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Singapore Airlines vol 006 – Accident au Sol

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Le 747-400 immatriculé 9V-SPK était un des plus bels appareils de la compagnie nationale de Singapour. Peint en couleurs tropicales, il était un des avions préféré des spotters du monde entier. Le 31 octobre 2000, il fait escale à Taipei, capitale de Taiwan, au cours d’un long voyage vers Los Angeles en Californie.

Peu avant 23 heures, l’avion est autorisé à circuler vers la piste 05L pour le décollage. Les conditions météorologiques sont tout simplement épouvantables. En théorie, aucun avion ne doit prendre l’air, y compris un 747. La tempête tropicale Xangsane s’approche des installations et provoque des vents de 70 km/h en continu avec des rafales à plus de 100 km/h. La visibilité est inférieure à 600 mètres et de lourdes pluies balayent toute la région. Plus l’heure avance, plus les conditions se dégradent. Dans ce contexte, l’équipage du vol 006 est soumis à une forte pression opérationnelle. Ils doivent partir sans délais sous peine de se retrouver coincés sur place pour toute la nuit au moins.

Quand l’appareil commence à circuler, il y a à bord 159 passagers, 20 membres d’équipage et 125 tonnes de carburant. Pour ajouter à la complexité du tableau, il y a des travaux en cours sur la piste 05R. Celle-ci est ouverte à la circulation sur une partie de sa longueur, mais ne peut plus être utilisée pour les mouvements de décollage et d’atterrissage. Ceci entretient une confusion dans l’esprit des pilotes. En effet, d’après les procédures habituelles, une piste est soit ouverte, soit fermée. Il n’est pas usuel d’avoir une piste ouverte pour la circulation mais fermée pour d’autres types d’usages.

Les premières difficultés apparaissent lors du roulage déjà. Le copilote a du mal à tenir une direction et doit lutter contre le vent en utilisant la gouverne de direction. Le commandant de bord lui recommande d’aller lentement pour éviter de se retrouver dans le décor.

 

barrière de type Jersey
Une barrière en béton de type Jersey comme celles qui se trouvaient sur le piste 05R.
 

 

Dès qu’ils voient une piste, les pilotes s’y alignent et s’empressent de commencer le décollage. L’appareil commence à accélérer sur la piste 05R. Au milieu de celle-ci, cachés par l’obscurité et la pluie, se trouvent des barrières en béton, des pelleteuses, des bulldozers et d’autres engins de chantier pesant plusieurs dizaines de tonnes.

Au bout d’une demi-minute d’accélération, le mécanicien de bord annonce 80 nœuds (150 km/h). Trois secondes plus tard, le bruit d’un impact sourd est enregistré par le CVR suivi par des exclamations de surprise dans le cockpit. Depuis la tour, les contrôleurs voient une boule de feu s’élever dans la nuit et alertent les secours.

L’avion s’est complètement désintégré sous le choc. La cabine se sépare en trois grandes sections. Dedans, les passagers sont plongés dans le noir et la fumée. Des masques à oxygène et des bagages tombent. A l’avant, deux toboggans se gonflent vers l’intérieur. Les survivants évacuent dans la confusion la plus totale. Certains sautent par des brèches dans le fuselage alors d’autres ouvrent des portes et se jettent dans le vide.

Il y a 83 morts, soit un taux de mortalité de 46% parmi tous les occupants. Par contre, si on considère que les passagers assis au milieu de l’appareil, au niveau de l’emplanture des ailes, le taux de mortalité monte à 84%. La majorité des décès proviennent de cette zone qui a été immédiatement attaquée par les flammes. Près de 22% des occupants eurent des blessures graves, contre 18% qui s’en sortirent avec des blessures légères ou des contusions. Enfin, 14% des occupants, parmi eux les pilotes, étaient indemnes.

Dans le pont supérieur, 12 des 19 occupants trouvent la mort à cause des difficultés d’évacuer à temps. Les enquêteurs font réaliser 7 autopsies sur des victimes prises au hasard. Il fut déterminé que 6 trouvèrent la mort suite à une inhalation de fumées toxiques et 1 décès seulement fut attribué à des causes traumatiques.

L’enquête détermina également que le premier impact eu lieu très tôt durant l’accélération mais passa inaperçu. Au début de la piste, il y avait un engin de chantier. Celui-ci fut pris sous l’appareil qui le traina sur plusieurs dizaines de mètres. Quand il se libéra, il roula brutalement et rebondit sur la piste jusqu’à toucher et endommager la gouverne de profondeur. Les vibrations crées par cet évènement furent probablement confondues avec des celles des rafales de vent. Le premier impact ressenti par les pilotes fut l’arrachement des réacteurs droits par d’autres engins de chantier et barrières en béton.

L’équipage avait au moins 10 éléments visuels ou instruments donc chacun aurait permis de voir que l’appareil se trouvait sur la mauvaise piste.

Atlasjet 4203 – CFIT en Turquie

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Tous les passagers et membres d’équipage d’un avion de la compagnie turque Atlasjet, soit 56 personnes, ont péri dans un crash survenu vendredi dans le Sud-Ouest de la Turquie.

Un hélicoptère de secours qui s’est posé près de l’épave de l’appareil, à proximité d’une colline au nord-ouest de l’aéroport d’Isparta, n’a “trouvé aucun signe de vie”, a affirmé le président de la compagnie. “Il n’y a aucun survivant”, a-t-il ajouté à la télévision turque. Toujours selon le président d’Atlasjet, les conditions climatiques n’avaient rien d’anormal au moment de l’accident et que l’appareil ne connaissait aucun dysfonctionnement technique.

L’avion de ligne, qui avait décollé d’Istanbul, a disparu des écrans de contrôle peu avant son atterrissage à Isparta, ville située à environ 150 kilomètres au nord de la station balnéaire d’Antalya. “Alors que l’avion commençait sa descente, il a demandé la permission d’atterrir et après avoir reçu une réponse positive de la tour de contrôle, le contact a été perdu”, a déclaré le vice-gouverneur. On ne connaît pas pour l’instant les raisons de l’accident.

Informations disponibles (sous réserve)
– Avion : MD-83
– Compagnie : Atlasjet (Atlasjet International Airways A.S)
– Business Model: Low Cost
– Code IATA de la compagnie : KK
– Code OACI de la compagnie : OGE (ou KKK)
– Création de la compagnie : mars 2001
– Nombre d’occupants : 56 (49 passagers + 7 membres d’équipage)
– Bilan actuel : 57
– Lieu de départ : Istanbul
– Destination : Isparta (1035 mètres d’altitude, zone montagneuse)
– Heure du crash : 23:45 GMT – 00:45 heure de Paris
– Lieu du crash : 77 km de l’aéroport / le pilote avait la piste en vue
– Débris : distribués sur une grande surface mais il n’agit pas d’une explosion en vol, mais plutôt d’un impact à grande vitesse.

Cause la plus probable avec les données disponibles (probabilité: 90 %)
– CFIT lors d’une approche de nuit, en zone montagneuse avec un avion à tableau de bord classique. Le brouillard peut avoir été un facteur.
Les premières images montrent un avion relativement peu endommagé. Ceci est cohérent avec le fait qu’il a heurté le flanc de la montagne pendant la descente vers la piste.

Evènements similaires en Turquie
– 8 janvier 2003 : Diyarbakir, ville près de la frontière avec l’Iraq. Un avion de type RJ100 de la compagnie Turkish Airlines s’écrase lors d’une approche avec brouillard. Le bilan était de 71 morts avec 4 survivants.
– Mai 2003 : Trabzon, ville Turque sur la mer noire. Un avion charter militaire s’écrase lors de l’approche. Il transportait des soldats Espagnols de retour de mission depuis l’Afghanistan. Tous les membres d’équipage et les passagers furent tués pour un bilan de 83 morts.
– 29 Décembre 1994 : un 737-400 de Turkish Airlines s’est écrasé lors de l’approche sur l’aéroport de Van en Turquie. C’était la 4ème tentative d’approche. Il eut 56 morts et quelques survivants.
– 16 Janvier 1983 : un 727 de Turkish Airlines s’écrase lors de l’approche sur Ankara. Il eut 54 victimes.

La Turquie est un pays très montagneux mais disposant de moins d’équipements techniques (Radars, ILS… etc) qu’un pays comme la Suisse par exemple. En cas de brouillard ou de météo dégradée, le CFIT est l’accident classique.

Liste non exhaustive des accidents de l’aviation turque :
Les deux accidents les plus importants sont traités sur ce site. L’accident précédent sur Isparta avait fait 154 morts dans la nuit du 19 au 20 septembre 1976. L’appareil s’approchait sur la piste que le pilote avait en vue, c’était la même heure que le vol de Atlasjet, quand il a percuté les montagnes environnantes. Ce CFIT reste jusqu’à nos jours le pire accident survenu en Turquie.

Date

Immatriculation

Type d’avion

Lieu de l’accident
Bilan
08 01 2003
TC-THG
Avro RJ100
Diyarbakir, Turkey
75
22 04 2000
TC-THL
Avro RJ70
Siirt, Turkey
0
07 04 1999
TC-JEP
Boeing 737-400
Adana, Turkey
6
11 01 1998
TC-THF
Avro RJ100
Samsun, Turkey
0
06 02 1996
TC-GEN
Boeing 757-225
189
29 12 1994
TC-JES
Boeing 737-400
Van, Turkey
57
16 01 1983
TC-JBR
Boeing 727-200
Ankara, Turkey
47
23 12 1979
TC-JAT
Fokker F28
Ankara, Turkey
41
19 09 1976
TC-JBH
Boeing 727-200
Isparta, Turkey
155
30 01 1975
TC-JAP
Fokker F28
Istanbul, Turkey
41
03 03 1974
TC-JAV
Douglas DC-10
345
26 01 1974
TC-JAO
Fokker F28
Izmir, Turkey
66
10 05 1973
TC-KOC
Fairchild F27
Istanbul, Turkey
0
20 01 1972
TC-JAC
Douglas DC-9
Adana, Turkey
1
17 02 1970
TC-TEZ
Fokker F27
Samsun, Turkey
0
02 02 1969
TC-SET
Vickers Viscount
Ankara, Turkey
0
20 01 1968
SE-ERC
Douglas DC-7
Munich, Germany
0
03 02 1964
TC-ETI
Douglas DC-3
Ankara, Turkey
3
28 06 1962
TC-EFE
Douglas DC-3
Turkey
0
08 03 1962
TC-KOP
Fairchild F27
Adana, Turkey
11
23 09 1961
TC-TAY
Fokker F27
Ankara, Turkey
28
17 02 1959
TC-SEV
Vickers Viscount
London, UK
14

 

Mise à jour 2014 : on ne saura jamais ce qui a pu se passer dans cet avion. Les enregistreurs de vols ont été retrouvés mais il semblerait qu’ils ne fonctionnaient pas. C’est-à-dire qu’ils n’enregistraient rien. Est-ce une négligence ou un effacement volontaire pour cacher des responsabilités ? Difficile à dire.

USAir vol 1493 et Skywest vol 5569 : Collision à LAX

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Le 1er février 1991, une erreur de contrôle aérien précipite deux avions l’un contre l’autre à l’aéroport international de Los Angeles. La séquence s’est passée tellement vite, qu’aucune barrière de sécurité ne put empêcher le drame.

Le premier acteur est un Boeing 737 de la compagnie USAir. Initialement, il est en approche ILS sur la piste 24R. Il est 18 heures locales, il fait déjà nuit mais la visibilité est bonne. Sur la piste 24L, un contrôleur autorise un avion de type Fairchild Metro III à s’aligner et à attendre pour le décollage. Comme cet avion n’a pas besoin de toute la piste, il entre à peu près à son milieu et applique le frein de parc en attendant les instructions. A bord de ce dernier appareil, il y a 10 passagers et 2 membres d’équipages qui s’apprêtent à prendre l’air pour un vol régional.

Quelques minutes plus tard, un contrôleur demande au 737 en approche de s’orienter vers la piste 24L au lieu de la 24R. Le copilote, quitte l’axe ILS initial et entame une approche à vue sur la piste indiquée. Pendant ce temps, le pilote d’un troisième appareil, encore au sol, quitte la fréquence de la tour de contrôle par erreur. Ceci engendre un moment de flottement et le contrôleur aérien perd de précieuses minutes à chercher à entrer en contact avec cet avion.

Pendant ce temps, le 737 continu son approche en visuel mais les pilotes ne voient pas qu’il y a un avion régional arrêté au milieu de la piste. De nombreux experts ont cherché à expliquer les causes de cet aveuglement temporaire. Arrivant de nuit, les pilotes sont exposés à des millions de lumières venant du sol. Plusieurs dizaines de milliers de ces points couvrent la superficie de l’aéroport. Une demi-douzaine sont les feux réglementaires du Metro III arrêté au milieu de la piste attendant son autorisation de décoller.

A 18:05, l’instruction mortelle tombe à la radio :
– US Air fourteen ninety three cleared to land runway two four left

L’équipage la confirme comme le veut la procédure. Ce fut sa dernière transmission. Le copilote réalise l’atterrissage. Il touche le bitume environ 500 mètres après le début de la piste puis, très progressivement, il laisse descendre le nez de l’appareil. Il commence à tirer sur les manettes pour ouvrir les inverseurs de poussée. Il baisse les yeux pour vérifier ses indicateurs et quand il les relève, il voit un avion qui emplit tout son hublot. Les phares d’atterrissage du 737 se reflètent sur les hélices du Metroliner. Une demi-seconde plus tard, c’est l’impact !

Les avions se transforment en boule de feu qui continue à glisser sur plusieurs centaines de mètres et finit contre un bâtiment inoccupé.

Les pilotes et passagers du Metroliner, 12 personnes en tout, sont tués sur le coup. Leur appareil est écrasé sous le Boeing. A son tour, ce dernier est fortement endommagé et une très forte fumée envahi l’espace habitable. Quatre issues de secours sont dégagées et les personnes valides prennent la fuite. Une hôtesse de l’air et 19 passagers sont incapacités par la fumée et ne pourront pas fuir. Un passager réussit à sortir, mais décèdera plus tard par la suite de ses blessures. Enfin, le commandant de bord est tué lors de l’impact contre le bâtiment tout en fin de course.

Les pompiers arrivent en moins d’une minute. Il leur faudra une autre minute pour éteindre le plus gros de l’incendie grâce à des canons surpuissants. D’autres foyers continuent de brûler dans des zones difficilement accessibles. Le copilote saute par un hublot et il est pris immédiatement en charge. Un secouriste réussit à s’introduire dans le cockpit juste pour constater que le commandant de bord est sans vie et impossible à dégager. Dans le doute, il fait quand même venir une ligne à mousse pour protéger la zone des flammes qui avancent. Un autre pompier fait rentrer une ligne de Halon 1301 dont près de 600 livres sont déchargées dans la cabine sans aucun effet sur le feu qui finit par crever le toit de l’avion.

