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DC-10 : de la pluie de métal à l’United vol 232 / Partie 1

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Les années quatre vingt commencent et le DC-10 continue à sillonner le monde en semant des pièces un peu partout. On ne compte plus les incidents dus à des pertes de petites ou de grosses pièces en vol ou sur les pistes. En septembre 1983, un appareil vénézuélien perd un morceau de plus d’un mètre et demi lors de l’approche finale sur Miami. Il s’agit d’un élément de volet et les pilotes ne le remarquent même pas. C’est le propriétaire d’une voiture endommagée qui le ramène en venant se plaindre à l’aéroport. Un Télex est envoyé à tous les opérateurs leur demandant de contrôler certaines parties de leurs appareils de type DC-10. En juin 1987, un autre avion appartenant à American Airlines perd 6 mètres de volets en approche sur Los Angeles. Les pilotes sont mis en difficulté et le drame évité de justesse.

A de nombreuses occasions, des riverains d’aéroports trouvent des capots et morceaux d’ailes tombés dans leurs jardins. L’incident le plus connu est survenu à Paris le 25 juillet 2000 quand un morceau en titane tomba d’un DC-10 et provoqua l’éclatement d’un pneu d’un Concorde qui s’écrasa. Dans ce terrible accident, on ne sait plus à qui imputer la plus grande partie de la faute : le DC-10 qui perd ses pièces ou le Concorde qui s’écrase quand un pneu éclate .

Fatigue prématurée des ailettes des réacteurs
D’autres incidents graves surviennent également, mais personne ne s’en inquiète. Très grave erreur, parce qu’une tragédie se prépare encore. Le 31 janvier 1981, un DC-10 de Northwest en montée depuis Boston se met à vibrer et le moteur droit, le numéro trois, émet des bruits sourds puis s’arrête. L’appareil revient à son aéroport de départ et on découvre que le réacteur trois est totalement démoli. En effet, une ailette du premier étage du compresseur s’est détachée suite à une fatigue prématurée et a traversé les autres étages provoquant de graves dégâts sur son passage.

Le 22 septembre de la même année, un moteur explose comme un feu d’artifice sur un DC-10 au décollage de Miami. Des pièces de métal partent comme du shrapnel et endommagent les ailes et la carlingue. Plusieurs disques du compresseur puis de la turbine s’étaient désintégrés lors de la mise en puissance.

Le 17 novembre, c’est l’accident du 31 janvier qui se reproduit encore sur un DC-10 de Northwest. Une ailette compresseur se détache lors du décollage depuis Minneapolis et le réacteur est détruit en quelques secondes. Il n’y pas de victimes et c’est encore la fatigue prématurée du métal qui est pointée du doigt.

Le 21 janvier 1982, un DC-10 de Word Airways accélère pour décoller de Honolulu. A son bord, il y a 393 passagers. Au moment de la rotation, une alarme incendie se déclenche et les index du moteur numéro 2 reviennent vers zéro. Le décollage est poursuivi et trois extincteurs sont déchargés sans venir à bout du feu. Les pilotes font demi-tour et atterrissent. Le poids de l’appareil est trop élevé et les freins surchauffent. La sortie de piste est évitée de justesse et le vol se termine avec plus de peur que de mal. L’analyse du réacteur montra qu’une ailette du sixième étage du compresseur haute pression s’était détachée suite à une fatigue prématurée. Comme dans les cas précédents, c’est un effet domino qui s’en suit. L’ailette traverse les étages en aval et à chaque fois d’autres ailettes se cassent et l’accompagnent. En quelques secondes, le réacteur crache tout son contenu.

Moteur Central DC-10Moteur Central DC-10
Le montage du moteur 2 sur le DC-10 fait appel à une tuyère allongée. L’attelage tournant du moteur est relativement en avant. En cas panne non contenue, il peut causer des dégâts et menacer les arrivées hydrauliques pour la gouverne de profondeur et la gouverne de direction. 
Moteur Central Boeing 727Moteur Central Boeing 727

Au contraire, sur le Boieng 727, c’est l’entrée d’air qui est allongée et le moteur situé tout à l’arrière. Jamais un 727 n’a été mis difficulté par des problèmes sur moteur numéro 2. (Le premier schéma ne représente pas un 727 mais un montage similaire.) 

Le 21 août 1983, un DC-10 de Pan Am fait un atterrissage d’urgence à Norfolk en Virginie. En vol, les pilotes ont senti de très fortes vibrations qui secouèrent l’avion du cockpit jusqu’à l’empennage. Ils isolent le problème en coupant le réacteur numéro 2 et atterrissent sur le premier aéroport qui se présente. L’analyse montre qu’une ailette du second étage de turbines s’est cassée en vol. Le déséquilibre de l’attelage tournant crée des vibrations qui se transmettent à tout l’avion. Encore une fois, un incident qui se termine bien.

Le 28 mai 1985, un DC-10 d’American Airlines décolle de New York. Alors qu’il passe le niveau de vol 170, le capot entourant le réacteur droit commence à bouger puis se détache et touche le compresseur basse pression. Des morceaux sont projetés contre l’aile et la cabine dont la tôle se perce. La pressurisation est perdue et les masques à oxygène tombent

Le 7 août 1985, un autre DC-10 d’Americain Airlines décolle de Detroit, la plus grande ville du Michigan. Cinq minutes plus tard, alors qu’il est en montée, une explosion est entendue et un réacteur s’arrête. La moitié arrière de l’engin est manquante. L’axe portant les turbines se casse et d’énormes pièces tombent vers le sol. L’appareil rentre quand même et les 195 occupants en réchappent avec une belle frayeur.

Chaque année apporte son lot d’incidents et de frayeurs à bord de DC-10 exploités aux USA et ailleurs. Certains pilotes apprécient cet appareil, alors que d’autres ne lui font pas du tout confiance. La nervosité des équipages est telle que l’on assiste même à des décollages interrompus après V1 pour des problèmes bénins.

A suivre…

[lien vers la partie 2]

La NASA veut Détruire une étude sur la Sécurité Aérienne

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Fait peu connu du grand public, la NASA ne s’occupe pas seulement du domaine spatial, mais elle réalise aussi de nombreuses études et recherches dans l’intérêt de la sécurité aérienne. Dans l’intérêt de tous, les résultats de ces études sont disponibles au public et aux professionnels du monde entier. Or, dans un geste sans précédent, la NASA veut détruire les données d’un sondage de grande envergure réalisé auprès des pilotes.

C’était un projet très ambitieux comme le sont souvent toutes les entreprises de la NASA : interroger directement et en tout anonymat des milliers de pilotes de ligne pour se faire une idée à la source de l’état de la sécurité aérienne. Disposant d’un budget fédéral de 8.5 millions de Dollars, les responsables du projet demandent à la fondation Battelle Memorial Institute de collecter les données. Un par un, plus de 24000 pilotes de ligne sont joints par téléphone et acceptent de répondre à un questionnaire de 30 minutes. Les résultats conservés ne comportent ni les noms des pilotes, ni ceux de leurs compagnies.

Après avoir dépouillé les résultats, les chercheurs de la NASA ne voient qu’une seule issue : les détruire pour ne pas effrayer le public. Nous voilà donc rassurés !

D’après une source proche du dossier, cette étude montre que de nombreux incidents sont sous reportés. Les incursions sur les pistes, le risque aviaire ainsi que les changements d’axe d’approche de dernière minute seraient observés par les pilotes de manière bien plus courante que les statistiques officielles ne laissent penser.

L’agence Associated Press a attaqué la NASA sur la base d’une loi de 1966 appelée Freedom of Information Act. En réaction, non seulement la NASA refuse de communiquer cette étude, mais en plus, elle demande à son sous-traitant, le Battelle Memorial Institute, de supprimer de ses systèmes toutes les données relatives à cette étudie et ce d’ici le 30 octobre 2007.

Cette réaction de la NASA est d’autant plus inquiétante sachant que ce n’est pas le genre de la maison de surestimer les problèmes de sécurité. De nombreux accidents dans le programme spatial lui-même témoignent de ce fait.

USAF Boeing 377 – Une leçon de courage au-dessus du Pacifique !

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Survenue il y a cinquante ans, cette histoire reste jusqu’à nos jours une leçon de courage et d’airmanship. Elle montre des pilotes déterminés face à un avion qui leur invente des problèmes de plus en plus graves en plein nuit, en plein milieu de l’océan Pacifique. A cette succession d’avaries correspond une extraordinaire série de décisions rapides et adaptées.

Après la Seconde Guerre Mondiale, Boeing sort les plans de ses bombardiers B-50 et B-29 et décide de lancer un avion civil sûr et confortable. Des recettes qui ont fait leurs preuves sont reprises et le Boeing 377 voit le jour en été 1947. Un peu plus grand qu’un Airbus A320, cet appareil était capable de transporter une centaine de passagers dans des conditions de confort largement supérieures à ce qu’on rencontre aujourd’hui. Les passagers disposaient de bars, de salons et de couchettes pour se reposer durant les longs vols à un peu moins de 500 km/h. Jusqu’à la sortie du Boeing 707, il restera comme un avion de référence pour les longues distances.

Boeing 377 Stratocruiser
Les passagers avaient accès à deux ponts par un escalier en colimaçon qu’on retrouve sur le Boeing 747 qui sort en 1969.
 

 

Le Boeing 377 avait 4 moteurs à pistons Pratt & Whitney R-4360. Chacun avait 28 cylindres distribués sur 4 étoiles décalées pour permettre un bon refroidissement. Avec 71.4 litres de cylindrée, chaque moteur était capable d’envoyer 4300 chevaux vapeur dans son arbre hélice. Un turbo entrainé à 6.374 fois la vitesse du moteur boostait la puissance. En même temps, un réducteur entrainait l’hélice à environ un tiers de la vitesse du moteur.

 


Moteur en étoile à 28 cylindres
Moteur P&W R-4360 Wasp Major. Ses 71.4 litres de cylindrée font 4360 pouces cubes (cubic inches), d’où le nom.
 

 

Dès le début de l’exploitation, les moteurs se montrent très capricieux. Quand un avion passe la nuit au parking, l’huile du carter central descend vers les pistons inférieurs. Si les segments ne sont pas parfaits, elle coule même dans les énormes chambres de combustion. Au démarrage, les passagers restaient dubitatifs devant l’impressionnante fumée noire éjectée par les moteurs de leur avion.

Le 8 août 1957, un Boeing 377 décolle de Los Angeles pour Honolulu. Cette traversée vers le sud ouest dure plus de 10 heures pour 3700 km à parcourir au dessus de l’eau. Le vol est organisé sur l’US Navy qui donne le nom C-97 à ce même avion. En plus des 10 membres d’équipage, 57 passagers sont embarqués. Il s’agit de familles de militaires ainsi qu’une dizaine d’enfants en bas âge.

Une fois qu’il arrive à 16’000 pieds, l’appareil est stabilisé en croisière sous pilote automatique et le navigateur est le membre d’équipage qui travaille le plus. Le mécanicien de bord veille aux moteurs et aux paramètres de la cabine alors que le copilote surveille constamment ses instruments de vol.

L’appareil venait à peine de passe le point équi-temps quand tous les occupants furent alertés par un hurlement formidable provenant de la gauche. Sur son tableau, le mécanicien voit l’aiguille de l’indicateur de tours du moteur 1 s’emballer. A 3’800 tours par minute, les extrémités des pales de l’hélice dépassent la vitesse du son ! A chaque instant, l’hélice peut se rompre et venir déchirer la carlingue de l’avion.

Sur les avions à hélice actuels, une butée mécanique vient empêcher l’hélice de revenir vers un petit pas quand l’avion est en croisière. En effet, en cas de panne moteur, le premier mouvement de d’une hélice est de revenir vers le petit pas d’abord. Par la suite, un autre mécanisme l’envoi en drapeau. Ce mouvement de recul vers le petit pas n’est pas souhaitable. L’hélice passe en survitesse et crée un très fort moment de lacet. De plus, il faut lui faire faire un mouvement plus important pour la mettre en drapeau.

Boeing 377 Stratocruiser
Boeing 377 Stratocruiser. Avion de transport civil dérivé des
bombardiers B-50 et B-29 de la Seconde Guerre Mondiale.
Remarquez la taille des hélices et leur proximité.

Immédiatement, le commandant de bord réduit les manettes de gaz et de mélange du moteur numéro 1 puis appuie sur le bouton qui permet de mettre l’hélice en drapeau. En même temps, il tire sur le manche pour réduire la vitesse et demande au copilote de sortir les volets à la position 55%. Réduire la vitesse de l’avion est la seule manière disponible pour calmer l’hélice d’autant plus que celle-ci ne semble pas vouloir aller en drapeau. L’avion est si déséquilibré par la trainée générée, que les pilotes réduisent les gaz sur tous les moteurs. Pendant quelques temps, ils planent vers la mer tout en cherchant à résoudre le problème.

Alors que le hurlement continu à déchirer la nuit, la jauge de quantité d’huile du régulateur de l’hélice du moteur 1 tombe vers zéro. C’est une très mauvaise nouvelle. Ceci signifie qu’il n’est plus possible de mettre en drapeau cette hélice mais qu’il faudra vivre avec. La vitesse de l’avion baisse et il faut appliquer la pleine puissance sur les moteurs restants pour tenir en l’air. Avec cette configuration, il n’est pas possible d’atteindre la destination et il n’est pas possible de revenir en arrière. L’amerrissage devient la perspective la plus plausible.

Tout en veillant au fonctionnement des moteurs encore actifs, l’équipage décide de sacrifier le moteur numéro 1. Son huile de lubrification est coupée. En effet, ces moteurs consommaient de grandes quantités d’huile fournie par un réservoir externe. En coupant cette arrivée, il est possible de provoquer à terme le grippage du moteur. Une hélice qui ne tourne pas a moins de résistance qu’une hélice qui se laisse entrainer par le vent relatif.

Pendant que le moteur consomme son huile résiduelle, les passagers sont équipés pour un amerrissage. Au poste, le navigateur refait ses calculs : il ne sera pas possible d’atteindre la destination. Il manquera 30 minutes de carburant. Le commandant décide de s’approcher le plus possible de la destination et de poser l’avion à la mer quand il fera jour. Le copilote lance des messages de détresse à la radio HF.

Soudain, une forte explosion est entendue à gauche. Le moteur privé d’huile se grippe. Cependant, il bloque si brutalement que l’inertie de l’hélice casse l’arbre moteur et l’hélice se met à mouliner encore plus fort. Plus rien de ne l’empêche de tourner de plus en plus vite.

Le mécanicien se penche et de son hublot il voit le moyeu de l’hélice virer au rouge. La température est telle que cette pièce qui solidarise les pales commencent à fondre. D’une minute à l’autre, l’hélice folle va se casser.

Le commandant de bord prend une décision absolument unique dans les annales. Il coupe le moteur numéro 2 et met son hélice en drapeau. L’avion ne tient presque plus en l’air mais le commande persiste et signe : il l’incline de 40 degré à droite, l’aile portant les moteurs 1 et 2 levée. Pour les passagers, il devient clair que l’avion est en perdition.

Une minute après, l’hélice du moteur 1 s’arrache et part brutalement sur la droite. Elle casse une pale du moteur 2 puis elle déchire le haut de la cabine ! Si le moteur 2 était en route, le déséquilibre provoqué par la perte de un mètre de pale aurait été suffisant pour générer des vibrations intenses qui auraient cassé l’aile. Si l’avion n’avait pas été incliné de 40 degrés, l’hélice massive aurait déchiré la carlingue de part en part.

 

 

Les précautions de l’équipage ont payé. Par contre, deux moteurs sont perdus du même coté. De plus, le moteur 1 prend feu et brûle comme une torche pendant 8 longues minutes avant de s’éteindre définitivement faute d’hydrocarbures.

L’avion est stabilisé vers 5’500 pieds te les pilotes peinent à le maintenir sur la trajectoire. Si l’un ou l’autre des moteurs restants montre le moindre signe de faiblesse, c’est le crash en plein milieu de l’océan. Le jour commence à se lever, révélant une immensité déserte dans toutes les directions.

Au sol et en l’air, les secours se préparent. Un autre avion de transport qui avait décollé de Californie une heure avant le Boeing 377 fait demi-tour et se met à sa recherche pour l’intercepter et l’escorter aussi loin que possible.

La première bonne nouvelle de la journée est annoncée par le navigateur : l’avion vole plus lentement et il a deux moteurs en moins. L’un dans l’autre, la consommation par unité de distance est légèrement plus faible et il y a une chance encore d’atteindre l’archipel Hawaii. Pour se donner toutes les chances, l’équipage ouvre une porte de l’appareil et tout ce qui n’est pas vital est jeté par-dessus bord. Le courrier, le fret, les bagages, les effets personnels passent à la mer sans la moindre plainte de la part des passagers. Par contre, l’ouverture de la porte provoque une trainée supplémentaire et l’avion qui n’a pas assez d’énergie commence à perdre de l’altitude. Il est seulement à 50 pieds quand la porte est refermée enfin.

L’appareil reprend un peu d’altitude et la vitesse s’améliore. Le navigateur vient avec une nouvelle estimation qui fait froid au dos : le prochain aéroport, Hilo, est à 5:00 de vol mais il reste 5:04 de carburant. L’arrivée à destination semble de plus en plus compromise. Le moindre vent de face qui peut se lever condamnera l’avion à l’amerrissage.

Encore une fois, les pilotes ne se laissent pas abattre. Ils décident de voler en rase mottes pour profiter de l’effet sol. Ce dernier permet de réduire la trainée induite. A une envergure de hauteur, la trainée induite baisse de près de 14% et permet d’économiser du carburant. Par contre, la procédure n’est pas sans danger. L’avion a deux moteurs en panne et reste très difficilement contrôlable par les pilotes qui se relayent aux commandes. La moindre erreur et il peut impacter l’océan à plus de 1’000 kilomètres de sa destination. Après plusieurs essais, les pilotes découvrent que la meilleure hauteur de vol pour leur avion est de 100 à 125 pieds. Le Boeing 377 a une envergure de 143 pieds.

