital pour les passagers d’écouter le briefing de sécurité donnés avant le décollage et de consulter soigneusement la notice de sécurité.

L’hésitation de l’équipage et les informations contradictoires fournies au commandant de bord avaient provoqué une perte de plusieurs minutes avant la prise de décision d’atterrir. Ce temps fit certainement la différence.