A un moment donné, un secouriste découvre une hélice tordue et incrustée dans le réacteur du 737. C’est seulement à cet instant que les équipes sur place comprennent qu’un second avion est impliqué dans l’accident. C’est la tour de contrôle qui les informera qu’il manque un Metroliner à l’appel. Ce n’est que bien plus tard dans la soirée que ses débris furent retrouvés non seulement sous le Boeing, mais aussi éparpillés sur toute la trajectoire depuis l’impact.

Accident-au-Sol-LAX

Comportement des passagers
Le nombre important de survivants dans le 737 permit d’établir un certain nombre de points intéressants sur le comportement des passagers. Lors du premier impact contre le Metroliner, le choc, le bruit et flash orange ont crée une forte impression en cabine. A cet instant, quelques passagers débouclent leurs ceintures de sécurité. Au second impact, quand l’appareil vient s’immobiliser brutalement contre un ancien bâtiment de pompiers, ces personnes sont projetées vers l’avant, c’est-à-dire, vers une zone où le taux de survie a été des plus faibles. On constate régulièrement ce réflexe néfaste qui consiste à détacher sa ceinture de sécurité à la moindre manifestation de danger. Dans un avion de ligne, il y a toujours un certain nombre de personnes pas rassurées et qui sont tout le temps à deux doigts de se lancer dans un réflexe de fuite, même quand celui-ci n’est pas approprié.

A l’autre extrême, une personne au moins est partie dans un réflexe de « gel » ou de prostration. En cas ce choc intense, il peut arriver que des gens se mettent dans une situation de refus total de la réalité et bloquent sur place pendant quelques secondes ou quelques minutes. Ceci peut faire la différence entre la vie et la mort pour elles, mais également pour les autres. Dans un des cas, une personne prostrée se trouvait assise devant une issue de secours. Elle refusa d’ouvrir cette issue, ni de bouger pour permettre aux autres d’y accéder. Il a fallu qu’un passager assis derrière elle ouvre l’issue et la bouscule dehors à coups de pieds. Il lui sauva la vie ainsi qu’aux personnes qui purent suivre cette voie.

D’autres passagers déclenchèrent une violente bagarre au sujet d’une issue qui fut finalement ouverte après que de précieuses secondes soient perdues.

Un autre groupe eut le salut grâce à un jeune homme de 17 ans. Ce dernier avait discuté des procédures de secours avec une hôtesse de l’air qui lui expliqua dans le détail comment ouvrir une issue de secours en cas d’accident. Au sol, dès que l’avion s’immobilisa, il appliqua ses nouvelles connaissances et sans la moindre hésitation il créa une voie vers le salut pour lui et pour les gens assis dans son voisinage.

Encore une fois, l’attention aux consignes de sécurité et l’intérêt porté à l’environnement font toute la différence quand une évacuation d’urgence devient nécessaire. Dans ces cas, il y a, en moyenne, 60 à 90 secondes pour fuir ou pour rester.

 

Plan de cabine et victimes de crash
Ce plan de cabine du Boeing 737 montre la distribution des victimes en fonction de l’endroit où elles étaient assises.

Incident sur un Airbus A330 en cours d’essais

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Un incident vient de survenir sur un Airbus A330 lors d’un vol d’essais à Toulouse. En plus des 2 pilotes, 8 autres personnes se trouvaient dans l’appareil.


Six personnes ont été hospitalisées mercredi, deux personnes resteront mercredi soir “en observation” à l’hôpital. En cause ? Un problème de dépressurisation survenu lors du vol d’essai d’un Airbus A330. L’appareil était destiné à la compagnie Air Mauritius.

En tout, dix personnes se trouvaient à bord de l’appareil ; les six blessés ont été dirigés vers l’hôpital de Purpan (ouest de Toulouse), ont indiqué les pompiers en précisant qu’ils souffraient de tassement de vertèbres et de problèmes aux tympans. D’après Airbus, deux personnes souffrent de traumatismes divers et quatre autres font l’objet de “vérifications”.

“Le pilote de l’appareil a appliqué les procédures”

Du côté de l’avionneur, on explique que “le pilote de l’appareil a appliqué les procédures en effectuant une descente rapide”, lorsqu’il a constaté la dépressurisation. “Les personnes à bord qui, lors d’essais, sont debout ou déambulent dans l’avion ont alors été victimes de chutes”. L’appareil a alors effectué un atterrissage normal dans l’aire réservée à l’avionneur sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac.

Article TF1.FR

 

Les accidents de ce type, ne sont pas des problèmes de transport aérien, mais des problèmes industriels avant tout. Le vol n’avait pas pour vocation de transporter des passagers.

Lors d’une dépressurisation, les procédures citées dans l’article de presse consistent surtout en une descente d’urgence. Les personnes non attachées peuvent être blessées en tombant ou en étant projetées contre les parois de l’appareil. Une personne non attachée peut également se transformer en objet volant qui peut blesser des personnes attachées ou non. Si la dépressurisation survient à haute altitude, les occupants sont rapidement incapacitées et sont incapables de revenir vers un siège et boucler une ceinture de sécurité.

Pour cette raison, mais aussi à cause des turbulences imprévues (CAT), les compagnies recommandent toujours aux passagers de garder leur ceinture de sécurité bouclées pendant tout le vol.

Les personnes sont eu des blessures liées à des traumatismes (tassements de vertèbres), mais également des problèmes aux tympans. Ceci prouve que le descente d’urgence à été menée avec une certaine… détermination.

Ce soir, deux personnes sur les 6 restent en observation à l’hôpital. Elles ont été “inconscientes pendant un bon moment” d’après le magasine Forbes qui cite Airbus. Même la chaine australienne ABC en parle. C’est rare qu’un problème de dépressurisation lors d’un vol technique fasse autant de bruit.

L’image et les parallèles ?
Il y a quelques jours, un accident lors d’essais au sol a provoqué trois blessés graves et beaucoup de dégâts chez Airbus Toulouse. Ceci montre à quel point le métier de ces hommes est parfois difficile et dangereux. L’arrivée de ces deux incidents la même semaine, surtout à un moment où l’actualité est un peu creuse, risque de faire un peu de désordre dans les médias traditionnels. Aux USA, ce genre de déboires peut être utilisé par les concurrents du constructeur européen afin de présenter celui-ci sous un angle sous optimal. Quand on ose mettre en ligne un avion comme le A380, on doit pouvoir s’assurer que les employés mettent leur ceinture de sécurité pendant les vols d’essai. Le ressentiment du public augmente de manière exponentielle avec le nombre d’incidents.

Dans certains cas, les incidents peuvent laisser une image encore plus néfaste que les accidents. Parce que lorsqu’il y a des morts, on compatit et on se dit que ça peut arriver à tout le monde. Par contre, les incidents avec panique, sapeurs-pompiers et bobos partout, font mauvaise façon. En tous les cas, à la place d’Airbus, je ferais inspecter jusqu’aux machines à café. Le prochain employé qui se brule avec ça, aura son image qui fera le tour du monde.

Lire encore :
– Document technique Airbus sur la pressurisation du A330. (PDF / Anglais / 63 pages)
– Accident A340 Toulouse
– PAX/PNT blessés lors d’une descente incontrôlée sur Boeing 747
– Crash lors d’un vol d’essai.
– Article Wikipedia sur l’Airbus A330 (lien externe).

Air China vol 129 – CFIT annoncé lors d’un circle-to-land

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Cet accident montre le caractère quasi-caricatural de ce que peut être la crainte du commandant de bord. Fait aggravant, dans la société chinoise, les distances hiérarchiques sont très grandes. Il est impensable qu’une personne remette son supérieur à sa place quand même des raisons impérieuses l’imposeraient. Ce système présente de grands risques de divergence dès que la situation du vol devient critique et exige des réactions fermes et rapides.

Le circle-to-land est l’une des manœuvres les plus dangereuses et les plus difficiles à faire avec un avion. En effet, sur de nombreux aéroports, même importants, pas toutes les pistes ne sont équipées de systèmes d’approche de précision comme l’ILS. Les avions devant toujours atterrir face au vent, il arrive souvent qu’ils soient obligés de se poser sur une piste non équipée d’ILS en utilisant l’ILS d’une autre piste pour faire leur percée sous les nuages.

En pratique, les pilotes commencent l’approche en utilisant l’ILS d’une piste sur laquelle ils n’ont pas l’intention d’atterrir. Une fois qu’ils sortent des nuages, ils réalisent des manœuvres pour récupérer visuellement l’axe de la piste en service. Typiquement, il s’agit de se poser sur la direction réciproque de l’approche initiale. Même si l’approche est dite « aux instruments », elle reste hautement visuelle. Les pilotes doivent garder la piste en vue, la dépasser pour faire demi-tour et revenir atterrir. Par définition, ceci se passe à faible altitude et, la plupart du temps, par une météo marginale.

Le maintien du visuel sur la piste est très important. Au moindre souci, il est obligatoire de faire une remise de gaz. Selon, les terrains, il y a des contraintes qui obligent l’avion de rester dans un certain périmètre et d’éviter de survoler certains endroits. Rien d’étonnant dans ces circonstances que les approches de ce type soient 25 fois plus dangereuses que les approches directes selon les statistiques de l’OACI. Les opérateurs devraient faire leur maximum pour promouvoir des approches directes là où c’est possible.

A l’aéroport de Busan, en Corée du Sud, il y a deux pistes parallèles distantes de 250 mètres et orientées Nord-Sud. Habituellement, les avions arrivent au-dessus de la mer et bénéficient d’un ILS pour se poser en direction 36. Le vol Air China 129 de ce 15 avril 2002 arrive de Pékin en fin de matinée et commence son approche alors qu’un orage et des vents forts balayent le terrain.

Une approche directe est initiée sur la 36L en première intention. Alors qu’ils y sont presque, les pilotes perdent le visuel sur la piste et doivent remettre les gaz. Comme aucun briefingn’avait été réalisé, ils se retrouvent pris de court et doivent rapidement envisager une solution. Dans de telles situations, il faut remonter dans l’axe, faire demi-tour et revenir vers le point initial de l’approche (IAF). Le guidage radar, quand il est disponible, permet de faire cette manœuvre sans trop de soucis. Néanmoins, pour leur faire gagner du temps, le contrôleur suggère à l’équipage d’Air China de maintenir 700 pieds sol et de faire un virage à 180 degrés pour revenir atterrir dans la direction réciproque, en 18R. Il s’agit donc de réaliser une manœuvre de type circle-to-land.

Le commandant de bord prend les commandes en manuel et remonte vers le Nord en laissant la piste derrière. Puis, il prend un cap d’écartement vers la gauche tandis que l’avion est préparé pour l’atterrissage.

La géographie de l’endroit est particulière. La ville et l’aéroport sont construits sur le delta du fleuve Nakdong, le plus long du pays. Cette région plate se trouvant au niveau de la mer est entourée de montagnes et de collines qui couvrent toute la Corée.

Le commandant de bord commence son virage à droite. Comme il est assis à gauche, l’inclinaison l’empêche de voir où l’avion se dirige. Le copilote voit une colline arriver sur la droite et comprend que l’avion ne terminera pas son virage. Il y a assez de temps pour réagir, mais il faut ménager le commandant. Cette attitude n’est inusuelle, ni ahurissante. Dans de nombreux pays, c’est la règle. Même si le commandant est entrain de faire une erreur très grave il faut savoir la lui présenter. C’est pareil dans de nombreux corps de métiers. En Chirurgie, un interne ne corrigera jamais un professeur même si le malade doit y passer. Chaque personne peut faire le parallèle avec son propre corps de métier ou son entreprise. Ces situations sont courantes.

 

Trajectoire du 767 de Air China
Cheminement de l’Air China 129 une fois abandonné
L’atterrissage en piste 36L
 

 

La colline boisée s’approche de plus en plus alors que le copilote la signale timidement. Plusieurs fois de suite, la vue sur la piste est perdue à cause des nuages qui descendent jusqu’à 500 pieds sol. Cinq secondes avant l’impact, alors qu’il est sensé prendre d’autorité les commandes pour sauver l’avion, le copilote signale encore une fois que l’avion va vers un obstacle. Le commandant de bord ne réagit pas et c’est le crash.

L’avion percute une colline se trouvant dans l’axe de la piste. Il y a 128 morts y compris le copilote. Se trouvant du coté opposé à l’impact, le commandant de bord, Wu Xinlu, survivra avec des blessures légères. Les secouristes trouvent également 38 passagers blessés à des degrés divers mais dont la vie n’est pas menacée.

Il s’avère également que le contrôleur aérien avait autorisé l’appareil à descendre trop bas. D’habitude, les appareils de la taille du Boeing 767 Extended Range descendaient à 1’100 pieds pour faire le circle-to-land. Cependant, à la tour de contrôle, ils pensaient avoir affaire à un Boeing 737. Cet appareil est plus léger et a un rayon de virage nettement plus petit que le 767. De plus, les pilotes étaient tenus de rester en vol à vue durant toute la manœuvre à faible altitude. Or, plusieurs fois l’avion s’est retrouvé dans les nuages à 700 pieds sol sans que son équipage ne songe à remettre les gaz et à faire un déroutement sur un aéroport alternatif. Mais cette décision, il est vrai, n’est pas facile à prendre.

 

Lieu du crash
L’avion n’a jamais terminé son virage vers la piste. Assis à gauche, mais virant à droite, le commandant de bord ne voyait pas la colline arriver dans son angle le mort.

FedEx vol 1478 – CFIT pour un pilote daltonien

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Lors d’une approche de nuit au-dessus d’une zone sombre, il est très facile de passer sous le plan de descente en cas de confiance excessive en des repères purement visuels. C’est cette expérience qu’on fait des pilotes d’un Boeing 727-200F de FedEx le 26 juillet 2002.

L’avion avait décollé de Memphis, Tennessee, le cœur de FedEx, peu après 4 heures du matin. Ce sont les horaires habituels des compagnies de transport de fret. Alors qu’il devait arriver à 6 heures du matin, l’avion bénéficia de vents et d’altitudes favorables et fut à la verticale de Tallahassee, sa destination, à 05:30 déjà. Même si la tour de contrôle était encore fermée, les pilotes décidèrent d’atterrir. Leur démarche est normale, mais l’absence de contrôle aérien est toujours un facteur de risque dans les CFIT.

Dans un premier temps, il est question d’atterrir sur la piste en direction 27 qui dispose d’un ILS. Cependant, la direction 09 est plus pratique parce qu’elle permet une approche directe. Comme le vent est nul, les pilotes choisissent cette dernière piste qui est équipée d’un Precision Approach Path Indicator ou PAPI. Il s’agit d’un set de lumières installées sur le côté de la piste et qui sont visibles de manière différente selon la situation de l’avion sur le plan de descente. Si le pilote voit des lumières blanches et rouges en nombre égal, c’est qu’il est dans le plan de descente. S’il est au-dessus, les lumières blanches deviennent de plus en plus nombreuses. En cas de passage sous le plan, les lumières passent au rouge symbolisant le danger de la trajectoire.