Les passagers restent tout le temps attachés à leurs sièges et en alerte. Ils savent qu’à cette hauteur, il n’y aura aucune alerte possible avant un éventuel amerrissage. Chacun doit se tenir prêt à se sauver à chaque minute.

Pour économiser encore du carburant, les pilotes coupent le système de conditionnement d’air. Quand le soleil se lève, la température de la cabine monte et dépasse les 43 degrés alors que l’air moite devient de plus en plus irrespirable. Les gilets de sauvetage tiennent chaud et font suer mais il n’est pas question de les enlever.

Les heures passent comme des siècles, puis les bonnes nouvelles arrivent. Un vent de dos se lève et donne à l’avion 37 km/h de plus. Puis, deux autre avions interceptent et escortent le Boeing 377 à distance. En cas d’amerrissage, plus de radeaux et d’équipement de secours pourront être mis à l’eau.

Tout à coup, des trainées blanches apparaissent à l’horizon. De nombreux navires de l’US Navy se positionnaient sur la route de Boeing endommagé pour lui prêter assistance. Un peu plus tard, la terre commence à se profiler à l’horizon. Dans l’avion, c’est le soulagement pour tout le monde.

Après avoir gagné un peu d’altitude, l’appareil se met en approche directe sur une piste de 2’000 mètres. Les volets sont sortis, la vitesse est réduite puis le copilote descend le levier du train d’atterrissage. Une première lampe verte s’allume, puis une deuxième et c’est tout. La journée n’est pas encore terminée ! Le train d’atterrissage principal gauche ne sort pas.
– Tu as assez de fuel pour faire une remise de gaz, annonce le mécanicien de bord

Le commandant de bord hésite un instant. Son envie de finir ce cauchemar est très forte, mais il n’a pas sauvé l’avion des flots pour venir l’écraser sur la piste avec une perte probable de vies humaines. Il prend les manettes des moteurs restants et les pousse en avant. Le copilote rentre le train d’atterrissage et l’appareil survole l’aéroport et reprend de l’altitude en s’éloignant.

 


Remise de gaz N-2 Boeing 377
Photo prise depuis le sol lors de la remise des gaz sur Hilo. Il manque 1 mètre d’une pale du moteur 2 et toute l’hélice du moteur 1.
 

 

Les mécaniciens se battent avec le système de sortie de secours du train d’atterrissage. Le moteur 2 qui abrite le logement du train est tordu et la trappe ne s’ouvre pas. Sous leurs efforts, elle est arrachée et le train est sorti et verrouillé en position sûre. Quelques minutes plus tard, l’avion fait un très joli atterrissage sur la piste. Il restait 30 minutes de carburant. Jamais un avion de ligne n’était revenu d’aussi loin.

Tuninter vol 1153 – Panne Sèche au Dessus de la Mer

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Le 6 août 2005, une erreur d’installation transforma le vol Tuninter 1153 en cauchemar. Chaque été, de nombreuses petites compagnies aériennes réalisent des vols charter bon marché entre l’Europe et des destinations balnéaires situées au Maroc, en Tunisie ou en Egypte. Chaque incident survenant dans ce contexte suscite, à tort ou à raison, de nombreuses critiques des transporteurs low cost. Ce débat peut parfois passer à coté des vrais problèmes. Certains systèmes ont une mauvaise conception et peuvent conduire à des erreurs de maintenance quelque soient, par ailleurs, les prix proposés au consommateur final.

Comme tous les constructeurs, l’entreprise Franco-italienne ATR travaille sur la standardisation de ses équipements. Il s’agit de concevoir des pièces semblables, sinon identiques, qui pourraient être installées sur différents modèles d’avions. Ceci permet de réduire les coûts de maintenance et de formation tout en réduisant les possibilités d’erreurs ou de mauvais usage. Même si elle n’est pas fondamentalement mauvaise, cette approche ne pourrait contribuer à améliorer la sécurité que si les constructeurs veillent à ce qu’il soit impossible de mettre en place des composants sur un avion pour lesquels ils n’ont pas été conçus. Une simple étiquette ou un mode d’emploi portant des avertissements ne peuvent pas prémunir contre un usage non conforme sur le long terme. Seule une impossibilité physique d’interchanger les pièces peut représenter un garde fou suffisant.

Les ATR modèle 42 et 72 se ressemblent comme deux gout-tes d’eau bien que le dernier soit un peu plus grand. Les deux appareils sont appréciés par les compagnies régionales à cause leurs bonnes performances sur des pistes courtes et terrains difficiles. L’ATR-72-202 peut transporter jusqu’à 74 passagers sur près de 1’600 kilomètres. Chaque aile dispose d’un réservoir capable de contenir 2’500 kilogrammes de Jet A1. Chaque réservoir alimente un turbopropulseur Pratt & Whitney de 1’610 kW.

Avant chaque départ, les pilotes vérifient la quantité de carburant qui s’affiche sur un instrument digital installé dans le cockpit. Il n’y a pas d’inspection visuelle ou de mesure directe.

 


Indicateur de quantité de carburant ATR-72
 

 

Dans chaque réservoir, sont placées des sondes qui sont en fait des condensateurs électriques. Leur capacité varie en fonction de la hauteur de carburant entre leurs armatures. La valeur mesurée est envoyée à un appareil qui se trouve dans le cockpit. Celui-ci utilise un algorithme spécifique à chaque avion pour élaborer et afficher la quantité de carburant restante. Le calcul tient compte de plusieurs paramètres dont le nombre de sondes et la forme du réservoir

L’afficheur dispose également d’une alarme LO LVL qui se déclenche quand le niveau de carburant est trop bas. Malgré les apparences, cette alarme n’apporte pas une grande plus value en termes de sécurité. En effet, son mécanisme ne dis-pose pas de chemin redondant ou d’une autre source d’information que l’indicateur lui-même. Il s’agit d’un système simple qui surveille la valeur affichée et qui signale quand elle passe sous une certaine valeur.

La veille de l’accident, l’avion avait subi une maintenance qui avait conduit, entre autres, au remplacement de la jauge de carburant. Cependant, pour une raison encore inexpliquée, le technicien installa un indicateur Intertechnique P/N 749-158. C’est le modèle prévu pour ATR-42. On sait aujourd’hui que la compagnie Tuninter ne disposait que deux avions en tout et pour tout : un ATR-42 et un ATR-72. Il est probable que les mécaniciens avaient l’habitude d’intervertir certains équipements sans conséquences ou dans un cadre prévu par le constructeur. Cependant, la confusion des jauges mit en place une situation potentiellement catastrophique parce que les pilotes avaient sur leur afficheur une quantité de carburantsupérieure à la quantité réellement emportée. Dès qu’il quitte l’atelier, l’avion immatriculé TS-LBB est à la merci d’une panne sèche. Elle surviendra au bout du deuxième vol seulement.

 


Indicateur de quantité de carburant ATR-42
 

Une seule anomalie peut encore attirer l’attention d’un pilote ou d’un technicien : sur le nouvel indicateur, c’est la valeur 2’250 kilogrammes qui est gravé au-dessus de chaque petite fenêtre. L’ATR-42 étant plus petit, il transporte effectivement 500 kilogrammes de carburant en moins.

Le samedi 6 août 2005, le TS-LBB décolle de l’île Djerba, au sud de la Tunisie, pour son premier vol de la journée. Destination : Bari en Italie. Il transporte 1’255 kilogrammes de carburant au total, mais les pilotes ont une indication rassurante de 1’900 kilogrammes par réservoir.

A l’atterrissage, il reste 150 kilogrammes de carburant par réservoir. Autant dire que ce premier vol est déjà passé tout près de la catastrophe. En plus des 4 membres d’équipage, 35 passagers prennent place pour le vol 1153 qui rentre sur Djerba. Il s’agit surtout de jeunes vacanciers cherchant à passer des vacances au plus bas prix possible. Les pilotes font aussi ajouter 265 kilogrammes de carburant pour amener le total indiqué à 2’700 kilogrammes. En fait, l’appareil décollera avec 285 kilogrammes de fuel dans chaque réservoir. Cette quantité ne permet pas de faire les 1’000 kilomètres prévus.

L’avion décolle normalement et atteint rapidement son altitude de croisière de 23’000 pieds. Après avoir traversé le sud de l’Italie, il se met à survoler la Méditerranée au nord ne la Sicile. Soudain, le moteur droit s’arrête et son hélice se met en drapeau.

Pour les pilotes, il ne s’agit de rien d’autre qu’un désagrément. Ils entament une descente vers le niveau 170 qui est l’altitude maximale recommandée sur un seul moteur pour cet avion. Le contrôleur aérien en charge est informé et une diversion est initiée sur Palerme.

Alors que la descente est à peine entamée, le moteur gauche s’arrête à son tour transformant l’avion en planeur. Les pilotes tentent de nombreux démarrages sans succès. Les jauges indiquaient 900 kilogrammes de carburant dans chaque réservoir. En pratique, n’en restait plus une goutte.

L’avion perd de plus en plus d’altitude et rapidement les pilotes acquièrent la certitude qu’ils ne pourront pas atteindre Palerme. L’amerrissage est la seule solution possible. Grâce à un sang froid exemplaire, l’appareil est contrôlé de manière impeccable. Ceci prolonge la durée et la distance de plané et permet aux secours de s’organiser. La communication avec la tour de contrôle reste difficile. Les pilotes doivent répéter toutes les trente secondes qu’ils ne vont pas atteindre Palerme et qu’ils ont perdu les deux moteurs. A chaque appel, le copilote donne l’altitude restante.

A 4’000 pieds, les pilotes se rendent compte que le vent est fort. La tension monte d’un cran. Les échanges entre les pilotes sont rapides, voir vifs par moments. Au loin, ils repèrent un navire et infléchissent légèrement leur trajectoire pour l’atteindre. A 2’000 pieds, ils tentent encore une fois de redémarrer un moteur. A 1’100 pieds, ils contactent une dernière fois le contrôleur pour lui confirmer qu’ils s’apprêtent à amerrir pas loin d’un bateau.

Quelques secondes avant l’impact, le commandant de bord lance sur un ton résigné :
– Ok, c’est fini maintenant, puis à l’intention du copilote :
– Chokri prépare toi ! Chokri prépare toi !
– Je suis prêt ! Répond ce dernier avant que l’enregistrement CVR ne se termine.

A l’impact, l’avion se casse en trois parties. L’arrière et l’avant coulent à pic dans une zone où la profondeur est supérieure à 1’000 mètres. Grâce à aux réservoirs vides servant de flotteurs, la zone centrale reste à fleur de l’eau.

Les secours sont rapidement dépêchés et récupèrent vivantes 25 personnes sur les 39 occupants portés sur le plan de vol. Les autres sont soit disparus, soit retrouvés morts et dérivant dans les heures et les jours qui suivent. En Italie, l’opinion est unanime, c’est le carburant livré à Bari qui était contaminé. En aviation, quand deux éléments hautement fiables tombent en panne en même temps, la seule explication possible est la cause commune. Avant même l’arrivée des enquêteurs de l’ANSV n’arrivent, la citerne de carburant ayant livrée le TS-LBB est mise sous scellés.

Les rescapés racontent chacun leur version à la presse. Un des éléments récurrents est la surprise lorsque l’avion toucha la mer ! Pourtant, l’ATR avait plané pendant plus de 16 minutes avec des hélices arrêtées et les pales tournées dans le lit du vent. Les pilotes avaient averti plusieurs fois de l’imminence d’un amerrissage, mais comme souvent, de nombreuses barrières perturbent la communication.

Les passagers étaient tous de nationalité Italienne. L’équipage était composé de 2 pilotes et de 2 PNC tunisiens. Ces derniers parlent Arabe et Français couramment. Ils peuvent communiquer en Anglais, mais ne parlent pas un mot d’Italien. Trois minutes avant l’impact, le copilote relit sa check-list d’amerrissage (ditching). Le tout premier point est d’avertir les occupants en cabine. Il utilise le système d’adresse publique et lance exactement cette phrase :
– Préparez pour un emergency ditching !

L’annonce s’adresse surtout aux à l’hôtesse et au steward qui avaient déjà compris le problème depuis longtemps et demandé aux passagers de mettre les gilets de sauvetage. Ces derniers se mettent en place selon une procédure vaguement expliquée avant le décollage et à laquelle peu de personnes prêtent attention malheureusement. Certains passagers gonflent leurs gilets de sauvetage avant même l’amerrissage. L’un d’eux, fût assez chanceux pour le raconter fièrement plus tard. Si l’avion était resté intact et avait commencé à prendre l’eau, l’évacuation aurait été impossible pour ceux qui portaient des gilets gonflés d’avance.

Les pilotes, qui ont survécu au drame, donneront certainement d’importants éléments d’appréciation au sujet de cette enquête qui n’est pas encore terminée. Par ailleurs, moins d’un an avant le crash, Tuninter avait obtenu le label ISO 9001. C’est probablement sur cette base que les responsables tunisiens ont affirmé à tous ceux qui voulaient les entendre que la maintenance de la compagnie correspondait aux « normes internationales ». Comme si ces fameuses normes brandies à chaque désastre aérien permettent d’installer une jauge d’ATR 42 sur un ATR 72.

Kelowna Charter C-GKFJ – Erreur de navigation (longitudes Est/Ouest)

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Les systèmes de navigation tels que le GPS rendent de très grands services mais un usage non-conforme peut avoir des résultats désastreux. L’entrée de données sensibles, comme des points de navigation, doit se faire à deux. Chaque pilote contrôle le travail de l’autre afin de s’assurer qu’aucune erreur ne s’est glissée.

Le Convair 580 est un vieux bimoteur à hélices utilisé pour le transport de fret et de passagers sur de courtes distances. On en fabrique plus depuis 1956, mais de nombreux volent encore avec des équipements de bord améliorés. Le C-GKFJ a été utilisé pendant de nombreuses années pour le transport de courrier dans les régions éloignées du Canada. Rien de tel qu’un appareil robuste et pas trop dommage pour aller poser sur des pistes reculées par -20 degrés de température.

L’appareil est mis en vente en été 2003 par son propriétaire, Kelowna Flightcraft Air Charter. Ironie du sort, le seul client qui s’y intéresse est en Nouvelle Zélande. Il faut trois jours de vol pour y arriver mais la transaction est réalisée et le 15 juin, l’appareil décolle depuis le Canada avec 2 pilotes et un mécanicien de bord.

De nombreuses escales sont nécessaires pour atteindre Pago-Pago le 18 juin. Le Pacifique Sud est l’une des régions les plus désertes du globe. Seules quelques îles volcaniques effleurent de l’eau à plusieurs milliers de kilomètres les unes des autres. Certaines sont habitées alors que d’autres ne sont que des rochers à l’existence éphémère.

Quand il décolle de Pago Pago, l’équipage utilise deux GPS pour la navigation. Grâce à des réservoirs supplémentaires montés en cabine, plus de 8 tonnes de carburant sont emportés pour la dernière étape.

Forts de leur grande expérience de vol, les pilotes ne sont pas impressionnés outre mesure. La programmation des GPS se fait de manière expéditive et sans aucun contrôle. Les coordonnées entrées sont presque justes. Au large de la Nouvelle Zélande, vers l’est, passe le méridien 180, appelé ligne de changement de date. Quand on arrive depuis le Canada, les longitudes sont dites « Ouest » jusqu’à ce méridien. Par la suite, elles deviennent des longitudes Est. Ne faisant pas trop attention à leurs cartes, les pilotes rentrent Ouest après toutes les valeurs de longitudes. Ceci est juste pour les premiers points, mais pas pour les derniers.

L’appareil décolle à pleine charge et rapidement laisse derrière lui l’archipel des Samoa Américaines. Tout en descendant vers le Sud, l’avion commence progressivement à dévier de sa trajectoire. Au pire, la route suivie fait jusqu’à 102 degrés avec la route prévue, mais aucun membre d’équipage de remet en doute les informations concordantes fournies par les deux GPS.

Au bout de six heures et demie de vol, les pilotes sont soulagés de contacter le contrôleur aérien de Gisborne, Nouvelle Zélande, pour lui annoncer qu’ils atterrissent dans 11 minutes. Ce dernier les autorise à commencer leur descente tout en trouvant louche qu’il ne puisse pas les voir sur son radar.

Après avoir traversé la couche nuageuse à 3’000 pieds, les pilotes sont sous le choc. Tout autour d’eux, dans toutes les directions, il n’y a que l’océan. A ce moment, ils commencent à douter de la bonne santé de leurs appareils de navigation. Ils pensent tout à coup à un éclair aperçu plus tôt et supposent qu’il a endommagé quelque chose. Ils essayent tout de même la fonction nearest du GPS. Celle-ci, accessible en une seule pression d’un bouton, permet de voir les aéroports les plus proches de la position actuelle. Malheureusement, les appareils embarqués n’avaient pas une base de données mondiale, mais juste les informations pour le Canada et les USA. L’aéroport le plus proche indiqué fut celui de Los Angeles, KLAX, à un peu plus de 10’000 kilomètres. Ca s’annonce mal.

Les pilotes remontent à 12’000 pieds et s’orientent au 270 magnétique, soit plein Ouest. A l’Est, la seule chose qu’il y a, c’est le Chili à 8’000 kilomètres à vol d’oiseau. Le mécanicien commence à vérifier les réserves de carburant, il reste moins d’une tonne. Les deux moteurs double étoile à pistons ont 46 litres de cylindrée chaque. Conçus en 1939, ils sont très voraces même à puissance réduite.

Les appels de secours se multiplient, mais restent sans réponse. Même le contrôleur aérien contacté initialement n’est plus à porté radio à cause de l’altitude. Quant à monter, il n’en n’est pas question.

Le mécanicien part à l’arrière et commence à préparer le radeau et à réunir les vivres qui trainent. S’ils tombent dans la bouille, il risque de se passer un petit moment avant qu’on ne les retrouve. Pour gagner le plus d’autonomie, il commence à pencher les réservoirs supplémentaires pour pousser dans les tuyaux les derniers litres de carburant.

Alors qu’ils commencent à être gagnés par le désespoir, les pilotes voient un avion de la taille d’un DC-10 surgir à leur coté. Il a quatre réacteurs, c’est un Lockheed C-141 Starlifter de l’U.S. Air Force. Son équipage les avait trouvés au TCAS et venait à leur secours après avoir capté leurs messagers de détresse. Ils étaient à plus de 550 kilomètres des cotes de la Nouvelle Zélande.

Suivant leur samaritain, les pilotes se mettent sur la route pour l’aéroport le plus proche. Au bout d’un interminable vol, le pilote de l’appareil militaire leur annonce que leur aéroport est à quelques minutes de vol droit devant, puis il engage un virage serré et disparaît de leur vue. Quelques secondes plus tard, le contrôleur aérien leur annonce qu’il les tient au radar et les autorise à commencer leur descente. A l’atterrissage, il restait à peine 90 litres de carburant dans chaque réservoir.

Le plus bête dans cette histoire, c’est que les GPS avaient une mémoire interne avec les aéroports et les points de navigation du monde entier. Or, en installant des cartes mémoire Amérique du Nord, trop anciennes par ailleurs, la base de données interne fut désactivée. Il aurait suffit de retirer la carte additionnelle pour que le GPS dessine la Nouvelle Zélande avec tous ses aérodromes. Comme quoi, il faut lire le mode d’emploi des appareils que l’on utilise. Surtout quand ceux-ci on un rôle vital dans l’avion.

Turkish Airlines vol TK981 – 345 Morts en Région Parisienne

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Le système de verrouillage des portes cargos du DC-10 est basé sur un gros levier qu’il faut abaisser une fois la porte poussée dans son logement. Tout le monde connaît le phénomène avec les portes mal fermées au point que l’on ne peut plus tourner la clé dans la serrure. Avec la porte cargo du DC-10, le problème se pose dans les mêmes termes. Si la porte n’est pas poussée à fond, la fermeture ne va pas pouvoir se réaliser correctement. Par contre, le levier donne une telle force à l’opérateur que celui-ci peut s’acharner et tordre le mécanisme de la serrure sans même s’en rendre compte. De l’extérieur, le levier est abaissé et la porte cargo semble correctement fermée. Dans le cockpit, les lumières qui signalent les portes ouvertes s’éteignent et tout semble normal.

Sur l’appareil, sont placardées en Anglais les instructions qu’il faut suivre pour réaliser une fermeture correcte. Cependant, l’avion se rend dans des aérodromes situés sur tous les continents et les portes sont opérées par des manutentionnaires à très faible niveau d’instruction. Il ne faut pas s’attendre de leur part à respecter scrupuleusement les instructions données, ni à mesurer la portée ce chacun de leurs gestes. Le DC-10 est peut être un excellent avion, mais toute sa sécurité est aux mains du dernier bagagiste qui referme la porte cargo. S’il la referme mal, c’est le crash !

Un accident annoncé
Est-ce que l’incident était prévisible ? Non seulement, il l’était, mais il est arrivé au moins deux fois durant les essais de l’avion. Le 12 juin 1972, un DC-10 d’American Airlines, le plus grand exploitant de ce genre d’appareils à l’époque, décolle de l’aéroport de Detroit dans le Michigan à destination de Buffalo, la seconde ville de l’Etat de New York. Alors qu’il monte vers 12’000 pieds, une explosion sourde est entendue à bord. Dans le cockpit, l’alarme de dépressurisation retentit, mais le pire est à venir. Les manettes des gaz reviennent toutes seules vers la position de ralenti et le palonnier gauche s’enfonce complètement. L’avion bascule vers la droite et commence à perdre de l’altitude. La gouverne de profondeur ne répond presque plus. Pour tout pilote, c’est le crash assuré. Coup de chance, le commandant de bord, Bryce McCormick, s’était entrainé à cette éventualité dans un simulateur de vol de la compagnie. En ajustant la puissance des réacteurs et en manœuvrant avec prudence la gouverne de profondeur, il arrive à maintenir un semblant de contrôle sur son appareil. Bientôt, il fait demi-tour et réussit à se poser à Detroit sans trop de dégâts. Tous les passagers sont sains et saufs. L’avion, immatriculé N103AA, est réparé et rependra du service pendant de nombreuses années. Il rouille actuellement sous le soleil de l’aéroport de Goodyear à Phoenix, Arizona.

Après ce miracle, les ingénieurs qui ont conçu l’avion et ses systèmes s’interrogent sur le bien fondé de leurs choix. Daniel Appelgate est chef de produit chez la Consolidated Vultee Aircraft Corporation, plus connue sous le nom de Convair. Il connait très bien le problème parce que c’est l’entreprise où il travaille qui a conçu les portes cargos pour le compte de McDonnell Douglas. Il est courant que les constructeurs d’avions fassent appel à une multitude de sous-traitants pour réaliser tel ou tel système selon un cahier de charge bien précis.

Comme le veut la procédure, Mr Appelgate va faire un mémo à ses supérieurs. Les termes sont très clairs : « La sécurité fondamentale du système de verrouillage des portes cargo n’a cessé de se dégrader depuis le lancement du programme en 1968. L’avion a démontré une susceptibilité aux dommages catastrophiques lorsqu’il a été soumis au sol à des tests de décompression de compartiment cargo. Comme la loi de Murphy étant ce qu’elle est, durant les 20 ans et plus qui restent au DC-10, je prévois que ceci conduira régulièrement à la perte de l’appareil ».

Cet avertissement n’est suivi d’aucun effet. Il s’agit ici d’un problème d’éthique d’entreprise et de choix qu’ont à faire les uns et les autres. Convair est le sous-traitant pour les portes cargos. Ses responsables n’ont pas envie de faire trop de bruit autour du problème pour ne pas risquer de perdre leur marché. De son coté, McDonnell Douglas est sous pression parce que le Tristar L1011 se vend bien et leur ronge régulièrement des parts de marché. Ils n’ont aucunement l’intention de faire plus de foin que nécessaire au sujet des problèmes du DC-10.

La cabine du DC-10, comme la plupart des avions de transport civil, est divisée horizontalement en deux compartiments. La partie supérieure est la zone bien connue des passagers et qui comporte les sièges et la partie habitable. La partie inférieure est une zone où sont transportés le fret, le courrier et les bagages. Elle est accessible par des portes latérales se trouvant vers le bas, sur les cotés droit et gauche du fuselage. Les deux zones sont donc séparées par le plancher. Au-dessus de celui-ci, sont fixés la moquette et les sièges. En-dessous, circulent des câbles de timonerie, des fils électriques et des tubes de pression hydraulique.

Quand une porte cargo est arrachée en plein vol, la pression dans le compartiment cargo baisse brutalement. Sur le DC-10, ceci provoquait l’aspiration du plancher vers le bas. Celui-ci se cassait longitudinalement et avec lui étaient détruits les tubes de fluide hydrauliques et autres éléments importants. Même si l’appareil avait 3 circuits hydrauliques supposés indépendants, ils étaient tous détruits quand une porte cargo était soufflée en vol et le plancher rompu. Dans ce cas, la perte de contrôle était ga-rantie. Les craintes de Daniel Applegate étaient donc largement justifiées.

Turkish Airlines vol TK981
Rien n’est modifié et la vie suit son cours jusqu’au dimanche 3 mars 1974. Le DC-10 immatriculé TC-JAV arrive à Paris Orly en provenance d’Istanbul. Il atterrit à 10 heures du matin selon l’horaire du vol TK981. Il transporte 167 passagers dont 50 sont à destination de Paris et quittent donc l’appareil. Le personnel au sol s’active pour la courte escale. Il y a les manutentionnaires de la compagnie THY mais aussi ceux des aéroports de Paris. Un gendarme en faction veille à la sécurité de la zone. Plus de 10’000 litres de carburant, du Jet A1, sont pompés dans les réservoirs du DC-10 par un camion citerne de Shell. L’escale qui doit durer 1 heure est prolongée pour attendre des passagers en connexion sur Londres depuis des vols d’Air France et de British arrivant d’autres destinations.

Vers 10 heures 35, la porte cargo arrière gauche est refermée. A 11 heures 24, le contrôle au sol autorise l’équipage à circuler vers la piste 08. L’avion se met en route et il est escorté par un véhicule radio de la gendarmerie des transports aériens. La météo est excellente même s’il fait un peu frais (6° C).

 

porte cargo DC-10
Détail de la porte arrière gauche. C’est celle-ci qui a été soufflée par la pressurisation.
 

 

L’avion prend son envol pour un court voyage prévu pour durer 1 heure. Il y a 346 personnes à bord. La montée initiale se passe normalement et au fur et à mesure qu’il gagne de l’altitude, le vol 981 est basculé d’un contrôleur à l’autre. Au radar, on le voit virer vers le nord et remonter vers Montdidier. C’est la routine habituelle.

A 11 heures 40, le contrôleur aérien reçoit une émission confuse où se mêlent des paroles en Anglais, en Turc et des bruits d’alarmes de décompression et de survitesse. Sur son scope, le contrôleur voit l’appareil se dédoubler ! Un premier point reste fixe pendant 2 à 3 minutes. Il s’agit des pièces éjectées de l’appareil qui se disloque en vol. L’autre point, représente l’avion qui infléchit sa course vers la gauche en revenant vers un cap plein Ouest. Les émissions se multiplient, mais elles sont rapides et confuses et permettent juste de comprendre que quelque chose de grave est entrain de se passer.

Lors de la montée, alors qu’il survole le département de l’Oise, le vol 981 est victime du vice connu du DC-10. La porte cargo gauche mal fermée s’ouvre et provoque une décompression brutale qui commence par l’arrière de l’appareil. Des sièges passagers sont arrachés et 6 personnes sont précipitées dans le vide. Le plancher est brisé par les forces d’aspiration et le poids des passagers. L’avion vire à gauche et entame une plongée vers le sol. La vitesse augmente et les commandes ne répondent plus. Il se passera 77 longues secondes entre l’explosion et le crash dans la forêt d’Ermenonville, 15 kilomètres après le lieu initial de la dépressurisation. Il n’y aura aucun survivant parmi les passagers et membres d’équipages. Les débris s’éparpillent sur plus de 65’000 mètres carrés mais aucun incendie ne se déclare.

L’enquête est particulièrement difficile. Les 346 personnes ont été transformées en plus de 20’000 fragments. Seuls les 6 passagers éjectés sont retrouvés à peu près intacts. Les pompiers et les gendarmes, plus de 300 hommes, dépêchés sur les lieux sont malades à force de récupérer les restes humains dans les arbres.

Le lundi 4 mars, la porte cargo est retrouvée dans un champ fraichement labouré. Elle est analysée et le résultat est édifiant : son mécanisme de fermeture n’est pas conforme à ceux qui devaient être installés sur cet appareil. En effet, quelques modifications avaient été apportées au mécanisme et devaient être présentes sur ce DC-10 dès sa sortie d’usine. En outre, plusieurs éléments du système de fermeture avaient été grossièrement bricolés à la lime pour rattraper le coup ! Les bielles et les tubes du mécanisme de verrouillage sont déformés et témoignent d’une tentative de fermeture avortée.

La porte cargo du DC-10 avait toute l’apparence d’une porte fermée et verrouillée, mais les crochets qui la retenaient n’étaient pas dans une position sûre et les broches de sécurité n’étaient pas engagées non plus. Dans cette situation, la porte était prête à céder dès que l’effort devenait assez important. Le manutentionnaire qui a fermé cet porte était un bagagiste totalement illettré. Il ne pouvait pas lire les instructions placardées en Anglais et en Français.

Le crash du vol 981 reste jusqu’à aujourd’hui le pire accident aérien survenu en France. Ce fut la première fois qu’un gros porteur à pleine charge s’écrasait avec une perte totale de vies humaines. L’accident marqua fortement les esprits et fit que les opérateurs, à tous les niveaux, redoublèrent de vigilance pour qu’une telle chose ne se reproduise jamais.

Après ce drame, les portes cargo ont été modifiées sur tous les DC-10 en service. De plus, des surfaces soufflables ont été installées sur le plancher. En cas de différence de pression entre le haut et le bas, elle sont arrachées en direction de la plus faible pression et elles créent de larges passages pour l’air. Ceci permet d’équilibrer les pressions assez rapidement sans laisser se développer des forces créant des contraintes dangereuses sur le plancher. Sur d’autres appareils, comme le Boeing 747, un système de dernier ressort interdit la pressurisation si une porte cargo n’est pas correctement vérouillée.

Le DC-10 continua à voler pendant de nombreuses années sans trop faire parler de lui. Néanmoins, la confiance du public était érodée et de nombreuses personnes avaient comme principe de ne jamais voyager dans cet avion.

Japan Airlines 123 – Le Crash le Plus Grave de l’Histoire de l’Aviation

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Le 12 août 1985 est un jour de fête nationale au Japon. Cependant, le pire crash aérien de tous les temps est sur le point de se produire. Le vol JAL 123 est effectué par un appareil bondé. Il doit faire un vol intérieur entre Tokyo et Osaka. 524 personnes ont pris place à bord de cet appareil pour un vol prévu pour durer un peu plus d’une heure. C’est un lundi.

L’avion est un Boeing 747-SR, pour Short Range, c’est une version modifiée de ce gros porteur destinée à emporter plus de 550 passagers sur des vols intérieurs nippons.

L’appareil s’aligne et décolle à 18:30 heures locales. Quelques minutes plus tard, alors qu’il est en montée vers 24’000 pieds, un message de détresse est émis. Les pilotes commencent à parler en Anglais comme le veut la phraséologie internationale, puis la panique prenant le dessus, ils se mettent à échanger en Japonais avec la tour de contrôle. Les équipages de la JAL sont des caractères trempés et pilotent avec des gants blancs. Ce n’est pas le genre de personnes qui perdent les pédales pour une broutille. Telle qu’ils la décrivent, la situation semble très grave. Ils ont entendu une explosion, puis ils ont perdu le contrôle de l’avion. Les 4 circuits hydrauliques indépendants sont tous hors service et le Boeing ne répond plus aux commandes. Seules les manettes des gaz restent encore fonctionnelles. La cabine est dépressurisée, plusieurs alarmes sonnent et les pilotes pensent avoir perdu une porte cargo.

Le ciel est vidé autour du vol JAL 123. Plusieurs aéroports de dégagement sont envisagés mais l’avion n’est plus apte à les rejoindre. Commence alors une danse macabre dite oscillation phugoïde typique des avions en perdition. L’appareil perd de l’altitude comme s’il allait s’écraser puis, tout à coup, il change d’attitude et commence à remonter. Arrivé à une certaine hauteur, il replonge encore. Ce mouvement est connu comme un des modes d’instabilité aérodynamiques auxquels sont soumis les avions. Le plus fameux étant le roulis hollandais qui est contré par le système de Yaw Damper installé sur tous les avions de ligne.

L’appareil, qui descendait vers le Sud-ouest le long de la côte, revient vers la terre tout en continuant son mouvement de montagnes russes. A l’intérieur, les pilotes se battent avec le reste des systèmes fonctionnels pour essayer de trouver la moindre possibilité de contrôler leur avion. Les passagers comprennent que la situation est grave et nombre d’entre eux se mettent à écrire des lettres d’adieux à leurs parents.

Le contrôleur est terrifié par ce qu’il voit sur son écran radar. L’appareil vole à moins de 7’000 pieds et rentre dans une zone accidentée où de nombreuses montagnes dépassent cette altitude. La fin semble proche. Au sol, une personne prend une photo qui fera le tour du monde en 1985.

Au bout de 30 minutes d’une interminable perdition, l’appareil entame une plongée vertigineuse vers le sol depuis une altitude de 13’000 pieds. A l’impact, le 747 est pulvérisé et près de 520 passagers sont tuées sur le coup. Miraculeusement, 4 personnes assises à l’arrière sont saines et sauves après avoir été projetées lors de l’impact contre un amas de sièges rembourrés. Toutes étaient assises à la même rangée. Une fillette est retrouvée vivante au sommet d’un arbre.

 

Boeing 747 du vol JAL123
Lieu du crash du JAL 123 sur le
mont Osutaka-no-one, Gunma, Japon.
 

 

 

Boeing 747 du vol JAL123
Un des plus grands morceaux retrouvés…
 

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Moins de 20 minutes après le crash, un hélicoptère d’une base de l’US Navy trouve les décombres et offre son assistance. Les militaires japonais lui ordonnent de rentrer à sa base et de laisser le champ libre à leur propre armée. On ne plaisante pas avec ces susceptibilités. Au sol, les survivants reprennent conscience sur un bruit de turbines et voient les phares de l’hélico se rapprocher de leur position, puis, soudain s’éloigner laissant place à la nuit. Les équipements japonais ne seront sur zone que dans la matinée alors que les cris de la plupart des rescapés se sont éteints depuis longtemps déjà.

L’enquête
Les boîtes noires sont retrouvées et rapidement dépouillées. Elles ne disent pas grand chose de plus que ce que l’on savait déjà. L’étude des derniers instants d’enregistrement CVR montre qu’il y a eu deux impacts au sol séparés de quelques secondes. Entre eux, l’enregistrement continue avec la voix automatique du GPWS qui annonce l’approche du sol.

Par contre, c’est l’analyse du carnet de maintenance et les divers témoignages du personnel ayant travaillé sur cet avion qui va expliquer les causes de l’accident.

Il faut revenir en 1978, le 12 juin exactement. Le 747 est victime d’un accident au sol à l’aéroport d’Osaka et l’empennage est endommagé. Tout à l’arrière de la cabine passagers, juste après la dernière porte, il y a une calotte hémisphérique qui représente la frontière entre la zone pressurisée et la zone au-delà qui ne l’est pas. Contre cette calotte sont souvent installés des placards de plateaux repas et elle n’est donc pas visible quand on regarde au fond de l’avion. Cette partie est soumise à un stress mécanique énorme vu la différence de pression qu’elle reçoit de chaque coté.