 

Lumières PAPI en approche
Le pilote voit 2 feux blancs et 2 rouges quand il est bien dans le plan de descente. Le pilote daltonien avait 4 rouges pendant une minute mais ne pouvait pas les voir.
 

 

C’est le copilote qui est aux commandes. En plus d’avoir mal dormi les nuits précédentes, il est fâché avec le rouge. En ef-fet, il est complètement daltonien, mais a toujours réussi à cacher cela lors des examens médicaux. En effet, de nombreux tests utilisés par les ophtalmologues sont faciles à tromper par une personne qui en connaît le fonctionnement. Le NTSB recommanda même à la FAA de ne plus agréer certaines techniques d’examen trop peu fiables.

L’approche commence normalement, puis le train d’atterrissage est sorti et les volets déployés à 30 degrés. Le mécanicien de bord, ainsi que le commandant ne rêvent que d’un bon lit et de ce qu’ils voient, tout leur semble normal. Soudain, le Boeing 727 se prend dans les arbres et c’est le crash. C’est arrivé d’une seconde à l’autre, sans le moindre avertissement !

L’avion trace une longue saignée dans la forêt puis tombe dans un champ et continue de glisser en tournoyant. Dès que ça s’arrête, les membres d’équipage fuient par le hublot du commandant de bord alors que l’appareil se transforme en boule de feu. Quand, les pompiers arrivent, ils trouvent les trois hommes assis dans un champ. L’intervention sur l’avion est délicate parce que celui-ci transportait des batteries, des fusées explosives ainsi que des produits radioactifs médicaux. Heureusement, il s’agissait d’un vol de transport de fret.

Lors de la reconstruction du vol d’après les éléments contenus dans les enregistreurs, il fut établi que pendant la dernière minute de vol, les 4 lumières du PAPI étaient rouges. De par son handicap, le copilote perçoit leur luminosité, mais ne peut pas savoir si elles sont toutes rouges ou toutes blanches.

Jusqu’à nos jours, le CFIT reste la plus grande menace pour la sécurité aérienne. Ses causes sont trop nombreuses, ce problème ne peut être résolu que par une approche globale.

Lire encore :
– Article Wikipedia sur le daltonisme

Accident Airbus A340 à Toulouse – 3 blessés graves

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Un Airbus A340 600 neuf effectuant des essais moteur au sol avec 9 personnes à bord a, pour des raisons encore indéterminées, percuté un parapet anti-bruit jeudi après-midi sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac, faisant dix blessés, dont trois grave. L’un des blessés graves se trouvait au sol au moment de l’accident qui s’est produit sur une aire de point fixe dite Bikini à Saint-Martin-du-Touch, à l’ouest de Toulouse, selon un porte-parole d’Airbus. Le pronostic vital des trois blessés graves n’est toutefois pas engagé. Sur les dix personnes blessées, quatre ont dû être hospitalisées. Les six autres ont été soignées sur place.

Selon Fabrice Brégier, directeur général d’Airbus, l’accident s’est produit “lors d’un procédure classique d’essai que l’on fait sur tous [les] avions”. Lors de ce type d’essais, a expliqué pour sa part le responsable de la communication d’Airbus France, Jacques Rocca, l’appareil est immobilisé pour faire monter les moteurs en puissance. “Pour une raison indéterminée l’appareil s’est mis à rouler et il est monté sur une digue face à lui”, a-t-il dit. Une enquête a été ouverte. “Le problème technique va être expertisé. On va trouver la solution et remédier au problème”, a indiqué Fabrice Brégier, ajoutant que la société allait “regarder s’il faut freiner les livraisons”.

80 pompiers mobilisés
Dans un communiqué, Airbus avait tout d’abord fait état de cinq blessés parmi les 9 personnes se trouvant à bord de l’appareil, “deux légèrement et trois plus fortement”. Selon Airbus, “neuf personnes se trouvaient à bord de l’appareil afin d’y effectuer les mesures habituellement prévues”. Lors de l’accident qui a mobilisé 80 pompiers de l’aéroport, le nez de l’appareil a violemment heurté le parapet tandis que la queue de l’avion touchait le tarmac. L’accident s’est produit sur la partie de l’aéroport réservée à Airbus.

L’appareil effectuait des essais moteur avant sa livraison – dans les huit jours – à la compagnie émiratie Etihad Airways. L’accident a provoqué une interruption de trafic de plus d’une heure sur l’aéroport de Toulouse-Blagnac en raison de la mobilisation des pompiers sur les lieux de l’accident.

 

FIN DÉPÊCHE AFP
 


 

Cas similaire
C’est arrivé le 23 aout 2001 à l’aéroport de Kuala Lumpur International (Malaisie). Un technicien décide de faire circuler le 747-368 de la Saudi Arabian Airlines pour l’amener vers le terminal où les passagers doivent être embarqués. Le technicien n’avait ni le droit ni la formation pour réaliser une telle manoeuvre. Il mit en route les réacteurs 2 et 3 et oublia de brancher les pompes mettant sous pression les circuits hydrauliques. L’avion immatriculé HZ-AIO prit un peu de vitesse et c’est seulement à ce moment que le technicien constata qu’il n’avait ni contrôle directionnel, ni pression de freinage. L’appareil traversa un taxiway, un terre-plein et finit dans le fossé. Personne ne fut blessé, mais l’avion fut détruit au delà de toute réparation. Personne ne fut blessé parmi les 6 occupants.

 

Sortie de piste Boeing 747 Saudian
Le fossé a empêché l’avion de faire une incrusion sur une piste !
 

 

 

Sortie de piste Boeing 747 Saudian
L’avion n’est pas réparable, mais beaucoup de pièces ainsi que les moteurs peuvent être récupérés.
 

Proteus Airlines vol PRB706 – Collision dans le ciel Francais

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Le 30 juillet 1998, en plein journée ensoleillée, le ciel Français connait un ses plus graves abordages aériens.

Le premier appareil est un Beechcraft 1900D qui décolle de Lyon et met le cap vers le nord ouest avec Lorient comme destination. A son bord, il y a 14 occupants dont les deux pilotes. Le vol se déroule normalement jusqu’à au moment de la descente sur l’aéroport de Lann Bihoué où l’équipage prend une décision qualifiée d’inhabituelle par le BEA. En effet, le commandant de bord contacte le contrôleur aérien pour annu-ler le plan de vol IFR. Le reste du parcours sera fait à vue dans un espace non contrôlé afin d’aller voir un navire amarré au port.

A l’époque, le paquebot Norway, anciennement France avait jeté l’ancre au Morbihan. Ce bateau est une véritable institution dans l’Hexagone. Lancé à marré haute en 11 mai 1960, il avait été le fleuron de la flotte de ce pays. Ayant comme marraine Yvonne de Gaulle, épouse du président en exercice, il réalisait des croisières transatlantiques et de somptueux voyages autour du monde. Il était à la France ce que le Titanic aurait été aux Royaume Uni s’il n’avait pas sombré. Cependant, les Britanniques n’auraient jamais bradé le Titanic s’il n’avait pas connu le sort qui est le sien. La mutinerie, qui dura plus de trois semaines en été 1974, donne une juste idée de l’attachement des Français à ce paquebot qui fut vendu à leur corps défendant. Son nouvel armateur le rebaptisa Norway et il quitta le port du Havre sans que les abeilles ne répondent à ses trois coups de sirène traditionnels.

Depuis, chaque retour de ce navire en France ouvre d’anciennes blessures et provoque immanquablement des manifestations de nostalgie. C’est dans ce contexte que les pilotes du vol Proteus 706 descendent jusqu’à 2’000 pieds et font un 360 à la verticale du port. Eux, comme leurs passagers n’ont d’yeux que pour le majestueux navire qu’ils continuent à désigner par son ancien nom.

Pendant ce temps, arrive le second acteur de ce drame. Un monomoteur Cessna 177RG arrive depuis Vannes à l’issue d’un vol de 60 kilomètres. Il entame une descente depuis 3’000 pieds vers 1’500 pieds. L’espace aérien étant incontrôlé, c’est la fameuse règle voir et éviter qui s’applique. De plus, comme cet appareil n’a pas de transpondeur branché, ni de code assigné, le contrôleur aérien ne le voit pas sur son radar secondaire.

Dans le monomoteur, il y a un seul pilote. C’est un homme de 70 ans mais avec une expérience de plus de 15’000 heures de vol en tant qu’ancien commandant de bord chez Air Inter. Il descend tranquillement sans se rendre compte qu’il va droit sur le Beech 1900D qui finit son virage. Afin de mettre toutes les chances de leur coté, les pilotes de ce dernier allument les phares d’atterrissage, mais les feux à éclats ne sont pas utilisés alors que c’est eux qui assurent le maximum de visibilité. Le copilote tient le manche alors que le commandant de bord fait du chouffe dehors pour reprendre ses propres termes.
– Il a l’air balaise le truc ! lance-t-il admiratif

Néanmoins, comme l’avion vire à gauche, le champ visuel du commandant est très réduit. Il peut voir la mer, le port, le « France », mais pas le Cessna arrivant de la droite. Le pilote du Cessna a le soleil en face et la visibilité fortement limitée par le tableau de bord et le montant de la porte.

Au premier instant de l’impact, c’est l’hélice du monomoteur qui aborde l’aile de l’avion de ligne par le haut. Une fraction de seconde plus tard, comme le Beechcraft a défilé vers la droite, le Cessna le percute au niveau du 7ème hublot le coupant littéralement en deux.

Les avions endommagés tombent vers la mer provoquant la mort instantanée de tous leurs occupants.

 

Proteus vol PRB706
L’avion de ligne défile de gauche à droite par rapport au monomoteur qui arrive dessus. Ceci justifie l’angle d’impact.
 

 

Comportement
Les pilotes étaient dans l’esprit de leur compagnie qui, par sa petite taille, se voulait proche des ses clients. Les initiatives commerciales étaient encouragées. Quand un passager signale à l’équipage la présence du Norway, ceux-ci n’hésitent pas à aller y faire un tour. Les pilotes vivent le vol comme une promenade entre copains. En plus de la fréquence de la tour de contrôle, la radio est branchée sur des stations musicales qui diffusent dans le cockpit. Pendant la descente, le copilote exprime sa satisfaction :
– Putain on te fait un aspect commercial du tip top quoi !

Le commandant de bord se laisse aussi emporter par la situation :
– Oh putain superbe regarde !
– Hallucinant !

Le passager ayant suggéré le détour se tient dans l’encadrement de la porte et discute avec les pilotes. Au moment où ces derniers annulent leur plan IFR, ils rentrent dans une zone relativement inconnue. En effet, moins de 1% du temps de vol commercial est réalisé selon les règles VFR. Les pilotes de ligne ont peu d’expérience de ce régime et les performances de leurs avions en général ne s’y prêtent guère.

Malgré tout, les réflexes sont bons et les taches correctement partagées. Le copilote se concentre sur la conduite de l’avion et le commandant le seconde et observe le trafic à l’extérieur. Plusieurs fois il signale des avions volant plus bas. Par contre, vers l’extérieur du virage, son champ de vision est limité. Ceci ne le gêne pas outre mesure, depuis le cockpit d’un avion de ligne, le champ de vision est toujours restreint dans une direction ou une autre.

Le TCAS
Quand il avait été importé des USA, le Beech 1900D était équipé d’un TCAS I en accordance avec les exigences de la FAA. Cependant, en vue de son immatriculation en France, l’avion a été débarrassé de cet appareil non homologué en Europe. Le TCAS I avertit seulement de la présence d’un au-tre avion à condition que celui-ci soit muni d’un transpondeur avec alticodeur. Il ne donne pas des informations d’évitement, celles-ci doivent être demandées au contrôleur aérien ou dé-terminées visuellement si possible. Le Cessna 177RG était équipé d’un transpondeur mais qui était resté éteint durant tout le vol.

Actuellement, le Norway, anciennement France, est échoué sur la plage d’Alang en Inde attendant les centaines d’ouvriers qui, travaillant comme des fourmis, le transformeront en métal recyclable.

Conclusion
Jusqu’à nos jours, le problème des abordages reste entier. Le 29 septembre 2006, un Boeing 737-800 appartenant à la compagnie GOL entre en collision avec un jet privé sortant d’usine, un Embraer Legacy. Les deux appareils étaient neufs et équipés de systèmes de dernière génération. Ce drame fit 154 victimes après l’écrasement du Boeing dans la jungle brésilienne. L’affaire est encore en cours d’investigation.

La collision d’Ueberlingen

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Dans la soirée du dimanche 1er juillet 2002, la mauvaise intégration du TCAS viendra provoquer un grave accident au-dessus de l’Allemagne. Descendant du nord, un Tupolev 154M réalise un vol Moscou – Barcelone au niveau 360. Il transporte 69 personnes dont 52 enfants venant d’une zone défavorisée de l’Oural et dont le voyage est offert par l’Unesco. Remontant depuis l’Italie et arrivant sur une route convergente, un 757 Cargo de DHL, volait vers Bruxelles. Cet appareil volait également au niveau 360.

Même s’ils étaient au-dessus de l’Allemagne, les deux appareils étaient sous la responsabilité du contrôle régional de Zürich opéré par la société privée Skyguide. Sur le moment, et à cause de la faiblesse du trafic, un seul contrôleur s’occupe de deux postes de travail. D’une part, il prend en charge le trafic de l’ACC de Zürich sur la fréquence 128.050 Mhz. De plus, il répond aussi sur la fréquence 119.920 Mhz quand des avions sont en approche sur Friedrichshafen. Pour passer d’une responsabilité à l’autre, il pose son casque et pousse son siège à roulettes. Par moments, les pilotes doivent appeler plusieurs fois pour recevoir une réponse. Cet état de choses durait depuis de nombreuses années sous le regard tolérant des responsables de la compagnie de contrôle aérien.

En plus de la radio qui lui permet d’être en contact avec les avions, le contrôleur est en relation avec ses homologues des autres services et aéroports par un système téléphonique redondant. Le SWI-02 est constitué de deux lignes téléphoniques dédiées pouvant être utilisées en même temps ou séparément. Un simple téléphone relié au réseau public sert de secours. Le soir du drame, le système SWI-02 est arrêté pour maintenance. Seule la ligne normale reste disponible. Cependant, à l’heure de l’accident, toutes les lignes avaient été remises en service mais le contrôleur n’en n’avait pas été averti. De la sorte, lorsqu’il cherche à entrer en contact avec les services ATS de Friedrichshafen, il va utiliser la ligne de secours. Laquelle ligne, connait effectivement une panne ce soir là ! Ainsi, le contrôleur perd un temps précieux à essayer de faire passer un appel. Il s’y prend par sept fois mais sans succès. Pendant ce temps, son interlocuteur cherche à l’atteindre sur les lignes permanentes mais personne ne décroche. De précieuses minutes sont perdues pendant lesquelles la situation catastrophique se met progressivement en place.