 

Concorde pressurisation
La flèche montre la frontière limite arrière de la zone pressurisée. Le différentiel de pression est supporté par une cloison.
 

 

 

Cloison pressurisation
Schéma de la cloison qui sépare la partie pressurisée de la partie non pressurisée
 

 

Lors de l’incident de 1978, la calotte de pression fut endommagée et Boeing commissionna un technicien pour faire la réparation. Il avait pour instructions d’utiliser une seule plaque en métal et de la fixer sur la fissure par deux rangés de rivets. Une fois sur place, il décide de faire mieux que ce qu’on lui avait demandé : il va utiliser 2 plaques. Une fois qu’il les met en place, l’ensemble s’avère plus difficile à fixer et il va s’en tenir à une seule ligne de rivets au lieu de deux.

Sur ce type de réparations, les plaques ajoutées travaillent en extension et les rivets en cisaillement. Ces derniers sont donc le facteur limitant vu que le métal a une moins bonne résistance aux efforts de cisaillement qu’aux efforts d’extension. Superposer de nombreuses plaques pour réduire le nombre de rivets va diminuer la résistance de l’ensemble. Ce n’est pas les plaques qui sont les plus importantes dans ce montage, mais bien les rivets. En utilisant sa méthode personnelle de réparation, le technicien avait obtenu un montage 70% plus faible que celui qu’il devait réaliser.

Au niveau facteurs humains, ce qu’a commis ce technicien de Boeing s’appelle une erreur d’optimisation. C’est-à-dire qu’une personne va provoquer des dégâts en cherchant à améliorer le fonctionnement des choses tel qu’il le lui a été expliqué. Les pilotes et les techniciens sont, normalement, sensibilisés à ce genre de travers.

La mauvaise réparation tient le coup, mais pendant des années, chaque vol de cet appareil est une loterie. Pire encore, longtemps avant le crash, la réparation commence à donner des signes de faiblesse et ceci se manifeste sous forme de sifflements entendus à l’arrière de l’appareil durant les vols. De l’air s’échappe à travers la fente qui s’ouvre progressivement. Tout le monde le sait chez JAL, mais personne ne s’en émeut outre mesure. La fente est trop petite pour empêcher la pressurisation de la cabine, alors on laisse faire.

Le jour fatidique, une fois l’avion arrivé à 24’000 pieds, altitude typique pour les accidents de décompression, la calotte de pression se déchire de manière explosive. L’air de la cabine est propulsé à l’intérieur de l’empennage et arrache la gouverne de direction, le stabilisateur vertical, la moitié de la gouverne de profondeur et son stabilisateur ainsi que l’APU. Ces pièces seront retrouvées dix après le crash; au large d’Osaka.

La JAL est pointée du doigt et dans la presse s’étalent les manquements et les erreurs qui ont conduit au drame. Plusieurs hauts responsables se suicident. Le technicien qui réalisa la fameuse réparation mettra fin à ses jours également.

Un raisonnement à 520 morts :
Les images suivantes vous montrent le cheminement mental du technicien qui a fait la réparation.

 

Cloison pressurisation
La réparation correcte comporte 1 plaque de renfort fixée par 2 lignes de rivets.
 

 

 

Cloison pressurisation
Le technicien envisage une réparation
basée sur 2 plaques de renfort…
 

 

 

Cloison pressurisation
Difficile de faire traveser 3 épaisseurs aux rivets.
Le technicien met une seule ligne de rivets.
 

 

Comme les rivets travaillent en cisaillement, ils sont le facteur limitant dans ce montage. A la limite, même ce montage ne serait pas plus solide :

 

Cloison pressurisation
4 plaques, mais toujours 1 ligne de rivets.
Montage toujours fragile à cause du manque de rivets.
 

 

Au final, l’image suivante permet de comparer ce qui était demandé par Boeing et ce que le technicien a effectivement réalisé sur cet appareil :

 

Cloison pressurisation

Eastern vol 401 – Un Crash Causé par une Ampoule Grillée

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Le Lockheed Tristar 1011, ten eleven, est l’un des avions les plus sûrs au monde. Aucun ne s’est jamais écrasé suite à une défectuosité de conception. Comme tous les avions de sa génération, il est piloté par trois personnes : un commandant de bord, un copilote et un mécanicien de bord. En cas de problème, ces derniers sont appelés à collaborer efficacement pour faire face à l’augmentation de la charge de travail. En principe, chaque membre de cette équipe connaît son rôle. Si la gestion des ressources du cockpit n’est pas assurée correctement, le moindre problème peut tourner à la catastrophe.

Le crash du vol 401 dans la nuit du 29 décembre 1972, fut le premier accident impliquant un avion gros porteur de type wide body. Ces appareils se distinguent par un diamètre de cabine de 5 à 6 mètres donnant lieu à deux allées et permettant jusqu’à 10 sièges de front. L’accident de ce type d’appareil est toujours redouté à cause de son bilan potentiel.

Le Tristar immatriculé N310EA était livré depuis quatre mois à peine quand il fut programmé pour un vol entre New York et Miami. L’arrivée était programmée vers minuit et 163 passagers avaient pris place à bord. L’exploitation était assurée par 13 membres d’équipage sous le commandement de Robert Loft, un ancien de la compagnie avec plus de 30’000 heures de vol. A sa droite, Albert Stockstill, 39 ans, le copilote. Troisième homme du cockpit, Donald Repo assurait la fonction de mécanicien naviguant. Il avait 51 ans dont 25 passés au service de la compagnie qui l’employait. Durant tout le vol, il y aura également Angelo Donadeo, un responsable de maintenance de la compagnie parti intervenir sur un L1011 bloqué à New York par un ennui sur un moteur.

L’appareil était particulièrement confortable. Les voyageurs avaient un bar à l’arrière et les sièges disposaient de systèmes individuels de réglage de la température. Des cuisines vastes avaient été aménagées au détriment de la soute et étaient accessibles par deux ascenseurs.

Lors de l’approche, la météo est particulièrement clémente pour une soirée de Noël. Toute la journée, il avait fait 24 degrés et le ciel était clair. Un DC-10 qui précédait le vol 401 connaît un problème de train d’atterrissage et est dirigé sur la piste 09 droite après une trajectoire étendue. Les pompiers sont déployés juste au cas où.

Le L1011 d’Eastern survole la ville de Miami, puis fait demi-tour et revient s’aligner sur l’axe de la piste 09 gauche. La descente commence et les passagers sont priés d’attacher leurs ceintures, l’atterrissage est prévu dans quelques minutes. Le copilote demande la sortie du train d’atterrissage. Le commandant se penche et abaisse le levier placé sur le tableau central. Trois lumières s’affichent en ambre, le système est en transit. Puis, les deux lumières correspondant aux trains principaux passent en vert signifiant que ceux-ci sont sortis et verrouillés. La lampe ambre du train avant s’éteint tout simplement.

A ce moment, il y a deux options : soit le train n’est pas verrouillé en position sortie, soit la lampe est grillée. Avant de poser, il faut en avoir le cœur net. Le commandant, alors que ce n’est pas lui qui pilote, pousse les manettes de puissance et contacte la tour de contrôle pour annoncer une remise des gaz. L’avion remonte dans l’axe de la piste et maintient 2’000 pieds. Puis, il vire à gauche jusqu’à adopter une trajectoire parallèle en vent arrière.

En première intention, le train d’atterrissage est remonté puis on active une fonction qui lui permet de s’ouvrir en tombant sous son propre poids. D’après la procédure du constructeur, un train d’atterrissage déployé de cette manière est forcément sorti et verrouillé. Il n’est pas nécessaire de chercher à valider ce fait par d’autres moyens. Pourtant, le commandant de bord cherche à enlever le cache de la lampe pour la changer. Il n’y arrive pas. Au bout de quelques minutes, il s’adresse au copilote qui est aux commandes :
– Met ce fils de pute sur pilote automatique et aide-moi !

Et ce fut chose faite. S’activant à deux, les deux hommes réussissent à extraire le système qui a la taille d’un cube de sucre avec deux lampes fixées dessus. Le mécanicien de bord y jette un rapide coup d’œil et leur demande de le remettre à sa place. Dans son empressement, le commandant de bord l’installe à l’envers où il reste définitivement bloqué. Par contre, il y a encore un autre moyen de vérifier. Sous le cockpit, se trouve un espace réservé aux équipements électroniques et un petit hublot permet de voir le train d’atterrissage et son mécanisme de verrouillage. On peut y accéder par une trappe située près du siège du mécanicien. Le commandant se retourne vers ce dernier :
– Descend voir si ce bon Dieu de train est sorti ou pas !

Pendant ce temps, le copilote se débat encore avec les lampes qu’il veut retirer à tout prix. Il cherche une serviette pour assurer une meilleure prise alors que le commandant, bricoleur dans le civil, regrette l’absence d’une bonne paire de pinces à bord. Repo, le mécanicien, à moitié dans la trappe lui lance :
– C’est une mauvaise idée, je peux te donner des pinces si tu veux, mais tu vas tout casser, crois-moi !
– Va au diable avec ta pince ! Descend dans ce foutu trou et regarde si le train est sorti. C’est tout ce qu’on te demande. Je n’ai rien à foutre de cette lampe à 25 cents qu’ils ont installé sur ce foutu appareil !

L’injonction du commandant de bord est on ne peut plus claire. Le copilote éclate d’un rire nerveux sous le regarde hostile de son supérieur. De plus, à la radio, l’équipage entend des échanges concernant le vol 607 qui est autorisé à atterrir mais dont le train s’avère probablement bloqué à mi-course.

Les minutes passent et l’appareil se met à survoler les Everglades. Il s’agit d’une vaste étendue de marécages infestés de moustiques, de crocodiles et de plantes coupantes comme des rasoirs. Plusieurs échanges vifs ont lieu entre le commandant et le copilote. Soudain, la tête du mécanicien surgit de la trappe :
– Je ne peux pas voir, il fait trop sombre !

Le commandant se souvient alors qu’il a oublié d’allumer la lumière fixée sur le train avant. Il appuie sur un bouton au dessus de sa tête et demande au mécanicien de revenir voir. Cette fois, Donadeo, le technicien assis sur le siège observateur le suit. Avant de s’enfoncer, il jette un dernier coup d’œil aux pilotes et les voit les deux penchés en avant cherchant à défixer la lampe.

Le contrôleur aérien voit sur son radar le vol 401 s’éloigner vers l’ouest à 900 pieds au lieu des 2’000 pieds assignés. Inquiet, il contacte l’avion :
– Comment vont les choses chez-vous ?
– Ca va, nous sommes prêts à tourner, répond le commandant
– D’accord, virez au cap 180
– On tourne au 180, Eastern 401

Remarquez la faiblesse de cette communication verbale. Le contrôleur ne parle pas de l’écart d’altitude, il s’en inquiète, mais il en parle indirectement. Le commandant, croit que le contrôleur l’appelle pour savoir où ils en sont avec le train d’atterrissage.

L’altitude n’est pas évoquée, ça sera le dernier échange avec ce vol. Quand il regarde sur sa planche de bord pour commencer le virage, le copilote est choqué par ce qu’il constate. L’altitude indiquée est presque nulle. Au lieu de tirer sur le manche, il s’exclame :
– On a fait quelque chose à l’altitude
– Quoi ? répond le commandant
– On est bien encore à 2000 pieds, c’est juste ?
– Qu’est-ce qui se passe ici ?! S’écrie le commandant

Eastern-401

A peine a-t-il finit sa phrase que le L1011 percute la surface. Il rebondit, puis retombe lourdement et se disloque en s’embrasant. Un torrent de feu surgit dans la cabine en envahit tout l’espace entre le plafond et le haut des sièges. Les passagers sont éjectés et chacun expérimente le crash à sa façon. Un homme est au bar quand il sent une forte secousse et se retrouve debout dans l’eau son verre à la main. Un autre est projeté à plus de cent mètres et trouve la mort à l’impact. Un bébé échappe aux bras de son père et part comme un boulet. Il sera retrouvé indemne au milieu des tôles fumantes. Ses parents survivront aussi. Malheureusement, ça ne sera pas le cas de tout le monde. De tous ceux qui étaient dans le cockpit, seul le technicien Donadeo survivra sans comprendre comment. Dans la cabine, deux hôtesses et 94 passagers décèdent soit immédiatement, soit dans les minutes et les heures suivant le crash.

 

Trajectoire du Tristar du vol Eastern 401
Trajectoire de vol depuis la remise des gaz jusqu’au crash.
 

 

A la tour, un autre contrôleur s’inquiète de l’altitude du vol 401. Cette fois, le radar indique CST ce qui signifie que l’avion est au niveau de la mer. Il contacte les pilotes mais son message restera sans réponse. Progressivement, d’autres équipages commencent à signaler un violent incendie au nord ouest de l’aéroport.

Le premier secouriste arrive par bateau à fond plat mu par une grande hélice aérienne. En fait, il s’agit d’un retraité qui était parti dans les Everglades chasser les grenouilles. Durant son activité, il vit passer plusieurs avions dont les phares défilaient tranquillement sur la ligne indistincte de l’horizon. Quand il remarqua le vol 401, il eut l’impression que celui-ci volait un peu trop bas. Soudain, une impressionnante trainée de feu se manifeste au loin. Elle ne dure que quelques secondes puis l’obscurité recouvre la scène comme si rien n’était arrivé. Avant même de réaliser ce qui s’est passé, le chasseur ouvre à fond les gaz et tourne le manche vers la direction déjà incertaine du crash. Son véhicule rugit en accélérant sur les marécages inquiétants. La moindre erreur de pilotage, le moindre obstacle imprévu pourraient endommager l’embarcation et mettre son passager en danger.

Alors qu’il cherche au loin, il percute un morceau de carlingue et commence à voir les corps dénudés et les débris partout. Il sauve de justesse un homme blessé sur le point de se noyer. D’autres passagers sont attachés à leurs sièges et retournés dans l’eau, la tête en bas. Pour eux, il sera trop tard.

Un homme circule dans les décombres étalés sur près d’un kilomètre. Il porte un costume impeccable et même sa montre est encore à son poignet et elle fonctionne. Il n’a aucune blessure, on dirait qu’un taxi l’a déposé. Pourtant, lui aussi était dans l’avion avec les autres. A un moment donné, il trouve deux hôtesses de l’air. Elles ne sont pas blessées, mais comme la section de la carlingue où elles étaient s’est retournée, elle se trouvent bloquées à l’envers sur leurs sièges à plusieurs mètres du sol. Il les aide à descendre et ils partent à la recherche d’autres survivants.

Les plus chanceux se réunissent sur un banc de terre humide et se mettent à chanter des chansons de Noël pour se réchauffer. Au loin, un homme crie qu’il ne voyagera plus avec Eastern. Un autre groupe de passagers se retrouvent sur un haut-fond qui les sauve de la noyade. Un voyageur de commerce, sa mallette sous le bras, s’improvise en chef de chorale et sous sa direction, ils prennent tous une grande inspiration et ils crient :
– Au secours ! Au secours !

Au loin, d’autres voix leur répondent : « vos gueules ! Ils vont venir ! ».

Les hélicoptères des Coast Guards se mettent à survoler la zone en balayant avec leurs phares. Comme il est difficile de trouver des endroits sûrs pour atterrir, chaque hélico s’approche de l’eau puis les secouristes jettent leurs équipements puis sautent à leur tour. Grâce à cette intervention rapide et courageuse, de nombreuses victimes sont sauvées d’une mort certaine par noyade ou hémorragie.

Dans les jours qui suivent, le train d’atterrissage est retrouvé. Il était sorti et verrouillé. C’est juste les lampes de l’indicateur vert qui étaient grillées. La concentration de toutes les ressources du cockpit sur le même problème a fait que l’avion est resté sans pilote pendant de longs moments. Le pilote automatique, réglé pour maintenir 2’000 pieds, s’est débranché quand à un moment le manche a été poussé par inadvertance par l’un des pilotes. Le mode vertical était perdu même si le maintient du cap fonctionnait toujours renforçant l’impression que l’avion était sous pilotage automatique total. La perte d’altitude a commencé progressivement mais était de l’ordre de 3’000 pieds par minute à l’instant de l’impact. Plongés dans la nuit et occupés par un problème mineur, les pilotes, pourtant très expérimentés, n’ont pas vu les nombreux instruments qui les avertissaient que l’avion descendait.

Le contrôleur n’avait pas alerté l’équipage de la proximité du sol. Bien sûr, ce n’était pas son travail de veiller à la séparation entre les avions et le terrain. De plus, aucune procédure n’indique que les contrôleurs doivent veiller à ce que les avions n’aillent pas sol. Par contre, comme l’indique le rapport d’accident, il est du devoir de n’importe quelle personne dans la chaine d’exploitation d’un avion de signaler aux autres tout danger apparent même si ceci ne rentre pas directement dans le cadre de son activité. De nombreux crashs de type CFITdémontrent qu’en cas d’approche du sol, il ne faut pas compter sur un contrôleur aérien pour donner l’alerte. A sa décharge, il faut tout de même retenir que son radar avait régulièrement de fausses indications d’altitude et qu’il fallait attendre 2 à 3 balayages consécutifs pour confirmer une information affichée.

Lors de l’autopsie, il fut déterminé que le commandant de bord avait au cerveau une tumeur d’une taille de 7 centimètres. Il ne lui restait que quelques mois à vivre. Ce fut finalement lui qui perdit le moins dans de ce drame. Cette pathologie n’eut pas d’influence déterminante sur son comportement ou son niveau d’attention le soir du drame.

Il eut 77 survivants miraculés, même si le crash fut classé comme non survivable.

Givrage et Jets Privés

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Malgré un meilleur rapport poids puissance, les jets privés ne sont pas moins vulnérables que les autres appareils. Ces avions sont utilisés par des hommes d’affaires, des journalistes, des médecins en urgence… etc. et se retrouvent sur aéroports internationaux, comme sur les petits aérodromes de campagne. Ils sont donc souvent tenus d’opérer depuis des endroits sans possibilité de dégivrage au sol. Par ailleurs, certaines caractéristiques aérodynamiques rendent certains de ces avions excessivement dangereux en cas de décrochage.

Le 3 janvier 2002, un biréacteur Challenger 604 décolle depuis la Floride vers Birmingham, la deuxième ville du Royaume Uni. A son bord, il y a deux pilotes en service et un troisième qui complète son intégration au sein de la compagnie par l’observation d’un vol transatlantique. En cabine, il y a deux passagers prestigieux : le président et le vice-président des ventes de la compagnie AGCO. Peu connue du grand public, cette entreprise fabrique et distribue des tracteurs et des en-gins de chantiers sous des marques telles que Massey Fergusson et Caterpillar. Ses dirigeants devaient passer quelques heures en Europe pour signer des contrats importants.

L’avion atterrit à Birmingham en début de soirée et les pilotes se rendent à leur hôtel. Ils n’ont pas beaucoup de temps pour se reposer, le retour vers les USA est prévu pour le lendemain midi. L’un d’eux, n’arrive pas à s’endormir et prend un somnifère. L’appareil reste sur le tarmac et des températures négatives sont observées durant la nuit. Vers 5 heures du matin, il fait -9° C mais il n’y a ni vent ni précipitations même si le ciel se couvre progressivement à partir de minuit.

Les pilotes arrivent à l’aéroport entre 10:30 et 11:00 du matin et commencent leurs préparatifs pour le vol transatlantique du retour. Ils commandent du carburant, consultent les dossiers météo et inspectent l’appareil. Les choses ne sont plus comme la veille. La température a un peu baissé et les nuages commencent à 700 pieds déjà. Les pilotes voient aussi de très légers dépôts de givre sur les ailes mais les considèrent comme sans conséquences. De plus, comme l’avion est léger, ils pensent compenser sans problèmes les effets du givre par la puissance excédentaire des réacteurs.

Tous les avions qui partent ce matin, demandent le service de dégivrage qui vient les arroser avec l’eau chaude. Cet équipage n’en fait pas la demande et dès que les deux passagers arrivent à midi, les portes sont fermées et le plan de vol activé auprès de la tour de contrôle.

L’appareil est autorisé à décoller de la piste 15 et, immédiate-ment, il se met à accélérer. Les vitesses de référence du Challenger 604 sont comparables à celles d’un Airbus A320. A 146 nœuds (270 km/h) le commandant de bord commence à tirer sur le manche. L’avion se cabre normalement et les roues quittent le sol. Dès cet instant, l’appareil commence à s’incliner vers la gauche. Deux secondes après le décollage, l’appareil penche de 50 degrés déjà. Le pilote met moins d’une seconde à réagir et braque complètement les ailerons puis la gouverne de direction vers la droite. Il tire aussi sur le manche et ceci n’est pas fait pour aider à une reprise de contrôle.

En tout l’appareil est resté un peu moins de 6 secondes en l’air. Il passe rapidement sur la tranche et la valeur la plus élevée de l’inclinaison est de 111 degrés à gauche. Le jet revient vers le sol qu’il heurte brutalement. Il s’ouvre en deux et prend feu.

Les pompiers sur place en moins d’une minute ne peuvent plus rien faire pour les occupants. Quatre corps sont ramassés sur la piste et le cinquième sorti d’un amas de tôles en feu.

L’enquête
L’enquête détermina que le crash était du à un décrochage de l’aile gauche lors de la rotation. Suite à une contamination par des la glace, l’avion avait des caractéristiques aérodynamiques incompatibles avec le vol. L’interrogation pilotes ayant fréquenté Birmingham ce matin là, montra que tous avaient constaté du givre sur leurs appareils. Les services de l’aéroport dégivrèrent un Embraer 145 à 10:43 et il décolla à 12:04. Juste avant, un 757 fut dégivré à 10:15 et il décolla à 11:56 alors que l’effet antigivrant des produits était terminé depuis 11 minutes.

Le dépôt sur les deux ailes n’était pas pareil à cause de la mise en route de l’APU par situation de vent arrière. En effet, dès qu’ils sont arrivés le matin, les pilotes avaient lancé l’APU pour avoir du courant électrique et du chauffage dans l’avion. La sortie d’échappement de cette turbine se trouver sur le coté droit de l’appareil. Le vent, qui venait par l’arrière sur l’aire de stationnement emmenait l’air chaud vers l’aile droite. En même temps, l’aile gauche resta à température ambiante et conserva tout le givre qui s’y était déposé durant la nuit.

Chaque année, un à deux jets privés sont perdus au décollage ou à l’atterrissage suite à des problèmes de givrage.

Crash du Challenger 604 de la famille Ebersol
Le 28 novembre 2004, c’est le NTSB qui se trouvera avec une enquête similaire à réaliser. Cette fois, le jet d’affaire de type Challenger 604 est affrété par la famille Ebersol dont le père est le directeur sportif de NBC, l’une des plus grandes chaines de radio et de télévision aux Etats-Unis.

A dix heures du matin, l’avion arrive à l’aéroport de Montrose dans le Colorado. La météo est hivernale et il neige.

Du carburant est commandé et à peine les réservoirs fermés, les réacteurs sont mis en route. Sur le tarmac, un autre équipage voit passer le jet et commente la neige qui se trouve sur les ailes. D’autres équipages ont choisi de faire dégivrer leurs appareils avant de partir, mais pas celui-ci.

A 09:57, l’avion s’aligne et commence son accélération. A bord, il y a deux pilotes, un steward et trois passagers dont un adolescent de 14 ans.

L’avion s’élève de quelques mètres puis commence à se pencher sur la gauche. En quelques secondes, il est complètement hors contrôle et revient s’écraser vers le sol. De l’aéroport, on le voit tomber puis se transformer en boule de feu.

 

Jet Privé - crash
Quelques secondes après le crash, l’avion se transforme en boule
de feu. Remarquez les conditions météorologiques.
 

Dans la cabine, un des passagers sent l’immense sur crash et se rend compte qu’il n’a pas attaché sa ceinture de sécurité. A l’impact, il est projeté contre un siège et reprend conscience sur une odeur de fumée. Une issue se présente et il rampe vers le salut. Soudain, il pense aux autres et revient dans l’avion disloqué. Un des passagers est inconscient mais semble vivant. Il lui déboucle sa ceinture et commence à le tirer vers l’extérieur. Il revient chercher le gamin, mais il est incapable de le retrouver dans le chaos et l’obscurité de la cabine. Soudain, le feu se déclare et il doit reculer.

Quand les pompiers arrivent, ils trouvent trois survivants blessés : le copilote et deux passagers qui ont réussi à s’extraire. Les autres occupants sont décédés et personne ne peut plus rien faire pour eux.

L’enquête
L’enquête indiqua que le crash était clairement du à un décrochage suite à un dépôt de givre sur l’appareil alors qu’il était au sol. De plus, l’appareil présente une caractéristique dangereuse qui jette un doute sur le bien fondé de sa certification. En effet, d’après le 14 CFR 25.203 les avions qui décrochent alors que les ailes sont horizontales, ne doivent pas partir en inclinaison de plus de 20 degrés dans un sens ou dans l’autre. Or, sur le Challenger, il est fréquent qu’une aile décroche avant l’autre provoquant un départ rapide et incontrôlable sur la tranche. Pour le constructeur, l’avion ne peut pas décrocher vu qu’il est muni d’un dispositif qui pousse le manche d’autorité quand approche l’incidence critique. Néanmoins, comme le givre diminue fortement cette incidence, l’appareil décroche sans le moindre signe annonciateur, alarme ou protection.

 

14 CFR 25.203
Le 14 CFR 25.203 ne permet pas la certification d’un avion s’il ne peut pas démontrer
une stabilité longitudinale et latérale en cas de décrochage
 

 

La seule manière d’assurer un vol sûr sur ces appareils est d’adopter une attitude de tolérance nulle envers le givrage. Le moindre compromis fait avec des contaminants sur l’aile met en jeu la vie de tout le monde.

L’effet sol 
Lorsque les avions évoluent à très faible hauteur lors du décollage et de l’atterrissage, le flux d’air contre le sol provoque une réduction de la trainée induite et une amélioration de la portance de l’aile.

– A une envergure de hauteur, la trainée induite est réduite de 14%.
– A un dixième d’envergure de hauteur, elle est réduite de 47.6%.

Quand un avion décolle, le pilote doit augmenter progressivement l’incidence pour maintenir une portance constante alors que le sol s’éloigne. Si on arrête la rotation sitôt les roues quittent le sol, l’appareil s’élève de quelques mètres seulement et n’ira pas plus haut si on ne tire pas plus sur le manche.

Les avions qui tentent de décoller avec du givre arrivent à s’élever juste parce que l’effet sol leur donne une sur-portance. Mais dès qu’ils sont à quelques mètres de hauteur, ils cessent de monter et quand le pilote tire un peu plus sur le manche, c’est le décrochage et la perte de contrôle.

FedEx vol 705 – Un Assassin Dans le Cockpit

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Quand Auburn Calloway, mécanicien de son état, rajoute plusieurs centaines d’heures de vol à son cursus, il fait la même chose qu’environ 50% des demandeurs d’emploi : il ment dans son CV. Dans son esprit, il s’agit d’une simple exagération pour pouvoir présenter une candidature recevable à l’employeur de ses rêves. Par prudence, il rajoute un passage fictif chez l’US Navy. Liés au secret militaire, ces derniers ne répondent pas sollicitations des entreprises privées qui souhaitent vérifier des parcours professionnels.

Le dossier est si bien ficelé que le candidat Calloway se retrouve rapidement engagé comme mécanicien de bord sur DC-10 chez FedEx. Pendant plusieurs mois, tout se passe normalement. Cependant, quand les services de la compagnie cherchent à calculer les prélèvements pour la cotisation de retraite, des anomalies apparaissent sur le dossier Calloway. La caisse des anciens militaires ne le connait pas et quelques recoupements permettent aux responsables de découvrir le pot aux roses. Immédiatement, une lettre recommandée est envoyée au mécanicien lui demandant de venir s’expliquer devant les services compétents.

Calloway est aux abois. Pendant quelques jours, il continue à travailler normalement, mais au fond de lui, il sait que tout est fini. La découverte de la supercherie met fin à sa carrière. Aucune autre compagnie ne voudra de lui après un scandale pareil. En désespoir de cause, il échafaude un plan machiavélique pour se venger de la compagnie et assurer l’avenir de sa femme et des ses enfants.

Auburn-Calloway

Auburn Calloway

Le 7 avril 1994, quand l’équipage du DC-10 N306FE arrive à bord, Calloway est assis à la place du mécanicien et manipule les divers systèmes de l’avion. Embarrassé, il cède sa place aux nouveaux arrivants et s’installe sur un fauteuil en cabine. En effet, il était d’usage que les employés des compagnies de fret voyagent gratuitement dans le cadre de leurs déplacements personnels ou professionnels. A cette fin, quelques sièges étaient installés dans chaque avion. Par contre, les passagers ne devaient en aucun cas interférer avec la mission de l’équipage en cours.

L’appareil décolle de Memphis à destination de San José en Californie. Vers 23’000 pieds, Calloway ouvre son étui à guitare et hésite entre le marteau et le fusil harpon. Pour plus de sûreté, il prend les deux et se dirige vers le cockpit. A un contre trois, une arme à feu aurait été plus indiquée. Par contre, à cause des assurances, il était nécessaire que la catastrophe ressemble à un accident. Les blessures par arme blanche peuvent à la rigueur ressembler à celles occasionnées par un crash. Le second volet du programme consiste pour le mécanicien à prendre les commandes du DC-10 et à piquer sur les installations de FedEx. Cette attaque aurait rayé de la carte le quartier général de la compagnie tout en rapportant 2.5 millions de Dollars d’assurance vie à la famille Calloway.

Dans le cockpit, l’ambiance est détendue comme c’est souvent le cas chez les compagnies de transport de marchandises. Les pilotes discutent au sujet d’une formation géologique qu’ils survolent et des endroits où ils habitent.
– Je suis du coté de Fisherville, lance le commandant
– C’est un coin sympa répond le copilote.

Il n’a pas le temps de finir sa phrase que le CVR enregistre comme le bruit d’un marteau s’abattant sur une tête. Pendant plusieurs minutes, une terrible bataille s’engage dans le cockpit. Calloway cogne de toutes ses forces sur les pilotes immobilisés par leurs ceintures de sécurité. Avant qu’ils ne soient sortis de leur surprise, ces derniers encaissent un nombre important de coups.

Malgré la gravité de leurs blessures et le sang qu’ils perdent, les pilotes se défendent. Avec leurs mains nues, ils parviennent à repousser l’agresseur. Celui-ci disparait quelques instants dans la cabine, puis comme un prédateur excité par la vue du sang, il revient brandissant son fusil harpon qu’il pointe vers la tête du commandant de bord.
– Assois-toi ! Reviens à ta place ! C’est un vrai, je vais te tuer !

Le commandant voit en face de lui Calloway les doigts crispés sur la détente. Il se laisse tomber sur son fauteuil sans quitter des yeux l’arme d’un autre âge. Sous l’eau, la flèche en acier de 80 centimètres est capable d’embrocher un requin. A l’air libre, elle a assez de puissance pour traverser une petite voiture. A l’instant où Calloway tire, le commandant braque le manche de toutes ses forces. Le harpon l’évite de justesse et l’agresseur tombe déséquilibré par l’inclinaison soudaine de l’avion. Le DC-10 fait un nombre incroyable de figures de voltige. Sur le CVR, les minutes suivantes ne sont que cris et hurlement sur fond d’alarme GPWS qui répète « bank angle ! bank angle ! » sans arrêt.

Sortant de son inconscience, le copilote appuie sur son bouton de transmission et par phrases entre coupées, il décrit la situation à l’ARTCC de Memphis. Pendant de ce temps, le mécanicien de bord réussit à plaquer l’agresseur au sol. Ce dernier n’est pas pour autant maitrisé. Trouvant une énergie nouvelle, il se met à mordre de toutes ses forces pour se libérer. Abandonnant l’idée de la destruction du quartier général de FedEx, il se contenterait d’un simple crash.

Le commandant de bord arrive à la rescousse, mais comme il a un bras cassé, il ne peut pas être d’un grand secours. Il commence à appeler le copilote :
– Jim, mets l’avion sous pilote automatique et viens nous aider !
– Fais-le maintenant, vite !

Le copilote quitte sa place et se dirige vers l’arrière en titubant. Au passage, il ramasse le lourd marteau ensanglanté. S’agenouillant au-dessus Calloway, il lui lance :
– Tu bouges, je te tue !

Le commandant de bord revient vers sa place et reprend les commandes. L’avion fait demi-tour alors que plusieurs ambulances et véhicules de police se dirigent vers la piste. Alors que l’appareil est à moins de 15 miles des installations, le copilote sent ses forces le quitter. Le mécanicien de bord est inconscient et Calloway commence à s’agiter. A n’importe quel moment, le cauchemar peut reprendre. Cette fois, les approximations ne sont plus permises. Le commandant donne l’ordre aux autres membres d’équipage de tuer Calloway :
– Tuez le fils de pute ! Tuez-le ! Tuez-le !

Ces derniers se contentent de le ceinturer en supportant ses morsures. Heureusement, la piste est à vue. Le DC-10 pose en excès de poids, mais sans dommages. Après un freinage d’urgence, les portes sont ouvertes et les forces de l’ordre envahissent la cabine aux murs tapissés de sang.

Calloway est arrêté par le FBI qui mettra des semaines avant de reconstituer tous ses plans criminels. Il fut condamné à une peine de prison à vie sans possibilité de libération sur parole. Il se trouve actuellement dans un pénitencier situé en Californie. Les pilotes et le mécanicien de bord furent soignés pour des fractures graves, y compris au crâne, des ruptures d’artères et de nerfs. L’un d’eux, le copilote perdit un œil et souffrira de paralysie partielle toute sa vie. Pour tous, la carrière aéronautique se termina définitivement ce jour là.

 

DC-10 FedEx
Le DC-10 N306FE vole toujours (image prise en 2007). Il a été sauvé, ainsi que FedEx
par le courage des pilotes.
 

USAir vol 427 – L’enquête la plus difficile de l’histoire de l’aviation

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Incidents étranges sur 737
Le 6 juin 1992, un Boeing 737-200 de la compagnie nationale panaméenne COPA, se retourne en vol et plonge verticalement dans la jungle. Il reliait Panama à Cali en Colombie et fit 47 victimes. Il faut des heures pour arriver sur les lieux du crash et les enquêteurs du NTSB sont invités à participer à l’enquête. Comme pour l’accident de Colorado Springs, cette enquête n’apporte rien de concluant. De plus, comme l’appareil évoluait dans une météo épouvantable à la tendance est à accuser les éléments.

En août de la même année, le NTSB reçoit un coup de fil anonyme parlant d’un incident inquiétant chez United Airlines. L’appel est pris au sérieux et les enquêteurs qui attendaient la PCU au tournant se rendent chez la compagnie aérienne pour voir de plus près. Il s’avère que le 16 juillet un commandant de bord de 737-300 a constaté un comportement anormal des palonniers lors des essais en vol avant le décollage. Le commandant Mack Moore annule le départ et revient vers l’aire de parking. Les mécaniciens démontent la PCU et la soumettent à des tests improvisés dans le but de trouver la défectuosité. Ils constatent alors que si le ressort stabilisant les tiroirs coulissants est mal aligné, la PCU réagit à l’envers de ce qu’elle devrait faire. En plus, les tiroirs partent en butée extrême et restent bloqués. Sur un avion en service, une telle panne signifie que si le pilote donne un petit coup sur le palonnier gauche, la gouverne de direction part en butée droite et y reste bloquée. Comme par hasard, c’est ce ressort et son support de maintient qui avaient disparus chez Boeing lors de l’enquête sur le crash de Colorado Springs.