DHL – Boeing 757-200
Les pilotes ont commencé leur journée peu avant midi au royaume du Bahreïn dans le Golf Persique. Après une escale à Bergamo en Italie, ils ne sont pas mécontents d’arriver vers minuit à Bruxelles où ils pourront passer la nuit. Après concertation avec le commandant de bord, le copilote quitte sa place pour aller aux toilettes. Douze secondes plus tard, une alarme TCAS retentit dans le cockpit : « Traffic ! Traffic ! ».

Dès qu’il détecte le conflit possible, le TCAS annonce sa première alarme : Taffic ! Traffic ! C’est seulement après négociation avec l’autre appareil qu’une solution d’évitement est élaborée et un ordre de montée ou de descente donné aux pilotes de manière concertée.

A 23:34:56, soit 14 secondes après la première alarme, une solution d’évitement tombe : « Descend ! Descend ! ». Sur le variomètre, un arc vert indique le taux de descente à adopter. L’idée étant de provoquer une réaction mesurée et sans excès de la part des équipages. A 23:35:10, le taux de chute du Boeing 757 est de 1’500 pieds par minute quand l’alarme du TCAS devient encore plus pressante : « Increase descent ! Increase descent ! ». Le pilote pousse encore sur le manche alors que le copilote arrive en précipitamment. En un regard, il comprend la situation et conseille au commandant de piquer de manière encore plus agressive. Ce dernier pousse sur le manche jusqu’en butée. Deux secondes plus tard, c’est l’impact. Il est 23:35:32.

 

Indicateur TCAS
Les informations TCAS sont affichées sur le variomètre.
 

 

Bashkirian Airlines – Tu 154M
Dans le cockpit de l’avion russe, il y a 5 membres d’équipage dont un instructeur présent exceptionnellement ce jour là. Le vol charter a quitté Moscou en fin de journée et s’attend à atteindre Barcelone dans la nuit du 2. La météo est estivale mais la nuit est très noire avec une lune qui ne s’est pas encore levée. Alors qu’il survole l’Autriche au niveau 360, l’équipage est autorisé à faire un direct sur Trasadingen. Cette petite commune Suisse de 500 habitants est connue par tous les pilotes qui survolent l’Europe à cause de sa balise VOR-DME haute altitude TRA 114.30 Mhz.

A 23:33:00, les pilotes commencent à discuter d’un trafic arrivant depuis la gauche. Il reste plus de deux minutes et demie avant l’impact. Une manœuvre d’évitement est largement réalisable. L’inquiétude grandit au fur et à mesure que fond la distance entre les deux appareils. Les Russes sont sûrs que quelque chose de pas normal est entrain de se passer, mais attendent d’en avoir la certitude absolue pour aviser.

A 23:34:42, soit au même instant que dans le cockpit du 757, la voix synthétique du TCAS annonce : « Traffic ! Traffic ! ». Il reste 50 secondes avant l’impact ; rien n’est encore joué. Sept secondes après l’alarme, le contrôleur ACC de Zürich demande aux pilotes de descendre rapidement vers le niveau 350. Le pilote réduit les gaz et pousse sur le manche. Au même moment, le TCAS annonce « Climb ! Climb ! ». Seul le copilote relève l’anomalie :
– Le TCAS dit de monter !
– Le contrôleur nous guide vers le bas, répond le commandant

La tension est à son comble. Les 5 membres d’équipage de conduite savent qu’un avion arrivent sur eux par la gauche, mais où est-il exactement ? Le Tupolev est en pleine descente alors que le TCAS continue de lancer : « Climb ! Climb ! ». C’en est trop pour le pilote aux commandes qui tire sur le manche tout en augmentant la puissance des moteurs. La descente cesse quand le contrôleur revient une seconde fois sur la fréquence :
– Descendez rapidement vers le niveau 350 !

Cette fois, le Tupolev replonge pour de bon. En quelques secondes, la vitesse verticale passe à -2’000 pieds par minute. Sachant que le 757 vient par la gauche, le commandant de bord braque à droite tout en continuant à pousser sur le manche. En même temps, le TCAS annonce « increase climb ! ». Seul le copilote réagit en demandant au commandant de remonter. Il n’en fera rien, mais il est déjà trop tard.

Cinq secondes avant l’impact, les pilotes sont en visuel les uns sur les autres. Le Russe comprend son erreur et tire brutalement sur le manche. En même temps, le commandant du DHL pousse complètement sur le sien en une manœuvre désespérée.

 

Ueberlingen - Collision
Le cercle représente le pourtour de la cabine du Tupolev.
 

 

A 23:35:32, les deux avions se percutent. La dérive verticale du DHL sectionne la cabine du Tupolev avant de se détacher elle-même ainsi que l’empennage. L’altitude est de 34’890 pieds. Les appareils étaient à 36’000 pieds au moment de l’alerte.

Après l’impact, le 757 part en vol incontrôlé et perd rapidement ses deux réacteurs. Les pilotes continuent de lutter pendant près de deux minutes que dure la chute mais l’avion part en piqué à plus de 70 degrés et termine dans un champ où il s’enterre à moitié.

Le Tupolev est coupé en deux et 40 passagers projetés dans le vide. L’avant et l’arrière tombent en se disloquant progressivement. Au sol, les débris sont retrouvés sur une superficie de 350 km2. Une aile termine dans un jardin privé. L’empennage est retrouvé sur un chemin de campagne. La police doit boucler toute la région pour procéder aux recherches et constatations.

Dans un premier temps, la société Skyguide accuse le pilote russe de ne pas avoir suivi les recommandations du contrôleur et d’avoir tardé à commencer la descente. La faute reste sur le pilote le temps que le BFU allemand termine son enquête et révèle au grand jour les disfonctionnement de cette entreprise.

Le contrôleur présent ce soir là arrêta toute activité professionnelle. Un an et demi après l’accident, il fut mortellement poignardé par un Russe ayant perdu sa femme et son enfant. La vengeance contre ce contrôleur était totalement inutile dans le cadre d’un accident impliquant tout un système de responsabilités. L’employé de Skyguide n’était pas plus responsable que la personne qui a imprimé ceci dans le Manuel des Opérations du Tupolev 154 : « Pour éviter les abordages en vol, la surveillance visuelle de l’espace aérien et l’exécution correcte de toutes les instructions du contrôle aérien doivent être considérés comme les outils les plus importants. Le TCAS est un instrument supplémentaire qui assure la détermination à temps du trafic arrivant, la classification du risque et, si nécessaire, un conseil pour une manœuvre d’évitement. ». Le TCAS n’est pas un instrument supplémentaire.

En juillet 2006, la justice allemande détermina que l’accident était de la responsabilité de l’Allemagne du moment qu’il s’est passé dans son ciel. Le fait que le contrôle fut assuré par les Suisses, ne change pas la nationalité de l’espace aérien où s’est déroulée la collision.

KLM 4805 et Pan Am 1736 – Cauchemar à Ténériffe

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Avec 583 victimes, l’accident de Ténériffe reste le plus grave de toute l’histoire de l’aviation. Il est important à étudier parce que riche en enseignements. Il montre, tout d’abord, à quel point le langage humain est faible. On le savait depuis Platon, mais on l’a redécouvert ce jour là. Plusieurs personnes peuvent parler de la même situation tout en ayant chacune une représentation différente.

Il montre encore comment le stress engendré par les retards et les modifications de dernière minute fausse le jugement des hommes les plus expérimentés et les pousse à commettre des erreurs lourdes de conséquences.

Il pointe enfin le doigt sur le problème des incursions involontaires sur les pistes. Problème pour lequel aucune solution satisfaisante n’a encore été trouvée jusqu’à nos jours. Chaque année, de nombreux accidents se produisent parce que deux avions se retrouvent en même temps sur une piste en service.

Les Canaries sont un archipel de 7 îles volcaniques situées dans l’Atlantique à une centaine de kilomètres des côtes Africaines. Elles furent découvertes et explorées par le navigateur français Jean de Béthencourt dès l’année 1402. Ce dernier étant vassal d’Henry III de Castille – dit Henry l’Infirme – les îles se retrouvèrent tout naturellement dans l’Empire d’Espagne.

Aujourd’hui, les Canaries restent une destination touristique privilégiée qui permet chaque année à des millions d’Européens et d’Américains d’échapper à la grisaille. L’aéroport le plus important est celui de Las Palmas situé au sud l’île de Ténériffe, la plus grande de l’archipel. Le second aéroport est celui de Los Rodéos, situé au nord de la même île mais beaucoup plus modeste en dimensions. C’est ce dernier qui sera le théâtre de cet accident.

Le dimanche 27 mars 1977, à 13:15, une bombe artisanale explose dans l’aéroport de Las Palmas le plongeant dans le chaos. Huit personnes sont blessées dans un magasin de fleurs. Un mystérieux correspondant appelant d’Algérie revendique l’attentat au nom du Mouvement pour l’Indépendance des îles Canaries et annonce qu’une seconde bombe est sur le point d’exploser quelque part dans l’aéroport. La menace est prise au sérieux. Ce mouvement terroriste berbère a déjà fait sauter les locaux de la South African Airways en janvier de la même année. La police fait évacuer les lieux et l’aéroport se retrouve paralysé. Aucun avion ne peut arriver ou repartir jusqu’à ce que les opérations de fouille soient terminées.

Les contrôleurs aériens annoncent la mauvaise nouvelle à tous les appareils en arrivée. Ils doivent tous changer leur destination et atterrir à l’aéroport de Los Rodéos situé 50 kilomètres plus au nord que celui de Las Palmas.

Pour l’équipage du vol Pan Am 1736, cette diversion est une très mauvaise nouvelle. L’appareil a décollé de Los Angeles en Californie la veille. Il a à son bord 365 passagers, des retraités pour la plupart, qui sont en route depuis près de 20 heures pour certains. L’équipage a été changé à l’escale de New York et a également hâte de finir ce vol. Le commandant de bord, Victor Grubbs, essaye de négocier avec le contrôleur aérien. Comme il a assez de carburant, il souhaite faire des tours en l’air en attendant que l’aéroport de Las Palmas soit rouvert. Comme ils n’ont aucune visibilité sur la durée de l’incident, la requête est déclinée et le Pan Am doit se résoudre à aller atterrir à Los Rodéos.

Il n’est pas le seul ! Ce petit aérodrome servant habituellement aux vols intérieurs voit affluer de nombreux appareils piégés par les évènements. Le petit parking est vite saturé, on ne sait plus où stationner les nouveaux arrivants. A l’entrée de la piste 12, il y a une zone d’attente. Plusieurs avions de ligne y sont quand le Pan Am vient également s’y placer.

Sur la même zone, un autre avion est arrivé un peu plus tôt. Il s’agit du vol KLM 4805 assuré par un 747 également. Ce vol est en provenance d’Amsterdam était aussi à destination de Las Palmas mais a du être dérouté vers Los Rodéos peu avant son atterrissage. Il transporte surtout des jeunes passagers dont 48 enfants qui viennent passer quelques jours au soleil des îles. Il est commandé par Jacob Veldhuyzen van Zanten, un instructeur Boeing 747 et une personnalité importante chez KLM. D’ailleurs, sa photo s’étale en couverture du magazine de la compagnie que les passagers peuvent trouver dans la pochette de leur siège. C’est van Zanten qui fait passer les tests en simulateur aux autres pilotes de la compagnie. Les jeunes copilotes sont toujours intimidés quand ils volent avec lui. Par contre, comme il passe le plus clair de son temps en simulateur, il n’est pas très à l’aise avec les procédures en vigueur sur les aéroports même s’il reste un as en terme de pilotage pur.

Les enfants commencent à s’impatienter et faire du tapage dans l’avion. Van Zanten appelle les Opérations et des cars viennent prendre les passagers pour les emmener au Terminal. Pendant ce temps, il s’interroge sur le temps de vol restant au vu de la réglementation. En effet, même s’il n’est parti qu’à 9:31 d’Amsterdam, le commandant de bord a accumulé beaucoup d’heures de vol ces derniers jours et a pris peu de repos. S’il continue de voler, il risque de se mettre en infraction. Depuis quelques années, et suite à des abus, KLM a mis en place une politique de tolérance zéro en ce qui concerne les dépassements des heures de vols réglementaires. Un pilote qui ne prendrait pas assez de repos, pourrait être personnellement poursuivi devant la justice. Pour en avoir le cœur net, le commandant utilise la radio haute fréquence pour contacter l’Officier des Opérations KLM à Amsterdam. Ce dernier consulte les plannings et lui explique qu’il peut voler au plus tard jusqu’à 18:30 heures locales. Au-delà, il doit prendre une nuit entière de repos.

Pour l’équipage du KLM, c’est une information qui laisse entrevoir un scénario détestable. Si l’aéroport de Las Palmas reste encore fermé pour quelques heures, ils devront interrompre le vol trouver un logement pour la nuit pour leurs 234 passagers turbulents. Dire qu’ils ne sont qu’à 50 kilomètres de leur destination !

Soudain, c’est le soulagement. Le contrôleur aérien annonce que, malgré de longues recherches, aucune bombe n’a été trouvée et que l’aéroport de Las Palmas ouvre enfin au trafic aérien. Les avions bloqués à Los Rodéos seront donc bientôt autorisés à décoller pour un saut de puce vers leur destination finale. Le photomontage suivant montre à quoi ressemblait l’aire d’attente à cet instant :

 

KLM 4805 et Pan Am 1736
L’affluence record oblige les avions à stationner à l’entrée de la piste
 

 

Il y a deux Boeing 747. Celui de KLM et l’autre de Pan Am derrière lui. Un y a aussi un 737, un 727 et un 707 à l’entrée de la piste 12. Tous sont pressés de partir.

Van Zanten demande à ce que l’on amène les passagers depuis le terminal. Pendant que les navettes vont à leur recherche, il se pose des questions sur la disponibilité du carburant à Las Palmas. L’aéroport est certes entrain d’ouvrir, mais le chaos y régnera pendant plusieurs heures encore. Il sera probablement difficile d’y obtenir du carburant pour rentrer rapidement à Amsterdam. Or, d’après ses calculs, il n’a pas assez de fuel pour faire le retour. Il décide donc de prendre du carburant avant de quitter Los Rodéos.

Les autres avions commencent progressivement à quitter l’aéroport depuis la piste 30. L’un après l’autre, ils rentrent en piste 12 puis la remontent jusqu’à l’autre extrémité puis font demi-tour et décollent.