A la suite de cette découverte, la FAA demande à tous les opérateurs de 737 de contrôler régulièrement les PCU et de changer certaines pièces. Le délai donné va jusqu’en 1999. Dans ses décisions la FAA considère toujours les contraintes économiques sur les compagnies aériennes et les constructeurs américains. La FAA n’a pas intérêt à émettre des régulations inapplicables et qui mettraient les opérateurs en danger financier. Depuis toujours, cette administration dont les décisions font autorité dans le monde entier, doit faire des arbitrages difficiles entre économie et sécurité. Cette attitude peut sembler étonnante à première vue, mais elle est nécessaire si on veut que la majorité des gens puissent encore se payer un billet d’avion.

Le 8 mars 1994, un nouvel accident vient s’ajouter à la série. A l’aéroport de Delhi International, en Inde, un Boeing d’une compagnie locale fait des tours de piste. A bord, il y a 3 élèves pilotes et un instructeur. L’appareil fait des tours de piste en décollant puis revenant atterrir quelques minutes plus tard. Alors qu’il en est à son cinquième passage, le Boeing décolle de la piste 28 puis vire brutalement sur la gauche. Sur son trajet il y a le Terminal 2, réservé aux vols internationaux. L’appareil s’écrase en une boule de feu qui détruit un appareil d’Aeroflot en partance pour Moscou. Les occupants du 737 sont tués ainsi que quatre techniciens au sol. L’enquête conclut à un braquage brutal et intempestif de la gouverne de direction. L’élève pilote est accusé d’avoir commis la faute et son instructeur de négligence pour avoir laissé faire.

La PCU est analysée par le NTSB qui trouve qu’elle est porteuse d’un mystérieux numéro de série. L’original avait été limé par un atelier indien non agrée qui avait réalisé une opération de maintenance sur la chose. La PCU est testée et on découvre qu’elle est fonctionnelle la plupart du temps mais que sous certaines conditions, elle peut créer une déflexion inverse et maximale de la gouverne de direction. La faute de maintenance est grossière et justifie le dysfonctionnement.

Boeing défend fermement son mécanisme et déclare qu’il est impossible que la PCU puisse se bloquer ou s’inverser dans les conditions d’exploitation normale. Le blocage des tiroirs est décrété comme étant impossible vu qu’un filtre est très fin est placé en amont dans le circuit. Toute l’huile circulant dans la PCU serait donc purifiée et elle ne transporterait aucune impureté. La question est importante parce que les tiroirs ne sont séparés que de 5 microns. Il suffit du moindre déchet pour les bloquer l’un contre l’autre et provoquer un fonctionnement erratique. Le comble est qu’une fois la PCU démontée, on ne peut rien découvrir de faux. Elle semble fonctionner correctement et rien n’indique qu’elle fut un jour bloquée.

USAir vol 427
Le 8 septembre 1994, c’est le big one, l’accident que tous ceux qui étaient liés au Boeing 737 craignaient. Le vol USAir 427 (US Airways depuis 2005) reliait Chicago à Pittsburgh en Pennsylvanie voisine et devait arriver peu après 19 heures. Le vol dure moins d’une heure et l’équipage entre en contact avec le contrôle d’approche qui commence à lui donner des instructions pour la descente. A un moment donné, l’appareil risque de se retrouver en conflit avec un Boeing 727 de Delta Airlines qui le précède à la même altitude. Le contrôleur demande donc aux pilotes de l’USAir de réduire leur vitesse à 210 nœuds. Une minute plus tard, les pilotes sont informés qu’ils vont bientôt recevoir des vecteurs radars pour l’approche et qu’ils doivent s’attendre à la piste 28R. Peu de temps après, on leur demande de descendre à 6’000 pieds et de réduire leur vitesse à 190 nœuds. Le 727 qui les précède reçoit les mêmes instructions.

A 19:01, alors que l’avion passe les 7’800 pieds en descente, le copilote prend le micro et s’adresse aux passagers pour les informer de l’imminence de l’atterrissage et les remercier d’avoir choisi USAir. Les hôtesses de l’air se déplacent rapidement pour vérifier que tous les passagers ont attaché leurs ceintures et remonté leur tablettes ainsi que les dossiers de leurs sièges.

A 19:03, alors qu’il vire vers le cap 100, l’avion s’incline brutalement. Avant même que les pilotes n’aient compris ce qui se passe, il se met en piquée et plonge vers le sol depuis une altitude de 6’000 pieds.
– What the hell is this?! S’exclame le commandant de bord.

L’alarme décrochage d’active puis celle de l’alerte trafic. En tombant comme il le faisait, le 737-300 est passé tout près d’un autre appareil en monté.
– Oh God! Oh God! Entend le contrôleur aérien qui n’avait pas encore réalisé.

Douze secondes plus tard, le personnel de la tour de contrôle voit une épaisse colonne de fumée s’élever au nord de l’aéroport alors que la trace de l’avion disparaît du scope radar.

Immédiatement, les secours sont dépêchés sur les lieux. L’appareil s’est écrasé verticalement sur une petite colline boisée à moins de 150 mètres de quelques maisons habitées. Sous la violence du choc, tous les occupants de l’avion furent tués. Il y en avait 132 entre passagers et membres d’équipage. Tout témoigne de la violence du choc. Certaines pièces de l’avion sont retrouvés enterrées à 3 mètres sous le sol alors que d’autres sont projetées à plusieurs centaines de mètres de distance. Un joueur de golf voit même pleuvoir des éléments de garniture de la cabine et une carte de crédit appartenant à un passager.

Les pièces de l’avion sont récupérées et acheminées, comme c’est la tradition, vers l’aéroport le plus proche. Dans un hangar à l’écart, les enquêteurs commencent l’identification méthodique de pièces et la reconstruction de l’appareil. Ils ne le savent pas encore, mais ils viennent d’entamer l’enquête la plus difficile et la plus coûteuse de l’histoire de l’aviation civile.

Des échantillons de tissus musculaires du pilote et du copilote sont envoyés aux laboratoires de la FAA pour analyse. Ils présentaient respectivement des taux 34 et 54 mg d’alcool par 100 ml de sang. Les tests sont cependant qualifiés de négatifs. En effet, une levure connue sous le nom de Candida Albicans transforme le glucose contenu dans le sang en éthanol après le décès. Les enquêteurs avaient omis de stabiliser les échantillons avec du fluorure de sodium avant de les expédier.

Même si la PCU de la gouverne de direction est immédiatement suspectée, le NTSB étudie également les autres options. Le premier élément qui vient à l’esprit est le 727 de Delta qui précédait l’avion accidenté. Lorsque les avions volent à faible vitesse et en configuration lisse, ils provoquent des turbulences de sillage proportionnelles à leur masse. Pour cette raison, les contrôleurs aériens respectent un temps de sécurité entre les avions lourds et les avions plus légers qui peuvent voler derrière. Le respect des séparations règlementaires, ne garantit pas l’absence de conflit à tous les coups.

Les turbulences de sillage peuvent se créer et évoluer en fonction des caractéristiques thermodynamiques de l’air. Plus l’air est calme et stable, plus les rotors vont durer et mettre en danger les avions qui passent dedans.

On ne compte plus les accidents de l’aviation générale impliquant des petits avions à hélice qui se retrouvent dans les turbulences générées par des avions de ligne. Si l’envergure de l’appareil est plus faible que celle du rotor, les ailerons sont, dans la majorité des cas, incapables de contrer la force de rotation ainsi créée. En une fraction de seconde, un avion léger peut se retrouver retourné sur le dos et déstabilisé. Les gros appareils ne sont pas hors de danger et peuvent aussi subir ce phénomène dans une moindre mesure.

Simulateur M-Cab
Simulateur M-Cab de Boeing. C’est le simulateur
le plus precis au monde.

Expériences sur les turbulences de sillage
En septembre 1995, des expériences grandeur nature sont réalisées dans le New Jersey. La FAA prête son fameux 727-100 immatriculé N40 qui équipé de générateurs de fumée spécialement conçus pour l’étude des turbulences de sillage. USAir met à disposition un 737-300 pareil à celui perdu un an auparavant. Cet appareil est transformé en laboratoire volant grâce à une série de caméras, de capteurs et d’instruments de mesure installés par Boeing. Le constructeur prête également un petit appareil de chasse monomoteur de type Lockheed T-33. Quand il n’a pas sa mitrailleuse Browning de 50, cet appareil est très rapide et peut monter jusqu’à 48000 pieds. Il est également équipé de caméras pour donner une image d’ensemble de l’expérience.

Le 727 décolle dans l’air matinal et il est immédiatement suivi par le 737 d’USAir. Grâce à la fumée générée, les pilotes de ce dernier repèrent les turbulences de sillage et volent dedans. La scène est filmée depuis le 737 et depuis le T-33 qui vole à ses cotés.

Pour des raisons de sécurité, la FAA exigea que l’expérience se déroule à au moins 15’000 pieds pour permettre aux pilotes de récupérer l’avion en cas de soucis. Des pilotes d’essai de chez Boeing, de grands habitués des situations inusuelles, se joignent aux équipages.

Le 737 se met plus de 150 fois dans les turbulences de sillage de l’avion de la FAA. A chaque fois, l’expérience est répétée sous divers angles d’entrée et attitudes. Au plus proche, les avions sont à moins de 4 km l’un de l’autre, soit la moitié de la distance règlementaire.

Les informations obtenues cette matinée font avancer les connaissances sur les turbulences de sillages et brisent un certain nombre d’idée préconçues. On constate que les rotors ne suivent pas une trajectoire prévisible et uniforme. D’énormes fluctuations de position dans le plan vertical et horizontal sont constatées. De plus, quand l’avion est en descente, la position des turbulences devient complètement imprévisible.

Cependant, en aucun cas les pilotes n’ont été mis en difficulté. Lorsque l’avion arrive vers les turbulences, il a surtout tendance à en être éjecté à moins que la personne aux commandes ne manœuvre pour rester dedans. Dans tous les cas, au maximum 20 à 30 degrés de braquage de manche étaient nécessaires pour ramener les ailes à l’horizontale. La gouverne de direction a été occasionnellement utilisée quand un net mouvement de lacet se faisait sentir ou quand le mouvement d’inclinaison était particulièrement puissant.

C’est aussi l’occasion pour Boeing de mettre à jour les programmes de son simulateur de vol M-CAB. Ce dernier travaille avec des modèles mathématiques assez précis mais qui montrent leurs limites quand il s’agit de situations trop particulières. Ainsi, on découvrit que la tendance des turbulences à faire incliner l’avion autour de son axe longitudinal était bien modélisée. Par contre, leur effet à faire partir l’avion en lacet autour d’un axe vertical était mal simulé. En effet, les mathématiciens avaient oublié qu’avant d’atteindre la dérive verticale de l’avion, les turbulences de sillage sont modifiées par les ailes et le fuselage. Nourri de nouvelles formules, le M-CAB devient un outil important dans la poursuite de cette enquête.

Une fois les turbulences de sillage rayées de la liste des options possibles, toutes les autres situations qui font qu’un avion puisse partir sur le coté de manière incontrôlée sont analysée dans le simulateur. De la sortie non symétrique des slats, à la panne des spoilers et jusqu’à l’activation d’un inverseur de poussée en vol, aucune théorie n’est laissée au hasard. Chaque scénario est reconstitué et la trajectoire qu’il produit comparée à celle de l’avion qui s’est écrasé.

Pour cet avion, dix possibilités sont retenues, à savoir :
– perte d’un réacteur
– sortie intempestive d’un inverseur de poussée
– Blocage du Yaw Damper
– sortie non symétrique des slats
– sortie automatique mais non symétrique des slats lors du décrochage (Le 737 a un mécanisme automatique qui fait sortir les slats lorsque l’alarme de proximité du décrochage se met en marche)
– mauvais fonctionnement d’un volet
– perte du contrôle latéral par les spoilers
– mauvais fonctionnement de la gouverne de profondeur
– le slat le plus externe endommagé et tordu par dessus l’aile
– blocage en butée de la gouverne de direction

Certaines options, comme la panne d’un réacteur, sont connues et maitrisées par les pilotes. D’autres, sont intéressantes à étudier, mais ne collent pas aux faits établis. L’avion du vol USAir 427 a eu tout d’abord un violent mouvement de lacet vers la gauche. Deux éléments vont alors se superposer. Premièrement, l’aile qui est à l’intérieur du virage va reculer et perdre de sa portance puis s’enfoncer. En même temps, l’aile externe, la droite dans ce cas, va avancer, gagner en portance et s’élever. La portance gagnée par l’aile droite est plus faible que la portance perdue par l’aile gauche : la résultante est donc plus faible et l’avion s’enfonce. Deuxièmement, ce qui se passe au niveau des ailes, se passe aussi au niveau du plan horizontal de l’empennage. Ce dernier n’est rien d’autre qu’une petite aile placée à l’envers et dont le rôle est d’appuyer sur la queue de l’avion. Quand cette aile perd de la portance suite à un dérapage important, l’avion pique du nez. Donc en une fraction de seconde, les pilotes voient le nez partir à gauche en s’enfonçant jusqu’à ce que l’avion se retrouve à pic. L’image du crayon qui tombe d’un bureau vient immédiatement à l’esprit et avec elle, l’accident de Colorado Springs.

Le NTSB ouvre de nouveau l’enquête du vol United Airlines 585 et regarde les éléments d’un œil nouveau. Les similitudes entre les deux crashs sont frappantes et ne laissent pas de place au hasard.

En juin 1996, l’enquête dure depuis près de 2 ans quand un nouvel incident se produit. Un 737-200 réalisant le vol Eastwind 517 se met brutalement à vouloir virer à droite. L’évènement est une surprise totale pour le commandant de bord qui a juste le temps de braquer le manche et appuyer de toute sa force sur les palonniers qui semblent mus par une force mystérieuse. Au prix d’une lutte laborieuse et inquiétante, les pilotes réussissent à maintenir l’avion à peu près droit et le posent à Richmond en Virginie. Quand les techniciens au sol inspectent l’appareil et déclarent qu’il n’a rien, le sang des pilotes ne fait qu’un tour. Le NTSB et la FAA sont alertés et ils viennent immédiatement réquisitionner ce Boeing 737.

De nombreux tests sont réalisés au sol et en vol, mais le phénomène ne se reproduit plus. Pourtant, une question est soulevée : si la gouverne de direction a tendance à partir brutalement en butée, pourquoi certains pilotes s’en sortent alors que d’autres pas ?

Des tests sont réalisés avec un avion spécialement équipé d’un dispositif expérimental qui permet d’envoyer la gouverne de direction en butée de manière temporaire et contrôlée. De nombreuses expériences en vol sont menées et on découvre une caractéristique intéressante du 737. A vitesse élevée, les pilotes d’essai peuvent contrer les effets de la gouverne de direction en braquant les ailerons dans le sens opposé. Par contre, au fur et à mesure que l’avion est ralenti, il devient de plus en plus difficile à contrôler avec une gouverne de direction braquée et bloquée. A partir d’une certaine vitesse, l’effet des ailerons est incapable de contre balancer celui de la gouverne de direction et l’avion part sur le coté. Effectivement, quand un avion est lent, ses ailerons sont peu efficaces. Il n’y a qu’à observer le débattement deux ceux-ci lors d’une approche pour s’en convaincre. Les participants nomment « crossover speed » la vitesse en-dessous de laquelle l’avion n’est plus contrôlable. A titre d’exemple, pour un 737 en vol stabilisé à 49.8 tonnes de masse avec les volets sur 1, cette valeur est de 187 nœuds. Plus l’avion est lourd ou le facteur de charge élevé, plus cette vitesse est grande.

On se rappela alors que les avions qui s’étaient écrasés volaient tous à basse vitesse. Plus particulièrement, le vol USAir évoluait à 190 nœuds. L’avion était théoriquement récupérable, mais la récupération aurait exigé une reconnaissance immédiate du problème. En l’espèce, il eut fallu que le pilote aux commandes pousse sur le manche au lieu de tirer dessus comme ce fut le cas. En tirant, le facteur de charge augmente et la crossover speed également.

Contrôle du roulis à la gouverne de… profondeur !
En 1997, alors que l’enquête se poursuit, Boeing prête aux enquêteurs un 737-500 tout juste sorti d’usines. Contrairement à ce que son chiffre peut laisser penser, cet avion est une version plus petite du best seller de Boeing. Le pilote d’essai réalise une expérience étonnante. Tout d’abord, il stabilise l’avion à une vitesse supérieure à la fameuse crossover speed. Puis, il braque complètement la gouverne de direction. Alors que l’avion s’incline il le rattrape au manche et semble avoir regagné le contrôle. A ce moment, il tire sur le manche. L’avion se cabre, ralentit et recommence à se pencher de coté. S’il maintient la traction sur le manche, il peut finir par se retrouver sur le dos. Le pilote peut même contrôler l’inclinaison de l’avion en utilisant la gouverne de profondeur ! Encore une fois, est démontré le danger du réflexe qui consister à tirer ou à continuer de tirer sur le manche lors d’une perte de contrôle.

PCU encore et toujours…
Le NTSB est convaincu que la perte de contrôle est due à un dysfonctionnement au niveau de la PCU. Encore, faut-il le prouver. Boeing et Parker sont très solides sur leurs positions et ne croient pas à cette thèse. Cette fois les enquêteurs prennent plus de précautions et ne se font pas voler la PCU.

Les recherches commencent chez Parker. Ceux-ci ont un banc de postproduction pour valider la mise sur le marché de chaque PCU fabriquée ou réparée. Le test ne se base pas sur des mesures pour vérifier la conformité des usinages, mais sur une évaluation de fonctionnalité de la PCU. Si elle marche, c’est qu’elle est bonne. Mélangées à d’autres, la PCU du vol USAir passe le test sans problèmes.

Le NTSB va plus loin et examine la PCU sous toutes les coutures. Elle est testée dans des conditions extrême et analysée par des méthodes physico-chimiques. Il devient rapidement clair que ce dispositif n’a aucune tare aberrante qui provoque des problèmes réguliers. Ceci est, d’ailleurs, cohérent avec le fait qu’il y a des milliers de Boeing 737 en exploitation et ils ne s’écrasent pas tous les jours. Ceci ne veut pas pour autant dire que le PCU est sûre. Le problème se pose avec ses faibles ajustements mécaniques qui la rendent très sensible aux impuretés et autres contraintes. En prévision de cela, le système est équipé d’un filtre très fin installé en entrée. Ce filtre est efficace et il n’y a rien à trouver de son côté.