Les portes du Pan Am sont refermées les passagers applaudissent ce départ imminent. Dans dix minutes, ils seront enfin à destination. Malheureusement, quand le commandant de bord demande l’autorisation de mise en route, le contrôleur l’informe qu’il ne peut pas partir pour le moment parce que le KLM attend du carburant tout en bloquant l’entrée de la piste 12. Dépité, le commandant Victor Grubbs appelle le KLM à la radio pour lui demander combien de temps prendront les opérations de ravitaillement.
– 35 minutes, répondra van Zanten sans la moindre nuance d’excuses dans la voix.

 

Boeing 747 PH-BUF et N736PA
Photo prise le jour de l’accident : au premier plan le KLM (PH-BUF) et au loin le Pan Am (N736PA)
 

 

Le copilote et le mécanicien du Pan Am descendent sur le tarmac et font le tour des avions pour estimer la distance restante et voir s’ils peuvent passer ou pas. Les deux hommes sont d’accord : il n’y a pas moyen de bouger tant que le KLM ne sera pas parti. Il faudra encore attendre. Pendant ce temps, la météo commence à se dégrader rajoutant encore une pierre à ce drame qui est entrain de se constituer. Les nuages gris sont en de plus en bas et la visibilité baisse inexorablement. Pendant que le KLM ravitaille tranquillement, l’équipage du Pan Am contient sa rage.

Quand le KLM décide enfin de bouger, le brouillard et la pluie fine sont déjà sur l’aéroport. Par endroits, la visibilité est inférieure à 300 mètres. La tour de contrôle autorise le KLM à entrer en piste 12 puis de la remonter jusqu’à l’autre extrémité et attendre les instructions. Quelques minutes plus tard, c’est le 747 de la Pan Am qui est autorisé à remonter la piste à son tour, mais de la quitter par la troisième intersection gauche. L’avion s’ébranle mais la visibilité est si dégradée que le contrôleur ne voit plus les deux Boeing et que ceux-ci ne se voient pas non plus.
Le contrôleur aérien rappelle le KLM :
– Combien de taxiways avez-vous passé jusqu’à maintenant ?
– Je pense que nous venons de passer le 4ème à l’instant
– D’accord, une fois en bout de piste, faites demi-tour et rappelez pour l’autorisation ATC

L’autorisation ATC comporte une série d’instructions qui sont données à un pilote avant le décollage pour lui indiquer les premières étapes de son vol. Elle comporte juste les premières manœuvres que le pilote doit effectuer une fois qu’il décolle. Elle est transmise aux avions dans les minutes précédent leur départ. Ce n’est en aucun cas une autorisation de décollage qui, elle, vient à part et indique explicitement au pilote qu’il peut décoller.

Voici un schéma de principe, il n’est pas à l’échelle, mais il permet de mieux situer les appareils et les dialogues :

 

KLM 4805 et Pan Am 1736 remontent la piste
Les deux appareils circulent sur la même piste mais le brouillard fait que le Pan Am ne voit pas ce que fait que le KLM devant lui.
 

 

Le contrôleur demande au Pan Am de quitter la piste par la troisième intersection à gauche. C’est seulement à ce moment qu’il autorisera le KLM à décoller en 30.

A son tour, l’équipage du Pan Am a du mal à s’habituer à l’accent du contrôleur local. Tout en étudiant la carte de l’aéroport, Grubbs rappelle plusieurs fois pour confirmer de quelle intersection il doit quitter la piste. La 3 ne semble pas très indiquée, elle exige de faire un virage de 135 degrés. En même temps, la quatrième intersection, quelques centaines de mètres plus loin, offre une meilleure possibilité de manœuvre vu qu’elle ne présente qu’un angle de 45 degrés. Le 747-100, avec ses 70 mètres de long et ses 60 mètres d’envergure, ne se laisse pas conduire comme un autocar.

Dans le brouillard dense, les intersections passent les unes après les autres. Elles ne comportent pas de panneaux de signalisation. Même s’il a des doutes sur les instructions données, l’équipage du Pan Am est résolu à prendre la première intersection à 45 degrés qui se présente. Quand l’intersection 3 surgit du brouillard, les pilotes du Pan Am se regardent. Plus que jamais, il leur semble improbable que ce soit celle-ci que le contrôleur a désignée. Ils continuent donc leur chemin bien résolus à sortir à la quatrième intersection.

Arrivé en bout de piste, la commandant van Zanten manœuvre avec prudence pour faire un virage de 180 degrés et aligne son avion sur l’axe de piste 30. Une fois qu’il a complété le demi-tour, il prend les manettes des gaz et les pousse. Il est 17:05 aux Canaries.

 

Le KLM fait demi tour et met plein gaz
17:05 Le KLM fait demi tour et met plein gaz
 

 

Les pilotes sont à 1 Km l’un de l’autre, mais le brouillard est très dense, ils ne se voient pas. Le régime des moteurs commence à peine à monter dans que le KLM que le que copilote s’écrie :
– Mais on n’a pas encore d’autorisation ATC !

En fait, il ne s’agit pas d’autorisation ATC, mais d’autorisation de décollage qu’ils n’ont jamais formellement reçu. Malheureusement, le copilote contacte la tour de contrôle et demande à recevoir l’autorisation ATC. Ne comprenant pas que l’appareil est sur le point de décoller, le contrôleur répond :
– KLM4805 vous êtes autorisés pour la balise papa, montez et maintenez le niveau neuf zéro. Après le décollage tournez au cap zéro quatre zéro jusqu’à intercepter le radial trois deux cinq vers le VOR de Las Palmas

Le contrôleur n’a pas fini sa phrase, alors que van Zanten a déjà lâché les freins. Les réacteurs sont à plein régime, le 747 bondit en avant et commence à redescendre la piste en accélérant. Le copilote confirme les instructions reçues et rajoute :
– Nous sommes maintenant au décollage
– Ok, maintenez, je vous rappellerai ! Répond le contrôleur aérien.

Les deux hommes ne parlent pas du tout de la même chose. Copilote signifie qu’il est maintenant entrain de réaliser l’action de décoller. Le contrôleur aérien comprend qu’il est entrain de lui dire qu’il se trouve dans l’aire de décollage de la piste. C’est-à-dire qu’il est arrêté en bout de piste sur les chiffres 30. La réponse du contrôleur ne dissipe pas le doute « maintenez » ou « stand-by » restent des termes vagues. Ils peuvent supposer que la personne arrête ce qu’elle est entrain de faire, comme ils peuvent supposer qu’elle doit poursuivre son action, donc la maintenir.

En plus de cette ambiguïté sur des termes qui peuvent avoir plusieurs sens, le fait de dire à un pilote ce qu’il doit faire une fois qu’il a décollé, ne signifie pas qu’il est autorisé encore à décoller.

Pire encore, lorsqu’il entend le début de l’échange entre le KLM et la tour, le commandant de bord du Pan Am prend immédiatement la radio et il annonce qu’il est encore sur la piste. Malheureusement, son émission tombe en même temps que celle de la tour de contrôle et les messages se brouillent mutuellement. Au lieu d’entendre :
– Ok, maintenez, je vous rappellerai

Le KLM reçoit seulement le mot « OK ». Le reste est inaudible.

Cela fait 20 secondes que le KLM est entrain d’accélérer quand le mécanicien de bord est pris d’un sérieux doute :
– Vous êtes sûr qu’il a bien quitté la piste ? demande-t-il aux pilotes

– Vous dites quoi ? Répond le commandant concentré sur son décollage
– Est-ce que le Pan Am a quitté la piste ?
– Oui, bien sûr ! Répondent les deux pilotes

Les pilotes du Pan Am remontent la piste avec une visibilité quasi-nulle et ne se sentent pas rassurés. Quelque chose de louche est entrain de se tramer dans le brouillard. Les derniers échanges radio laissent planer un pénible doute sur les intentions des uns et des autres.

Soudain, les pilotes du Pan Am voient des lumières qui se matérialisent puis se rapprochent en se renforçant. Le doute n’est plus permis :
– Il arrive ! Regarde ! Il arrive ce fils de pute ! S’écrie Victor Grubbs

 

Le brouillard réduit la visibilité
Image de synthèse : Les avions sont à vue alors qu’il est trop tard pour échapper à l’impact.
 

 

En même temps, il pousse les gaz à fond et braque à gauche dans l’espoir d’envoyer son appareil dans les champs et échapper à l’accident. Mais les quatre engins sont lents à réagir, il leur faut près de 9 secondes pour atteindre leur puissance maximale depuis le ralenti sol et plusieurs secondes encore pour vaincre l’inertie de l’appareil.

Le commandant van Zanten est soulagé de pouvoir décoller et terminer sa mission. Il a même l’impression que le brouillard diminue. Tout à coup, il voit le 747 de la Pan Am en travers sur la piste. Il est trop tard pour s’arrêter, l’impact est assuré. Dans un geste désespéré, il tire le manche à lui. Le 747 se cabre, mais n’a à peine pas assez de vitesse pour s’envoler d’autant plus qu’il a les réservoirs pleins. La queue gratte sur le béton en émettant des gerbes d’étincelles. Les roues commencent à peine à quitter le sol quand les deux appareils se percutent violemment.

Les réacteurs du KLM et son train d’atterrissage traversent la cabine passagers du Pan Am en broyant tout sur leur passage. Transformé en boule de feu, le 747 de KLM vole sur près de 150 mètres en trajectoire balistique et revient s’écraser sur la piste. Les réservoirs explosent à l’impact et des torrents de flammes et d’hydrocarbures engloutissent la cabine. Aucun occupant n’y échappera.

 

Distribution des débris sur la piste
Distribution des débris le long de la piste.
 

 

Dans le 747 de Pan Am, les pilotes baissent instinctivement la tête et une violente explosion retentit. Grubbs lève les bras pour atteindre les vannes qui permettent de couper les réacteurs de toute urgence. Il n’y a plus de vannes ! Au-dessus du cockpit, c’est l’air libre. Le toit a été arraché par le réacteur numéro 4 du KLM qui a évité les pilotes de justesse. Soudain c’est tout le cockpit et le pont supérieur qui s’écroulent sur les cabines de première classe situées dessous. Les pilotes se détachent et trouvent une issue dans la carlingue déchiquetée. Ils aident quelques passagers, puis le groupe s’éloigne pour échapper aux flammes.

 

Flammes après le crash
Seuls les premiers à fuir ont eu la vie sauve.
 

 

Dans la zone médiane de la cabine, la majorité des occupants furent tués sur le coup quand le train d’atterrissage et les réacteurs 2 et 3 du KLM balayèrent tout sur leur passage. Un homme est assis sur une rangé avec sa femme et ses amis venus tous de Californie. Il se détache tout en demandant aux autres d’en faire autant. Quand il se lève, ils sont encore à leurs places, les yeux ouverts et fixes. Ils sont tétanisés par le choc. Aucun n’a été touché, mais ils sont plongés dans une léthargie qui bloque totalement leurs cerveaux et leurs sens. Même s’il est plus facile à provoquer chez certains animaux primitifs, ce réflexe existe aussi chez les humains. Les flammes arrivent, l’homme décide de prendre la fuite. En se retournant, il voit son épouse et ses amis encore en place un instant avant que les flammes ne les engloutissent. Ce sera la dernière image qu’il aura d’eux.

Il est intéressant de constater que cet homme fut le seul de son équipe à avoir lu la notice d’urgence placée dans le dossier de son siège. Une partie de son cerveau était préparée au crash. C’est cette partie qui prit le contrôle quand la situation se dégrada. Comme un automate, il trouva les bonnes issues et les bons réflexes.

A l’arrière de l’avion, des passagers sont emprisonnés mais ne peuvent aller vers l’avant. La zone est détruite et en flammes. Quelques uns réussissent à échapper en sautant dans le vide depuis des portes situées à près de 7 mètres du sol. Ils auront quelques os fracturés, mais la vie sauve en échange.

Tous les survivants du Pan Am sont ceux qui ont réussi à fuir dans les 60 secondes après l’impact. Les autres n’auront pas leur chance.

Une forte explosion est entendue à l’aéroport. Le contrôleur aérien alerte les pompiers, mais n’a rien de précis à leur dire. Lui-même, depuis la tour, est totalement entouré de brouillard et ne voit ni les pistes, ni les voies de circulation. Soudain, un ouvrier arrive à la caserne et indique qu’il a vu un avion brûler. Les camions se mettent en route sur le champ mais doivent avancer lentement à cause de la visibilité dégradée et des nombreux avions de ligne stationnés dans des endroits inhabituels. Enfin, ils trouvent une section d’avion en feu, il s’agit du KLM. Ils attaquent l’incendie dont les flammes montent très haut dans le ciel.

La chaleur dégagée réchauffe l’air et disperse progressivement les bancs de brouillard. Le second avion, celui de la Pan Am est aperçu. Les pompiers concentrent tous leurs efforts dessus. Pour le KLM, immatriculé PH-BUF, il n’y a plus aucun espoir. Ses restes brûleront jusqu’au lendemain matin.

Il y a 583 victimes. Une personne échappera à la mort dans le KLM, une guide touristique qui avait décidé de ne pas reprendre le vol pour Las Palmas. Du Pan Am, 70 personnes blessées à des degrés divers sont sauvées y inclus les pilotes.

Les enquêteurs s’efforceront à reconstituer le déroulement de cet accident dans ses moindres détails. Chaque petit évènement a pris part au résultat final. Beaucoup d’incidents, d’erreurs et d’imprudences pris isolément sont bénins et incapables de provoquer un accident. Il a fallu qu’ils se réunissent tous ce jour là pour que cette catastrophe arrive.

L’alerte à l’aéroport de Las Palmas, la météo, la décision du contrôleur aérien de mettre deux avions sur la même piste par visibilité nulle, son Anglais médiocre, la décision de Van Zanten de prendre du carburant, son rôle important chez KLM, la réticence des autres à remettre en cause ses décisions, son temps passé au simulateur, le stress du commandant du Pan Am, la durée de son vol, la nature de ses passagers, sa décision de ne pas tourner au taxiway 3, son émission simultanée sur la fréquence en même temps que le contrôleur parlait au KLM, les bretelles de taxiways sans signalisation de leur numéro… il a fallut tout ça, et peut-être plus encore, pour que se produise le pire accident d’aviation de tous les temps.

Aloha Vol 243 – Corrosion et nombre de cycles

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Le 28 avril 1988, à 13:25, alors que les problèmes du Comet sont déjà tombé dans l’oubli, un 737-200 de la compagnie Aloha Airlines s’aligne pour décoller. Le vol est prévu pour relier Hilo à Honolulu capitale de l’Etat de Hawaï. L’archipel des Hawaï, connu aussi sous le nom des « îles Sandwich », est le 50ème et dernier Etat à avoir rejoint les USA pas plus tard qu’en 1959. Constitué de 18 îles principales, il est séparé par 3700 KM d’Océan du continent américain. Les vols intérieurs constituent un moyen rapide et efficace de déplacement. Ce jour, 89 passagers avaient pris place à bord de l’appareil immatriculé N73711.