La voie du choc thermique
Alors que l’enquête piétine, une idée surgit au sein d’un groupe d’étude du NTSB : et si on soumettait le système à des chocs thermiques ? En vol, la gouverne de direction est en position neutre la plupart du temps et très peu d’huile la traverse. Dans ce cas, le vérin hydraulique, la PCU et les tubes refroidissent jusqu’à atteindre des températures largement négatives. D’un autre coté, l’huile sous pression qui passe par les pompes montées sur les réacteurs a une température normale voisine de 20 degrés quand tout fonctionne normalement. Par contre, en cas d’un problème de friction sur une pompe, cette température peut monter très rapidement. Les alarmes de surchauffe installées dans le cockpit et transmises au FDR (boîte noire) ne se déclenchent qu’à 104 degrés. Il est donc possible d’avoir un fluide hydraulique à un peu plus de 100 degrés sans la moindre alarme ou enregistrement FDR. Dans ce cas là, un usage des palonniers après un long vol stabilisé viendra envoyer une huile surchauffée sur un système glacé. C’est le choc thermique.

Les expériences réalisées sont édifiantes. Quand une PCU est soumise à un choc thermique, dans de nombreux cas, elle présente un comportement erratique. A tout moment, le piston secondaire peut coller au corps de la PCU et rester bloqué dans une position anormale alors que le piston intérieur, qui a la taille d’une cigarette, se déplace librement. Il s’en suit une nouvelle cinématique qui produit des effets indésirables. Ainsi, il devient évident que quand l’huile chaude arrive sur la PCU froide, elle peut être acheminée dans la bonne, comme dans la mauvaise direction. Dans ce dernier cas, elle peut provoquer une perte de contrôle de l’appareil.

Pour tirer les choses au clair, le groupe d’étude se rend à Seattle et deux Boeing 737-300 neufs sont sortis de leur hangar. Sur l’un, un bricolage permet de maintenir le piston secondaire de la PCU bloqué à diverses positions. L’autre appareil, n’est pas modifié et sert de témoin. Enfin, les deux avions sont alimentés en courant par un groupe de parking afin de pouvoir activer les circuits hydrauliques A et B.

Notons au passage l’étendue des moyens déployés pour trouver les causes réelles de cette tragédie. A titre de comparaison, lorsqu’un 737 de la compagnie égyptienne Flash Airlines s’écrasa en mer Rouge le 3 janvier 2004, les enquêteurs n’eurent pour ainsi dire que des stylos et du papier pour faire leur travail. La majorité des pièces ne furent jamais remontées et celles qui furent remontées ne furent pas toutes systématiquement étudiées. Les enquêteurs n’avaient ni avion, ni simulateur à disposition. Boeing leur permit d’utiliser son fameux M-CAB qui invalida toutes les hypothèses liées à un dysfonctionnement de l’avion. Ce crash, avec 148 morts dont 135 touristes français, reste l’accident le plus grave dans l’histoire du 737-300. Faute de moyens suffisants, la cause du drame ne fut jamais établie de manière claire et acceptable pour tous.

Les enquêteurs du NTSB se rendent sur l’avion témoin et se familiarisent avec le comportement normal des palonniers. Dans un second temps, ils se rendent sur l’appareil où le tiroir secondaire de la PCU est bloqué et ils répètent les mêmes manœuvres avec les palonniers. Voici le témoignage d’un participant, il donne une idée assez juste de ce qu’ont ressenti les pilotes piégés :

« Quand ce fut mon tour, je me suis installé sur le siège de droite et j’ai bouclé ma ceinture de sécurité. On réalisa la première démonstration avec le tiroir secondaire bloqué à 25% de sa position neutre. Avec les pieds, j’appuyais sur les pédales gauche puis droite lentement et jusqu’à les enfoncer complètement. La pédale de droite semblait plus légère à pousser que celle de gauche, mais la différence était assez subtile à percevoir. Puis, je réalisais sept fois de suite un test qui consistait à braquer rapidement la gouverne de direction vers la gauche. A une ou deux exceptions près, la gouverne de direction partit vers la droite ! A peine je commençais à appuyer la pédale de gauche, qu’elle se mettait à ressortir jusqu’à atteindre sa butée haute. Cette avancée était lente et régulière. La pédale continuait à remonter quelque soit la force que j’appliquais pour l’en empêcher. Par contre, dès que je me suis arrêté de me bagarrer avec, le phénomène s’arrêta. J’ai constaté que si je cessais de repousser la pédale, le problème s’arrêtait immédiatement et les palonniers revenaient d’eux-mêmes au neutre. »

Un autre test fut réalisé avec le tiroir externe bloqué encore plus loin. Dans ce cas, les participants remarquèrent que s’ils poussent très lentement sur les palonniers, ils arrivent presque toujours à les déplacer jusqu’en butée. Par contre, le moindre geste brusque provoque l’inversion. Le palonnier poussé se met à remonter contre la pression du pied et la gouverne se braque complètement dans le sens opposé à la direction voulue. Et dans ce cas, même si le pilote relâche toute pression, l’inversion continue inexorablement.

Un technicien du NTSB tente l’expérience mais au moment où l’inversion se produit, il coupe les circuits hydrauliques de l’avion. Privée de puissance, la gouverne revient au neutre dans tous les cas. Il est en effet inutile de lutter à la force musculaire contre des circuits à 200 bars capables de générer plusieurs tonnes de force.

Ces découvertes en attirent d’autres. De nombreux incidents sont étudiés à la lumière des nouvelles connaissances. Partout aux USA, en Europe et jusqu’en Nouvelle Zélande, des opérateurs révèlent des incidents et des comportements curieux des palonniers du Boeing 737. Mieux encore, on découvre que ce type de PCU à tiroirs concentriques est utilisé à divers endroits sur d’autres avions de ligne.

Incident sur 747-400
Le 7 octobre 1993, un 737-400 de British Airways décolle de Londres Heathrow. Alors qu’il est seulement à 30 mètres du sol, l’assiette à cabrer passe de manière incontrôlée de 14 à 8 degrés. A 8 degrés de cabré après le décollage, un 747 chargé ne monte pas et l’appareil commence effectivement à revenir vers le sol. Le commandant de bord doit tirer complètement sur le manche pour que l’avion se remette péniblement à monter. Le vol continue jusqu’à sa destination : Bangkok en Thaïlande (!). Sur place, l’analyse de l’enregistreur de vol technique (QAR) révèle que le morceau droit de la gouverne de profondeur est partie complètement à piqué quand le pilote tirait sur le manche pour cabrer l’avion. Heureusement, les gouvernes de profondeur gauches et droite sont indépendantes et c’est grâce aux surfaces restantes que le crash est évité. Les gouvernes de profondeur du 747 sont équipées de PCU de même facture que celles de l’infâme gouverne de direction du Boeing 737.

Conseilles FAA
Un certain nombre de recommandations sont émises par la FAA à l’intention des pilotes. En cas de problèmes, on leur suggère de tenter d’appuyer sur le palonnier de toutes leurs forces, voir se mettre à deux dessus si nécessaire. Puis, si le blocage persiste, ils doivent tenter de lancer le circuit de secours de la gouverne de direction et, finalement, couper tous les circuits hydrauliques. Bien sûr, le temps que vous ayez lu ce paragraphe, l’avion est déjà sur le dos. La brutalité du phénomène est telle qu’il ne permet pas de tenter une première manœuvre, puis de constater qu’elle ne marche pas et d’en essayer une autre. Même en coupant les deux circuits hydrauliques, les accumulateurs gardent assez de pression pour que la gouverne puisse rester bloquée pendant de nombreuses secondes.

Enfin, une directive de navigabilité imposa aux compagnies aériennes de changer le système PCU / vérin par un dispositif plus sûr développé par Boeing. Tous les 737 du -100 au -500 sont concernés mais il faudra attendre plusieurs années encore pour qu’ils soient tous changés. De plus, selon les pays, ce changement n’est pas obligatoire du tout. Les nouveaux appareils sont équipés d’un autre système qui n’est pas considéré comme totalement sûr par le NTSB.

Le rapport d’accident conclut à une défaillance de la gouverne de direction même si Boeing n’y crut jamais. Les nouvelles connaissances poussèrent aussi les autorités à reconsidérer les conclusions du crash de Colorado Springs et d’y confirmer la gouverne de direction comme facteur causal.

Lire aussi
– Légende et soucis du Boeing 737
– Le crash de Colorado Springs

Crash d’un avion de chasse suite à une injestion d’oiseau

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Cet accident impressionnant a eu lieu le 14 mai 2004 au Canada (Moos Jaw) et montre encore une fois la dangereuse cohabitation entre avions et oiseaux. Il s’agit d’un simple vol d’entrainement permettant à un stagiaire anglais de la Royal Air Force de découvrir le Hawk CT155202.

L’instructeur est aux commandes et il passe à 70 pieds au-dessus de la piste. La vitesse est de 239 noeuds à ce moment (442 km/h). Une mouette surgit à gauche et est immédiatement avalalé par le moteur. Vous pouvez le voir sur la vidéo environ 6 secondes après le début de celle-ci. Voici un arrêt sur image :

 

oiseau arrivant droit sur l'avion de chasse
 

 

Le moteur a immédiatement commenté à surchauffer et à perdre de la puissance. De nombreuses alarmes vocales concernant la température et la configuration de l’avion son entendues.

Gardant son sang froid, l’instructeur fait cabrer l’avion pour gagner de l’altitude tout en perdant de la vitesse. Une éjection est décidée et les deux pilotes se préparent après avoir rapidement informé le centre de contrôle.

L’élève pilote s’éjecte puis l’instructeur et l’avion tombe dans un champ. On voit nettement la dégradation de l’énergie de l’appareil et le passe brutal du nez sous l’horizon alors que les pilotes sont encore à leur poste.

L’élève pilote est légèrement blessé. L’instructeur est atteint plus sérieusement. Le rapport public assez sommaire critique le système d’éjection et laisse penser à un mauvais fonctionnement du cordeau détonnant qui doit casser la verrière juste avant l’éjection des pilotes. Il est probable que ce cordeau n’ait pas fonctionné correctement et que l’instructeur soit passé à travers la verrière.

 

Siège éjectable
Siège éjectable retrouvé près des décombres
 

 

 

Hawk CT155202 après le crash
Restes de l’appareil.
 

 

Remarques :
Sur le HUD de l’avion, la petite flèche renforcée en vert vous donne le variomètre. Si vous regardez la vidéo en la suivant, elle vous permet de voir le taux de variation de l’altitude de cet avion. Au début, après l’impact, il y a une montée très brutale puis, vers le milieu de la vidéo, le taux devient négatif et se stabilise un moment vers -3000 pieds par minute. Un avion de ligne a une meilleure finesse et planerait vers -1500 pieds/minutes dans les mêmes circonstances.

 

Hawk CT155202 HUD
Variomètre positif après l’impact.
 

 

Remarquez aussi la réaction appropriée et instantanée de l’instructeur de vol ! Il réagit avant même le déclenchement de l’alarme une fraction de seconde plus tard.

Vidéo:


 

A voir également
– Même type d’incident sur un avion civil au décollage.

Avion établi sur l’ILS mais… il va vers le terrain !

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Parmi tous les instruments qu’il y a dans un avion, l’ILS jouit d’une position particulière. Comme il est régulièrement l’outil principal lors d’approches sans visibilité, il est particulièrement critique. Pourtant l’OACI et la FAA lancent régulièrement des alertes concernant un usage non conforme de cet instrument. A de nombreuses occasions, des Boeing 767, 777 et des Airbus se sont retrouvés établis sur un faux glide qui se termine quelque part avant la piste. Ce glide se trouve sous la pente réelle d’approche et peut donc causer un accident alors que les pilotes se croient correctement établis sur l’ILS. Tous les avions de ligne, des plus anciens aux plus modernes, sont concernés par ce problème.

Incident chez Air New Zeland
Ca se passe dans la nuit du 29 juin 2000. Un 767 arrive sur l’aéroport d’Apia, capitale de l’archipel de Samoa. Durant la préparation du vol, les pilotes avaient lu les Notams de leur terrain de destination qui affichaient l’ILS comme UNMONITORED STATUS.

 

Notam ILS UNMONITORED STATUS
UNMONITORED STATUS : Signifie que la tour de contrôle n’a pas
de signal en cas de problème avec l’ILS.
 

 

Lors de l’approche, les pilotes font un briefing complet pour un approche ILS et aussi une VOR DME au cas où l’ILS ne fonctionnerait pas. Néanmoins, ils ont une bonne surprise. Dès qu’ils se mettent sur l’axe d’approche, l’ILS est capté et l’avion se trouve immédiatement sur le glide.

 

pilote automatique
Les 3 pilotes automatiques engagés sur un faux glide
sans problème.
 

 

Problème d’énergie
Dès le début de la descente, l’avion commence à accélérer. Le commandant de bord ne comprend pas ce comportement anormal. Pourtant, les 3 pilotes automatiques sont engagés et l’indicateur ILS est bien centré que ce soit au niveau glide ou loc. La balise émet un identifiant Morse correct. Le train d’atterrissage est sorti plutôt que d’habitude et les spoilers déployés pour maintenir la vitesse à une valeur raisonnable.

Des doutes…
A 1000 pieds de hauteurs, les doutes deviennent de plus en plus pressants. L’avion se comporte anormalement et malgré la baisse de la densité nuageuse, la piste n’est pas encore en vue. Seules quelques lumières diffuses apparaissent au lointain. Le troisième pilote fait un contrôle croisé entre la hauteur de l’avion et la distance DME. Le résultat ne correspond pas à la carte d’approche.

Le copilote se penche de coté et regarde par son hublot. Il voit les lumières d’un village que l’avion survole à très faible hauteur. L’altimètre indique 400 pieds.

Sans plus attendre, les pilotes décident de faire une remise des gaz. Rappelons, que lors de la majorité des CFIT, au moins un des membres d’équipage exprime des incertitudes sur la position de l’avion ou sur sa trajectoire mais ce n’est pas suivi d’une réaction énergique.

Une fois que l’avion remonte vers une altitude sûre, les pilotes traversent une période de doute encore plus pénible. Ils se sentent trahis par leur avions et ne savent plus à quels instruments il faut faire confiance. En effet, il n’est pas facile de diagnostiquer à coup sûr une panne d’un instrument de nuit et en conditions de vol IMC.

Après de nombreux contrôles et éliminations mais aussi discussions avec le contrôleur aérien, les pilotes comprennent que c’est le faisceau glide tel qu’émis par l’antenne située à l’aéroport qui a un souci.

Ils reviennent atterrir en utilisant seulement le LOC et en faisant extrêmement attention à leur trajectoire.

Que s’est-il passé ?
Il faut revenir au fonctionnement de l’antenne du glide pour comprendre cet incident. Le glide émet une onde porteuse qui est un mélange à part égale d’une onde modulée à 150 Hz et d’une autre modulée à 90 Hz. A cela, viennent s’ajouter deux autre ondes :
– Une onde qui forme le lobe supérieur modulée à 90 Hz
– Une onde qui forme le lobe inférieur modulée à 150 Hz

Quand l’avion se trouve au dessus du plan de descente, le récepteur ILS capte un mélange d’ondes à dominante 90 Hz. Au contraire, quand l’avion est en dessous du plan de descente, c’est le 150 Hz qui est dominant.

Sur le plan de descente lui-même, la force des deux signaux est dominante. Ainsi, un récepteur ILS dès qu’il capte un mélange à part égale de 90 et de 150 Hz, il va afficher que l’avion est dans le plan de descente.

 

Fonctionnement ILS
ILS Normal avec distribution correcte des champs 150 et 90 Hz.
 

 

Fonctionnement ILS
Comme seule la porteuse est émise, on a un champ d’égalité 150 et 90 Hz partout. Donc l’instrument indique que le plan de descente est correct quelque soit le plan réel que suivera l’avion.
 

 

Sur l’aéroport d’Apia, l’ILS était en maintenance. Sur les Notams, ceci peut être indiqué par :
– NOT AVBL, ON TEST
– U/S
– OPR BUT CTN DUE NOT ATS MNT
– UNMONITORED STATUS

Ou d’autres phrases équivalentes. Les techniciens avaient coupé les faisceaux supérieur et inférieur. Demeurait seulement l’onde porteuse. Or, la porteuse d’un glide est faite de part égale de 90 et de 150 Hz. Résultat : dès qu’un récepteur ILS capte cette porteuse, il affiche que l’avion est sur le plan de descente. Peut importe où se trouve réellement l’avion.

Faits importants
Il est primordial de retenir certaines vérités au sujet de l’ILS
– L’identifiant Morse est émis par le LOC seulement. Donc le fait de capter un identifiant Morse correct, ne signifie pas que le glide est fonctionnel.
– Un glide incorrect n’est pas détecté par les pilotes automatiques ou le directeur de vol. Ceux-ci se comportent comme si le glide était valide.
– Dès que l’onde porteuse est reçue, le drapeau rouge disparait de l’indicateur ILS. On peut voler sur un glide invalide sans avoir de drapeau affiché au niveau des instruments.
– Le taux de descente sur un faux glide peut être tout à fait raisonnable.

 

Variomètre IVSI 767
Le variomètre indiquait un taux de descente
un peut élevé qui a été associé au vent de dos
 

 

– Un GPWS ne détecte pas l’approche du terrain dans ces circonstances parce que l’avion descend à un taux raisonnable, que le train d’atterrissage ainsi que les volets sont sortis.
– Un contrôle DME / Altitude à l’Outer Marker ne permet pas de déceler l’erreur. Il faut faire des contrôles réguliers tout le long de la trajectoire de descente.
– Le même problème existe avec le faisceau du LOC. Celui-ci peut être détecté par vérification croisée (cross check) avec un VOR situé sur le terrain.

 

ADF VOR RMI 767
Le RMI permet de détecter facilement un faux axe LOC.
 