Après le décollage, le Boeing se met en montée vers son niveau de croisière. Le vol est court, une hôtesse de l’air défait sa ceinture et traverse l’allée centrale pour entamer le service en vol. Les passagers, eux, sont encore attachés. Au passage des 24’000 pieds, sans le moindre signe annonciateur, le toit est arraché sur plus de 6 mètres et l’hôtesse aspirée dans le vide. Les 5 rangées de sièges avant se retrouvent à l’air libre. Le bruit est épouvantable et le vent balaie l’avion à 500 Km/h menaçant d’arracher les passagers de leurs sièges.

Du ras du plancher gauche, jusqu’au ras du plancher droit, un énorme pan de la cabine manque. Il s’en faut de peu pour que l’avion se désintègre et soit coupé en vol. Seule la partie inférieure du fuselage tient encore ensemble l’avant et l’arrière et garde l’avion en une seule pièce.

Le commandant bord entend un bruit d’explosion et se retourne. Le spectacle est effrayant : la porte du cockpit a été arrachée et à travers ce qui avait été le toit de la première classe, il voit le ciel. Immédiatement, les pilotes mettent leurs masques à oxygène et entament une descente d’urgence à plus de 4’000 pieds par minute.

Le copilote essaye plusieurs fois d’entrer en contact radio avec la tour de contrôle mais le bruit ambiant rend impossible toute communication. Ce n’est que dix minutes après le début de la descente que les premiers échanges ont lieu et que les contrôleurs sont informés d’une situation d’urgence. L’appareil se dirige vers l’aéroport le plus proche, celui de Maui. Le contrôleur utilise sa ligne directe pour appeler les pompiers de Maui et leur demande de prendre position aux abords de la piste en prévision du pire. Dans la panique, personne ne songe à appeler les secours médicalisés.

En l’air, l’avion est à 10’000 pieds et commence à ralentir. Le commandant de bord retire son masque à oxygène et s’oriente vers la piste 02 de l’aéroport de Maui. Il baisse les volets à 1 puis à 5 degrés et continue à réduire la vitesse pour l’approche. Au moment où le pilote sélectionne 10 degrés de volets, il commence à perdre le contrôle de l’avion. Heureusement, il peut encore ramener les volets vers la position 5 avant que les choses ne dégénèrent. Il décide d’atterrir avec les volets dans cette position et se retrouve donc obligé de garder une vitesse minimale de 170 nœuds. Un atterrissage à une vitesse aussi élevée peut facilement mal tourner.

A 13:55, la piste est enfin en vue, mais rien n’est encore joué. A la demande du commandant de bord, le copilote abaisse le levier de sortie du train d’atterrissage. Quelques secondes plus tard, deux indicateurs tournent au vert, mais pas le troisième. La roulette située au niveau du nez de l’avion n’est pas sortie ou son mécanisme de signalisation est grillé. Etant donnée l’urgence de la situation, les pilotes décident d’atterrir sans s’occuper plus loin de ce problème. Le contrôleur au sol en est informé.

L’avion continue à se disloquer en vol et à perdre ses systèmes les uns après les autres. Alors que le sol est de plus en plus proche, le commandant de bord sent l’appareil partir à gauche. Il corrige avec les palonniers et regarde les instruments moteur : le réacteur numéro 1 est entrain de rendre l’âme. Le copilote essaye de le redémarrer, mais il est totalement inopérant. Il reste 6 kilomètres pour atteindre la piste en volant sur un seul réacteur avec un avion disloqué.

A 13:58, soit 23 minutes après l’explosion initiale, l’appareil atterrit normalement sur la piste 02 de l’aéroport de Maui. Bonne nouvelle : la roulette de nez est sortie et ne cède pas durant le freinage. L’inverseur de poussée du réacteur 2 est utilisé puis le moteur est coupé. Les volets sont sortis à 40 comme le veut procédure d’évacuation. Dans cette position, ils servent de toboggans aux passagers qui fuient par les portes de secours situées au-dessus de l’emplanture des ailes.

L’évacuation se fait au milieu de la piste. Plusieurs personnes sont gravement blessées après avoir été touchées par des fragments de métal lors de la décompression. Les autres, sont juste choquées. Une hôtesse de l’air est manquante à l’appel. Plusieurs personnes l’ont vue disparaître dans le vide au-dessus de la mer. Son corps ne sera jamais retrouvé.

L’enquête
Le NTSB commence l’enquête alors que les images du 737 d’Aloha font le tour du monde. Rien de tel qu’un vol cauchemardesque pour nourrir l’imagination du public.

Un passager déclare avoir vu une énorme fissure courir le long de l’avion au moment où il avait embarqué. Il ne l’avait pas signalée au personnel navigant. Par ailleurs, ni les pilotes, ni le personnel au sol n’avaient inspecté l’appareil lors de son étape à Hilo. Ils n’étaient pas tenus de le faire d’après les procédures en vigueur.

Un intérêt tout particulier est porté à la conception de la structure du 737. L’avion d’Aloha est vieux. Il vole depuis plus de 19 ans au moment de l’accident. C’est le 2ème avion au monde en terme d’importance du nombre de cycles. Il avait accumulé près de 90’000 décollages et atterrissages à force de travailler sur les courtes lignes intérieures de l’archipel de Hawaï.

Le 737 est composé de plusieurs sections semi-circulaires qui sont fixées les unes aux autres pour former la cabine de l’appareil. Chaque section chevauche la suivante sur environ 7.5 cm. A ce niveau, trois rangées de rivets viennent solidariser les pièces. En plus, dès le numéro de série 291, une ceinture en aluminium vient rajouter une épaisseur et elle est également rivetée avec le reste. Cette zone, où plusieurs métaux se rencontrent, est très sensible à la corrosion. Elle est donc protégée par une résine qui empêche l’air et l’eau d’entrer en contact avec le métal.

Le Boeing 737-200 d’Aloha portait le numéro de série 151. C’est mal. Ceci signifie que les pièces sont jointes par une méthode ancienne qui avait depuis été abandonnée sur les nouveaux appareils. Comme c’est souvent le cas, les anciennes machines n’ont pas été mises à jour pour des raisons techniques ou économiques. Sur l’appareil d’Aloha, les sections étaient rivetées, mais pas renforcées par une troisième épaisseur. Cette faiblesse avait été exaspérée par le fait que cet appareil en particulier était exploité dans une zone maritime sur des cycles courts et répétitifs. Une bombe a retardement était lancée.

En effet, sur les avions à section circulaire comme le Boeing 737, l’effort circonférentiel est deux fois supérieur à l’effort longitudinal. Lors des cycles compression – décompression de la cabine, le métal est soumis à des efforts importants qui vont provoquer des fissures perpendiculaires au sens des contraintes mécaniques. L’effort circonférentiel, produit des fissures qui vont évoluer longitudinalement. Sur l’appareil d’Aloha, les fissures courraient à droite et à gauche aux pieds des passagers de première classe là où les sections inférieures et supérieures se rencontraient.

Le sel marin avait pénétré les joints et provoqué de la corrosion. Les oxydes de métal ont un volume plus grand que le métal lui-même. Comme les feuilles d’alliage sont intimement plaquées les unes contre les autres, l’expansion des oxydes, même en petite quantité, provoque une formidable élévation de la pression et pousse sur les rivets qui peuvent finir par céder.

Le rapport du NTSB pointa du doigt la FAA pour son laxisme à faire appliquer les recommandations des constructeurs et la compagnie pour la défaillance de sa maintenance. Le comportement des pilotes fut exemplaire et ils ont sauvé l’avion d’une situation désespérée. Le copilote, Madeline Tompkins, fut promu commandant de bord devenant ainsi la première femme à occuper ce poste sur Boeing 737. Nous restons cependant loin de ce qu’on peut qualifier de happy end.

US Airways Express vol 5481 – Erreur de maintenance et poids des passagers

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Dans la matinée du 8 janvier 2003, une erreur de maintenance provoque un crash qui coute la vie à 21 personnes. L’erreur était gravissime, mais ne se manifesta que 9 vols plus tard, quand d’autres conditions techniques furent réunies.

Le Beech 1900D est un avion de ligne à hélices capable d’emporter 19 passagers. Avec un rayon d’action de l’ordre de 1’700 km, il est très apprécié par les compagnies régionales. Sur les appareils de cette taille, il y a rarement un système de commande de vol hydrauliques. Toutes les surfaces sont contrôlées par des câbles les reliant aux manches situées dans le cockpit. Le bon réglage de la tension de ces câbles assure le fonctionnement correct des surfaces de vol.

Peu avant 9 heures, l’appareil immatriculé N233YV s’aligne sur la piste 18R de l’aéroport international de Charlotte en Caroline du Nord. A son bord, en plus des deux pilotes, il y a le plein de passagers. La soute à bagages est également pleine. Sur les 32 valises autorisées, 31 sont embarquées dont deux pesant au moins 35 kilogrammes chacune d’après le personnel de piste. Avant le départ, quand le responsable du chargement en parla commandant de bord, celui-ci le rassura en disant qu’il y avait un enfant à bord et que donc le poids gagné par rapport aux forfaits permettait d’emporter plus de bagages.

 

Vor USAir 5481
Photo prise environ 6 mois avant le crash.
 

 

En plus du poids trop élevé, le chargement était mal réparti poussant le centre de gravité bien en arrière des limites certifiées pour cet appareil. En pratique, ceci donne une tendance à cabré malsaine qui peut se manifester dès la mise en puissance.

Lors de l’accélération, le commandant de bord pousse sur le manche pour maintenir l’avion au sol tant que la vitesse n’a pas atteint la valeur nécessaire à la rotation. A 102 nœuds, il lui suffit de relâcher un peu la pression pour que l’appareil se cabre et quitte le sol. A cet instant, la gouverne de profondeur est dans une position correspondant à 1 degré de piqué.

L’avion quitte le sol et entame sa montée en se cabrant de plus en plus. Rapidement, les pilotes prennent conscience de la situation et commencent à pousser de toutes leurs forces sur le manche. Le commandant fait dérouler le trim à toute vitesse mais l’avion arrive tout de même à 20 degrés de cabré et continue de plus belle.

A cause de ses moteurs au maximum de leur puissance, l’appareil ne décroche pas si facilement. Moins de 25 secondes après la rotation, l’appareil accuse un cabré de 54 degrés et se trouve à l’apogée de sa trajectoire, soit 1’150 pieds sol. La vitesse baisse jusqu’à 31 nœuds et cette fois l’appareil décroche et repart en piqué. Dans la foulée, les pilotes perdent le contrôle latéral et l’avion s’incline de 127 degrés à gauche avant d’être corrigé. Le piqué s’accentue et les pilotes voient arriver un immense hangar situé au sud de l’aéroport. Malgré une manœuvre d’évitement qui amène l’avion à près de 70 degrés d’inclinaison, la course se termine contre un des coins de l’hangar.

La violence du choc ne laisse aucune chance aux occupants qui sont tous tués sur le coup. Les enquêteurs du NTSB sont sur place alors que les restes de l’avion fument encore. Rapidement, ils s’intéressent à une série d’opérations de maintenance réalisées dans la nuit du jour précédent le drame.

L’avion avait subi une intervention planifiée classée sous le nom de Detail 6 (D6). Un des éléments clé de cette opération est la vérification de la tension des câbles allant des commandes de vol aux gouvernes. Le premier point de la fiche résumant la procédure est la mesure de la température. Cette valeur est importante parce qu’elle conditionne la valeur de la tension acceptable. Par contre, l’endroit et la méthode de mesure de la température sont laissés à la discrétion des techniciens. La fiche ne donne aucune indication.

Le mécanicien qui réalisa l’intervention nota une température de 13 degrés. Interrogé par les enquêteurs, il déclara avoir obtenu ce chiffre en regardant un thermomètre posé dehorsprès du nez de l’avion. Quand il rentre cette valeur dans son graphique, il est ressort que la tension des câbles devait être à 61 livres avec une marge de plus ou moins 8 livres pour un fonctionnement normal du système. Cependant, la tension mesurée par le tensiomètre était nettement inférieure à ces valeurs. En fait, il faisait plus chaud dans l’avion, les câbles étaient dilatés et donc moins tendus. Prenant ses outils, le technicien se mit en devoir de serrer les câbles en agissant sur des tendeurs filetés.

Le résultat de l’opération fut que le déplacement de la gouverne de profondeur fut limité de moitié dans le sens à piqué. Neuf vols furent réalisés sans que les équipages ne constatent d’anomalie. En effet, sur un avion normalement chargé et équilibré, une pression toute légère sur le manche associée à une réduction des gaz permet de réaliser une descente normale. De plus, tous les vols réalisés depuis la maintenance étaient plus légers et avaient à chaque fois un centre de gravité relativement en avant par rapport à celui du vol fatal.

Calcul de la masse des passagers
L’étude du chargement ressortit un problème qui touche tous les opérateurs d’avions régionaux. Selon les règles mises en place par la FAA, pour tous les avions de transport public de plus de 9 passagers, il est possible d’utiliser une masse moyenne forfaitaire pour les bagages et les passagers au lieu de la masse réelle. En effet, il n’est pas imaginable de peser chaque passager avant l’embarquement. Par contre, la FAA stipule que les moyennes utilisées ne doivent en aucun cas permettre un décollage avec une masse supérieure à celle certifiée pour l’appareil. En pratique, c’est un échantillon représentatif de passagers constitué à part égale d’hommes et de femmes qui a été pesé et des valeurs moyennes acceptables déterminées. La compagnie Air Midwest qui exploitait le Beech 1900D comptait 82 kilogrammes par adulte durant le printemps et l’été et 84 kilogrammes durant les saisons humides pour tenir du compte de l’habillement plus lourd. Ce poids, qui semble élevé, inclut le voyageur, mais aussi ses bagages qu’ils soient en soute ou transportés en cabine.

Pour tout groupe de passagers qui diffère de l’échantillon représentatif, c’est le poids réel qui doit être utilisé à moins qu’une moyenne ait été déjà élaborée pour ce groupe. Par exemple, si la compagnie transporte une équipe de football, elle doit peser les joueurs à moins qu’elle en connaisse le poids moyen par des études préalables.

Chaque compagnie a ses chiffres ou utilise les valeurs suggérées par son organisme de tutelle. Dans de nombreux cas, les moyennes sont utilisées depuis toujours et plus personne ne sait où et comment elles ont été calculées. Suite à l’accident du vol 5481, la FAA émet une circulaire vers toutes les compagnies aériennes leur demandant de revalider leurs moyennes pour tous les avions transportant 10 à 19 passagers. Les opérateurs concernés, au nombre de 15, mettent en place une procédure de pesée pendant 3 jours. Environ un passager sur trois passe sur une balance avant d’être autorisé à embarquer. Air Midwest, échaudée par la perte de l’un de ses avions, va jusqu’à peser la totalité de ses passagers sur les 540 vols réalisés sur les trois jours que dure l’expérience.

Les résultats sont inquiétants : 11 compagnies ont des passagers plus lourds que la moyenne FAA. De plus, Air Midwest, a les clients les plus lourds avec près de 91 kilogrammes par personne. Les valeurs recommandées furent donc changées pour toutes les compagnies et un seul poids, 200 livres, admis été comme hiver. Néanmoins, avec l’obésité galopante régulièrement dénoncée par les services sanitaires, il est très probable qu’il faille régulièrement réviser ce forfait vers le haut.

Le NTSB réalisa également une étude de performances en analysant les valeurs de vitesse et d’accélération du Beech qui s’est écrasé. Il en est ressorti que l’avion était plus lourd que le poids calculé par l’équipage avant le décollage. Les forfaits inadéquats avaient joué un mauvais tour ce jour là.

Dès le 27 janvier 2003, la FAA émet une directive de navigabilité urgente concernant les Beech 1900, 1900C et 1900D donnant aux exploitants 4 jours pour contrôler le débattement de la gouverne de profondeur et de faire un rapport détaillé à renvoyer à Washington. Le résultat de cette inspection fut que 79 avions de ce type avaient une restriction de plus de 1 degré dans la course de leur gouverne. Chargés un peu trop en avant ou en arrière, n’importe lequel de ces appareils pouvait devenir incontrôlable dès le décollage.

Les Dash 8 Q400 de SAS immobilisés avec effet immédiat

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COPENHAGUE – Tous les appareils de type Dash 8 (Q400) de la compagnie aérienne Scandinavian Airlines System (SAS) ont été frappés d’une interdiction de vol suite à un incident à Copenhague samedi, a annoncé un responsable de l’aviation civile danoise cité par l’agence de presse Ritzau.

“Certains des appareils effectuent actuellement des vols en Europe, mais dès leur atterrissage, ils ne seront plus autorisés à redécoller jusqu’à nouvel ordre”, a déclaré Thorbjoern Anker, porte-parole de l’aviation civile danoise.

Il n’était pas joignable dans l’immédiat.

Un porte-parole de SAS cité par l’agence de presse suédoise TT a également indiqué que la flotte de Q400 était immobilisée.

Samedi, l’un des 27 Q400 de SAS a procédé à un atterrissage d’urgence à l’aéroport de Copenhague avec 44 personnes à son bord. L’avion était en provenance de Bergen, en Norvège, et l’incident a contraint l’aéroport à fermer une piste, a rapporté Ritzau.

Personne n’aurait été sérieusement blessé parmi les 40 passagers et les 4 membres d’équipage qui étaient à bord.

Le train d’atterrissage droit de l’appareil se serait effondré alors que l’avion se posait, et l’appareil se serait couché sur son flanc droit, a indiqué Ritzau citant la police danoise.

Ni l’aéroport de Copenhague ni SAS n’étaient joignables dans l’immédiat.

Depuis septembre, SAS a eu plusieurs fois des problèmes avec ses Q400, produits par le constructeur canadien Bombardier.

Le 9 septembre, un Q400 de SAS avec 73 personnes à bord avait atterri en catastrophe à l’aéroport d’Aalborg (nord du Danemark), avec un train d’atterrissage détruit et une aile qui avait pris feu au contact du sol. Cinq passagers avaient été légèrement blessés lors de l’évacuation.

Trois jours plus tard, le 12 septembre, SAS connaissait un incident similaire à Vilnius (Lituanie) avec le même type d’appareil, qui n’a pas fait de victime.

La compagnie avait alors décidé de clouer au sol ses 27 Q400, afin de les contrôler.

La flotte avait progressivement repris ses vols début octobre.

Le 10 octobre, un Q400 de SAS, en route vers Gdansk, en Pologne, depuis Copenhague, avait dû faire demi-tour et se poser à son point de départ avec 47 passagers à son bord. Le pilote avait détecté un problème au niveau de la porte du train d’atterrissage.

(©AFP / 27 octobre 2007 18h54)

Pannes moteur non contenues – Partie 1

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Ce sont des pannes où des pièces sont éjectées du réacteur. Elles peuvent causer des dégâts importants à l’avion en endommageant les réservoirs, les ailes, les arrivées de carburant, les surfaces de vol, la cabine de passagers et aussi les autres réacteurs. Quand elles arrivent dans un aéroport, ces pannes peuvent aussi menacer la sécurité d’autres avions ou de personnes sol. Un avion peut survivre à une panne normale, mais difficile à une panne non contenue.

Quand on se retourne sur l’histoire du DC-10, on voit que celle-ci a été émaillée de nombreux incidents graves avec les réacteurs. De depuis le vol AA 191 où c’est tout le réacteur qui s’arrache (271 morts) jusqu’au crash de Sioux City (112 morts), la liste est trop longue. Cet article propose un retour sur quelques incidents récents qui montrent que la question des pannes non contenues est encore un sujet d’actualité.

American Airlines N330AA
Alors qu’ils sont en vol vers Los Angeles, les pilotes remarquent un comportement étrange du réacteur gauche. A la puissance de montée, les tours de l’attelage haute pression (N1) de ce réacteur présentent une valeur 2% inférieure à celle du moteur droit. Dès l’atterrissage, l’anomalie est signalée aux services de maintenance qui la prenne au sérieux et décident d’investiguer plus loin. Le Boeing 767 est poussé vers un taxiway de l’aéroport de LAX puis des tests moteurs on lieu. L’un d’eux préconise de faire voyager rapidement les manettes de gaz entre la position minimale et maximale pour vérifier le bon comportement des systèmes de régulation.

Assis sur le siège du pilote, le technicien pousse la manette du réacteur 1 en avant, attend que la puissance se stabilise puis la ramène vers le ralenti vol. Au moment où il commence ce geste, il entend une formidable explosion. Au dehors, une énorme boulle de feu monte du coté gauche de l’appareil. Des pièces en métal son projetées contre la carlingue. L’une d’elle passe tout près d’un 747-400 d’Air New Zealand. Une autre traverse la tuyère du réacteur droit ! Une pièce est même retrouvée à près de 800 mètres du lieu de l’explosion. Elle avait traversé 2 pistes actives et un taxiway avant d’arriver sur la bordure de l’aéroport.

 

Panne réacteur et feu au sol
Panne du 2 juin 2006, dégâts très étendus.
 

 

Le NTSB est très claire : si cette panne était arrivée en vol, il n’est pas sûr que l’avion aurait pu continuer à voler. On n’a aucun mal à les croire en constatant l’intensité de l’incendie du au percement des réservoirs ainsi que les dégâts retrouvés même sur le second réacteur, le droit.

 

Panne réacteur et feu au sol
Une partie du 1er étage de turbines du moteur 1 a traversé la tuyère du moteur 2.
 

 

Les personnes au sol n’ont pas été blessées mais des morceaux sont passés tout près. Tous furent récupérés par le NTSB dans le cadre de son enquête pour incident. En effet, malgré la gravité des dégâts l’évènement est catégorisé comme incident parce qu’il est survenu alors qu’il n’y avait aucune intention de vol.

Etage 1 de turbine
Ce shéma montre une coupe des deux premiers étages de turbines juste après la chambre de combustion. Les flèches en gris montrent la circulation d’air sur un espace divergeant. La barrière thermique en jaune empêche l’air chaud de descendre vers les disques portant les aubes. En rouge, on voit les disques tournants qui portent les haubes des turbines. En bleu, on voit ces mêmes aubes exposées à l’air chaud. En vert, on a une aube du stator. Elle est fixe et ne tourne pas. Les aubes du stator se rejoingnent vers l’intérieur pour porter la barrière thermique en jaune. C’est le premier disque en rouge qui a cédé.

 

Ce qui choque les enquêteurs, c’est que le disque HPT étage 1 explose à 9186 cycles alors que sa durée de vie garantie et certifiée par le FAA est de 15000 cycles. Nous sommes donc dans un cas de fatigue très prématurée. Les deux suspects usuels dans ce genre de cas, ce sont les défauts de conception ou bien les erreurs de maintenance sur les réacteurs General Electric CF6-80C2.

 

GE CF6-80C2
Le réacteur s’est ouvert en 2 morceaux au niveau du disque HPT étage 1
 

 

L’étude microscopique du disque montre que la cassure a commencé dans la périphérie et s’est étendue vers l’intérieur. En périphérie, le disque comporte des slots qui porteront les aubes des turbines comme le montre cette image :

 

GE CF6-80C2
Le disque HPT étage 1, porte sur sa périphérie des slots en sapin entre lesquels viennent s’accrocher les pieds des aubes. A cet étage, les aubes sont minuscules et bien plus petites que le rayon du disque lui-même.
 

 

A l’intérieur de l’un de ces slots, dans un coin à l’arrière, les enquêteurs trouvent un tout petit impact duquel la fêlure a pris son origine. Cette ligne de fragilité a avancé environ 2 cm vers l’avant et 2 cm vers l’intérieur avant que le disque n’explose. D’autres slots ont également montré des petits impacts à partir desquels partaient également des lignes de fissure intragranulaire. Comme il n’a pas été possible de déterminer l’âge de ces fissures, les enquêteurs ont émis des réserves sur la sécurité du dispositif en l’état actuel. Il est inacceptable de voir une pièce importante d’un avion casser plusieurs milliers d’heures avant la limite certifiée de ses cycles.

A suivre…

DC-10 : de la pluie de métal à l’United vol 232 / Partie 2

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Le 19 juillet 1989, tous ces problèmes non traités, viennent se rappeler douloureusement. Le vol United Airlines 232 décolle depuis Denver dans le Colorado à destination de Chicago dans l’Illinois. A bord, il y a 285 passagers et 11 membres d’équipage. Alors qu’il vole à son altitude de croisière qui est de 37’000 pieds ce jour là, une formidable explosion est entendue à l’arrière de l’avion. Le compresseur du moteur numéro deux, celui monté sur l’empennage, explose et les pièces qui s’en détachent à haute vitesse sèment le désastre. Le fuselage et les gouvernes du DC-10 reçoivent plus de 70 éclats. Une fraction de seconde, l’avion est secoué et percé comme s’il se trouvait sous un feu de DCA. Ce feu nourri perce la cabine et détruit les tubes des trois circuits hydrauliques avec des conséquences catastrophiques.

En effet, le DC-10 est un des premiers avions à ne plus avoir de câbles pour manipuler les gouvernes. Ce choix est aujourd’hui la règle, mais à l’époque, c’était une grande nouveauté. Depuis les commandes situées dans le cockpit, partent des câbles en acier mais ceux-ci ne vont jamais arriver sur les gouvernes ni directement intervenir dessus. Ces câbles vont actionner des valves qui laissent passer de l’huile sous pression dans un sens ou dans l’autre. Ceci fait bouger des vérins qui déplacent à leur tour les surfaces permettant de contrôler l’avion sur tous ses axes. Le corolaire est que si la pression d’huile venait à disparaître, l’avion ne serait plus contrôlable. Pour rendre un tel incident quasiment impossible, trois circuits indépendants sont installés. Chaque surface est déplacée par plusieurs vérins alimentés par des circuits différents. Chaque circuit a ses propres pompes, ses propres tubes de pression, ses propres tubes de retour, ses filtres, ses réservoirs… etc. Si un circuit venait à perdre son fluide, il se viderait mais ceci n’aurait aucune incidence sur les autres.

Chaque circuit est alimenté par deux pompes sur situés sur les réacteurs, soit six en tout. Si un réacteur s’arrête, le circuit qu’il alimente n’est pas perdu parce que les circuits restants lui communiquent de l’énergie à travers des moteurs hydrauliques. Ceci se fait automatiquement et sans que l’équipage n’ait à intervenir dessus.

Par ailleurs, dans le cas plus qu’improbable où les trois réacteurs seraient en panne, une hélice peut être déployée d’un logement sous la carlingue. Elle tourne dans le vent relatif et entraine une pompe hydraulique qui maintient la pression dans un des circuits ; assez pour contrôler l’avion encore .

Panne réacteur non contenue
Exemple de panne non contenue du réacteur 2 d’un DC-10. Remarquez comme la nacelle est déchirée.

Des éléments ont été projetés contre la gouverne de profondeur et la gouverne de direction (Ce n’est pas une photo de l’United 232)

Panne de 3 circuits en même temps !
Quand le réacteur explose, les pilotes et le mécanicien du vol 232 voient avec effarement les aiguilles de pression des trois circuits revenir vers zéro. Les tubes sont coupés et l’huile se déverse dans le vide, il n’y a plus moyen de mettre un circuit sous pression même si deux réacteurs sont en encore en marche. Le copilote tourne le manche, mais l’avion ne répond pas. Une première évaluation montre que la gouverne de profondeur, les aillerons, la gouverne de direction, les spoilers, les volets de bord de fuite, les slats, les freins, la direction de la roue avant… sont tous hors fonction. La totalité des systèmes qui permettent de diriger l’avion sont hors service. Les chances d’une fin heureuse sont nulles.

Un premier élément d’espoir dans cette scène : l’appareil survole l’Iowa dans le Middle West. C’est un Etat agricole, très peu peuplé et plat. Le point le plus élevé culmine à 509 mètres et il est derrière déjà. Jusqu’à l’horizon s’étalent des terres labourées ou des plaines semées de conifères.

Normalement, pendant la saison estivale des lignes de front descendent du Canada jusqu’au Golf du Mexique. Toute la région est régulièrement le siège d’orages et de turbulences. S’il y a la moindre secousse, l’avion est perdu. Exceptionnellement, ce jour là, il n’y en a pas.

Il fait jour aussi. C’est important parce que les pistes de la majorité des aéroports de la région ne sont pas équipées de feux d’approche et seraient donc impossibles à trouver à et utiliser de nuit.

Le commandant de bord se souvient d’un exercice qu’il avait réalisé en simulateur. Il ne s’agissait pas d’un entrainement compagnie, mais d’une expérience personnelle qu’il avait réalisée. En poussant la manette du réacteur droit, la puissance de celui-ci augmentait et l’avion commençait à tourner à gauche. En poussant celle du gauche, l’avion virait à droite. La manœuvre n’est pas parfaite et comporte des risques, mais sur le moment, il n’y a rien d’autre à tenter.

Le réflexe qui sauve
Il y a également une incroyable présence d’esprit du commandant de bord. Au moment où le réacteur explose, l’avion bascule à droite de manière prononcée. Le temps que le commandant de bord Alfred Haynes lève les yeux sur les instruments, l’inclinaison est de 38 degrés à gauche alors que le copilote braque le manche complètement dans le sens opposé. En une fraction de seconde, le commandant réalise que l’avion n’est pas contrôlable au manche et il prend la manette du réacteur 1 et la ramène vers la position de ralenti vol. Le mouvement d’inclinaison s’arrête et progressivement, sous l’effet de la poussée asymétrique, l’appareil commence à revenir vers l’horizontale.