 

FMC
Le FMC est souvent programmé pour tenir une navigation verticale et horizontale. Quand celui-ci arrive sur le point présomptif d’interception du glide, il opère un piqué forfaitaire de l’ordre de 0.5 G. Par la suite, il analyse le signal pour voir s’il y a un écart ou pas. La pente de descente est maintenue tant qu’il n’y a pas d’écart. Sur un cas où seule la porteuse est émise, le système va maintenir le premier taux de descente qui peut aboutir à plusieurs kilomètres avant la piste. S’il y a un obstacle sur le chemin (relief), c’est la catastrophe.

Performances humaines
Les pilotes font confiance aux instruments les plus précis. Par exemple, ils font plus confiance à un VOR qu’à un NDB. De la même manière, ils font plus confiance à un ILS qu’à un VOR. Donc si quelque chose semble anormal lors d’une approche, l’ILS est le dernier instrument qui sera remis en question.

Dans ce cas, seule la concentration des pilotes sur leur approche et la préparation soigneuse de celle-ci ont fait la différence.

 

ADF VOR RMI 767
Seul un croisement DME / VOR / Altitude régulier permet
d’avoir un niveau confiance acceptable dans l’approche ILS.
 

United vol 585 – Mouvement incontrôlé de la gouverne de direction du 737-200

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Le 25 février 1991, un 737 d’United Airlines, la troisième plus grande compagnie du monde, connaît un incident gravissime. La gouverne de direction part à droite lors d’un vol. L’avion est déséquilibré et les pilotes, qui le connaissent bien, coupent le Yaw Damper et les choses reviennent à la normale. Au sol, l’appareil est inspecté mais les techniciens ne peuvent pas reproduire le problème tel que décrit par les pilotes. Tout semble normal. Par acquis de conscience, une pièce du Yaw Damper est remplacée et l’avion remis en ligne.

Le 27 février 1991, le même appareil connaît une série d’embardées suite à la déflexion incontrôlée de la gouverne de direction. De plus en plus perplexes, les mécaniciens réalisent un contrôle selon les manuels techniques de Boeing mais ne trouvent rien à se mettre sous la dent. Malgré les essais répétés au sol, l’avion ne montre aucune anomalie. Une autre pièce duYaw Damper est remplacée et l’avion programmé pour de nouveaux vols.

Quatre jours plus tard, alors qu’il est en approche sur Colorado Springs, ce même 737 vire brutalement sur la droite, s’incline, passe sur le dos et plonge vers sol. L’impact est si violent, qu’il faudra emprunter des équipements à un institut de géologie pour retrouver certaines pièces enfouies profondément dans la terre. Le vol 585 n’est plus. 25 personnes perdent la vie lors de ce crash.

Un contrôleur aérien témoin de la scène déclare aux enquêteurs qu’il a vu l’avion piquer vers le sol comme un crayon qui tombe d’un bureau. Colorado Springs, aujourd’hui fermé, est une petite destination. Seuls 20 passagers avaient pris place dans l’avion. Les soutes contenaient quelques bagages et un cercueil avec un mort qu’on ne retrouva plus. La météo était bonne mis à part un peu de vent et quelques turbulences habituelles et connues dans la région. Les pilotes avaient même ajouté 20 nœuds à la leur vitesse d’approche pour compenser les variations du vent.

Simulateur Boeing 737
Expérience en simulateur. Manche totalement braqué à droite,
réacteur 1 à pleine puissance et réacteur 2 sur idle. Malgré cela,
l’avion part sur la gauche jusqu’à se retrouver sur la tranche.
 

 

 

Principe de fonctionnement d'une PCU de 737
Principe de fonctionnement d’une PCU de Boeing 737-200
 

Rien dans ce crash ne permet aux enquêteurs de trouver la moindre piste sérieuse. L’accident étant survenu un dimanche matin, de nombreux promeneurs assistent à l’accident. Près de 160 témoins directs furent interrogés et tous répètent la même chose. L’avion arrivait normalement, voir un peu bas pour certains, quand il a soudainement basculé sur la droite puis piqué dans la forêt. Un vieux couple aurait déclaré à un témoin avoir été aspergé d’une substance puante qui est tombé de l’avion. Comme aucune piste n’est à négliger, ce couple est recherché par tous les moyens. Des portraits robot sont diffusés par les médias et des policiers font du porte à porte pour les retrouver. On ne mettra jamais la main dessus.

Les boites noires sont retrouvées dans un tel état de destruction, qu’il est impossible d’en retirer toutes les informations. Plusieurs canaux d’enregistrement sont détruits et inexploitables. Ce que l’on arrive à établir, c’est qu’à la seconde où l’avion commence à partir à droite, le copilote, une femme, lance « Oh God! » suivie un instant plus tard par le commandant de bord.

Sans perdre une seconde, ce dernier pousse les manettes des gaz et demande la rentrée des volets à 15 degrés pour entamer une remise des gaz. Malheureusement, le déséquilibre de l’avion est si rapide qu’il ne laisse aucune chance malgré une réaction correcte et quasi-immédiate de l’équipage.

Le NTSB s’intéresse aux turbulences de la région de Colorado Springs mais aussi à la conception de la gouverne de direction de l’appareil. Au grand étonnement des enquêteurs, le 737 est le seul avion de ligne au monde à disposer d’une gouverne de direction en une seule pièce et qui est mue par un seul et unique vérin hydraulique.

Depuis le cockpit, part un seul et unique set de câbles qui voyage jusque dans le stabilisateur vertical. Là, se trouve logé le vérin hydraulique. Ce dernier, quand il reçoit de l’huile sous pression, déplace la gouverne de direction avec une force constante de près de 2’700 kilogrammes. L’huile arrivant depuis les circuits A et B est dirigée vers une pièce de la taille d’une cannette de Coca qui va, selon la demande des pilotes, envoyer la pression sur l’une ou l’autre des faces du vérin. Cette pièce appelée PCU, pour Power Control Unit, est capable de provoquer une déflection de 26 degrés en 39 dixièmes de seconde sans charge. Quand l’avion vole vite, les forces aérodynamiques s’opposent à la gouverne et limitent son débattement et sa vitesse de déplacement. A action égale sur les palonniers, le déplacement de la gouverne est d’autant plus faible que la vitesse est grande. A chaque vitesse, correspond donc une valeur maximale de débattement (blowdown limit). Les ailerons et la gouverne de profondeur ont des systèmes différents et leur débattement est pareil en toutes situations.

A l’intérieur du corps de la PCU il y a deux pistons concentriques qui en déplaçant ouvrent ou ferment des lumières pour diriger l’huile. Le déplacement de ces pistons de 2.2 mm correspond à un déplacement en butée de la gouverne de direction. Chaque millimètre de déplacement de ces pistons donne une force de 1’200 kg sur la gourverne.

 

Vue éclatée de la PCU
Vue éclatée de la PCU”
 

 

Dès le départ, le système semble vulnérable et ne correspond pas à la philosophie de mise dans l’aéronautique. Néanmoins, aucune faute ne peut être prouvée et en fin 1992 l’enquête est bouclée sans avoir trop avancée. Le NTSB cite les turbulences et un éventuel problème de gouverne de direction comme causes possibles, mais ne se mouille pas plus loin.

Incident lors de l’enquête
Par ailleurs, un incident troublant va venir entacher l’enquête. Le NTSB reste une petite structure gouvernementale qui enquête sur tous les accidents de transport. Tout problème survenu sur un avion, un bateau, un train, un camion ou même un pipeline tombe sous la juridiction du NTSB. Alors qu’il a moins d’employés et de budget que la police municipale d’une petite ville, ce service s’occupe de plus de 2’000 enquêtes par an aux USA et participe à des enquêtes à l’étranger. Le NTSB n’a donc pas les moyens d’analyser chaque aspect technique d’un crash. En plus de la FAA, il fait aussi appel aux constructeurs d’avions et aux entreprises qui leurs fournissent les équipements pour boucler ses enquêtes. Dans le principe, ce fonctionnement n’a rien d’aberrant. Les enquêtes du NTSB ne sont pas menées dans le but de trouver des responsables ou des coupables. Leur but est traditionnellement de trouver les problèmes ayant mené à un crash et de les corriger pour éviter qu’ils ne fassent plus de victimes. Sur le terrain, les choses se passent autrement. Les parties prenantes ont toujours peur de voir leur responsabilité dans un drame engagée dans un rapport d’accident signé par le NTSB. Même si le NTSB n’engage aucune poursuite, les familles des victimes, les assureurs et d’autres parties lésées peuvent le faire et réclament de grosses compensations aux fautifs.

Dans cette ambiance, il est naïf de croire que les laboratoires des avionneurs vont participer pleinement à la recherche d’éléments pouvant légalement les incriminer. Le 21 mars 1991, les enquêteurs se rendent chez Boeing pour préparer une analyse de la PCU. Cette dernière été retrouvée dans les décombres et doit être rapportée chez son fabriquant qui dispose des bancs pour la tester. Au moment où ils quittent les locaux, un responsable de chez Boeing demande à un assistant d’emballer la PCU. Quelques minutes plus tard, il reçoit un paquet soigneusement ficelé. Quand ils arrivent chez Parker Bertea Aerospace en Californie, les enquêteurs découvrent que trois pièces importantes manquent dans le paquet ! On remue ciel et terre, on se rejette la balle mais jamais on ne remettra la main sur ces éléments essentiels. En désespoir de cause, les pièces manquantes sont remplacées par des neuves et les tests réalisés. Bien entendu, la PCU ainsi rénovée fonctionne parfaitement. Ceci explique en grande partie l’échec de cette enquête et les morts qui vont s’en suivre.

Le NTSB a 90 employés à plein temps et un budget annuel de l’ordre de 35 millions de dollars. A titre de comparaison, le New York Police Department (NYPD) emploi plus de 35’000 personnes et a un budget de plusieurs centaines de millions de dollars.

Fonctionnement de la PCU
La PCU est un élément mécanique qui va gérer le flux d’huile sous pression et le diriger en fonction des demandes des pilotes.

Rappel Théorique :– Le travail d’un fluideT = Q x P

T est le travail en joules

Q la quantité de fluide qui circule (en L)

P la pression de ce fluide en Pascals

– La puissance d’un fluide

En toute généralité, la puissance est un rapport entre le travail et le temps qui a été nécessaire à le réaliser. Plus un système peut réaliser le même travail vite, plus il est dit “puissant”. Donc :

W = T / t

W est la puissance en Watts

T est le travail en joules

t est le temps en secondes

On peut aussi écrire

W = (Q x P) / t

Mathématiquement, quand on divise un produit par un nombre, on peut juste diviser un des membres de ce produit (en addition on les divise tous) :

W = (Q / t) x P

Mais (Q / t) est connu, c’est une quantité divisée par un temps, donc un débit. On va le noter D (en L/s) et on peut reformuler la puissance d’un fluide :

W = D x P

Tout simplement le débit x la pression.

Voici quelques schémas de principe.

PCU simple corps :
C’est le modèle le plus utilisé. Il comporte une arrivée et deux sorties. Le piston à l’intérieur peut aller à dans une direction ou une autre pour permettre le passage de l’huile. Il faut noter que même lorsque le système est fermé, il y a un petit débit de fuite les deux directions en même temps.

 

Valve PCU simple corps fermée
PCU simple corps en position fermée
 

 


 

Valve PCU simple corps ouverte
PCU simple corps en position ouverte
 

 


PCU double corps
Même principe que la PCU simple, mais ici on a deux tiroirs concentriques. La plupart du temps, c’est le tiroir interne qui bouge et la PCU fonctionne comme une PCU simple. Par contre, si le pilote donne un coup fort sur le palonniers, il faut lui fournir plus de puissance. Dans ce cas, le tiroir externe bouge aussi. Le débit d’huile est augmentée parce que plus de lumières sont ouvertes. Dans ce cas, la puissance disponible est augmentée.

 

PCU double corps fermée
PCU double corps en position fermée. C’est ainsi qu’elle est pendant
la plus grande partie du vol (important)
 

 


 

PCU double corps ouverte
PCU double corps ouverte. Là, le pilote a appuyé doucement sur les palonniers
 

 


 

PCU double corps ouverte
PCU double corps ouverte. Là, le pilote a appuyé rapidement sur les palonniers.
Remarquez la présence de plus de lumière pour le passage de l’huile.
Le tiroir externe (noir) a aussi bougé.
 

 


 

PCU double corps en position aberrante
PCU en position aberrante !
 

 

Les deux tiroirs concentriques sont très proches l’un de l’autre. L’espace entre eux ne permettrait pas le passage d’un cheveu humain. Si une impurtée arrive entre les deux, il y a des risques qu’ils adhèrent l’un à l’autre et qu’ils se déplacent en même temps. Pensez que leur déplacement maximal est de 4.4 millimètres et que ceci correspond à un déplacement de la gouverne d’une butée à l’autre. Dans ce cas de blocage, la PCU aura un comportement erratique et la gouverne de direction se déplacera d’elle même. Si l’avion vole lentement, comme lors d’une approche, les ailerons n’ont pas assez d’autorité pour compenser l’inclinaison de l’avion et celui-ci sera perdu.

Aux USA, après des années de polémique entre Boeing, la FAA, le NTSB et les associations de pilotes, des changements ont été ordonnées et Boeing modifia le design de cette pièce. Aujourd’hui, tous les 737 volant aux USA ont intégré cette modification. Par contre, comme la FAA laissa de nombreuses années aux compagnies pour réaliser les changements, certaines ont préféré vendre leurs appareils hors des USA que de corriger la PCU et plein d’autres obligations de mise aux normes (dont le bruit !). Ainsi, jusqu’à nos jours, on trouve de manière banale en Afrique et en Asie des 737-200/300 à la PCU non modifiée.

Lire aussi :
– La légende et les soucis du Boeing 737

PSA vol 1771 – Crash provoqué par un steward suicidaire

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Quand USAir absorba PSA en 1987, David Burke steward de son état, décida de profiter de la confusion ambiante pour s’enrichir personnellement. Trouvant un moment propice, il subtilisa 68 dollars de la caisse de la cafétéria organisée par le personnel de la compagnie…

Malheureusement pour tout le monde, le voleur fut rapidement confondu et convoqué devant un conseil de discipline. Il avoua son geste et fit amende honorable en parlant de sa situation familiale et de ses enfants. La démarche fut accueillie de manière glaciale, voir cynique et l’employé se retrouva licencié avec effet immédiat. A son départ, la secrétaire de Raymond Thompson, son patron, crût bon de lui souhaiter une excellente fin de journée. Sans le savoir, elle venait de signer l’arrêt de mort de son supérieur hiérarchique ainsi que de pas mal d’autres gens.
– J’ai l’intention d’avoir une excellente journée, répondit David Burk en claquant la porte.

Il se rendit dans une agence et acheta un billet pour le jour même sur le vol PSA 1771 qui reliait chaque soir Los Angeles à San Francisco. Ce n’est pas un hasard, Raymond Thompson prend cette ligne tous les jours pour rentrer chez-lui.

Utilisant sa carte qui ne lui avait pas été retirée encore, Burke évite les contrôles de sécurité à l’aéroport de LAX et embarque parmi les premiers. Dès qu’il s’installe à sa place, il prend un sac en papier situé dans le dossier du siège devant lui et marque une phrase qui sera retrouvée plus tard : « C’est une sorte d’ironie n’est-ce pas ? J’avais demandé un peu de pitié pour ma famille, vous vous en souvenez ? Je n’en ai pas eu et vous n’en aurez pas non plus ! ».

L’employé éconduit cache dans son sac un pistolet .44 magnum. Selon certaines légendes à peine exagérées, cette arme est capable d’arrêter une voiture à 100 mètres. En tous les cas, la puissance est telle qu’il est recommandé de ne tirer qu’avec des gants pour éviter de se faire mal aux mains ou aux articulations. Ce calibre n’est même pas employé par les forces de l’ordre qui lui préfèrent le .357 moins dangereux pour son utilisateur ou le .45 qui a un faible recul.

Quand le quadriréacteur BAe-146 arrive à son altitude de croisière, Burke décide de passer à l’action. Il se lève et se rend aux toilettes. Au passage, il pose le message manuscrit sur les genoux de son patron qui le lit sans deviner la suite.

Lorsqu’il sort des toilettes l’arme à la main, l’employé licencié est prêt à se venger et mourir. Il se dirige dans l’allée et abat Raymond Thompson d’un seul coup. La même balle a probablement traversé les deux passagers assis derrière lui également. Une hôtesse paniquée surgit dans le cockpit et crie aux pilotes :

– Nous avons un problème !
– Quel genre de problème demande le commandant de bord ?
– Je suis le problème, annonce Burke qui arrive l’arme fumante à la main.

Deux coups de feu successifs sont enregistrés dans le CVR. Mortellement blessés, les pilotes s’affaissent sur les commandes et l’appareil se met en plongée. Quand il sait que la situation est désespérée, le pirate de l’air se tire une balle dans la tête pour s’épargner les frayeurs du crash.

Au passage des 13’000 pieds, l’avion affiche une vitesse de mach 1.2 et commence à se désintégrer. Il termina sa course dans zone agricole relativement isolée. La catastrophe fit 44 morts dont 42 qui n’avaient rien avoir avec cette histoire.

David_Burke

 

David Burke

Les autorités locales furent d’abord informées par les riverains de la chute d’un petit avion bourré de journaux. Quand le sheriff arrive sur les lieux, l’avion est éparpillé en miettes dont aucune n’est plus grosse qu’une orange. A tel point que même lorsque la disparition d’un avion de ligne est signalée, il a du mal à faire le rapprochement.

Depuis cet incident, une loi fut passée pour obliger les compagnies à retirer leurs cartes d’accès aux employés le jour de la fin de leur service. Par ailleurs, le niveau de sécurité fut relevé pour les équipages. Même si ces derniers prennent des voies différentes dans les aéroports, ils peuvent être contrôlés et fouillés tout comme les passagers. Ces règles s’appliquent jusqu’au commandant de bord inclus.