Réactions au sol
A la tour de contrôle, au service radar, il y a un jeune homme calme et posé : Kevin Bockman. Il a tout fait pour être muté à Sioux City pour échapper aux stress de son affectation précédente. Il ne s’attendait pas à vivre une journée comme celle-ci dans son havre de paix. En revanche, sa communication avec l’équipage est remarquable. Il organise les secours et guide l’appareil du mieux qu’il peut.

La police bloque une autoroute se trouvant sur le trajet du DC-10. Le contrôleur la propose aux pilotes pour un atterrissage d’urgence. A San Francisco, les mécaniciens d’United Airlines travaillent dans une centrale accessible jour et nuit par radio ou téléphone. Ils disposent de tous les manuels et des journaux d’entretien spécifiques à chaque avion exploité par la compagnie. Les pilotes les contactent des quatre coins du monde au sujet de petits ou de gros problèmes sur les appareils. L’équipage du vol 232 a surtout du mal à les convaincre que tous les circuits hydrauliques sont perdus. Pour eux, comme pour les concepteurs du DC-10, c’est une impossibilité physique. Pourtant, ils doivent bien se rendre à l’évidence. Les tubes des trois circuits indépendants finissent tous au même endroit et vers la fin de leur course, ils sont de plus en plus proches. Les pièces lancées par le réacteur avaient coupé tous les tubes. Le ton monte dans le cockpit et le commandant de bord demande au copilote de fermer la fréquence du service technique et de ne plus les contacter.

A l’hôpital de Sioux City, l’alerte tombe au moment du changement des équipes. Le personnel est double et maintenu en l’état. De nombreux camions de pompiers foncent vers l’aéroport. A Chicago, un Boeing 727 de la compagnie est bourré de matériel et de secouristes et décolle pour Sioux City. L’alerte est de niveau 2, elle signifie qu’un avion arrive et qu’il a des problèmes. Sans le dire à l’équipage, le contrôleur passe l’alerte au niveau 3. Ce niveau signifie qu’un avion s’est écrasé.

Mouvement phugoide
En l’air, l’appareil commence à faire de grands cercles alors que l’altitude joue aux montagnes russes. Un mode d’instabilité assez peu connu des pilotes s’engage : c’est le mouvement phugoide. Une fois le moteur 2 perdu, l’avion commence à ralentir. A un certain moment, le nez plonge et l’appareil entame une descente qui lui fait regagner de la vitesse. Quand la vitesse augmente assez, le nez commence à se cabrer et l’avion reprend de l’altitude tout en ralentissant. Arrivé à l’apex et à vitesse très basse, il replonge encore.

L’appareil entame donc ce mouvement alors que les pilotes et le mécanicien de bord cherchent le meilleur moyen de le contrer pour éviter qu’il ne s’amplifie. A eux trois, ils totalisent 103 ans d’expérience de vol et n’en faut pas moins pour trouver la solution. Aucune formation ou entrainement n’expliquent comment sortir d’une telle situation.

Les pilotes pensent à une option, mais savent qu’ils n’ont pas le droit à l’erreur. Ils ne pourront pas essayer autre chose si ça se passe mal. L’idée qu’ils ont est de faire l’inverse de ce qu’aurait fait le mouvement phugoide. C’est souvent la chose à faire pour arrêter n’importe quelle oscillation.

Quand il arrive au plus bas de sa course, alors qu’il est à vitesse maximale, les pilotes poussent à fond les manettes des gaz. L’appareil se cabre et reprend de l’altitude alors que l’aiguille du badin revient progressivement en arrière. Alors qu’il est à son apogée et tout proche du décrochage, le commandant de bord prend les manettes des réacteurs 1 et 2 et les ramène vers le ralenti vol. Il faut beaucoup de caractère pour réduire la puissance alors que l’avion est cabré et à vitesse minimale. La moindre erreur de timing provoque le décrochage développé et la chute dans le vide.

Progressivement, la technique apporte ses fruits. Les oscillations deviennent de plus en plus faibles et l’appareil se stabilise.

Le copilote sort la check-list de panne moteur et le commandant de bord cherche à l’appliquer. La première ligne demande de ramener la manette du moteur en panne vers zéro. Le pilote n’a jamais arrêté de moteur sur un avion en vol. Quand il tire la manette, elle ne vient pas. Sur simulateur, ça se passait toujours bien. La check-list ne dit pas ce qu’il faut faire dans un tel cas. Le prochain item demande la fermeture de la valve de carburant. Celle-ci est également bloquée et il n’y a pas moyen de la manœuvrer. Finalement, ils réussissent à couper ce moteur en utilisant le système de pare-feu. En effet, même pour un moteur arrêté, il est important de couper les arrivées de carburant pour éviter les incendies.

Dans la cabine des passagers, il y a un instructeur DC-10 en voyage privé. Il est demandé au cockpit et s’installe sur un siège observateur. Il regarde les instruments, pose de nombreuses questions puis déclare aux pilotes : « nous avons des problèmes ». Cette remarque frappée au coin du bon sens déclenche des plaisanteries dans le cockpit et finit par détendre l’atmosphère.

L’instructeur se penche sur la console centrale et tient la manette du réacteur numéro 1 dans la main gauche et la manette du réacteur 3 dans la main droite. Au début, les pilotes doivent lui dire de faire un virage dans telle ou telle direction ou augmenter la vitesse, mais au bout de quelques minutes, une remarquable synchronisation s’établit. Les pilotes conduisent l’avion au manche comme si tout était normal et l’instructeur fait en sorte que l’avion se comporte en fonction de cela.

 


Trajectoire du DC-10 du vol United 232
Le triangle montre le point où la panne est survenue. De nombreux virages (surtout à droite) et fléchissements de la tajectoire sont involontaires.
 

L’appareil est piloté avec prudence mais plusieurs fois il s’incline dangereusement et il est sur le point de partir sur le dos. Sur la trace radar, des changements de cap brutaux marquent ces points où la catastrophe était si proche.

L’avion a une forte tendance à aller à droite. Les virages qui s’affichent sur le radar sont, pour la plupart, involontaires. Les pilotes essayent de jouer sur la tendance naturelle de l’avion pour l’orienter sur la piste 22 de l’aéroport de Sioux City à plus de 100 km de distance. Cette piste est la plus courte, mais elle est prolongée par un terrain vague. L’autre piste accessible est la 31, elle fait 2’700 mètres, mais dans le prolongement il y a le fleuve Missouri qui forme la frontière naturelle entre l’Iowa et le Nebraska. En cas de sortie, c’est la noyade assurée.

Dans la cabine, le personnel navigant commercial prépare les passagers à un atterrissage d’urgence. Les bébés sont posés sur le plancher comme le veut la réglementation.

L’appareil s’approche du sol plus ou moins sous contrôle. Deux minutes avant son atterrissage, les pompiers se rendent compte qu’ils se sont mal positionnés. En effet, ils pensaient naturellement qu’il allait arriver sur la piste 31 puisque c’est la plus longue. Ils ont donc garé leurs véhicules sur la piste 22. Or, quand il ont vu les phares du DC-10 se matérialiser, ils ont tout de suite compris que c’est droit sur eux qu’il arrivait. C’est le branle-bas de combat et en quelques secondes le matériel est évacué sur les champs de mais.

Les caméras de télévisions prennent de mauvaises images parce qu’elles étaient également positionnées pour filmer une arrivée sur la piste 31.

L’atterrissage
Le train d’atterrissage sort normalement mais trahit le dernier espoir des pilotes. En effet, ces derniers avaient l’espoir secret que les atterrisseurs en descendant sous leur propre poids allaient pousser dans les circuits l’huile contenue dans leurs vérins. Cet effet existe effectivement, mais comme les tubes sont tous rompus et ouverts à l’air libre, ils ne peuvent être mis sous pression.

L’appareil s’approche du sol et tout semble se dérouler comme dans un cauchemar qui finit bien. Soudain, alors qu’il est à 300 pieds de hauteur, 100 mètres, le mouvement phugoide recommence. Cette fois, le sol est trop proche pour tenter les manœuvres qui avaient été effectuées à 35’000 pieds.

Sentant arriver le point le plus bas du phugoide, l’instructeur pousse les manettes des gaz. Malheureusement, pour la première fois depuis le début de cette catastrophe au ralentit, les deux moteurs ne se comportent pas de la même façon. Le gauche monte en puissance plus rapidement que le droit et ce malgré que les manettes aient été poussées de la même manière. L’avion s’incline vers la droite et le taux de descente augmente dangereusement. L’alarme de proximité du sol, le GPWS, retentit et le sol arrive à toute vitesse.

L’appareil s’écrase sur la piste plus qu’il ne s’y pose. Le taux de chute est de 1’850 pieds par minute et la vitesse de 215 nœuds. Les valeurs normales sont voisines de 300 pieds par minute et 140 nœuds. C’est l’aile droite et le réacteur droits qui touchent en premier. L’aile se casse sous le choc et le carburant restant forme immédiatement une boule de feu. L’appareil continue à glisser sur le béton alors que la queue se détache suivie de près par l’avant et le cockpit qui se sépara du reste. Ceci sauva la vie aux pilotes parce que les passagers de première classe dans la section juste derrière furent tués pour la majorité.

Les nourrissons tenus par leurs parents ou posés au sol sont projetés et un sur quatre trouvent la mort. Jusqu’à aujourd’hui, la FAA cherche une solution pour les enfants en bas âge qui voyagent sur les genoux de leurs parents mais qui sont des victimes de choix en cas d’accidents, d’atterrissage raté ou de turbulences. Lors d’une décélération rapide, l’adulte le plus fort et le plus motivé n’a pas assez de force pour tenir contre lui un bébé de quelques kilogrammes à peine.

Dans la zone de première classe, là où il eut le moins de survivants, un pilote de la compagnie voyage en tant que passager. Il en réchappe miraculeusement. Plus tard, le commandant de bord lui demandera comment il a pu quitter cette section. Il répondit :
– Par un hublot cassé
– Mais on ne peut pas passer par un hublot ! répondit le commandant de bord abasourdi
– Quand on est à l’envers et que les choses sont en feu, on peut passer par un hublot répondit ce dernier

 


Commandant Al Haynes
Commandant de Bord Al Haynes
 

 

Malgré l’intervention immédiate des secours, 111 personnes sont tuées lors du crash suite à des traumatismes ou des inhalations de fumées toxiques. Les images du drame font le tour du monde et des chaines de télévision comme CNN réservent des hôtels entiers pour leurs équipes. Quand les premiers rescapés sortent des hôpitaux, ils n’ont pas où aller et doivent être accueillis dans le dortoir d’un collège. Il y a 185 survivants en tout.

Les pilotes sont blessés et récupèrent progressivement à l’hôpital. Le commandant de bord est mis sur une chaise roulante en emmené vers une chambre où reposait l’instructeur qui avait manipulé les manettes des gaz tout le long du vol. Quand il arrive au pas de la porte, le commandant de bord se rend compte qu’il ne s’est jamais retourné durant toutes les phases critiques et qu’il ne connaît pas le visage de la personne dont il ne voyait que les mains crispées sur la console centrale. Heureusement, aucun impair n’est commis parce qu’il n’y a qu’un seul malade dans la chambre.

L’impact du crash est tel en cet été 1989, que les agences de voyage enregistrent des baisses importantes dans les réservations sur les vols réalisés en DC-10. Plus du tiers des passagers sont prêts à changer de compagnie ou d’horaire pour ne pas se retrouver dans cet avion. Certains voyagistes baissent les prix sur les vols réalisés par DC-10 offrant, sous forme de réduction, une prime de risque à ceux qui ont encore le courage de prendre cet appareil.

 


United 232 Memorial
Memorial à Sioux City
 

 

Fin de la production du DC-10 et sortie du MD-11
McDonnell Douglas, qui était en déficit depuis le crash de Chicago en 1979, voit les commandes pour son triréacteur aller vers zéro. Il n’y a plus rien à faire. En décembre 1989, le dernier DC-10 sort des chaines de montage. Il est destiné à Nigeria Airways.

Les appareils exploités alors sont modifiés selon les leçons acquises lors du crash de Sioux City. Des valves sont ajoutées à divers endroits des circuits hydrauliques. En cas de baisse de pression ou de quantité d’huile, ces valves se ferment en isolant la partie du circuit qui a des pertes. Il n’était plus possible de vider tout un circuit à cause d’une fuite. Par ailleurs, les tubes furent séparés et suivent des chemins différents. Sur le stabilisateur de profondeur, le moteur hydraulique du trim est remplacé par un moteur électrique qui sert à contrôler l’avion en dernier ressort. Aujourd’hui, tous les avions de ligne utilisent l’énergie électrique pour le trim et la pression hydraulique pour la gouverne de profondeur proprement dite.

Dans les années quatre-vingt dix, la NASA réalisa avec succès des expériences consistant à relier l’ordinateur qui gère les commandes au système de gestion des réacteurs. En cas de perte totale et catastrophique des surfaces de vol, les déplacements du manche seraient automatiquement transmis en ordres aux réacteurs qui varieraient leur poussée pour permettre un ultime contrôle de l’appareil. Les résultats sont époustouflants : les avions ainsi dotés peuvent atterrir même par vent de travers et même en cas de turbulence. Les données ont été mises à disposition de tous les constructeurs mais aucun ne les exploita.

Les enseignements acquis drame après drame rendaient le DC-10 et les autres appareils plus sûrs. Malheureusement pour le DC-10, ces bonnes dispositions arrivaient trop tard.

McDonnell Douglas ne jette pas l’éponge pour autant. Depuis quelques années, il travaille sur une ancienne idée : le MD-100. Une sorte de DC-10 revu et amélioré. En décembre 1990, le premier appareil de cette série est livré sous le nom de MD-11 et vole sous les couleurs de Finnair. L’avion est magnifique et profite de nombreuses avancées techniques. Des réservoirs sont placés dans le stabilisateur horizontal et permettent de déplacer le centre de gravité de l’appareil pour faire des économies de carburant. Des ordinateurs sont installés en série sur les chaines de commandes et toutes les entrées des pilotes y sont traitées et adaptées en temps réel. En vérité, le design futuriste est orienté vers l’économie de carburant. Le résultat est que le MD-11 est un avion naturellement instable et non pilotable par l’humain directement. Pour la première fois, l’informatique remplira un rôle vital dans un avion de ligne civil. C’est la règle de nos jours. Enfin, le nouvel appareil se pilote à deux. Le mécanicien de bord disparaît comme sur tous les avions de nouvelle génération.

Le MD-11 se vend correctement mais sans plus. Malgré tous les efforts de communication, planait encore sur lui le spectre de son ancêtre meurtrier. En 1997, Boeing rachète McDonnell Douglas dont le nom ne sera plus utilisé. Le plus ancien composant de la compagnie, Douglas, opérait depuis 1921 et avait mis au monde le fameux DC-3 avant même sa fusion avec McDonnell en 1963.